Ce jeudi 24 février 2011, Bernard Latarjet, directeur de l’Association Marseille Provence 2013 s’apprête à dévoiler le programme, tant attendu. Mais auparavant, pendant plus d’une heure, Jean-Claude Gaudin, Maryse Joissains et Hervé Schiavetti (respectivement maires de Marseille, d’Aix-en-Provence, d’Arles), Michel Vauzelle (Président de la Région PACA), Michel Pezet (conseiller général au département des Bouches-du-Rhône) nous ont présenté leur politique culturelle réduite à l’affichage de leurs trophées. Parce qu’ils se fréquentent depuis longtemps, ces politiques finissent par mettre en scène leur connivence et cet entre soi qui positionne la France comme une vieille démocratie, autocrate et oligarque. Ont-ils seulement une vision de la place de l’art dans la société lorsqu’on sait que le cumul des mandats les éloigne durablement des lieux culturels? À deux ans des festivités de 2013, le gouffre est visible: entre citoyens, chercheurs, éducateurs, politiques et professionnels de la culture, la rencontre ne se fait pas. Les jeux de pouvoir dans lesquels nous sommes enfermés démontrent notre impuissance à penser un monde complexe, où tout est enchevêtré. La présentation du nouveau logo (réduit à une signalétique) confirme cette hypothèse: la communication a pris le pouvoir au détriment du sens d’un projet culturel partagé.
Au cours de cette conférence de presse, pas un mot sur le public, juste n’attend-on de lui qu’il réponde présent et paye (d’autant plus s’il est touriste). Mais après tout, est-ce si différent du sort qu’on lui réserve dans les établissements culturels? Le philosophe Bernard Stiegler peut bien promouvoir un modèle contributif: nous restons accrochés à une approche descendante où les experts de la culture savent ce qui est bon pour le peuple d’en bas. Ils déploient leurs stratégies de communication massive à coup de plaquettes, de newsletters et de pages Facebook transformées en panneau publicitaire où le débat sur les oeuvres est souvent censuré. Quant au «spectateur émancipé» si cher à Jacques Rancière, force est de constater qu’il n’est manifestement pas intégré dans la plupart des politiques et programmes culturels (les directions de relations avec les publics faisant souvent barrage). J’ai pour ma part, et très modestement, proposé à Marseille Provence 2013 et au Festival d’Avignon, des espaces de co-construction entre spectateurs engagés, professionnels du lien social, du spectacle et artistes pour penser des modèles de relations contributives pour la culture. Les enjeux sont de taille:
– développer des liens qualitatifs pour rendre lisible ce que les logiques quantitatives finissent par masquer,
– réinterroger la fonction symbolique de la culture dans notre société((«quel est notre désir de théâtre?»), pour ne pas s’enfermer dans des dogmes répétés que plus personne n’écoute,
– créer de nouvelles pratiques de médiation ouvertes et partagées pour un développement qualitatif des publics autour d’enjeux sociaux territoriaux.
Ces propositions ont probablement fait écho. Elles feront peut-être leur chemin. C’est à la marge qu’elles émergeront dans des espaces où:
– contribuer est le modèle relationnel qui crée du sens,
– articuler permet de penser global et efface les schémas tout tracés,
– traverser pour créer du sens plutôt que seulement hiérarchiser,
– mettre en puissance pour s’éloigner des prises de pouvoir.
Pour ma part, je poursuis mon parcours de spectateur engagé et contributeur, en privilégiant les lieux où cet engagement est reconnu, valorisé, promu. Je vais continuer d’introduire inlassablement, la question du lien à l’art dans mes actions de formateur et de consultant. Pour que la culture ne soit pas réduite à une étagère où l’on poserait des livres, mais où l’on oserait la métamorphoser pour mettre en dialogue les auteurs et créer l’Oeuvre. Par plaisir.
Pascal Bély- Le Tadorne.
Remerciements tout particuliers à :
– Michel Kelemenis, créateur de “Klap! Maison pour la danse” à Marseille pour la profondeur de son écoute et ses conseils éclairés.
– Philippe Lafeuille, chorégraphe, soutien des premiers jours, qui s’est toujours engagé pour que des spectateurs contributeurs aient une place dans ses projets.
– Elsa Gomis, fidèle parmi les fidèles.
– Graziella Végis et Nathalie Dalmasso du Théâtre Massalia à Marseille pour leur engagement dans le projet de formation autour de “l’art et les tout-petits”: dès avril 2011, un groupe de professionnels de la petite enfance et du spectacle vont co-construire un projet global d’accueil d’artistes dans les crèches.
– Florence Lloret et Michel André de “La Cité, Maison du Théâtre” à Marseille pour m’avoir inclus comme «spectateur complice» et donner l’opportunité de réfléchir à leurs projets.
– Marion Bati, directrice des “Éclats chorégraphiques” pour ses conseils éclairés.
– Renaud Cojo pour ses encouragements répétés.
– Pauline Coppée du Festival Lattitudes Contemporaines à Lille pour son accueil et ses engagements futurs.