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ETRE SPECTATEUR FESTIVAL D'AVIGNON

Quand le Festival d’Avignon rend fou!

6h30. J’ai rêvé de spectacles toute la nuit : « Ciels», « Une fête pour Boris », « Ode maritime »…

Nous sommes les 13 juin, jour d’ouverture de la billetterie du Festival «In » d’Avignon, réservée exclusivement aux habitants du Grand Avignon. Mais j’habite Aix en Provence. Peu importe. La stratégie d’attaque est décidée depuis longtemps. Des amis autochtones feront la queue, ici au Cloître Saint Louis (siège du Festival), là-bas à la Fnac. Tous se sont levés tôt (certains à 4h du matin !) pour récupérer un ticket de passage numéroté afin que l’ordre numérique ébranle tout désordre possible. Nous achetons des places de spectacles par nombre : 2 pour Amos Gitaï, 4 pour le triptyque de Mouawad, 2 pour Jouanneau, 3 pour Hubert Colas, 2 pour Christophe Honoré… Une orgie théâtrale se prépare. Nous serons nombreux à festoyer !
Je navigue en électron libre entre les deux points, fiévreux de commentaires captés dans ces files d’attente.
9h30. Retour au Cloître. Ce lieu n’a pas encore retrouvé toute son effervescence festivalière.  Pourtant, un homme y aurait acquis 73 places! Le public fidèle du festival est là : Avignonnais, journalistes locaux, et passionnés. Une amie bout d’impatience depuis 7h30 avec son numéro 436. On annonce qu’il n’y a plus de place pour « Ciels ». De mon I-phone, j’appelle mon autre contact dans la file d’attente de la Fnac. Où en est-il ? Combien de personnes avant lui ? Le besoin de posséder ces tickets magiques, crée fébrilement le syndrome de la rareté. Il me faut, sans exception, toutes les places dont j’ai rêvé cette nuit.
Il me rassure. C’est son tour. Il les a toutes !  Je cours. Il me tend la pochette aux feuillets si précieux. Quel soulagement ! Mais je réalise que ce n’est que le « In ».
Il restera le Festival « Off » à conquérir. Il requiert un flair d’expert pour viser juste. Mille spectacles seront joués cette année. Une déferlante, un peu comme une rentrée littéraire où se nicherait le livre rare. Pour nous guider, un programme de 360 pages aux allures de catalogue qui finira par devenir la bible du festivalier. Mais comment s’y retrouver ? Dès les premiers jours, il est conseillé de privilégier les scènes avignonnaises ouvertes toute l’année (« Le Chêne Noir », « Le Théâtre des Halles », « Le Ring », …), les régions ou pays qui font leur festival (la Belgique au Théâtre des Doms, les Hivernales, la Champagne Ardenne à la Caserne des Pompiers, les Pays de Loire au Grenier à Sel,…) et quelques scènes de réputation (la Manufacture ou le festival CCAS à la Barthelasse). Puis, progressivement, être à l’écoute de ce qui se dit à la Maison du Off, lire la presse et se tenir informé grâce au Tadorne (sur son blog, sur Twitter et Facebook) Le blog de Martine Silber offrira également de bons tuyaux.

Demain, le Festival d’Avignon commence. Comme chaque année depuis dix ans, je verrais plus de 50 spectacles. De la folie du début, il ne restera que la sagesse. Celle des hommes, qui le temps d’un festival, baissent les armes pour repenser le monde. Serez-vous de ceux-là?

Pascal Bély

Diane Fonsegrive

Laurent Bourbousson.

www.festivalier.net

 

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FESTIVAL D'AVIGNON

A Villeneuve en Scène, Philippe Car, l’enchanteur de Molière.

Approchez, approchez, bienvenue au chapiteau de l’Agence de Voyages Imaginaires” aurions-nous envie de clamer alors qu’apparaît sur une grande bâche le visage de Philippe Car, co-fondateur et metteur en scène des Cartoun Sardines Théâtre. C’est donc en toute confiance que vous pouvez aller voir en l’adaptation du “Bourgeois gentilhomme“, présenté au festival “Villeneuve en scène“.

Philippe Car et Yves Fravega ont adapté le texte de Molière pour une comédie déjantée où marionnettes, personnages de carton-pâte et robots se croisent. Un délire s’empare de ce Monsieur Jourdain et nous fait redécouvrir un classique mené tambour battant. Le savoir-faire de la compagnie en matière de divertissement est irréfutable.

Bien que la forme se suffise à elle-même (on arrive à en oublier le texte de Molière parfois), le fond, véritable critique de l’humain et de son paraître, résonne sous ce chapiteau et encourage à rester soi-même.

Le Bourgeois Gentilhomme” est un divertissement de qualité et offre au jeune public, un Molière résolument moderne loin de son image classique.

Laurent Bourbousson

www.festivalier.net

Dans le cadre de “Villeneuve en scène” du 5 au 24 juillet 2009, à 21h00.

