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Konnecting Souls de Franck II Louise: deconnecting people.

Après « Drop it » vu au Festival d’Avignon en 2001, je suis curieux de retrouver Franck II Louise qui avait su chorégraphier avec créativité la place de l’individu dans le groupe à partir de la contrainte. Cinq années plus tard, le Wi-Fi et les nouvelles technologies envahissent le plateau et les corps pour une danse « Hip hop » dématérialisée. « Konnecting Souls » va me transporter pendant une heure dans un Second Life ennuyeux.
Quatre danseurs dont une femme occupent timidement la scène. Deux sont bardés de capteurs de mouvement reliés à une interface musicale pour composer la lumière et la musique en direct. Nous sommes dans l’ère de la cybernétique, où l’immédiateté prend le pas sur la réflexion, où tous les rêves sont possibles, même de créer « un orchestre de danseurs ». L’idée paraît géniale, à l’image d’un chemin qui se fait en marchant.  Pourtant, je ne ressens que de la contrainte et le peu de créativité s’exerce dans un lien de dépendance. La musique est inaudible, la danse se limite à des mouvements mécaniques reliés exclusivement à la technologie. Les danseurs n’arrivent même pas à s’en affranchir : un homme, tel un enfant, essaie de jouer avec un objet, mais les gestes tombent à plat comme s’il n’habitait pas son corps. « Konncting souls » est un hymne à la verticalité, à la dépendance, au pouvoir masculin. Franck II Louise a du talent pour brancher des fils invisibles, faute de créer des liens. C’est une œuvre triste pour nous préparer à vivre dans un monde dématérialisé.
Cette vision pessimiste cache plutôt l’absence de réflexion à long terme sur le lien social. On ne peut pas tout attendre de la danse…

♥ "Konnecting Souls" de Franck II Louise a été joué à la Scène Nationale de Cavaillon le 9 février 2007.

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L’impossible double deux de Gilles Jobin.

Clairement, "Double deux" de Gilles Jobin relate l’impossibilité d’être à deux : 
1 – «Je souffre de solitude»
2 – «Je me jette aux pieds de la première / du premier venu(e)»
3 – «Je te prends, je te jette»
4 – «Je te jette»
5 – «Je veux te modeler selon mon désir»
6 – «Je te prends, je te prends »
7 – «J’ai honte, je suis malheureux, plus malheureux encore qu’avant, je souffre ».
Ce déroulé paraît avoir été couplé à des consignes chorégraphiques simples, travaillées sous la forme d’improvisations successives :
1 – «Je balaye du bras l’espace devant moi tête basse et je m’effondre»
2 – «Je glisse sur le sol en direction d’un autre danseur»
3 – «J’attire l’autre et je le repousse en marmonnant pour moi même»
4 – «Je le gifle. Partie de baffes généralisée»
5 – «Je contrains l’autre à faire certains mouvements»
6 – «J’expérimente tristement le répertoire complet du Kama-sutra»
7 – «Je quitte l’autre, puis à la manière de Münch, je hurle une douleur muette».
Tout semble facile et convenu. Les applaudissements des spectateurs du Théâtre de la Ville furent timides.
Pour ma part peut-être n’avais-je pas envie ce soir là de plonger dans univers houellebecquien. Pour autant, il semble que ces idées auraient pu être exprimées plus subtilement, sans faire appel au pathos. Les danseurs de Gilles Jobin auront au moins réussi à me faire partager leur déception.

Elsa Gomis – Paris.

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♥ "Double deux" de Gilles Jobin a été joué au Théâtre de la Ville de Paris du 7 au 11 février 2007.

Crédit photo: Jean-Pierre Maurin.

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Paco Dècina, chorégraphe philosophe au Festival Faits d’Hiver.

Il est 17h30, au Théâtre de la Cité Internationale de Paris. Le public est nombreux pour assister à « Indigo », la dernière création du chorégraphe Paco Dècina. Le photographe Eric Boudet et moi-même semblons être les seuls à nous inscrire dans la continuité du spectacle de la veille (« Je ne suis pas un artiste ») qui nous a maintenu éveillé de 19h à 7h du matin. Le Festival « Faits d'Hiver » a donc de la suite dans les idées : après les douze heures d'une performance qui n'a cessé d'interroger le « beau », nous sommes prêts pour « Indigo », « la couleur profonde de la nuit quand celle-ci se prépare déjà secrètement à se teinter de pourpre » (Paco Dècina). Une heure avant le spectacle, je constate que le Théâtre organise un café philosophique avant et après la représentation. Du « beau » à la philosophie, il n'y a qu'un pas que je franchis avec enthousiasme. L'opportunité de relier le blog, le festival « Faits d'Hiver », un groupe de spectateurs philosophant sur la danse et un photographe est unique ! C'est ainsi que notre projet de médiation prend une nouvelle forme, inattendue et pour le moins excitante. Les passerelles stimulent !
Cette ouverture me tient éveillé tout au long d' « Indigo », chorégraphie tout en douceur et tout en longueur. Je suis hypnotisé, comme happé par ces six danseurs parmi lequel Orin Camus (photo ci-dessous). Il dansait la nuit dernière à 3h du matin lors de la performance « Je ne suis pas un artiste ». Sa présence est exceptionnelle,  intacte malgré la fatigue. Tout est décidément lié?d'autant plus que le thème du café philosophique animé par Bernard Benattar (philosophe du travail) porte sur la présence !
Nous sommes vingt-cinq, installés dans ce joli café. Le philosophe lance le débat : « C'est une pièce sur la présence de l'absence ». Cette entrée paradoxale stimule le groupe. Certains expriment leurs ressentis, d'autres, plus à distance, écoutent. La présence se joue autour des tables comme si « Indigo » continuait à produire ses effets. « C'est un spectacle qui nous donne beaucoup de place » et certains n'en reviennent toujours pas : « je reviens pour la deuxième fois pour vivre une expérience des sens. Paco Dècina laisse percevoir le corps. J'aime cette liberté. ». En effet, « Indigo » est « un hymne à la renaissance » qui laisse au spectateur une place, une liberté qu'il n'hésite pas à prendre (« Je me suis absenté souvent dans cette pièce » ; « je n'arrive pas à interpréter. Je suis entré dedans sans faire de lien »). Chacun interprète la présence (« sa dramatisation » dit l'un deux) dans toute sa complexité et les échanges s'emballent à propos du silence : « Dès le début, le silence m'a fait peur?La danse était certes très belle, mais je n'ai pas accroché ; j'ai perdu le fil ».
Paco Dècina n'oppose pas pour préférer le « tout » : « la présence se nourrit de l'absence » et « elle dépend de notre position ». Les moments de silence ont précisément pour fonction de permettre au spectateur d'être présent (« le silence permet de créer le lien entre le chorégraphe et le spectateur?Il nous fait toujours résonner ! »). À ce moment du débat, chacun de nous est interpellé. La tension est palpable. Je suis troublé après coup de constater que nous sommes en miroir avec « Indigo » qui suit le même cheminement ! Un recadrage est alors proposé : « A-t-on besoin de rationaliser ce spectacle ? Cela s'adresse aux sens, c'est tout ». Cette sentence remet en cause le principe du café philosophique. La réponse ne tarde pas : « L'enjeu ici n'est pas de cliver. La philosophie partagée permet de dépasser les clivages entre les concepts et les ressentis, les sens ».  Le cadre étant reposé, un spectateur précise que « l''homme est vu dans sa fragilité. C'est une pièce très féminine, où la danse dégage un érotisme troublant ! ». Le « féminin » permet précisément de sortir des clivages pour se centrer sur la relation. Or, nous ne sommes pas tous d'accord sur l'intensité relationnelle d'”Indigo”. Certains la jugent « trop esthétisante » quand d'autres relèvent des « mouvements habités, où le danseur va jusqu'au bout alors que d'autres sont vides ». Le « plein », le « vide » fait de nouveau débat avant ma provocation (involontaire !). J'évoque le solo final, laborieux à mon goût, un peu vide, comparé à la « stature » d'Orin Camus. Or, ce danseur n'est autre que Paco Dècina ! C'est alors que Bernard Bennatar reformule : « ce solo est à la limite du théâtral ». Comme au spectacle, cette phrase retentit comme un final subliminal.
Nous sommes alors prêts pour visionner les photos d'Eric Boudet. L'enthousiasme est palpable. L'image se relie aux mots. Magnifique.
« Indigo » est une passerelle : pour en ressentir toute la puissance, il faut oser aller d'une rive à l'autre. Osons.



