19h. L’horaire est fatal. À Marseille, c’est l’heure de la congestion, des rues bloquées par des embouteillages monstrueux, faute d’un réseau vertueux de transports en commun.
19h, c’est l’heure où l’on arrive à peine chez soi.
19h, c’est l’heure choisie par certains théâtres et festivals pour programmer leurs spectacles. La Criée, le Festival Dansem, le Festival Actoral, la Minoterie y sont largement abonnés. Tout au plus, concèdent-ils parfois 20h. À plusieurs reprises, épuisé, j’ai du renoncer, prisonnier dans ma voiture. Un trajet Aix en Provence – Marseille dure en temps normal (c’est-à-dire un dimanche matin à l’aube?) trente minutes pour trente deux kilomètres. En semaine, pour être à 19h au théâtre, il faut quitter Aix en Provence à 17h45. Pour ceux qui habitent Marseille, à moins d’être à proximité d’une station de métro, le calvaire est identique.
Mais que cache cet horaire ? Une volonté des artistes ? Une revendication des professionnels ? Une convention collective ? Je n’obtiens jamais de réponse si ce n’est : «à cet horaire, nous touchons un public qui ne vient pas d’habitude». Il permet d’accueillir travailleurs à la retraite, enseignants et professionnels de la culture. Soit. Lorsque je l’ai expérimenté, le résultat n’était pas très probant : des salles à moitié vides…
19h. C’est l’horaire pour rendre service. À quelqu’un. C’est poser une continuité dans une journée de travail. Le spectateur irait donc au théâtre en sortant de l’usine et du bureau, pour se divertir. 19h, c’est prolonger la philosophie du service là où le théâtre requiert probablement un horaire décalé pour laisser du temps au temps. Dit autrement, programmer une oeuvre peut-elle s’inscrire exclusivement dans un acte de service au risque de faire entrer peu à peu la relation à l’art dans la sphère marchande ? Une diffusion à 19h est un acte de communiquant pour nous laisser croire que théâtres et festivals répondent aux besoins imposés par la société consumériste.
19h, ce pourrait être l’heure d’une performance. Mais celle du spectateur découragé.
Pascal Bély, Le Tadorne.