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ETRE SPECTATEUR FESTIVAL D'AVIGNON LA VIE DU BLOG

Tadorne, le blog du Festival d’Avignon : où serez-vous ?

Vous avez peut-être pris connaissance de notre première invitation. Voici la deuxième.

Le compte à rebours est enclenché. Plus que six jours et Avignon ressemblera au “plus grand théâtre du monde“. Nous nous croiserons dans les files d’attente, aux terrasses des cafés, face au panneau de revente des places au Cloître Saint Louis, pour le « In », et en lisant les revues de presse, pour le « off ». Nous en profiterons pour échanger sur nos cadres de réception, sur nos expériences théâtrales et sur notre « traversée » de spectateur. Nous envisageons même de faire votre portrait pour le publier sur « Le Tadorne » ! Bien plus qu’un échange vertical mené lors des rencontres public-institutions (à laquelle nous participerons[1]), laissons nous aller à la poésie de l’amateur éclairé comme nous y invite le sociologue et philosophe Edgar Morin qui déclarait au lendemain des élections européennes : « ll est temps de métamorphoser la civilisation pour poétiser la vie ” (il sera présent au Théâtre des Idées le 25 juillet).

Rencontrons-nous lors d’impromptus et poétisons notre festival ! Notre signe de reconnaissance sera un tee-shirt avec pour logo “Le Tadorne festivalier.net” pour nous et nos rendez-vous sur le site au jour le jour, pour vous. Comme une rencontre non définie à l’avance pour laisser place à l’instant.

Pari fou que cette expérience. Faire de nos échanges un moment repris sur la toile afin de désacraliser la pensée uniforme des critiques et revendiquer notre place de spectateur. Loin d’être des consommateurs de culture, croyons à notre valeur de jugement et relions le “In” et le “Off”, ces deux festivals qui se côtoient sans trouver de passerelles. Rapprochons-nous et échangeons sur des spectacles différents afin de mettre en lumière la création artistique, moteur d’une nouvelle croissance.

Celle du développement durable.

Pascal Bély

Laurent Bourbousson

Diane Fonsegrive.

www.festivalier.net


Photo: Diane Fonsegrive.


[1] Aux différentes rencontres entre artistes du « In » et public à l’Ecole d’Art, aux «rencontres critiques » à la Maison du Off

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« Tadorne », le blog du Festival d’Avignon : sommes-nous prêts ?

Dans quinze jours, j’y serais. Tout est prêt. Je recompte mes places. Tout y est. J’ai même loué un appartement pour la circonstance. Comme un performeur, je mesure la distance, j’évalue les ressources et mille idées se bousculent.


Dans quelques jours, débutera le Festival d’Avignon. Beaucoup de spectacles et de festivaliers, mais quels chemins de traverse prendre ? Depuis 2005, j’ai beaucoup écrit sur ce que je voyais sur scène. En 2009, c’est le moment d’aller à la rencontre de mes « pairs », d’écrire sur les ?uvres à partir des ressentis des spectateurs. De faire ce pas de côté régénérateur. Plusieurs éléments du contexte me guident vers ce travail :

  • Le public est pour moi une masse uniforme d’abonnés des saisons théâtrales, de consommateurs, de lecteurs anonyme du blog. Pour reprendre une expression chère au  philosophe Bernard Stiegler, j’ai besoin de m’approcher de la « figure de l’amateur éclairé ». Je suis « le Tadorne ». Et vous ?
  • Les deux festivals (In et Off) imposent au public un clivage. En me  privant d’une telle reliance, je me coupe d’une réalité complexe et de la possibilité de faire des rencontres et des liens. Cet été, je chercherais avec vous à mettre en résonance les ?uvres du “In” et du “Off”. Exercice délicat, mais stimulant. Vous me suivez ?
  • Le lien fragile entre les institutions et le public a besoin d’être régénéré par une parole dont il faut bien une tribune pour qu’elle soit entendue. C’est pourquoi, le blog www.festivalier.net souhaite être au c?ur du festival, au c?ur de la relation des publics et des spectacles vus. Plus qu’un espace dédié à la critique, le moteur élémentaire de la vie du blog durant le in et le off, entre vous et moi, est celui d’appréhender nos cadres de réception et de faire évoluer les représentations au terme des échanges que nous entretiendrons. Vous y croyez ?
  • A la rentrée, j’animerais des débats au Théâtre des Salins de Martigues (Scène Nationale, drigée par Annette Breuil) entre spectateurs pour que la parole du public ne soit plus confisquée par des experts intimidants. Pour cela, j’ai besoin de m’immerger, de ressentir le lien que j’aurais à créer dès septembre. Je peux puiser en Avignon les ressources de ma créativité. Vous m’aidez ?
  • Quelques jours après Avignon, je vais bloguer au Festival “Mens alors!“, lieu d’échanges et de création entre artistes et publics dans l’Isère. Cela tombe plutôt bien, non? Vous venez?
  • Dès le mois de novembre, la Ville d’Aubenas (07) met en ?uvre une formation-action pilote destinée aux professionnels du social, de la culture et de l’éducatif.  Ma mission sera d’accompagner ces acteurs vers la culture et de créer avec eux les conditions du décloisonnement. Avignon me permettra d’aller à la rencontre d’artistes et de spectateurs pour qui l’affranchissement des cases est le moteur de leur projet. Vous en êtes ?

Voilà, c’est écrit. C’est engagé. Je ne serais pas tout seul. Diane Fonsegrives, Laurent Bourbousson (contributeurs pour le blog) seront là. Nous allons tenter une ?uvre collective. Marie-José, Bernard, Igor, Elsa, Martine, Christian, Guy, Jérôme, et bien d’autres seront aussi présents pour donner l’énergie qu’une telle démarche a besoin.

 

Et que vive le mouvement créateur libérateur !

Pascal Bély

 

 

Prochain épisode : nos lieux du rendez-vous.

 

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Festival d’Avignon 2009 : réservons!


 

La billeterie du Festival d’Avignon “In” ouvre le 15 juin (04 90 14 14 14). Il n’y en aura pas  pour tout le monde, vu le succés rencontré par  certaines pièces lors de l’ouverture de la vente aux avignonais le 13 juin. Petit rappel d’une programmation prometteuse (les liens renvoient vers des critiques déjà parues).  
Le Festival d’Avignon sera l’une des rares manifestations où les citoyens vont pouvoir discourir sur l’état du monde sans être pris en flagrant délit d’intelligence. Pour cela, la Direction a choisit d’élargir notre regard sur le théâtre par de multiples articulations avec le cinéma (Amos Gitai avec « la Guerre des fils de la lumière contre les fils des ténèbres Â»), avec les nouvelles technologies (Denis Marleau avec « Une fête pour Böris Â»),  et en donnant au récit sa fonction de relier l’intime et le sociétal. Sur ces différents registres, l’argentin
Federico Leon avec « Yo en el Futuro Â» a divisé le public lors du dernier KunstenFestivalDesArts de Bruxelles. Qu’en sera-t-il à Avignon?

Entre Beyrouth et Montréal, Madagascar et Le Caire, Anvers et Marseille, Varsovie et Buenos Aires, Gand et Haïfa, Nantes et Brazzaville, Séville et Modène, jamais le festival ne m’est apparu aussi cosmopolite, ouvert sur les réalités d’un monde complexe. Pour appréhender la crise globale, le Festival nous offre l’opportunité de développer notre vision globale, en multipliant les angles de vue et les territoires. Ainsi, nous pourrions nous retrouver collectivement dans une “clairière“, espace émergeant qui échappe, d’après Wajdi Mouawad (l’artiste associé), à la maîtrise de l’homme et permet l’art de la conversation.

On commencera probablement par scruter le ciel de la Cour d’Honneur tout au long d’une nuit proposée par Wajdi Mouawad pour l’intégrale de ses trois pièces (« Littoral Â», « Incendies Â», « Forêts Â») avant de voir la quatrième (« Ciels Â») dans l’espace déshumanisé du Parc des Expositions de Chateaublanc (attention, jauge très limitée!). Cette « traversée Â» donnera  l’opportunité à Mouawad de remettre en question ce quatuor. Le public d’Avignon participera à coup sûr à ce processus !

L’intention est-elle la même pour le Marseillais Hubert Colas ? Il présentera sa trilogie (« Mon Képi Blanc », « Chto » et « Le livre d’or de Jan Â»). Les deux premières pièces furent jouées dans le cadre de l’excellent festival marseillais « Actoral Â». C’est certain, Colas rencontrera le public d’Avignon.

À peine intronisé lors de l’édition de 2004, Jan Lauwers nous revient cinq ans plus tard avec lui aussi sa trilogie. Deux pièces sont déjà connues (dont la magnifique « Chambre d’Isabella »). On sera attentif à « La maison des cerfs », sa dernière création pour vérifier si Lauwers peut encore nous parler du monde en stimulant notre imaginaire. Mais qu’est-ce qui justifie de programmer l’indigeste « bazard du homard »?

Entre intime et sociétal, Pippo Delbono sait créer les passerelles. Avec « La menzogna », j’entends d’avance l’enceinte de la Cour du Lycée Saint-Joseph résonner. Du spectacle vivant. Hurlant.

Tout comme le chorégraphe Rachid Ouramdane qui avec « Des témoins ordinaires Â» et « Loin » évoquera sur scène la mémoire des exilés et des torturés. Beau partage en perspective. Autres plaies, avec le québécois Christian Lapointe qui avec son « CHS Â» donnera à voir et à entendre le corps brûlé. Les corps de Nacera Belaza avec “le cri » risquent par contre de provoquer le débat sur la relation particulière qu’elle entretient entre la danse et le public. On n’ose encore imaginer ce que nous prépare Maguy Marin. Mais du débat, du conflit, il y aura et l’on ne se privera pas de faire quelques liens avec le propos percutant que nous promet Jan Fabre avec son « orgie de la tolérance ». Le chorégraphe canadien Dave St-Pierre viendra poser par la suite un baume chorégraphique sur nos plaies ouvertes avec « Un peu de tendresse, bordel de merde ! Â».

Vous l’aviez rêvé, le Festival programme le polonais Krzysztof Warlikowski dans la Cour d’Honneur avec « (A)pollonia Â» pour y dévoiler la complexité de notre humanité à partir d’extraits d’Euripide, Eschyle, Hanna Crall… On nous promet une ?uvre pluridisciplinaire. Ce sera aussi un détour par les Grecs pour Joël Jouanneau avec « Sous l’?il d’?dipe Â» d’après Sophocle et Euripide, avant que nous plongions dans l’atmosphère de crise sociale et amoureuse de « Casimir et Caroline Â» par Johan Simons et Paul Koek dans la Cour d’Honneur.

La crise de civilisation va donc s’incarner cet étÃ
©. La France ne sera pas en reste avec Jean-Michel Bruyère et « Le préau d’un seul Â» qui mettra en scène l’outil policier qu’est le camp de rétention. On reviendra avec Thierry Bedard et l’écrivain malgache Jean-Luc Raharimanana sur les massacres de l’armée française à Madagascar en 1947 et sur le caractère inextricable des conflits au Proche-Orient avec Lina Saneh et Rabih Mroué (« Photo-Romance Â»). Après Berlin en mars dernier où il a déçu, le collectif Rimini Protokoll avec « Radio Muezzin » tentera d’humaniser notre vision sur l’Islam tandis que Christoph Marthaler (futur artiste associé en 2010 avec l’écrivain Olivier Cadiot) posera un regard poétique et provocateur sur une humanité déclassée avec « Butzbach-le-Gros, une colonie durable Â».

Cette programmation ouverte nous permettra de saluer le retour de Claude Régy avec « Ode Maritime Â» de Fernando Pessoa, d’accueillir pour la première fois le cinéaste Christophe Honoré  (« Angelo, Tyran de Padoue Â» de Victor Hugo) et le flamenco décapant d’Israel Galvan. Avec une telle traversée, se perdre risque d’être jouissif.

Pour le “off”, le programme est en ligne depuis le 15 juin. L’intégralité des 980 spectacles répertoriés est consultable via de multiples entrées qui, pour la première fois dans l’histoire du Off, font du programme en ligne un excellent outil de recherche. L’édition papier  sera envoyée par voie postale à partir du 29 juin, et distribuée à Avignon partir du 1er juillet.


Pascal Bély

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Festival d’Avignon 2009 : le programme pour traverser la crise.


Le Festival d’Avignon symbolise l’état de notre société. C’est une caisse de résonance et la conférence de presse du 18 mars autour de la présentation de la 63ème édition n’échappe pas à cette isomorphie. Avant d’entendre le directeur Vincent Baudriller, le discours des politiques a souvent consterné. De la pure cuisine politique locale, loin des enjeux de la crise sociale et de la fonction que pourrait y jouer le spectacle vivant. À voir ce mille-feuille (Mairie, Communauté d’Agglomération, Etat, Conseil Régional, Conseil Général) se transformer sous nos yeux en une strate fossilisée, on prend conscience du déficit démocratique dont souffre notre pays, de l’écart grandissant entre le milieu de la culture et ceux qui nous gouvernent.

Le Festival d’Avignon sera donc l’une des rares manifestations où les citoyens vont pouvoir discourir sur l’état du monde sans être pris en flagrant délit d’intelligence. Pour cela, la Direction a choisit d’élargir notre regard sur le théâtre par de multiples articulations avec le cinéma (Amos Gitai avec « la Guerre des fils de la lumière contre les fils des ténèbres », Federico Leon avec « Yo en el Futuro »), avec les nouvelles technologies (Denis Marleau avec « Une fête pour Böris »),  et en donnant au récit sa fonction de relier l’intime et le sociétal.

Entre Beyrouth et Montréal, Madagascar et Le Caire, Anvers et Marseille, Varsovie et Buenos Aires, Gand et Haïfa, Nantes et Brazzaville, Séville et Modène, jamais le festival ne m’est apparu aussi cosmopolite, ouvert sur les réalités d’un monde complexe. Pour appréhender la crise globale, le Festival nous offre l’opportunité de développer notre vision globale, en multipliant les angles de vue et les territoires. Ainsi, nous pourrions nous retrouver collectivement dans une “clairière“, espace émergeant qui échappe, d’après Wajdi Mouawad (l’artiste associé), à la maîtrise de l’homme et permet l’art de la conversation.

On commencera probablement par scruter le ciel de la Cour d’Honneur tout au long d’une nuit proposée par Wajdi Mouawad pour l’intégrale de ses trois pièces (« Littoral », « Incendies », « Forêts ») avant de voir la quatrième (« Ciels ») dans l’espace déshumanisé du Parc des Expositions de Chateaublanc. Cette « traversée » donnera  l’opportunité à Mouawad de remettre en question ce quatuor. Le public d’Avignon participera à coup sûr à ce processus !

