Au gymnase Aubanel, le collectif franco- autrichien Superamas propose dans une indifférence polie “Big 3rd episode”. Cela aurait pu faire l’événement tant le style de cette proposition est étonnant, mais je cherche encore sa finalité. Je n’oublie pas que nous sommes au Festival d’Avignon.
Tout commence par une jolie chanson et les frontières se brouillent déjà. Certains spectateurs tapent dans les mains, d’autres ne bougent pas dans l’attente qu’il se passe quelque chose. Entre fond et forme, je choisis de rester à ma place: j’observe et je n’ai nullement envie de me laisser manipuler par des effets de style plutôt vains alors que je suis matraqué en longueur de journée par la publicité et autres pressions médiatiques bien pensantes. Superamas, collectif composé de quatre jeunes hommes et quatre (très) belles filles entreprennent donc de nous aider à réfléchir sur les vanités de notre époque. Pour cela, ils jouent en play-back les dialogues débiles de séries américaines qu’ils répètent, entrecoupées d’un film où le psychiatre Boris Cyrulnik évoque le lien amoureux dans le couple, d’un feuilleton sur la tournée américaine du collectif pris dans les filets d’une secte, d’un texte de Jacques Derrida. Ce zapping vise à brouiller les pistes (où sont le réel, la fiction, le médiatique, le théâtre?), à mettre en réseau des champs artistiques habituellement cloisonnés.
Mais Superamas se piège lui-même: pour dénoncer la perte du sens de nos sociétés marketing, il utilise les mêmes ficelles qui justement nous le font perdre! Big 3rd episode propose une belle scénographie qui fait écran (c’est le moins que l’on puisse dire) à une réflexion globale sur la place de l’art dans un monde globalisé, en perte de repères idéologiques, où la philosophie ne sert même plus à élever les consciences. En ouvrant pour multiplier les angles de vue, Superamas pense que le spectateur peut tisser lui même les liens porteurs de sens. Outre le fait qu’il surestime nos capacités de reliance dès que nous sommes happés par des jolies formes (sic), il suggère peu pour dépasser le paraître et la vacuité de l’esthétique. À eux seuls, Cyrulnik et Derrida n’ont jamais fait une oeuvre d’art, même reliés dans un réseau créatif!
Il ne suffit donc pas de dénoncer joliment, encore faut-il créer ces sublimes transpositions qui font parler d’elles, au-delà du Festival d’Avignon.
Pascal Bély
www.festivalier.netBig 3rd episode de Superamas a été joué le 20 juillet 2007 dans le cadre du Festival d’Avignon.
Crédit photo: © Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon