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Je me suis fait tout petit…

Il est dans une case. On continue de le cataloguer «théâtre jeune public». Lors du colloque «et puis après, on sera grand» organisé par la Scène Nationale de Cavaillon, le pédopsychiatre Patrick Ben Soussan proposait une tout autre nomination : le théâtre pour les familles. En m’immergeant deux jours dans la première édition du Festival «Petits et grands» à Nantes, j’ai ressenti la puissance de l’enjeu : ce théâtre-là est au-delà des classifications. Il ne peut-être catalogué. Comme l’écrivait en 1907 le metteur en scène Russe Constantin Stanislavski, “le théâtre pour enfants, c’est le théâtre pour adultes, mais en mieux“.
À Nantes, j’ai vu neuf propositions. Quatre ont retenu mon attention parce qu’elles s’engageaient dans un propos artistique incluant petits et grands. Pour les cinq autres, le tout-petit ne s’intéresserait qu’à la femme enceinte, aux bons et aux méchants, au doudou, à la peur de se faire manger par le loup. À ce propos réducteur s’est rajoutée une mise en scène peu dynamique où le jeu d’ombre et de lumière suffirait à créer l’émerveillement. Mais cela n’a pas calmé le besoin d’imaginaire réclamé par ces tout-petits devenus bruyants parce qu’on leur parle neuneu?

Uccellini” de la Compagnie Skappa ! est l’Oeuvre. Au sens propre comme au figuré. La comédienne Isabelle Hervouët a les honneurs du Musée des Beaux-Arts de Nantes qui l’accueille puis prolonge le spectacle par une visite guidée pour les tout-petits et leurs parents autour de deux tableaux : «Tilleul»  de Joan Mitchell et «1974» de Robert Soulage. Mérité. Car ces quarante minutes sont uniques et provoquent dans l’assistance bien des remous : le spectacle dit vivant prend ici toute sa mesure.

Isabelle Hervouët chante : elle est oiseau qui se pose sur notre banc de sable, où la toile est la paroi de la caverne.

À l’origine

D’où nous vient-elle ? Il me plaît de l’imaginer surgir des tableaux accrochés…Face à sa toile de plastique, elle se jette corps et âme dans l’autoportrait. De la terre qui macule ses mains et ses doigts, elle se fait pinceau et sa chair se fait rouleau. Elle chante et parle un drôle de langage : celui de la créativité, celui qui autorise tout. Celui de l’insoumission la plus totale. L’oiseau est libre. D’un univers utérin se dessine peu à peu la vie explosive, où la transformation laisse place à la métamorphose. Ce n’est pas de tout repos, car le geste ne cherche pas le vrai, mais puise sa matière au-delà du réel.
Au commencement était le théâtre.
Elle se projette sur la toile, prolonge son autoportrait par un jeu d’ombres où tout peut s’imaginer.

Cadeau.

Et puis arrive ce moment unique, prodigieux : face à nous, contre la toile, ses mains-pinceaux deviennent des ailes et la voilà qui s’envole tandis que le bleu macule. L’envol de l’imaginaire, là, sous nos yeux. Dans ma chair. Cet envol, au-delà.

Naissance du spectateur.

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Il nous faut bien atterrir. Quelques heures seront nécessaires avant d’entrer dans la caverne où la Compagnie Ramodal nous accueille pour «Au bord de l’autre». Ici, se joue la terre patrie du bien-être où le sable, l’eau, la pierre, le verre, le bois sont les éléments vitaux pour que l’acteur soit un alchimiste. Je n’ai probablement jamais ressenti une telle intensité sur scène : le jeu musical et théâtral rend la matière vivante, presque chair. C’est une chorégraphie qui voit le sable se mettre en mouvement tandis que deux baguettes dessinent des corps dansants et marchant sur l’eau. Le peintre n’est jamais loin pour plonger ses mains dans « le » liquide qui métamorphose la scène en espace de la création. La force de cette proposition est dans le lien qu’elle tisse entre nous et l’art : ce qui fait oeuvre est bien ce que nous en faisons. Le tableau final qui voit deux enfants s’approcher de la scène pour souffler avec l’artiste vers l’oeuvre est un moment poétique exceptionnel : autour du feu créateur, l’art crée l’image où la naissance du spectateur est naissance du sujet. Prodigieux !

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Plus tard, c’est le collectif belge De Spiegel qui nous accueille sous les toits du Château des Ducs de Bretagne. Avec leurs habits blancs et leurs chaussures de couleurs, ils sont toiles et pinceaux pour inventer des volumes sous l’effet de la musique, des cartons et du jeu. «Bramborry» est un jeu savant où deux hommes et une femme jouent à cache-cache avec leurs trompettes de la vie et leurs saxes oh faunes ! Ces félins s’amusent avec les notes tandis que leur décor de carton dessine une partition dont nous serions le chef d’orchestre. L’interactivité est permanente entre la musique, les corps et l’installation picturale de Kveta Pacovska et Elisabeth Schnell. C’est un art total, car tout est habité à l’image de ces petites maisons dans lesquelles nos protagonistes créent des univers sonores et théâtraux. Avec « Bramborry », l’art contemporain se prend au jeu du théâtre. Jouissif.
«Le bal des bébés»  proposé  par le Théâtre de la Guimbarde participe à cette fresque dessinée par les trois compagnies précédentes. Ici, parents et bébés (ils ne marchent pas encore) sont invités à trouver le mouvement qui les (trans
)porte vers l’acte créateur. Deux danseuses et deux musiciens accompagnent pour que cela se fasse en douceur ; pour que les corps entrent dans la danse dans un lâcher-prise salvateur. La toile du peinte, symbolisée par des tissus de couleurs, émerge peu à peu et convie chacun à contribuer. Ici aussi, la caverne est convoquée.