L’intention est-elle la même pour le Marseillais Hubert Colas ? Il présentera sa trilogie (« Mon Képi Blanc », « Chto » et « Le livre d’or de Jan »). Deux furent jouées dans le cadre de l’excellent festival marseillais « Actoral ». C’est certain, Colas rencontrera le public d’Avignon.

À peine intronisé lors de l’édition de 2004, Jan Lauwers nous revient cinq ans plus tard avec lui aussi sa trilogie. Deux pièces sont déjà connues (la magnifique « Chambre d’Isabella » et en réchauffé, l’indigeste « bazard du homard ». On sera attentif à « La maison des cerfs », sa dernière création pour vérifier si Lauwers peut encore nous parler du monde en stimulant notre imaginaire.

Entre intime et sociétal, Pippo Delbono sait créer les passerelles. Avec « La menzogna », j’entends d’avance l’enceinte de la Cour du Lycée Saint-Joseph résonner. Du spectacle vivant. Hurlant.

Tout comme le chorégraphe Rachid Ouramdane qui avec « Des témoins ordinaires » et « Loin » évoquera sur scène la mémoire des exilés et des torturés. Beau partage en perspective. Autres plaies, avec le québécois Christian Lapointe qui avec son « CHS » donnera à voir et à entendre le corps brûlé. Les corps de Nacera Belaza avec “le cri » risquent par contre de provoquer le débat sur la relation particulière qu’elle entretient entre la danse et le public. On n’ose encore imaginer ce que nous prépare Maguy Marin. Mais du débat, du conflit, il y aura et l’on ne se privera pas de faire quelques liens avec le propos percutant que nous promet Jan Fabre avec son « orgie de la tolérance ». Le chorégraphe canadien Dave St-Pierre viendra poser par la suite un baume chorégraphique sur nos plaies ouvertes avec « Un peu de tendresse, bordel de merde ! ».

Vous l’aviez rêvé, le Festival programme le polonais Krzysztof Warlikowski dans la Cour d’Honneur avec « (A)pollonia » pour y dévoiler la complexité de notre humanité à partir d’extraits d’Euripide, Eschyle, Hanna Crall… On nous promet une ?uvre pluridisciplinaire. Ce sera aussi un détour par les Grecs pour Joël Jouanneau avec « Sous l’?il d’?dipe » d’après Sophocle et Euripide, avant que no
us plongions dans l’atmosphère de crise sociale et amoureuse de « Casimir et Caroline » par Johan Simons et Paul Koek dans la Cour d’Honneur.

La crise de civilisation va donc s’incarner cet été. La France ne sera pas en reste avec Jean-Michel Bruyère et « Le préau d’un seul » qui mettra en scène l’outil policier qu’est le camp de rétention. On reviendra avec Thierry Bedard et l’écrivain malgache Jean-Luc Raharimanana sur les massacres de l’armée française à Madagascar en 1947 et sur le caractère inextricable des conflits au Proche-Orient avec Lina Saneh et Rabih Mroué (« Photo-Romance »). Le collectif Rimini Protokoll avec « Radio Muezzin » tentera d’humaniser notre vision sur l’Islam tandis que Christoph Marthaler (futur artiste associé en 2010 avec l’écrivain Olivier Cadiot) posera un regard poétique et provocateur sur une humanité déclassée avec « Butzbach-le-Gros, une colonie durable ».

Cette programmation ouverte nous permettra d’accueillir pour la première fois au Festival Claude Régy et son « Ode Maritime » de Fernando Pessoa, le cinéaste Christophe Honoré et son « Angelo, Tyran de Padoue » de Victor Hugo et le flamenco décapant d’Israel Galvan.


Avec une telle traversée, les mille-feuilles vont souffrir…


Pascal Bély

www.festivalier.net

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Bilan du Festival d’Avignon 2008: la traversée politiquement correcte.

