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Festival d’Avignon – “Je suis prêt à me battre pour défendre ce spectacle”

Pendant le Festival d’Avignon, j’aime nos échanges de spectateurs sur notre groupe Facebook. Ils sont sans concession. À propos de «Par les villages», mise en scène de Stanislas Nordey, Francis Braun écrit: «Je suis prêt à me battre pour défendre ce spectacle». Pascale s’impatiente: elle attend des propos plus étayés ! Nicolas, fidèle lecteur, lui répond:  «Ça va venir. Les Tadornes s’invectivent et se défient avant la bataille d’arguments».

Je n’ai pas vu la pièce, mais le texte de Francis Braun est un sacré coup d’épée. En plein cœur.

Pascal Bély.

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Les cloches n’appellent pas le temps, elles appellent l’Éternité”.

Ah bas les sculptures de racines…”

Force de constater qu’il ne reste que ce ruisseau qui ne coule plus. Force de constater que le béton bloque tout.

Comme beaucoup, ils crient. Très fort, ils pensent que “personne ne peut tout”.

La pièce de Peter Handke, «Par les villages», mise en scène de Stanislas Nordey, n’est pas silencieuse. Elle est dénuée de bruit artificiel et les comédiens, tous en ligne, respectent son écriture… Disparu, le lien tutélaire. Il y a encore moins de protection, tout est remplacé, l’eau, la terre, le feu, les écoulements, les brûlures. C’était différent avant et ce n’est pas, là, une banalité. Et ils le racontent, tous, ce changement, cette société, ce bouleversement. C’est ainsi que quatre heures durant, ils font cet effrayant constat qui nous enfouit dans un amalgame bétonné.

Stanislas Nordey, Jeanne Balibar, Emmanuelle Béart, et des superbes seconds rôles (magnifiques comédiens) sont là. Des ouvriers, maîtres d’œuvre ou artistes géniaux nous racontent sans emphase. Une mise en scène sévère, rectiligne sans artifice. On oublie l’année dernière Simon Mac Burney: il n’y a pas de vidéo, il n’y a pas de gadget.

Retour à l’admiration du verbe, du texte, des dires devant 2000 personnes, juge et partie assis tous de face, admirateurs ou obstacles, pour ou contre, public sévère d’Avignon. Stanislas Nordey veut, dit-il,  parler à l’intime de chaque regard. Metteur en scène et comédien, il est là, fougueux, volontaire, puissant convaincant, incisant poignard, truelle maçonne, outil de la persuasion.

Ils re-disent parfois….”Ah bas les sculptures de racines”….

Stanislas Nordey mène sa troupe serrée, sans gesticulation. Ancrés, ils sont debout sur ce sol quelconque et devant des baraques de chantier traditionnelles (la Carrière Boulbon aurait-elle été préférable que la Cour….je pense). Le décor insignifiant, n’ajoute rien, n’enlève rien. Dans la seconde partie, les arbres blancs que compose cette façade plaquée et végétale d’un cimetière livide ne dérangent pas plus que leurs ombres esquissées…finalement  on s’en moque un peu. C’est un lieu de fin de vie, c’est un lieu de retrouvailles, c’est le lieu extrême de la fin. Aucune intégration avec les pierres séculaires, juste une cohabitation. Catherine Ribeiro aurait aimé ce “Carrefour de la solitude”, ce lieu indéfinissable et vivant du passé et de la mort (je pense à Catherine Ribeiro grande amie de Colette Magny à qui l’intendante du chantier Annie Mercier me fait penser par la force de sa violence).

Ce décor pour moi n’existe même pas. J’arrive à l’ignorer tant les voix me harcèlent.

Les voix des hommes, les voix des femmes.

Emmanuelle Béart, plus habituée au Cinéma qu’au Théâtre est une voix rauque, coléreuse, voire parfois hargneuse. Le poing souvent serré de sa main nous dit la violence de son propos, mais  il sonne comme un écho fabriqué, comme une volonté forcée plutôt que venant d’une injonction naturelle. Sa petite taille devant le mur l’ancre sur la Terre Bétonnée. Elle aurait pu disparaître dans la terre meuble. Je doute de ce choix de comédienne.

Emmanuelle Béart est seule, Jeanne Balibar est  seule, Annie Mercier est seule, les ouvriers sont seuls  et cette aventure par les villages est un peu un chemin  de solitude, un chemin où se cognent non seulement le désarroi et les déceptions, mais aussi  les regrets et les amertumes.  La civilisation nous convie à la solitude.