À la fin du bal, alors que les parents forment le cercle, certains bébés plongent au centre dans les tissus et se mettent à crier de joie. Nous voilà spectateurs de notre avenir…
Pascal Bély – Le Tadorne

« Uccellini » de la Compagnie Skappa !
« Le bal des bébés »  par le Théâtre de la Guimbarde
 « Bramborry » par le Théâtre de la Guimbarde ry lr Theater De Spiegel
« Au bord de l’autre » par la Compagnie Ramodal
Au Festival « Petits et Grands » à Nantes du 13 au 17 avril 2011.

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PETITE ENFANCE

Bonne pioche!

Vous souvenez-vous du jour où vous avez osé pousser LA porte, celle qui mène vers l’antichambre soigneusement cachée ? Vous rappelez-vous de l’émotion qui vous a submergé à l’idée de transgresser la règle qui veut que le jeune enfant ne fouille pas dans les secrets de famille ? Plus de quarante après, me voilà à tirer de nouveau le rideau. Le Théâtre Massalia invite petits et grands à franchir la ligne où nous découvrons éberlué «le cabinet des curiosités» aménagé par le Théâtre «Tête de Pioche». À partir de vieux matériaux agricoles, Christine de Saint-André assemble différents outils pour créer des personnages et des marionnettes qui ne tiennent qu’à un fil. Par un subtil alliage de bois, de tissus et de fonte, nous voilà immergé dans un grenier qui pourrait être celui d’un théâtre où l’on aurait entreposé des décors, des projets de créations enterrés et oubliés, des idées de scénario. Mon regard se pose alors sur une statue de danseuse où sa robe de fonte, si légère, pourrait se soulever. Émouvant. Le lieu nous enveloppe parce qu’il amplifie notre tendresse.

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Mais nous n’avons encore rien vu. Après un petit rituel de métal et de son (!), nos pieds déchaussés foulent un sol de sable qui caresse nos voûtes plantaires. Envoûtant. Alors que les enfants s’assoient en cercle avec leurs parents, tout un monde se dévoile peu à peu autour d’eux, tels des «fragments de vie» qui, à chaque apparition, provoque étonnement, stupeurs et tremblements. Des marionnettes, dont le corps de fonte fait de divers outils d’antan, reproduisent une vie sociale où des travailleurs à la tâche côtoient un coeur d’opéra, tandis qu’un petit train, tel un transport amoureux, encercle les enfants. L’Histoire est en marche ! Tout semble vain à l’image de ces objets fabriqués par ces drôles d’homme-serpent et pourtant, que la mécanique est belle !  On ne sait plus où donner de la tête tandis que la musique accentue notre descente dans cet enfer-paradis.
Cette « installation spectacle » d’où nous tirons les fils de nos racines, est un cri d’amour pour l’humanité. Peu à peu, me voilà fait  de cette fonte là, de celle qui ne rouille jamais parce que des artistes se chargent de la polir.
Pascal Bély – www.festivalier.net
« Fragments de vie » par le Théâtre Tête de Pioche au Théâtre Massalia (Marseille) du 19 au 22 février 2011.

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PETITE ENFANCE

Accueillons le canard avec l’eau du bain!

L’âge minimum requis est de 18 mois. Le personnel de ce centre culturel nous accueille avec leurs gestes délicats comme si nous étions tous fragiles. L’accueil est un comportement. Il est ici exemplaire. Alors que nous prenons place,la comédienne Céline Garnavaults’approche. Elle passe d’un rang à l’autre. Vêtue d’un imperméable bleu qui la serre, elle semble se protéger. Elle en est presque inquiétante avec son petit panier à pois(ds?). «Où va l’eau?», mise en scène par Alban Coulaud a déjà commencé, et je ressens que ces vingt-cinq minutes de théâtre seront précieuses. Elle monte sur scène, l’air perdu, échappée d’un environnement social peu accueillant. Peut-être trop de règles, d’interdits, de non-écoute. Son corps droit comme les bâtons qui maintiennent son chignon ne demande qu’à se libérer pour jouer.

