Il a un visage d’ange, à moins que ce ne soit celui d’un démon. Lui, c’est Geronimo Pascagna (Guillaume Cantillon), voleur, assassin, doux dingue emprisonné. Dies Irae est son chant, celui de la liberté, de l’errance, de la reconstruction des vies après un cataclysme. Il me le déclame tel un prédicateur, me le récite tel un prophète et me le glisse à l’oreille tel un humain. La scénographie temporalise les tableaux et les différents chants de cette ode.
Guillaume Cantillon frappe notre conscience avec les mots de Leonid Andreïev. Il porte son chant tel un gourou. Il est lien qui nous unit à lui, au plateau, à la pensée. Il est le texte, le texte est lui, ils ne font qu’un. Je bois ses paroles. Je me sens comme ce paysage chaotique qu’il décrit, je deviens ruines et fumée. La reconstruction est-elle possible après un tel effondrement ? Si oui, la rédemption fait-elle partie de ce Nouveau Monde ?
Dans cette nouvelle vie désirée par Geronimo Pascagna, la question cristallise tous les espoirs . Il a tué, oui; il a volé, aussi, mais il est libre après que la porte de sa prison se soit ouverte. Mais la société sera-t-elle prête à «pardonner» les erreurs afin de reconstruire un monde nouveau? Avec ses amis de fortune, ils vont tenter de trouver une nouvelle voie, de saisir cette «seconde chance» pour rattraper les erreurs de jeunesse. Rattrapés, ils le sont par les gardes nationaux. Fusillés, aussi. Lui seul, Geronimo Pascagna, en échappera et terminera sa quête de liberté là où elle a commencé, derrière les murs de sa prison, reconstruite avant même que les traces du chaos ne se soient résorbées.
Dies Irae a le souffle de “Surveiller et punir” de Michel Foucault. Derrière ses murs, Geronimo Pascagna revit en pensée l’odeur, la route, les couleurs de l’extérieur et tente de trouver la réponse à son questionnement: l’humain a-t-il la capacité de construire une société nouvelle après que celle-ci ait subi les pires assauts ?
Je pense alors à l’embrasement des pays qui ont vécu les printemps arabes, à la Syrie, à ceux sous le joug de dictateurs. Qu’advient-il lorsque l’être humain est face à la reconstruction? Quelle voie choisit-il ?
Je deviens Geronimo Pascagna, à la seule différence d’être libre dans un monde où le chaos règne.
La porte s’ouvre.
Mon errance ne fait que commencer.
Laurent Bourbousson, Le Tadorne.
«Dies Irae», au Théâtre des halles, par la compagnie Le Cabinet des curiosités. Jusqu’au 28 juillet à 14h00.