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Jeanne Balibar est seule. Seule à talons, yeux dans le vague, bouche haletante. Nova de sa hauteur parle. Elle monologue. Linéaire ses paroles, comme sur un fil, droite, parallèle à ce qu’elle doit dire, toujours rectiligne. Des hauts dans sa voix, des bas trémolos inquiétants. Pas de morale dans les syllabes, des conseils plutôt, des dires sur l’Art salvateur. Elle est implacable. Elle me fascine par sa ténacité verbale et la persuasion de son rictus. Elle se parle à elle-même comme si elle parlait aux Dieux  d’une Tragédie. J’aurais pu l’écouter longtemps, plus longtemps parler de la création, de la source bienfaisante de l’Art,  des démarches créatrices.
L’Art intemporel, l’Art solution extrême, seule échappatoire, l’’Art au dessus de toutes les contingences mercantiles ( ??? !!!). L’Art pour les humbles, l’Art pour les oppresseurs, l’Art pour les opprimés. L’Art, l’issue évidente.

Quatre heures bien sûr, c’est long, c’est envoutant, mais l’esprit parfois s’en va, nous laisse à la dérive. Seule, la puissance de la mise en scène, seul le talent de ces hommes et de ses femmes nous emporte, nous tient éveillés…Je suis resté accroché à Balibar.

Il est maintenant presque 1.30. On ne plaisante plus. La gardienne du cimetière se lève, les autres aussi, l’enfant fil conducteur a les yeux qui clignotent. Bas les masques, ou plutôt, mettez vos masques, continuez ainsi, les masques vous protègent, ils sont l’image de votre cachotterie, de la notre, de la leur….

Rien ne sert à rien, les masques ne tombent pas…on n’y peut  rien…

Toute la troupe, à la fin se lève, ils nous regardent, se regardent, portent à la main des masques de bois, dont il recouvre leurs visages…j’allais dire leurs VILLAGES !

Debout. Applaudissements.
Jeanne Balibar est grande et émue, il semble qu’Emmanuelle Béart pleure….

Francis Braun – Tadorne

“Par les villages” – Peter Handke, mise en scène de Stanislas Nordey à la Cour d’Honneur  - Festival d'Avignon – 6.7.2013
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Stanislas Nordey plaqué.

Clôture de l’amour” de Pascal Rambert part en tournée. Le rôle principal sera occupé par Stanislas Nordey,”acteur institutionnalisé” qui sera l’artiste associé du prochain Festival d’Avignon .
Indication pour la lecture de cet article : prière d’adopter un débit ferme et sans appel comme lors d’une rupture où il n’y aucune place à la négociation. Les mots en MAJUSCULE signent un haussement de ton. Cette critique est définitive.

De nouveau, un grand décor blanc.
Comme dans « Mademoiselle Julie» par Fréderic Fisbach avec Juliette Binoche.
Le blanc est tendance.
Chez l’un, c’est un loft. Ici, dans «Clôture de l’amour» de Pascal Rambert, c’est une salle des fêtes.
Les similitudes ne s’arrêtent pas là. MAIS JE N’AI PAS LE TEMPS D’Y REVENIR.
Audrey Bonnet et Stanislas Nordey forment un couple. Ils ont trois enfants. Ils travaillent ensemble («notre travail repose sur l’écoute, le regard actif». Probablement des pros de la communication culturelle…).
Ils sont en pleine crise.
Ils vont rompre.


Chacun se tient aux deux extrémités de la salle.
Nous sommes donc invités à la scène, pour deux heures.
C’est LONG.
INTERMINABLE.
Lui-même l’admet à plusieurs reprises. Car «Stan», le sait. Il nous SAOULE. Il devance la critique. Parfait. Car son monologue de quarante minutes est insupportable. Du Stanislas Nordey PUR JUS: avec des «che» dans la bouche, des bras tendus, un corps raide et des génuflexions, chacun reconnaît sa pâte. DU DÉJÀ VU. Mais qu’importe.
Je fais avec.
Au bout de vingt minutes, il joue même avec MES NERFS («je commence à peine»; rires dans le public. Si ce n’est pas DEMAGOGIQUE, cela y ressemble).
Le texte de Pascal Rambert est truffé de métaphores malines sur l’amour. Bien joué. Ça marche, car cela parle à tous.
Elle l’écoute.
Son corps bouge.
Texte et corps. On connaît LA CHANSON. Elle revient à chaque édition du festival d’Avignon par des critiques en mal d’inspiration pour se faire remarquer.
Notre regard va de gauche à droite. C’est nous qui faisons le mouvement. Bien vu. Cela va calmer Armelle Heliot du Figaro.
Pause.
Arrive un imprévu. Je ne raconte pas. Je FULMINE que l’on puisse DETOURNER de son sens un si beau texte.
On change maintenant de côté.