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Sur cette scène minuscule, elle esquisse quelques pas de danse. Les enfants assis devant moi n’en croient pas leurs yeux d’être accueillis ainsi. Ils n’ont encore rien vu. Bien difficile de nommer l’endroit : est-ce une cabane, le jardin des délices, l’atelier du peintre ? Il est tout cela à la fois. Un tourne-disque, un poisson rouge, un petit mur et un placard sont les éléments du décor de notre caverne d’Ali Baba, où tout bascule par la force créatrice de l’eau et la puissance de nos imaginaires. La métamorphose peut donc s’opérer. Elle apparaît, puis disparaît, une jambe par ici, une tête par là. C’est gagné, le corps se libère ! Tout devient langage, tout se transforme  tant que cela a du sens. Les petits canards, probablement échappés d’une baignoire, sont ici ses compagnons de route qu’elles posent délicatement sur la platine. Ainsi, la danse des canards se mue en air d’opéra… Jubilatoire !  Tel un fluide libérateur, l’eau relie le corps biologique et le désir de créer : c’est alors que le mouvement jaillit, que l’imagination prend le pouvoir sur les convenances, que le créateur dématérialise l’objet. C’est un détournement en fa mineur !

Céline Garnavault est étonnante, car elle joue de sa voix, de son corps, de ses grimaces pour restituer aux jeunes enfants ce qu’elle perçoit d’eux : elle leur rend leur puissance à réinventer le monde, et offre aux adultes l’opportunité de l’approcher autrement. Nous rions de bon coeur tandis que les enfants, l’air sérieux, s’étonnent que le théâtre puisse à ce point les respecter. Parce qu’il rejaillit sur nous tous, «Où va l’eau ?” est un spectacle qui coule de source.

Pascal Bély – Le Tadorne

« Où va l’eau » par la compagnie O’‘Navio, d’après Jeanne Ashbé, Adaptation et mise en scène Alban Coulaud Scénographie et costumes Isabelle Decoux Interprétation Marie Blondel, du 19 au 29 janvier dans le cadre de la saison jeune public de Scènes et Cines (Ouest Provence)

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OEUVRES MAJEURES PETITE ENFANCE

À nos mères debout.

Les applaudissements de la salle ne trompent pas. Le public, composé d’enfants et d’adultes peine à quitter les gradins. Avec «Debout» de Nathalie Papin, mise en scène par Alexandra Tobelaim, on en reste assis. L’enfant s’était pourtant couché. Au fond du trou. Victor, le fossoyeur, le découvre. Commence alors un dialogue surréaliste, enlevé, et plein d’humour : «Qu’est-ce que tu fais là ? – J’essaye de mourir – Tu n’as pas l’air de bien y arriver».  Ces deux marionnettes, magnifiquement interprétées par Sylvie Osman, semblent faites d’une matière minérale composée de nos chagrins d’enfant fossilisés par le temps qui passe. Le jeu des lumières laisse entrevoir le noir, le sable qui file entre les doigts comme si l’enfant n’avait plus prise sur son destin.

Car ce jeune garçon de dix ans, battu par sa mère, n’en peut plus. Il n’en veut plus. Victor l’encourage à se relever jusqu’à le prénommer «Debout» et le guide vers le cimetière des gitans d’où l’on peut rencontrer d’autres mères. À lui de faire ses recherches. Il a le choix. Il y croise Mère Verticale, droite dans sa botte, dont le seul sein va droit au coeur des papillons qui n’auraient pas dû passer par là ! Il y a Mère Jardin, qui enracine ceux dont la terre nourricière s’est dérobée. Plus tard, il tombe sous le charme de Mère Araignée (ma préférée !), celle qui tisse les liens pour se relier tout en se protégeant des petites bêtes rapaces ! Plus loin, il y a Décaèdre, la mère à dix mains, à tout faire et probablement à tout défaire ! Et puis, l’inoubliable «Mère des Mères», celle qui porte les valeurs, les principes démocratiques et éducatifs (certains reconnaîtront Françoise Dolto, d’autre Marcel Ruffo ou Sigmund Freud!). Par un jeu subtil de lumières, ces mères apparaissent et disparaissent comme dans le manège où nous attrapions le pompon. Ces «marionnettes – doudous», apprivoisent nos peurs d’enfant et symbolisent nos angoisses d’adultes dans notre lien à la mère.  Avec une belle agilité, Sylvie Osman nous fait naviguer entre ces deux registres pour tisser le fil d’Ariane qui relie petits et grands. Je suis alors bercé tandis que mon siège bouge par les soubresauts d’une petite fille à côté de moi…

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«Debout» a la force d’un conte moderne, à la recherche de nouveaux mythes pour éclairer la voie. Car le lien du sang est complexe : il ne peut se réduire à une approche binaire et seul le langage métaphorique permet d’en saisir les subtilités. Je comprends vite que les écritures scéniques et littéraires sont liées par une recherche sérieuse et créative : on ressent toutes les influences du travail des psychologues, des éducateurs et des professionnels de la petite enfance. Avec «Debout», le théâtre «jeune public» démontre une fois de plus son ancrage dans une société qu’il accompagne à se civiliser toujours un peu plus. Pour éviter de se coucher face à ceux qui ne l’entendent pas de cette oreille…
Pascal Bély – www.festivalier.net
« Debout » de Nathalie Papin, mise en scène d’Alexandra Tobelaim a été présenté au Théâtre Massalia (Marseille) du 11 au 14 janvier 2011.

