Cela fait deux ans qu’ils y travaillent. Quinze adolescents issus de différents quartiers de Marseille ont créés leur collectif, «le(s) pas comme un(s) » pour une pièce de théâtre mise en scène par Karine Fourcy. A quinze, ils inversent les prémices : ce sont eux qui nous regardent à partir de leur vision du monde et de leurs rêves.
Dès le début, je savoure leurs réparties millimétrées qui font mouche. Un vrai régal, digne des meilleurs dialogues d’Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri. Je me reconnais au même âge dans leurs ressentis d’adolescent, à une différence près : leurs parents portent une (trop) lourde responsabilité face à un avenir dont l’horizon se rétrécit comme un écran de téléphone portable. À les entendre, l’ordre, la norme les obsèdent, comme s’ils rejouaient la relation infantilisante imposée par le pouvoir politique actuel ou celle qui génère la souffrance au travail dans les organisations pyramidales.
Mais à côté des parents, il y a le théâtre, espace d’écoute et de projection, à l’image d’un blog grandeur nature ! Nous sommes ce soir des spectateurs-confidents, responsables de la jeunesse d’un pays déboussolé. Sur scène, les portraits individuels se glissent parmi des photos de groupe (magnifiques instants où les corps de ces quinze ados côte à côte dégagent une force créative impressionnante) et des moments gracieux de rêverie accompagnés par une bande-son où Clarika côtoie Gil Scott-Heron. Ces adolescents semblent avoir grandi avec cette pièce comme en témoigne leur rapport au corps qui évolue jusqu’à esquisser vers la fin une danse libératoire.
Pascal Bély – www.festivalier.net
«le(s) pas comme un(s) » , dans une mise en scène de Karine Fourcy, joué du 21 au 24 avril 2010 à la Maison de Théâtre à Marseille.