Photos non libre de droit; pour de plus amples informations, contactez Eric Boudet.

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??? “Indigo” de Paco Dècina a été donné du 1er au 6 février 2007 au Théâtre de la Cité internationale à Paris dans le cadre du Festival “Faits d’Hiver”.

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Au Festival Faits d’Hiver, le public, ce héros.

S’ouvrir, communiquer, mettre en lien les regards du public, tel est le projet que nous poursuivons, Eric Boudet (photographe de danse) et moi-même, avec le Festival parisien « Faits d’Hiver ». Il y a quinze jours, nous étions accueillis pour les créations de Josette Baïz, de Brigitte Seth et Roser Montllo. Ce deuxième week-end s’annonce riche, à l’image d’un festival résolument orienté vers des propositions artistiques où le rôle du public est questionné. Nous revenons au studio « Le regard du cygne » dans le 20ème pour « le spectacle dont vous êtes le héros » par la CompagnieAndrophyne. J’interviewe quelques spectateurs avant la représentation. Personne ne semble faire le lien avec le titre de la pièce comme si plus rien ne pouvait surprendre ce public de connaisseurs ! Par contre, la présence du bloggeur étonne, fait sourire, interroge, intéresse. Les rendez-vous sont pris avec quelques uns. Seront-ils les héros de la soirée ?
Le dispositif scénique frappe par son inventivité : télévisions à terre et au mur, musiciens à droite, grande toile à gauche et divers objets tombants du plafond. Il y en a pour tous les goûts, tous les regards et j’imagine déjà une danse…pluridisciplinaire ! Très vite, nous voilà projetés dans l’univers de « Big Brother ».  Un homme à l’écran explique les règles du statut de l’intermittence à un ami qui semble ne rien y comprendre. Le spectacle débute avec ce héros des temps modernes et se terminera une heure après par un verre de vin offert au public sur la scène ! Entre ces deux moments, un groupe de huit artistes tente le tout pour le tout pour créer une œuvre déconstruite, où tout ne tient qu’à un fil avec des références appuyées à notre société médiatique en perte de sens. C’est un tourbillon de mots, de corps jetés à terre, de provocations, de souffrances et de solitudes, de paris fous gagnés et perdus, de tentatives réussies et d’échecs retentissants. En une heure, notre société est sur scène pendant que les artistes, toujours plus précaires, nous aident à rechercher le sens. Face à ce déluge, le public ne peut rester passif. Trois spectateurs (volontaires) sont tirés au sort pour venir sur scène. Après une sélection sans pitié aux critères aléatoires, un seul survit ! Il est tour à tour manipulé, laissé de côté, intégré dans la troupe puis menacé d’exclusion. On le métamorphose en «big brother » et semble y prendre plaisir, comme pris à son propre piège. On ne sait plus où donner de la tête. Notre monde est devenu complètement fou et notre « héros »  de la soirée s’en sort tant bien que mal. Les acteurs finissent éreintés, maculés de sang, mais l’art est toujours là, à travers cette fresque dessinée à partir des corps d’un artiste et du spectateur – héros!
Ce groupe de chanteurs – musiciens – plasticiens – danseurs est à l’image de sa musique (enivrante), de sa danse (« sculpturale ») et de ses décors (en mouvement permanent). La Compagnie Androphyne ne manque décidément pas d’idées et de talents dans cette société polluée par le temps  médiatique et obsédée par le contrôle.
Les spectateurs, une fois sur scène, un verre à la main, se laissent volontiers interviewer par le bloggeur, comme si l’exercice était cohérent avec le spectacle. Tommy, très inspiré, évoque un « existentialisme galvaudé, mais présent », une œuvre où «je retrouve les codes de mon imaginaire, de mon quotidien d’artiste. C’est une pièce qui va évoluer dans ses articulations ».  Cette évolution est d’autant plus évidente que le lien avec le public est ouvert : « On s’interroge,  on ne subit pas ; le parcours n’est pas fléché, il y a des parcours multiples. » affirme Christine. Ce sentiment est relayé par Yasmina qui note «une liberté corporelle très forte », là où Hélène voit « des lignes qui se croisent et se décroisent ». Cette pièce a des allures de conte moderne avec ses personnages étranges, telle cette meneuse de revue qui a fortement impressionné Evelyne par « sa distance extraordinaire à mener le jeu dans un espace aussi petit ». Nathalie y voit presque « une comédie  musicale » tant le jeu est ouvert. Mais qu’en dit le héros de la soirée ? Cyril est discret, étonné par mes questions. Il aurait aimé voir le spectacle !  À l’intérieur, il a tenté de ne  « pas être que spectateur. Il fallait que je fasse le maximum pour faire partie de l’ensemble » même « s’ils ont tout fait pour m’intégrer ». Véronique a pu réaliser le rêve de Cyril : être l’héroïne la veille, et spectatrice le lendemain. Elle répond avec gourmandise à toutes mes questions et finit par me lâcher :   « suite à cette expérience, mon regard a changé à la fois sur le détail et l’unité d’ensemble ». À les écouter, leurs actes n’ont rien d’héroïque. Je suis presque déçu.
Sofie me confie plus tard qu’elle n’a pas «eu de déclic » et qu’elle ne sait « jamais investi psychologiquement ». Au final, la fonction du héros semble perdre de sa superbe comme si tout se déverticalisait ! Il est donc temps de passer à autre chose, à d’autres représentations théâtrales, où l’artiste ne serait plus au centre de tout, mais en lien avec le tout.
On attend avec impatience le prochain spectacle de la Compagnie Androphyne pour redynamiser tous ces héros qui sont déjà fatigués !