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PETITE ENFANCE THEATRE MODERNE

À Palerme, faim de culture.

La compagnie Image aiguë, animée par Christiane Véricel, m’a convié à Palerme pour suivre pendant deux journées son travail. Ambassadeur culturel européen pour l’année 2010, la compagnie s’installe pour quelques jours dans plusieurs villes en Europe. Son chapiteau, c’est la toile du réseau qu’elle tisse depuis 1983, date de sa création. À peine arrivé, j’assiste à une réunion dans un centre social un peu particulier (“Laboratorio Zeta“). Squatté pour accueillir majoritairement des sans-papiers venus du Soudan, le lieu est autogéré par des citoyens palermitains. La rencontre se termine dans leur salle de lecture d’où Christiane imagine la suite, pour une prochaine venue. C’est à partir du social, à la marge, que j’entre dans le fonctionnement de la compagnie. Les acteurs et metteurs en scène devraient intégrer ce type de rencontre dans leur programmation pour nourrir leur travail, mais aussi pour qu’artistes, travailleurs sociaux et citoyens politisent la culture…

La compagnie, autonome financièrement sur Palerme, gère son emploi du temps en étroite collaboration avec le Centre Culturel Français. À l’issue d’un atelier théâtre avec une classe d’un collège (voir l’article précédent), nous faisons une autre rencontre, avec une enseignante un peu particulière. Tout en nous faisant très discrets, nous écoutons ce cours où l’on apprend à chanter en se faisant plaisir! Les enfants, qui n’ont pas tous le même âge, se jettent délicatement au sol pour mobiliser le corps et l’espace. Ils se créent tous «un personnage chantant». Ici aussi, la rencontre entre Christiane Véricel et Myriam Palma pourrait avoir une suite. Le décloisonnement entre la culture et l’enseignement trouve un prolongement le lendemain alors qu’arrive Chiara (élève de Myriam !) : elle fait partie du spectacle que Christiane va créer en une journée pour le présenter à 18h au centre culturel Français. D’autres enfants, qui suivent des cours de Français, changeront de salle en quelques minutes pour assister à cette création ! Juste retour des choses. Il semble ne pas y avoir de jeux de pouvoir entre les institutions autour de la compagnie comme si c’était le projet qui avait le pouvoir du jeu? 

J’observe comment se travaille le transversal : entre la culture, le social et l’éducation ; entre artistes et professionnels ; entre enfants amateurs et comédiens adultes. Le décloisonnement comme une réponse à la crise que Christiane Véricel met en scène à 18h devant un parterre d’enfants et d’adultes.  Ici, les acteurs jouent la faim en convoitant une mandarine délicatement posée en haut de l’étagère d’une bibliothèque. Les trois enfants, un peu en retrait, veillent au grain et n’autorisent rien. Chiara chante pour apaiser leur faim d’en découdre ! Chez Christiane Véricel, les adultes font n’importe quoi jusqu’à mentir pour ne pas réparer les dégâts qu’ils occasionnent. Les enfants peuvent bien protester, cela ne sert pas à grand-chose. Ils tentent même de s’inclure, rien n’y fait. C’est alors que s’opère la sortie de crise : par le haut (tous suivent une pomme transpercée par l’archet du violon), à partir d’un collectif fédéré par une finalité commune.

Il y a dans ce dernier tableau, tout le travail de cette compagnie : jouer la crise (qui est avant tout alimentaire), en sortir par le décloisonnement pour mobiliser les ressources du territoire autour d’un projet fédérateur. Modestement, Image aiguë participe à construire l’Europe par le haut. C’est-à-dire par la culture. Par tous et pour tous.

Pascal Bély – www.festivalier.net

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PETITE ENFANCE THEATRE MODERNE

À Palerme, le serment du jeu de pommes de Christiane Véricel.

Le théâtre résiste mieux ? Oui, c’est le dernier lieu où des gens vivants ont face à eux des gens vivants” déclare le metteur en scène Claude Régy au journal Libération. Qu’en est-il du théâtre dans les écoles et les collèges? Qu’en est-il à Palerme où la Comagnie Image Aiguë de Christiane Véricel s’est posée pour une semaine afin d’animer des ateliers de théâtre avec les enfants? Quelle résistance leur proposer pour que le temps de l’humain reprenne ses droits face au rouleau compresseur de la vitesse médiatique? Christiane Véricel, quatre comédiens (Sandrine De Rosa, Fréderic Perigaud, Burhan Taskiran, Giacinto Dangelo) et une vidéaste (Muriel Habrard)  s’installent dans la petite salle d’un collège, l’Istitudo Valdez. Ils ont trois heures pour créer un système théâtral.