Pour leur cinquième année à la Direction du Festival d’Avignon, le tandem Vincent Baudriller et Hortense Archambault a reçu les félicitations de la presse et d’une partie du public sur la cohérence de leur programmation. Ils ont pris de l’assurance, nourris des échanges avec les artistes qu’ils associent à leur réflexion. Ils nous avaient invités à « traverser » le festival, à mettre en résonance les oeuvres pour en dégager le sens global.
Critiques et spectateurs s’accordent pour célébrer une édition «équilibrée». J’aurais préféré le chaos, du désordre, du débat à la place de ces files d’attente bien silencieuses. Alors que le pouvoir UMP fait chaque jour preuve d’une talentueuse médiocrité, le Festival d’Avignon m’est apparu comme un lieu protégé, où l’on peut évoquer le «sens» sans se faire rejeter. Mais est-il encore un espace politique capable d’éclairer sur les enjeux futurs sans réduire la complexité à de futiles slogans ?
Stanislas Nordey avec « Das System » (photo) a séduit un public de gauche nostalgique toujours prompt à dénoncer, mais a profondément agacé ceux qui croient à autre chose qu’aux discours belliqueux contre Bush et la mondialisation. Quant à Lola Arias et Stefan Kaegi avec «Airport Kids», ils nous ont donné une vision bien réduite du monde globalisé en recourant à un procédé éthiquement contestable : faire parler des gosses de riches comme des adultes. Belle forme pour propos un peu creux. Même constat avec le collectif Superamas qui avec « Empire (art et politics) » s’est ridiculisé (comme l’an dernier d’ailleurs) à vouloir accuser les empires actuels tout en utilisant les ficelles identiques d’un système qu’ils dénoncent. Consternant.
La danse pouvait-elle faire mieux ? Sidi Larbi Cherkaoui a créé l’événement avec «Sutra» et les moines du Temple Shaolin. Beaucoup de bruits et de belles formes, mais une vision du monde réduite à une passerelle fragile entre Occident et Asie, entre démocratie et religion. De son côté, Roméo Castellucci avec « Inferno » a transformé la Cour d’Honneur en enfer bien sage pour public sidéré par des effets sensationnels mais qui le referme un peu plus sur sa condition de spectateur consommateur d’images.
On aurait pu attendre une belle surprise de la part de Joël Pommerat avec « Je tremble (1) et (2) ». Si le premier volet a convaincu par la justesse du propos, la deuxième partie s’est perdue dans des digressions métaphoriques un peu vaines, où l’esthétique prenait le pas sur le fond. Décevant et peu engageant.
Politique le Festival d’Avignon ? Oui, quand il interroge nos modes de pensée, déplace notre regard. À défaut de proposer une vision, certains artistes ont évoqué le pouvoir dans toute sa complexité en revisitant la mythologie, en introduisant les technologies d’aujourd’hui, en rendant poreuse la distance entre spectateurs et acteurs. J’ai parfois eu l’impression de lire un livre d’histoire pour repenser totalement ma conception du pouvoir. Le Belge Guy Cassiers avec «Atropa» et « Wolfskers » (photo) est devenu maître en la matière : décrypter les rouages du pouvoir actuel, avec les outils d’aujourd’hui (vidéo, images de synthèse) et les engrenages d’hier. Convainquant même si cela n’a pas empêché certains raccourcis et une difficulté en entrer dans une scénographie très complexe où le surtitrage du néerlandais vers le Français n’a rien arrangé. Thomas Ostermeir aura provoqué enthousiasme et malaise en nous proposant un « Hamlet », miroir saisissant de nos lâchetés et de nos égocentrismes.
Ivo Van Hove est allé plus loin avec « Les Tragédies Romaines » en immergeant le spectateur dans les rouages actuels du pouvoir ou politique et médiatique forment un tout pour le moins troublant. Convié sur la scène, le public a expérimenté une place inhabituelle pour appréhender Shakespeare autrement. Un théâtre assurément postmoderne, stimulant et ouvert. La révélation de ce festival.
Sur un tout autre registre, Philippe Quesne a déplacé le spectateur vers un champ totalement processuel : pour comprendre « La mélancolie des dragons », nous étions invités à lâcher pour nous plonger dans un espace politique très éloigné du «travailler plus pour gagner plus», de la performance à tout prix. Un bel acte de résistance. Ce travail était à rapprocher du duo Mathilde Monnier et Philippe Katerine qui avec «
2008 Vallée » nous a offert un spectacle intelligent en questionnant les valeurs de notre société tout en esquissant un nouvel espace du « vivre ensemble ». Stimulant.
Finalement, peut-on parler d’une édition politique ? Il a manqué l’oeuvre « citoyenne », celle qui percute pour interroger notre posture politique. Je l’ai trouvé dans le « off ». Pièce quasiment ignorée par la presse française. Elle nous venait du Luxembourg et de Finlande (toujours le nord…) : « Je suis Adolf Eichmann » de Jari Juutinen. Il fallait oser. Ils l’ont fait.


Pascal Bély – Le Tadorne

 

 

♥♥♥♥♥♥ ♥♥♥♥♥♥ ♥♥♥♥♥♥ ♥♥♥♥♥♥

Ivo Van Hove,

Tragédies Romaines

Philippe Quesne,

La mélancolie des dragons

Valérie Dréville, …,

Le partage de midi“.