Audrey attaque.
Elle est MAGNIFIQUE.
Elle dit à Stanislas Nordey tout ce que JE PENSE DE LUI depuis des années.
Elle adopte ses postures, à croire que c’est LUI qui a fait la mise en scène.
«Une séparation, c’est un théâtre» lui balance-t-elle. Elle ne croit pas si bien dire.
Je l’encourage de toutes mes forces.
Elle poursuit jusqu’à lui jeter : «MAIS C’EST QUOI CE NOUVEAU LANGAGE?» faisant référence aux métaphores de la première partie.
Elle continue : «C’EST L’INTERIEUR QUE L’ON VOIT BOUGER SUR LA PEAU ».
Bien vu.
Elle attaque encore.
Il se décompose.
BIEN FAIT.
«Tu n’aimes que toi, Stan».
EXACT. Je l’ai toujours pensé notamment dans «Ciels» de Wajdi Mouawad où, en 2009 au Festival d’Avignon, il avait SACAGE cette pièce pourtant joliment écrite.
«BON COURAGE POUR TE RETROUVER», «L’IMAGINATION EST BORNEE A CE QUE L’ON VEUT CROIRE», poursuit-elle. Une vraie leçon d’acteur et d’humilité.

Et puis, l’estocade finale : «DANS UNE RUPTURE, ON NE S’ALIGNE PLUS SUR LA PAROLE DE L’AUTRE». Les différents partenaires au théâtre de Stanislas Nordey ont dû apprécier. Merci pour eux.
Arrivent les gosses. L’aîné leur demande : «mais de quoi avez-vous parlé?». La VERITE vient décidément toujours de la bouche des enfants.
Ouf, pour le final, on nous épargne les oreilles de lapin, mais pas le truc en plumes.
Je clos ici ma relation avec Stanislas Nordey. C’est TERMINÉ. Avec Pascal Rambert, probablement aussi tant qu’il sera AVEC LUI. Je suis assez exclusif dans mes relations.
Maintenant, il y a Audrey Bonnet. Mon héroïne.
Pascal Bély – Le Tadorne.
“Clôture de l’amour” de Pascal Rambert au Fesitval d’Avignon du 17 au 24 juillet 2011.

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Au Festival d’Avignon, le « Ciels » terrorisé de Wajdi Mouawad.

Wajdi Mouawad, l’artiste associé du 63ème festival d’Avignon, a laissé durablement son emprunte dans l’imaginaire des spectateurs lors d’une nuit à la Cour d’Honneur, où il nous proposa sa trilogie « Littoral », « Incendies », « Forêts ». Il nous manquait la quatrième partie du quatuor qui forme « Le sang des promesses » : « Ciels ». Nous aurions préféré ne jamais l’avoir vue et n’attendre qu’une promesse.

À l’intérieur du bâtiment de Châteaublanc, nous entrons dans un espace d’expérimentation où les spectateurs, au centre, s’assoient sur des tabourets. Ils finissent par former « le jardin des statues ». Nous n’avons plus qu’à pivoter pour suivre la déambulation des acteurs sur sept scènes, telles des bulles d’une bande dessinée sans profondeur. Vidéo et art dramatique se relient dans une forme artistique hybride menacée de réductionnisme aiguë.

Ce dispositif scénique inexploité donne l’étrange impression que les acteurs  sont incrustés dans le décor d’un parc d’attractions, à défaut de s’incarner dans un imaginaire théâtral. Nous naviguons entre « Da Vinci Code » (les musées sont décidément des cibles bien utiles), « 24 heures chrono » (des terroristes manipulant la poésie et l’art menacent), et « Plus belle la vie » (quand l’intrigue se relâche). Ainsi, la forme ne soutient plus le fond, mais l’absorbe.

Pour faciliter cette hiérarchisation, Stanislas Nordey occupe le rôle de l’agent Clement Szymanowski et l’espace plus qu’il n’en faudrait. Son corps épouse le décor : lourd, droit, avec appui sur les articulations (genoux, bras). Il déclame le texte comme un mauvais Shakespeare et écrase de son regard mortifère les autres acteurs, réduits au silence à moins qu’ils ne rivalisent maladroitement avec lui. Le jeu de Stanislas Nordey abime la poésie de Wajdi Mouawad. Il incarne ce terrorisme du texte sur le corps dont souffre tant le théâtre français. Ainsi, comme dans les meilleurs moments de « 24 heures chrono », la troupe de comédiens est infiltrée par l’ennemi. L’intensité dramaturgique en pâtit et certains spectateurs sont gagnés d’un rire nerveux, signe d’un malaise qui ne fait que croître. Seule la vidéo (quel paradoxe !) permet à deux acteurs de s’échapper d’une telle main mise (impressionnant Gabriel Arcand et touchant Victor Desjardins dans le rôle du jeune Victor).