Photos non libre de droit; pour de plus amples informations, contactez Eric Boudet.
♥ "Le spectacle dont vous êtes le héros" de Pierre – Johan Suc et Magali Pobel a été joué les 1er et 2 février au "Regard du Cygne" à Paris dans le cadre du Festival "Faits d’Hiver".

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Dimitri Jourde, danseur étoile du Kubilai Khan Investigations.

Le Théâtre des Salins poursuit son audacieuse programmation avec un nouveau voyage surréaliste : la rencontre de l'Asie, de l'Afrique et de l'Occident. La Compagnie Kubilai Khan Investigations propose « Gyrations of barbarous tribes », succès retentissant du Festival Off d'Avignon l'été dernier et dont nous avions fait l'écho sur ce blog. Je revois ce spectacle pour la deuxième fois, mais l'angle de vue est différent : la grande scène de Martigues accueille cette ?uvre imposante.
Ils sont neuf danseurs et musiciens du Mozambique, d'Asie et d'Europe venus créer un territoire où les arts et les cultures s'entrecroisent pour tisser un espace contenant capable de faire fonctionner notre imaginaire par un lâcher ? prise continu. Ce collectif nous invite à dépasser nos cloisonnements, à tracer nous-mêmes les chemins pour nous relier à ce nouveau continent. Le voyage est à la fois intérieur, sur la scène et cette alchimie est prodigieuse. Le Directeur artistique, Franck Micheletti, signe une ?uvre ouverte aux pays des sans-papiers persécutés.
Tout commence par ces cloisons dorées qui délimitent les territoires : chacun se cherche, prend appui puis se déséquilibre à mesure de leurs mouvements. Le contexte de l'Afrique est posé ou plutôt le regard que nous portons sur elle. Les luttes, les transformations (de l'homme vers la femme, de l'homme se comportant comme un chien, du singe vers l'humanité) accompagnent l'émergence de ce nouveau monde. Les musiciens (magnifiques) nous guident, tel un fil d'Ariane, au c?ur de la violence, du chaos. Rien n'est détourné, tout est retourné vers nous. L'énergie déployée est à la hauteur de l'enjeu : le fil, toujours prêt à se désintégrer, doit dépasser les cloisons. Pour cela, Franck Micheletti se repose sur la force du groupe métissé pour qu'elles se métamorphosent en fond du décor.
Cette émergence s'appuie surtout sur Dimitri Jourde, danseur exceptionnel dont le corps évolue à mesure de l'avancée du territoire: tour à tour à terre, en l'air, jouant à la balle, passant du singe à l'homme, cet homme est une rondeur à lui tout seul. Il est le processus du collectif, son aimant, son liant. Son corps plie toujours, mais ne rompt pas ; sa danse est le socle sur lequel le groupe peut prendre appui. Dimitri Jourde est un orfèvre, un humanitaire dont la mission serait de refaire le monde. Émouvant.
Le public du Théâtre des Salins salue avec ferveur la prouesse. Alexandra et Claire, à mes côtés, se souviendront longtemps de ce voyage. Je remercie publiquement Annette Breuil, la directrice du Théâtre, de nous proposer ces chemins de traverse dont Jérôme Bel (programmé la veille) et Franck Michelettti seraient les passeurs. Il faut un certain courage pour ne pas se laisser envahir par des voies uniques et choisir des itinéraires chaotiques. Le Théâtre des Salins est décidément une belle météorique.