Benjamin Verdonck,

Wewilllivestrom

Stanislas Nordey,

Das system”

Sujet à vif – Julia Cima et Denis Lavant. Supermas, “Empire
Thomas Ostermeier,

Hamlet

Arthur Nauzyciel, “Ordet Guy Cassiers, “Wolfskers  Virgilio Seini, “Osso” François Tanguy, “Ricercar Sujet à vif – Sonia Brunelli et Simon Vincenzi. Claire Lasne Darcueil,

La mouette

Wajdi Mouawad,

Seuls

Alvis Hermanis, “Sonia“. Joël Pommerat,

“Je tremble” (1 et 2)

Ricardo Bartis, “La pesca”. Romeo Castellucci, “Inferno Sujet à vif – I-Fang Lin – Christian Rizzo.
Heiner Goebbels, “Stifters Dingue Guy Cassiers, “Atropa Sidi Larbi Cherkaoui, “Sutra Emio greco, “Hell”
Cirque ici, “Secret” Mathilde Monnier, Philippe Katerine, “2008 Vallée Kris Verdonck, “Variation IV Emio Greco, “Popopera

Olivier Dubois, “Faune(s)

La 25ème heure – Benedicte Lelamer et Florent Manneveau, “Guardamunt 55 Jan Fabre, “Another sleepy dusty delta day D.Jeanneteau/ M-C Soma, “Feux”
Sujet à vif – Laurent Poitrenaux et Sylvain Prunenec. Johanne Saunier et Jim Clayburg,

ERASE – E (X) parts 1,2,3,4,5,6 

Sujet à vif – Isabelle Wéry et Ludor Citrik. Lola Arias et Stefan Kaegi, “Airport Kids
Sujet à vif – Virgilio Sieni. Sujet à Vif – Marta Izquierdo Munoz et Mark Tompnonkins.
Sujet à vif – Massimo Furlan et Marielle Pinsard.
La 25ème heure – Frans Poelstra, son dramaturge et Bach.

 

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Au Festival Off d’Avignon, « Tu as bien fait de venir, Paul ». Nous aussi.

Une ambiance pesante dans ce petit appartement se fait sentir dès les premiers instants. Le père est là, devant nous. Il pourrait être celui du public, de mon voisin de salle, le mien. Il a chaud aujourd’hui. Il a fait une journée orageuse. Il s’assied sur son fauteuil, c’est dimanche. Il vit seul dans cet espace confiné. Tout comme sa tenue négligée, l’habitat l’est tout autant. Ses affaires sont éparpillées sur le sol par paquet. Entre le fils. Il se tient dans l’encadrement de la porte, l’observe, essaie de parler, puis retourne à l’entrée et frappe pour signifier son arrivée. Ils se parlent en oubliant presque de s’embrasser.

Les paroles gauches, insignifiantes (« Il a fait chaud aujourd’hui ») répétées en boucle, comblent le vide entre le père et le fils. Le fil générationnel cassé, suite à la mort de la mère et à la vie quotidienne du fils, pris par son travail, ses amis, sa femme, a fait de ses deux âmes, deux entités fantômes pour l’un et l’autre.
Cette soirée dominicale est l’occasion de se parler, d’homme à homme. Cela pourrait être aussi, de père à fille, de mère à fils, de fille à mère. L’écriture de Louis Calaferte distille, par petites touches, la complexité du lien parents-enfants. Derrière l’amour que chacun éprouve pour l’autre, il y a une rancoeur palpable, grandissante, qui finit par ensevelir la relation. L’un ne veut pas déranger, s’imposer dans le foyer ; l’autre, s’en veut de ne pas lui rendre visite plus souvent, de ne pas prendre plus grand soin de lui, à celui à qui il doit la vie.
Le dialogue lourd, lorsque l’on parle de la réalité, devient plus léger avec les « si » et les souvenirs. Ils amènent sourires et peines et réinitialisent leur relation filiale. Puis, au détour d’un mot, tout s’écroule et laisse place aux non-dits, à ce que l’on ne veut pas se dire pour ne pas faire du mal.
L’air étouffant de cette fin de journée devient suffocant, étouffant au fil de l’échange. On attend un orage pour rafraîchir l’atmosphère.
Cet orage arrivera et fera éclater les sentiments et les langues se délieront pour laisse place à…
Je préfère taire la fin de ce récit dans lequel chacun peut se projeter et se retrouver dans les traits de Julien Leonelli et d’Yvan Chevalier, tant leur interprétation naturelle nous renvoie à nos dimanches de visite familiale.

Didier Moine, le metteur en scène, s’est fait ethnologue et signe avec « Tu as bien fait de venir, Paul » notre “Festen” français.

Laurent Bourbousson
www.festivalier.net

  « Tu as bien fait de venir» de Louis Calaferte mis en scène par Didier Moine. Au Magasin, en Avignon,  jusqu’au 2 août 2008.

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FESTIVAL D'AVIGNON

Au Festival Off d’Avignon, apprenons à vivre en communauté.