Alors que « Ciels » devait clôturer  le quatuor commencé avec « Littoral » par « un vagissement inarticulé », nous n’entendons qu’un vacarme, une bombe, posée par ceux qui n’ont pas fini de nous imposer leur jeu terre-à-terre.

Sauf que nous avons tant besoin de relever la tête pour voir d’autres archipels.

Pascal Bély Le Tadorne

“Ciels” de Wajdi Mouawad au Festival d’Avignon du 18 au 29 juillet 2009.

Crédits photo : AFP

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Au Festival d’Avignon, Stanislas Nordey, dépassé par le système.

Cinq heures, trois actes et une évidence : je n’aime pas être caressé dans le sens du poil. Cela me donne des démangeaisons.
« Das System », de l’auteur allemand Falk Richter, mise en scène par le Français Stanislas Nordey, est une immersion dans « un théâtre politique de notre époque », celle des images en boucle de l’effondrement des tours du World Trade Center, celle où les Allemands ont envoyé leurs militaires en Afghanistan. Alors que nous vivons une dépression économique, sociale et écologique, Stanislas Nordey nous balance un texte sur la guerre en Irak, contre Bush, à partir d’un triptyque qui voit se succéder un pamphlet anti-américain, une fable et une fiction percutante sur le consulting moderne.
Face à l’agression des Américains, Nordey répond sur le même registre (quelle paresse…): pas d’image (adieu le théâtre post-moderne), corps quasi statique (à l’exception d’une danse ridicule et sans objet sur un air de Françoise Hardy; les américains, eux, cachent le corps des morts) mais surtout un texte d’une violence inouïe (les faucons de Bush ont la même rhétorique).
Les comédiens (tous exceptionnels) semblent jouer sous la contrainte d’un metteur en scène tout puissant qui leur fait débiter des mots ciselés, sans autre échappatoire que de nous regarder longuement dans les yeux, de faire un petit tour par l’arrière-scène ou de se coucher pour en finir. La durée assomme car, sous couvert de changer la forme du propos, il nous répète à trois reprises la même chose: putain d’américains, salope de Merkel, connards de consultants d’entreprise. En prime, une petite fable sur l’homme dépendant de sa voiture qui fait les courses à sa place! Et comme si cela ne suffisait pas, on fait dire des paroles d’adultes à un enfant. Éthiquement contestable.
Le plus inquiétant dans cette proposition, c’est qu’elle utilise les mêmes armes du système dénoncé: mise en scène verticale, approche manichéenne du monde (la complexité n’effleure même pas Nordey qui se contente de coller au texte de Richter. J’ai rarement vu un metteur en scène aussi dépendant d’un auteur!), approche culpabilisante (« nous savons ce que vous ne pouvez pas savoir»). Cette approche géopolitique bipolaire (les gentils et les méchants… Sur ce registre, « Les guignols de l’Info » sont plus drôles) confortent les spectateurs de gauche dans leur vision bloquée d’un monde bien plus lisible quand il n’y avait que l’Est et l’Ouest. Nordey pense que le théâtre politique est l’espace pour exprimer la colère. Cela le conduit à répéter inlassablement la même mise en scène quelque soit le contexte (à lire ma critique sur « Gênes 01 » sur l’assassinat d’un manifestant lors du sommet du G8 en 2001). Soit. À ce rythme, il nous proposera demain, avec son décor dépouillé, ses rampes de lumières, ses acteurs mortifères, la dénonciation de la gauche socialiste française de 2007!Sauf que le monde va bouger bien plus vite que la pensée linéaire de Falk Richter.  À peine dénonce-t-il Bush que les Américains s’apprêtent peut-être à voter pour un candidat noir. À peine décrit-il la toute puissance de la voiture dans une de ses fables, que le pétrole cher va obliger toutes les sociétés à revoir leur dépendance aux énergies ; à peine évoque-il le modèle dictatorial de l’entreprise, qu’émerge ici et là des assemblées d’actionnaires avides de démocratie et où la crise des subprimes fait vaciller le système. À coller à l’actualité, Richter et Nordey font comme les chaînes d’information continue: des images en boucle, une incapacité à prendre de la hauteur pour nous offrir un nouveau paradigme.
« Das System » est un théâtre de texte inscrit dans un modèle sociétal archaïque. Il empêche le spectateur de penser par lui même, de créer son propre système de représentation. La fonction du théâtre politique consiste à dépasser les clivages tout en dénonçant les barbaries ; à ouvrir l’espace de l’imaginaire dans lequel chacun va pouvoir se projeter dans une utopie.
Oublions donc ce théâtre de sensations et souvenons-nous. C’était à Avignon, l’été dernier. « Le silence des communistes » mis en scène par Jean-Pierre Vincent à partir d’un dialogue entre Vittorio Foa, Miriam Mafai et Alfredo Reichlin. Trois comédiens exceptionnels ont incarné un syndicaliste et deux anciens responsables communistes s’interrogeant sur l’avenir de la gauche italienne en période Berlusconienne. Ce fut un triomphe, un moment inoubliable de théâtre qui a redonné aux citoyens de gauche un espoir dans la refondation (cette pièce sera en tournée à partir de l’automne 2008) :