Deux bandes blanches délimitent la scène entre l’imaginaire et la sphère sociale. Pour les jeunes enfants, la frontière n’est pas aussi simple. L’acteur n’est-il pas souvent talonné par son double? D’emblée, Christiane Véricel travaille cette dualité. Gaspare et Burhan entrent en scène. Gaspare est préoccupé, voir “épouvanté” d’être suivi de si près, précisera Mickaël lors du débriefing. L’enjeu est posé: comment faire face à la peur pour progresser sur le chemin qui mène vers l’acteur? Car sur scène, les enfants ont bien du mal à quitter leur rictus, celui du rire au  coin des lèvres. À croire que l’époque les fait marrer…

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Il faut donc occuper cet espace pour que Gaspare, Gabriella, Frederica, Mickaël, Alexandro, Alessia, Francesco parviennent à tour de rôle à comprendre les processus qui sous-tendent le théâtre: ici, nous ne sommes pas à la télévision! Trois éléments entrent en scène et bouleversent la donne: la pomme, le bonnet et le violon. Le fruit rond et jaune développe tout un imaginaire: matérielle (on croirait une balle) et végétale, elle symbolise la force et la fragilité. L’acteur n’est-il pas fait de cette matière-là? Ce paradoxe autorise bien des audaces: comédiens  professionnels et amateurs jouent avec elle. Fruit de toutes les convoitises (Christiane Véricel précise bien que c’est un objet précieux), l’ambivalence nourrit la dynamique: l’attraper, c’est la fin du jeu, mais c’est une victoire, une prise de pouvoir; la convoiter, c’est laisser du temps au temps pour que la relation s’instaure, pour qu’une dramaturgie se mette en place.

Pour accompagner chacun à être acteur, Christiane intègre le rictus du rire dans le scénario pour le dépasser. Et cela marche! Peu à peu, la pomme entre dans le bonnet, devient une extension du corps: elle provoque des chatouilles quand elle parcourt la peau. Alexandro la saisit, fait danser ses trois poursuivants qui miroitent ce trésor! Crescendo, le théâtre apparaît, le rire se déplace vers la salle même si Christiane Véricel régule le système pour que le clownesque ne soit pas trop envahissant. Elle travaille la voix des enfants, introduit le violon pour accompagner les mouvements du corps et créée peu à peu la troupe où l’enfant a sa place. Le rapport au temps m’interpelle: les enfants sont pressés d’attraper, de prendre, comme si la pomme était un objet de consommation.  De leur côté, les acteurs accélèrent le jeu pour que le cadre théâtral ne leur échappe pas. Il faut toute la précision de Christiane Véricel pour poser le processus: cesser d’être dans le faire pour prendre le temps du lien (“ce qui intéresse le public, c’est la relation entre vous deux”, précise-t-elle).

Les enjeux qui sous-tendent ce travail m’enthousiasment! Qu’attendre aujourd’hui de l’éducation de nos enfants? Pas seulement qu’ils ingurgitent des savoirs, mais qu’ils sachent les relier pour différencient les contextes et communiquer à partir d’eux. Leur créativité en situation de fortes incertitudes sera leur première ressource, leur “trésor”, pour se positionner dans un environnement où ils devront sans cesse articuler le local au global. C’est ainsi que le théâtre devrait devenir une “méta” matière, car jouer avec la pomme, le bonnet et le violon pour créer un système d’interactions, c’est réussir à relier le contenant et le contenu pour communiquer.

À voir ce travail, on prend conscience de sa valeur: plus qu’un atelier, c’est un manifeste pour faire vivre l’Europe au-delà de nos différences. Résister aujourd’hui, serait de fusionner chaque théâtre (la pomme) avec une école (le bonnet) pour impulser une chorégraphie des savoirs d’où l’on entendrait probablement la symphonie d’un Nouveau Monde.

Pascal Bély – www.festivalier.net

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PETITE ENFANCE

Le gris de joie.

Le ciel est gris. C’est dimanche. Peu à peu, ils arrivent. Un, deux, puis trente bébés avec leurs parents! Il y aussi des adultes handicapés avec leur encadrement. Le théâtre jeune public rassemble : il fait du bruit et m’enchante. C’est la société avant le spectacle. L’avenir est là : dans ce lien entre artistes et éducateurs où l’on pense déjà le spectateur en mouvement. Ici, notre responsabilité  est partagée autour du tout-petit. Parce qu’ils sont au théâtre, je ressens les parents plus guidant, où accompagner n’est plus seulement surveiller.

Je veille bien à me placer en haut des gradins pour me faire tout petit. La comédienne Thérèse Angebault arrive avec son tablier de jardinier tout gris, trois valises de toutes les tailles et un perchoir. Trois fois rien pour en faire tout un monde. D’où vient-elle ? Je l’imagine «échappée» d’une troupe qui, le temps d’une pause, joue pour les bébés afin de ne laisser personne au bord de la route. Ils sont comme ça les artistes : alors que tout semble s’effondrer, ils sont toujours présents pour remettre du sens là où nous clivons et uniformisons.

