Le nom du père, avec une rare constance depuis des lustres, se transmet de père en fils. Le fils lui-même, dans une égale logique de tragédie, devenant père.
Le tout s’orchestrant en fautes majeures et chacun fera, c’est dit, mieux que le précédent lorsqu’il endossera le costume. Que les fratries s’en mêlent et le drame prend de l’ampleur. La mère, de sa noble et malheureuse double place, regardant la scène en attendant la fin…inéluctablement…
Tout ça vous dit quelque chose?
Deux pièces du off vous proposent d’aller vous délecter du goût d’hier, ou d’aujourd’hui, à voir avec nos histoires de famille.
« Les langues paternelles » par le collectif De Facto vous démarre la visite au moment de la mort du père. Le registre, même s’il est là de famille juive, explore toute la gamme des émotions traversantes où chacun aura une occasion de se retrouver, voire de se rencontrer. Une très belle scénographie inscrivant le déroulement de la pièce et le poids des mots portés avec intelligence et justesse par les acteurs. Le jeu, bien habité prend parfois un rythme qui s’emballe…un peu trop? Quoique… si je me souviens de mes histoires familiales, ça devait s’emballer tout autant pour bien peser sa livre? Le texte est beau, bien vu et on est touchés de se rencontrer souvent au coin des mots.
« Récits de table » de Marielle Rémy et Guillaume Servelly vous invite à la version repas. Celui du dimanche ou des grands jours avec entrée, deuxième entrée, plat et dessert. Celui du quotidien avec le plat mitonné, la conserve ou la soupe? Bref, tous ces repas en famille où la table est le lieu de tous les découpages de chairs. Là encore, la scénographie est belle, les scénaristes comédiens sont très bons comme dans les deux premières pièces de la trilogie. Leur inventivité à dessiner les espaces avec trois fois rien est ici encore parfaite. Le fait de donner vie aux hommes et femmes de trois générations marque joliment l’idée que tout un chacun, dans le jeu des transmissions, navigue et se débrouille avec avoir été, être et devenir. La question de qui ouvre ou coupe le chemin, restant le n?ud de vipère.
On croise dans ces deux créations bien des moments connus ou reconnus, ceux là amenés avec subtilité et espace pour le sourire, le rire, la tendresse ou l’émotion. Le plaisir de réentendre que nous ne sommes pas uniques dans nos histoires de familles dédramatisant les flashs, parfois amers, de nos mémoires.
Bernard Gaurier – www.festivalier.net
« Les langues paternelles » par le collectif De Facto au Théâtre des Doms à Avignon du 7 au 27 juillet.
« Récits de table » de Marielle Rémy et Guillaume Servelly au Théâtre Girasole jusqu’au 31 juillet.