« Notre avenir est incertain, mais peut-être que l’incertitude, personnelle et collective, est la condition dans laquelle nous devons nous habituer à vivre » Myriam Mafai.

« Je suis toujours plus convaincu qu’il y a quelque chose de plus important que la redéfinition de la gauche à travers son identité présumée : il faut chercher une identité nouvelle, ouverte sur des thèmes qui vont au-delà de notre monde politicien. Pour réformer la res publica, nous devons avant tout nous réformer nous-mêmes. Commençons par le langage . » Vittorio Foa

Pascal Bély – Le Tadorne

 «Das System» par Stanislas Nordey a été joué le 18 juillet 2008 au Festival d’Avignon.

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« Gênes 01 » par Stanislas Nordey : la double peine.

C’est le dernier spectacle de l’année. Cela ne vous aura pas échappé : après le 22 décembre, tous les théâtres mettent la clef sous la porte, comme si l’art s’éclipsait pour laisser sa place aux fêtes du marché. Incompréhensible. C’est donc en Arles où je termine mes migrations avec «Gênes 01» de Fausto Paravidino, mise en scène par Stanislas Nordey. Au cours de la représentation, je fais quelques liens avec l’année écoulée. Fatal.
En 2007, j’ai rencontré avec bonheur le chorégraphe japonais Toshiki Okada au KunstenFestivaldesArts de Bruxelles avec « Five days in march ». En mai dernier, j’écrivais :
« 
Ils sont sept jeunes Japonais à nous raconter leur manifestation contre la guerre en Irak en mars 2003, prétexte pour nous immerger dans leur vie sexuelle et affective. À chaque mot, à chaque phrase correspondent un signe, une posture, un mouvement du bras, un sautillement du pied. Avec Toshiki Okada, le corps parle et c’est loin d’être un jeu de mots ».
Dernièrement, au Théâtre d’Arles, un groupe de jeunes Flamands de la Compagnie C de la B  avec « Import / Export » chorégraphiait le cauchemar de la mondialisation avec justesse, énergie et beauté.
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Ce soir, comment ne pas penser à ces deux spectacles tant ce qui m’est proposé est si contrasté? Six jeunes comédiens issus de la cinquième promotion de l’école du Théâtre National de Bretagne interprètent le texte de Fausto Paravidino écrit à la suite de la mort d’un jeune manifestant, lors du G8 à Gênes en 2001. C’est un « récit témoignage », une enquête à charge contre le pouvoir italien. À chaque phrase, les acteurs bougent leur corps comme des marionnettes tandis qu’un d’entre eux fait toujours les mêmes grimaces avec les mots. Le texte mitraille sans aucune respiration. Le décor est dépouillé, seule une rampe  éclaire les comédiens de chaque côté. Les corps ne transpirent pas, ne se touchent pas. Ils ne communiquent jamais entre eux. Sommes-nous au théâtre ou dans un cours d’art dramatique dont nous serions les juges ? Où veut en venir Stanislas Nordey avec cette gestuelle ? Mes affects ne répondent pas. Totalement en dehors. La jeunesse, sur scène, est donc sous contrôle : gestes millimétrés, mouvements en diagonale comme dans un jeu d’échecs, parole verticale. La mise en scène de Nordey est une mécanique répressive contre la vie, la créativité, l’avenir.
Le public d’Arles applaudit : il a ce qu’il est venu chercher. D’autres, interloqués, se demandent en descendant l’escalier, si le théâtre français peut encore inventer.
Question classique, mais inopportune.
Nous n’en avons pas d’autres.
Rideau.


Pascal Bély
www.festivalier.net

« Gênes 01 » par Stanislas Nordey a été joué au Théâtre d’Arles le 14 décembre 2007.