Pascal Bély
www.festivalier.net

????? « Gyrations of barbarous tribes » de la Compagnie Kubilai Khan Investigations a été joué au Théâtre des salins de Martigues les 30 et 31 janvier 2007.

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Trois recommandations tadornesques!

Le Théâtre des Salins de Martigues fait l’évènement cette semaine en nous proposant l’image d’une France métissée ! A ne manquer sous aucun prétexte (la réservation, c’est ici!) les mardi 30 et mercredi 31 janvier, deux moments précieux :
La dernière création de Jérôme Bel, un portrait dansé au format particulier d’un dialogue entre lui-même et le danseur thaïlandais Pichet Klunchun.
– Un petit chef d’œuvre d’humanité proposé par la compagnie, Kubilai Khan Investigations,   « Gyrations of Barbarous Tribes » (notre photo).

Le Théâtre du Merlan continue sa programmation audacieuse avec "Cet enfant" de Joël Pommerat les….30 et 31 janvier 2007. Saluons la coordination entre les deux théâtres! Stupéfiant!

Toujours sous le signe de l’ouverture, le projet « Le photographe sort le bloggeur de sa toile » se poursuit les 2, 3 et 4 février dans le cadre du Festival Faits d’Hiver à Paris. Ne manquez pas la performance de Geisha Fontaine et de Pierre Cottreau (« Je ne suis pas un artiste") le 3 février de 19h à 7h du matin.
Nous vous attendons pour blogger !
 


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Au Pavillon Noir, Thierry Bae perd sa disparition.