Entre le noir et le blanc, il y a donc le gris, couleur des couleurs, celle qui rassemble, celle où le possible ouvre l’imaginaire. Pendant trente minutes, elle transforme sa petite scène en espace rupestre, sorte de caverne éclairée, à l’abri du bruit et des néons de la société consumériste. Chaque valise est un plateau de théâtre, un tableau, un film, une pièce d’art contemporain. Tour à tour magicienne et voyageuse, elle convoque le sable, le vent, le tissu, la plume, les sons et créée un nouvel espace urbain, où l’artistique fait les chemins, les ponts pour ouvrir portes et fenêtres. Je contemple tandis que les bébés ponctuent chaque séquence d’onomatopées qui ne font guère de doute sur leurs ressentis et leurs intentions (regagner la scène pour s’échapper ?). C’est beau, mais on ne peut pas toucher. Juste imaginer…

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Thérèse Angebault utilise toutes les cordes à son arc : à la fois complice, clownesque, hésitante, créative, elle colorise et nous «sensibilise» à la diversité. La couleur se ressent, l’objet se relie à son contexte (la valise perd peu à peu sa fonction première),  chaque «tableau» entraîne un autre, puis un autre pour finir en apothéose où tout est interdépendant! C’est ainsi que le théâtre prend forme, crée l’énergie qui fait tourner un moulinet arc-en-ciel et propulse la comédienne vers les coulisses,  où sa troupe l’attend peut-être.

Petits gris, nous la suivons…
Pascal Bély – www.festivalier.net
« Qui dit gris » de Thérèse Angebault et Isabelle Kessler du 25 au 28 novembre 2010. Théâtre Massalia, Marseiille..

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ETRE SPECTATEUR PETITE ENFANCE THEATRE MODERNE

Avec la Compagnie Image Aiguë, vers un mouvement européen théâtral.

Le spectateur est-il « condamné » à rester sagement assis, l’Europe à s’éloigner du citoyen? Tous deux  peuvent se lever, s’approcher, se mettre en marche, en mouvement comme le suggère la metteuse en scène Christiane Véricel. Avec sa compagnie « Image Aiguë », elle parcourt l’Europe afin que l’enfant et l’adulte soient spect’acteurs de leur devenir dans un ensemble politique aux frontières certes définies, mais qui s’interroge sur son élargissement à partir de son identité. Or, elle requiert un langage commun. La force du théâtre de Christiane Véricel est de le mettre en scène après l’avoir longuement écouté, entendu, métaphorisé lors de ses résidences dans les quartiers des villes d’Europe. La dynamique de l’identité européenne trouve ses ressorts dans la co-construction d’un projet culturel entre artistes, citoyens et institutions incarnée par cette compagnie qui s’affirme comme un « Ensemble Théâtral Européen ».

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En juillet 2010, un groupe composé d’adultes, d’enfants et d’adolescents, venus d’Italie, de Suède, de Turquie, de France, du Portugal s’est fondu dans la troupe permanente pour un «workshop» de deux semaines à l’espace Tonkin de Villeurbanne. J’étais invité le 17 juillet 2010 pour le « bouquet » final comme de nombreux partenaires européens qui ont échangé le lendemain sur l’articulation entre leur projet et celui de la compagnie. Cartout est lié: si le langage du corps sur scène est politique, alors la dynamique de la compagnie induit le réseau.
Christiane Véricel a donc métamorphosé sa création « les ogres ou le pouvoir rend joyeux et infatigable » présentée en mars dernier à Lyon. Est-ce pour « donner chair » à cet ensemble théâtral européen ? L’oeuvre y a gagné en fluidité, car on y danse les premiers pas de la relation ouverte, celle des valeurs d’accueil; on y joue avec les codes hiérarchiques pour développer la créativité ; on y interroge le lien à la nourriture (source de tant d’inégalités) pour se relier à la “terre patrie” si chère à Edgar Morin. Ici, le théâtre s’affranchit des cloisons entre « texte » et « corps ». Tout est langage et le collectif créé le mouvement pour nous permettre de l’entendre. En l’écoutant sur scène, j’entends les valeurs du jeu, du plaisir, de la diversité d’autant plus que les hommes et les garçons portent des jupes pour danser, identité hybride pour libérer leur créativité ! Je savoure les liens qu’enfants et adultes créent pour avancer en marchant, accompagnés par une musique qui évoque celle des gens du voyage. Avec Image Aiguë, le théâtre accueille le spectateur pour qu’il puisse emprunter ses chemins de traverse. 
Ces quinze jours de travail pour nous proposer une heure d’Europe, est un ratio qui n’entre dans aucune comptabilité ! Et quel travail ! À la précision du geste répond la force d’un propos, celui de nous rappeler qu’au jeu du pouvoir, nous pourrions lui substituer le pouvoir du jeu. Cette heure d’Europe, à Villeurbanne, vise à ne rien lâcher sur la nécessité de promouvoir cette aventure politique unique au monde. 
C’est ainsi que de la scène à la table ronde du lendemain, il n’y a qu’un pas. Christiane Véricel et son équipe nous ont réunis. Avec eux, nous avons tenté de mettre en mots, les processus d’un ensemble théâtral européen. Nous avons en commun d’avoir croisé la compagnie jusqu’à l’accompagner  dans certains pays (Allemagne, Suisse, Bulgarie, Portugal, Suède, Belgique, Égypte, …). Nos positionnements professionnels sont «hybrides», au croisement ! Me voilà donc spectateur-blogueur (j’avais écrit un article en mars dernier sur «Les ogres ») accueilli en territoire ami. Aucun ne sait précisément ce qu’il doit dire, ni présenter. Notre lien est d’avoir ressenti le spectacle de la veille et de savoir que le processus (à savoir celui de s’implanter dans un quartier pour créer) est aussi important que l’oeuvre elle-même ; que le « local » métamorphose, transforme le «global» pour créer un cercle vertueux du changement en lieu et place des seules logiques descendantes qui écrasent la créativité des territoires.
La réunion est alors animée comme le serait un workshop ! Chacun s’avance, écoute, tandis que Christiane Véricel reformule, précise, guide avec l’aide de Nicolas Bertrand, l’administrateur, le traducteur de sens ! «Comment chacun voit-il l’articulation entre son projet et celui de la compagnie ? » ; « comment l’identité européenne peut-elle se nourrir de l’artistique par le réseau ? » ; « Comment articuler le local (Lyon) et le global (l’Europe)? Cela passe-t-il par un lieu (la compagnie n’a pas d’espace physique de création à ce jour) ? À mesure que nous avançons, je perçois la réunion en miroir avec le spectacle de la veille. Je tente même une métaphore : les projets d’Image Aiguë et du « Tadorne » sont liés (ils mutent à partir de leurs migrations).
Les corps en  mouvement  sur scène se nourrissent aussi de la vision dynamique des partenaires (spectateurs inclus). Non pour s’immiscer dans le propos artistique, mais pour l’amplifier en maillant les projets. Ainsi, certains artistes ont compris que la qualité des liens de leur réseau vaut tout autant que la pérennité de leur financement. À se demander si ce n’est pas lié. À désirer que l’Europe politique soit aussi cela…
Pascal Bély – www.festivalier.net
A lire le carnet de route de Sandrine Charlot Zinsli, animatrice du site “auxartsetc” (webzine sur l’actualité culturelle Zurrichoise) qui était présente à Lyon.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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L'IMAGINAIRE AU POUVOIR PETITE ENFANCE THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN THEATRE MODERNE