« Le Vieux Juif », « Les Marchands Ambulants » et « 74, Georgia Avenue » de Murray Schisgal, dramaturge américain, rassemblés pour l’occasion par Stéphane Valensi, me plonge, français, dans l’esprit de la communauté juive des États-Unis.
Les trois pièces évoquent l’exil, pose la question de l’identité et de la culture, vu par un réfugié juif qui a fuit le vieux continent, pour vivre son « eldorado » aux États-Unis.
Avec « Le Vieux Juif », Stéphane Valensi incarne ce vieil homme. Dès son apparition sur scène, je ressens de la sympathie. Il nous parle de son envie d’oublier, convie ses voisins imaginaires pour mieux faire éclater sa solitude de réfugié et partager son regard tendre sur son passé si loin et si proche.
La question de la perte de l’identité est approchée avec “Les Marchands Ambulants“. Tout fraîchement débarqué aux Etats-Unis, notre arrivant juif rencontre un de ses compatriotes. Pour mieux s’intégrer dans ce pays, ce dernier lui vend un nom bien américain, qui fait couleur locale. Avec son nouveau patronyme, il devient autre.
La notion de communautarisme est illustrée avec “74, Georgia Avenue.” Le duo, composé de Marc Berman et Paulin F. Fodouop, incarne les communautés juives et noires qui font l’Amérique. Lui a vécu dans cet appartement près de la synagogue, lorsqu’il était enfant. L’autre est venu vivre ici lorsque la communauté juive est partie. Communauté noire et communauté juive au coeur du propos, comme une envie de vivre ensemble. L’échange se termine avec le Kaddish dit pour le père juif mort, par l’autre, l’étranger. Une leçon d’humanité.
L’articulation réussie de ce triptyque passe par la scénographie mouvante de Jean Haas, créant à chaque échange un nouveau lieu, un nouveau repère dans l’espace-temps à se créer.
Cependant, même si tout est parfaitement articulé, et les comédiens tous parfaits sans exception, je reste distant du propos tenu. Problème de culture ? Je ne suis ni juif, ni américain, juste un français loin de leur histoire. Je pense à mon cadre identitaire, aux leurs, à l’interculturalité. Ne serait-ce pas seulement une utopie ?

Laurent Bourbousson. www.festivalier.net
Le vieux juif“, « 74, Georgia Avenue», “Les marchands ambulants“, ” mis en scène par Stéphane Valensi au Théâtre  des Halles d’Avignon jusqu’au 1er août 2008.
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FESTIVAL D'AVIGNON FESTIVAL MONTPELLIER DANSE Vidéos

Mathilde Monnier et Philippe Katerine remettent le son.

Qui n’a jamais rêvé d’un concert pop – rock, scénarisé comme une pièce de théâtre, avec des danseurs pour décupler la puissance émotionnelle de la musique? La transdisciplinarité en vogue chez certains chorégraphes et metteurs en scène semble laisser de marbre pour l’instant les chanteurs (à l’exception notable de Florent Marchet et Camille). Et pourtant, ce rêve, Mathilde Monnier et le chanteur Philippe Katerine le réalisent d’abord pour Montpellier Danse en 2006 puis pour le Festival d’Avignon en 2008. Ils clôturent ainsi leur tournée et mon périple de festivalier.
« 2008 Vallée » est donc la rencontre de l’univers burlesque, provocateur et politiquement incorrect de Katerine avec la danse exigeante de Mathilde Monnier. En se liant, leur art respectif gagne en hauteur, en créativité. La Cour d’Honneur amplifie la dimension poétique et politique. Le groupe semble pousser les murs, entraînant avec eux des spectateurs peu habitués à être ainsi guidés dans cet espace où le chant danse, où la danse chante. Si l’on rit beaucoup, tous deux portent un regard féroce sur notre société vide de sens jusqu’à l’absurde, mais qui donne à Marine Le Pen une place de choix et au coiffeur Jean-Marie le soin de nous mettre la raie du bon côté.
C’est dans cette terrible alternative que les six danseurs compagnons de fortune de Katerine trouvent des stratégies pour réinventer de nouveaux modes de communication à partir de processus si créatifs que l’on en perd le langage de la rationalité. Mathilde Monnier réussit à contenir les paroles et musiques de Katerine en permettant à ses danseurs les gestes les plus absurdes, tout en étant toujours en phase avec le groupe. Tout le corps est dansant (les cheveux qui traînent à terre, la voix qui déraille, les jambes qui s’emmêlent,…) et métaphorise qu’avec l’univers de Katerine tout est possible, pourvu que le sens ne soit jamais bien loin.

C’est ainsi que ce spectacle véhicule de l’espoir, une énergie contagieuse malgré le chaos et le vide qui engloutissent petit à petit les protagonistes de “2008 Vallée“. C’est une ode à la diversité, à la différence. C’est l’espoir de voir notre époque laisser la place à tant d’autres créations dont nous ne soupçonnons pas encore la portée. « 2008 vallée » finit sur le nouveau monde, celui qu’il nous reste à construire, une fois abandonnés nos «patati et patata » et nos plaintes égocentrées.

À voir le sourire des spectateurs, en observant le visage radieux de Mathilde Monnier, la surprise de Katerine face au triomphe que lui réserve le public d’Avignon, il n’y a pas de doute sur la fonction rassurante et caressante de « 2008 Vallée ».
Beau cadeau pour finir ce festival qui….
Et patati, et patata…


Pascal Bély – www.festivalier.net

 ” 2008 Vallée” de Mathilde Monnier et Philippe Katerine a été joué le 25 juillet 2008 dans le cadre du Festival d’Avignon.