En cette fin de semaine, je sors hors des murs de la ville. Je roule, tambour battant, vers un de mes lieux préférés, Sortie Ouest à Béziers. La fraicheur de la nuit nous accueille, et dès le premier chapiteau, l’équipe est là, attentionnée pour chaque spectateur. Un sourire, un mot, un geste. Quel plaisir de retrouver Isabelle, Laurent, Jean et les autres !
Le deuxième, légèrement plus grand, nous invite dans le plaisir de la bonne bouche, autour de cuvées et de produits de la région. On y croise des visages connus, perdus de vue, on se raconte nos parcours divers, on rit et on est bien. L’atmosphère est chaleureuse et suscite les échanges.
Ce vendredi, je viens retrouver David Ayala, comédien que j’avais remarqué à Avignon cet été, dans ” La carte du temps” au théâtre des Halles. Dans ce circuit de chapiteaux gigognes, nous prenons place dans le dernier. La salle reste éclairée. Les premières minutes me surprennent, car le public se met très vite à rire, aux moindres mimiques du comédien. Ce n’est pas un on man show pourtant? Je reste à l’écoute, silencieuse, j’attends.
Le metteur en scène a choisi de jouer sur sa posture. Celui qui dirige les comédiens, qui note ses idées de création…. David se campe, avec son grand corps, comme un monument du théâtre. Il étale sa puissance de savoir, connait toutes les ficelles du métier, les références littéraires ou cinématographiques. Il est en action vivante de recherche. On le sent boulimique de travail comme tout artiste passionné. Son visage prend la dimension de son imaginaire et se transforme à chaque instant. Il cherche à partager sa vision. Son regard s’appuie sur celui des spectateurs qu’il interpelle. Ils sont ses comédiens d’un soir. Dans ces allers et retours, nous rentrons dans l’envers du décor.
Régulièrement, comme dans une scène rêvée, le noir s’abat sur le plateau, et la clarté d’un projecteur révèle la qualité scénique du comédien, qui retrouve le texte de Shakespeare. Grâce à ces flashs, nous suivons le fil de l’histoire terrible de Macbeth. Je sens des larmes pointer, et quand la lumière revient, la construction créative poursuit son processus. Les doutes, les questionnements, valsent entre les impulsions du metteur en scène. Il bouillonne à travers ses guerres intérieures et historiques, pour passer vers l’au-delà.
On ne sait plus s’il vit la réalité ou un cauchemar quand il se plonge dans la baignoire. Il prend un bain de souffrance, il se lave de ses échecs et se tourne vers nous, nu, dégoulinant; il se donne à nous public. L’éclat du rouge sang sera le dernier costume qui inondera sa peau. Il est de chair.Nous sommes ses voyeurs censeurs, qui feront vivre ses créations.
Je pense à ceux qui ne sont plus là et qui nous ont tout donné sur scène…Je pense à ces guerriers prêts à sacrifier leur vie, pour la liberté de leur pays et de leurs concitoyens.
Au théâtre, je deviens, à mon tour, un être de chair et de pensée.
Sylvie Lefrere – Tadorne
“Macbeth”( The notes) de Shakespeare mis en scène de Jan Jemmett, à Sortie Ouest du 15 au 17 janvier 2014. Photo-David-Ayala-(CPH)-LIGHT