La belle odyssée du théâtre des idées.

Le bonheur au théâtre est chose rare. Il existe quand il nous embarque dans une histoire commune, où se joue ce qui nous rassemble, où se constitue dans la salle une assemblée de spectateurs prête à écrire une constitution pour un nouveau contrat culturel et social! « La Petite Odyssée », mise en scène par Grégoire Callies du Théâtre Jeune Public de Strasbourg, épopée en trois tableaux d’une heure chacun, est l’acte politique et artistique que nous attendions en ces temps de perte totale des valeurs et des repères.

Imaginez, un théâtre de marionnettes, qui convoque petits et grands pour nous entraîner dans la folle histoire des idées (du Moyen-Age à la fin de la deuxième guerre mondiale) où les innovations, l’art et les  conflits s’enchevêtrent tandis que la mise en scène et les décors font la fête pour que l’intelligence du spectateur mobilise tout “le sensible disponible”!

Tout commence avec Odyssée, une jeune fille qui vient de perdre son père. Nous sommes au Moyen-âge. Alors que son petit monde s’apitoie sur elle, elle va parcourir le Monde, le traverser de siècle en siècle, comme un remède au  malheur, à l’isolement, à l’analphabétisme. Son émancipation est à ce prix. Sur sa route, elle rencontre Bernie, jeune castra à la voix d’or. Enfant de la balle, il occupera bien des emplois, croisera tant de penseurs et de chercheurs qu’il finira par incarner l’évolution de notre condition sociale. Ces deux personnages mettront bien du temps à se déclarer, car leur relation complexe est un alliage subtil entre le coeur et de la raison, la culture et l’intuition, l’engagement politique et la lutte sociale. Le spectateur peut imaginer toutes les alchimies.

Nous voilà donc embarqués pour trois tableaux, où la mise en scène épouse les siècles et les courants. Incontestablement, Grégoire Callies est l’homme de son temps, prêt à révéler dans le deuxième tableau  ce qu’il cachait dans le premier (du Siècle des Lumières à l’époque des mécaniques, mais chut!). En convoquant Leonard de Vinci, Diderot, Rousseau, Delacroix, il nous émerveille à partir de dialogues et de décors foisonnants. Le cinéma s’incruste dans le jeu d’acteurs pour mobiliser notre regard d’enfant, notre créativité comme si nous étions toujours propulsés au croisement du « moi » (mon théâtre d’enfant) et du « nous » (ce qui nous relie quand nous allons au spectacle). C’est si beau que tout semble possible parce que tout se croise, s’enchevêtre, se débat et s’ébat. On croirait les marionnettes danser tandis que le corps se libére peu à peu au fil des siècles.

Les décors se succèdent les uns après les autres et je suis submergé par le souvenir des images des “Éphémères, épopée familiale de plus de six heures d‘Ariane Mnouchkine. Grégoire Callies a trouvé son “théâtre du soleil”. Les dialogues sont merveilleux parce qu’ils sont habités par une utopie qui se diffuse dans toute la salle! Nous voilà embarqués avec Harriet Tubman qui sauve les esclaves noirs pour les emmener au Canada. Nous sommes estomaqués par le courage de Flora Tristan qui soustrait Odyssée de la prostitution alors qu’elle se trouve à Londres. Heureux spectateurs que nous sommes d’entrer en résonance avec ces héros dont on parle si peu et qui pourtant incarnent nos valeurs d’aujourd’hui!

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En même temps que nous traversons ces trois tableaux, notre regard de spectateur évolue à l’image de la composition de la salle. Les enfants présents dans le public au premier épisode se font plus rares quand est abordée la Deuxième Guerre mondiale qui voit débarquer un groupe de jeunes scouts! Les enjeux se complexifient, le théâtre est alors moins visuel et plus cérébral. La vision est plus pessimiste à mesure que l’on plonge dans les horreurs de l’humanité. La mise en scène finit par s’alourdir pour ensommeiller l’enfant qui en nous. Comment raconter l’inimaginable aux enfants? Il semble alors évident que Grégoire Callies fait un théâtre pour adultes destinés aux enfants. Il convoque tant de personnages (Albert Einstein, Sigmund Freud, Hitler, Germaine Tillion, Milena Jesenská et Margaret Buber, ..) que cela devient étourdissant! L’emballement de l’Histoire jusqu’à nos jours est un appel presque désespéré du théâtre à nous ressaisir alors que le monde peine à trouver une voie, un combat commun contre un oppresseur invisible (le marché financier).

C’est alors que l’on quitte notre “petite Odyssée” sonné. Mais plus courageux qu’en y entrant pour sauver Odyssée et Bernie de leur triste condition, oppressés par les logiques de la dictature des médias et de leurs financeurs.

Oubliés par le politique qui pense que les idées ne sont plus un théâtre.

Pascal Bély– www.festivalier.net

“La petite Odyssée”, trilogie, mise en scène par Grégoire Calliés; Théâtre Jeune Public de Strasbourg: le 12 juin 2010 au Théâtre Massalia (Marseille).

Crédit photo: Anémone De Blicquy.

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PETITE ENFANCE

Allons enfants de la fratrie…

 En ce samedi ensoleillé, le village de Fuveau près d’Aix en Provence, résonne de cris d’enfants et de sons du bout du monde. On danse sur la place, on joue avec des morceaux de bois, on modèle, on pétrit. Le festival “Des étoiles plein la malle“, organisé par un collectif de parents, accompagne les éducateurs du jeune enfant à faire entendre une musique différente de celle du divertissement « industrialisé » proposé par la télévision et les parcs de loisirs.  Alors que je déambule dans les rues du village, je ressens tous ces enfants sous ma responsabilité?

Nous sommes nombreux à nous rendre à l’école primaire pour le spectacle « p’tites formes pour p’tits bouts » de Charlotte Smither. En entrant, elle dort recroquevillée dans sa roulotte en bois. Elle ne tarde pas à se réveiller pour emmener parents et enfants au coeur d’une épopée poétique en pays fraternel. Car la fraternité ne se décrète pas et le rôle de l’artiste auprès du tout-petit est peut-être là : le guider à ressentir ce lien puissant, mais fragile, lointain et pourtant accessible, mais qui lui donnera l’énergie pour appréhender avec sécurité les aléas d’un monde ouvert et multiple.

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Cette roulotte est notre espace de divagations qui permet à Charlotte Smither de créer un univers entre sommeil et éveil, entre terre fleurie et ciel d’étoiles, entre paroles « espérantées » et danse des profondeurs de l’âme. Elle fait l’éloge de la lenteur (celle du temps nécessaire à l’émerveillement), joue avec l’espace pour nous faire tourner la tête, et s’illumine de petites lucioles pour nous redonner espoir alors que tant de bruits nous aveuglent. Les enfants crient parfois, ensorcelés par sa danse. Car ce voyage au c?ur de l’Europe (il fait penser aux déplacements du peuple tzigane, berceau de notre culture métissée) n’est pas de tout repos : il faut partir, rester un peu, puis s’en aller à nouveau. Elle n’a pas de papier, si ce n’est cette carte postale d’un amoureux transi, qu’elle nous tend comme un geste d’amour.

Charlotte Smither réussit à réunir parents et enfants dans un lien qui va bien au-delà de se divertir ensemble : elle nous projette pour illuminer notre conscience collective d’êtres solidaires.

Parents, artistes, professionnels : unissez-vous. C’est avec des petits bouts que l’on construit les grandes roulottes pour nos migrations fraternelles.

Pascal Bély, le Tadorne

« p’tites formes pour p’tits bouts » par la Compagnie Bout d’Ôm a été joué le 5 juin 2010 à Fuveau (13) dans le cadre du festival “Des étoiles plein la malle”.