Nous sommes en juillet 2005. Thierry Baë, avec son «Journal d'inquiétude», créé l'événement lors du feu festival «Danse à Aix». Le public, médusé et ravi, assiste à un spectacle atypique: atteint d'une maladie pulmonaire qui l'empêche progressivement de danser, Thierry Baë cherche sa reconversion. Un film (souvent drôle) retrace sa démarche, entrecoupé de quelques jolis moments de danse pour finir par un tableau d'anthologie (l'arrivée par surprise de Joseph Nadj !). Ce succès lui permet d'être programmé lors du Festival d'Avignon en 2006 et d'entamer une tournée en France. La presse régionale et nationale est enthousiaste! En évoquant sa reconversion sur scène, Thierry Baë continue de danser.
À l'époque, cette démarche m'avait laissé dubitatif : je m'étonnais de la faiblesse du propos artistique et d'une exhibition qui m'empêchait d'entrer dans son histoire.
Deux ans plus tard, je suis impatient d'assister à “Thierry Baë a disparu” au Pavillon Noir d'Aix en Provence. Dans le programme de la saison paru en juin dernier, le titre était différent (« Et maintenant il colle son oreille au sol »). Cette conversion est loin d'être anodine. D'une évocation métaphorique et poétique, la pièce se recentre fortement sur l’auteur. Après son «Journal d'inquiétude», se projette-t-il comme un performeur? Je suis excité par cet hypothétique cheminement.
Depuis 2004, la santé de Thierry Baë semble se détériorer. Il refuse qu'un changement professionnel s'opère nécessairement par des cassures et des modifications brutales d'environnements. Pour Baë, il est possible de continuer à condition que le danseur explore toutes les possibilités artistiques qui lui sont offertes (le yoga, le chant, les arts martiaux, le taï chi chuan). Cette recherche est de nouveau l'objet d'un (long) film et d'une scène finale où il apparaît par surprise. Depuis 2004, la structure de la pièce change décidement peu. La nouveauté, c'est la présence de Denis Robert (le célèbre écrivain, enquêteur sur l'affaire Clearstream) métamorphosé en danseur le temps de la première à Aix en Provence, en attendant que Thierry Baë revienne de Chine !
Pendant une heure, je m'ennuie à l'évocation de cette histoire qui décolle rarement de la narration. Les quelques pas de danse de Robert, la création d'un pantin à terre, tel un SDF, ne permettent pas de transcender l'épopée de Thierry Baë. Sa recherche de nouvelles expressions corporelles nous conduit d'Aix en Provence (scène pathétique avec Angelin Preljocaj sur le sentier de la Sainte Victoire) à Genève dans l'appartement d'une Espagnole férue de philosophie, pour finir en Chine. La structure de la pièce s'enferme progressivement dans une boucle répétitive entre le comique de situation, la compassion envers un danseur malade et l'angoisse de l'avenir (la moitié des Français ont peur de devenir SDF).  Cet enfermement empêche le sens d'émerger, colle la « métavision » au sol et me positionne à devoir « juger » de l'intérêt de cette tranche de vie.
Il n'est donc pas le performeur que j'attendais, posture capable de transcender l'histoire tout en intégrant le public par un aller ? retour narcissique. L'alternance vidéo ? plateau gêne le contact d’autant plus que le spectacle est une série de cassures, où tout est tourné en  dérision. À aucun moment son corps ne nous est donné : celui-ci s’enferme dans le film ou s’incarne dans celui de Denis Robert. L'espace est alors trop petit pour permettre un débordement susceptible de nous atteindre. Au final, le dispositif devient lourd et l'interaction entre lui et le public est descendante là où la performance aurait pu la démocratiser. Tout au long du spectacle, nous sommes sagement assis et très silencieux (en sera-t-il de même ailleurs?)
Après le « Festival Faits d'Hiver » qui m'a fait décoller le week-end dernier, mon oreille s’est collée sur le sol du Pavillon Noir. Désolé, telle est ma chute.

Pascal Bély – Le Tadorne

“Thierry Baë a disparu” a été joué au Pavillon Noir d’Aix en Provence le 26 janvier 2007.

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Au Festival Faits d’Hiver, Brigitte Seth et Roser Montllo commettent le crime parfait.

Le studio « Le regard du Cygne » à Paris accueille le Festival « Faits d’Hiver ». J’anime avec Alexandra la médiation culturelle pour mettre en lien le public, le bloggeur et Eric Boudet, photographe de danse. Le lieu est apaisant, niché au fond d’une cour dans le 20ème, rendez-vous presque secret des amateurs de danse. Ils sont là, un dimanche, à 15h, seuls ou en couples (tel ce duo de colocataires, Laurent et Julie, venus en voisins !). Nous sommes loin de nous douter que ce studio héberge deux criminelles. À écouter et noter les ressentis d’un groupe de spectateurs à la sortie de « Epilogos, confessions sans importance » de Brigitte Seth et Roser Montllo, je prends conscience de l’énergie que peut donner un festival qui ose surprendre en ouvrant les cases !
Nous avons aimé cette œuvre inspirée de Max Aub, écrivain d’origine allemande, espagnol et mexicain suivant les époques. L’acte criminel nous tient en haleine pendant cinquante minutes. Tout commence par une scène qui déplace les frontières. Face à nous, en blouse blanche, elles évoquent avec humour Max Aub, comme deux professeurs qui expérimenteraient une nouvelle pédagogie. La pièce débute dans un entre-deux, un contexte qui positionne étrangement le spectateur. Entre théâtre et réalité, « Epilogos, confessions sans importance » est une « fiction hyper – réaliste » selon Mélody, , «Une histoire racontée par le corps mais ce n’est pas une danse » pour François. Cet « entre-deux » permet d’incarner le crime dans toute sa complexité (comme un « défouloir…qui n’a jamais eu envie de tuer quelqu’un ? » précise Julie), à partir d’un « genre artistique » où la danse, la littérature, le mime et  le théâtre forment un tout dynamisant.
La force de ce duo est incontestablement leur capacité à transcender les textes de Max Aub pour nous en offrir une lecture à la fois drôle et profonde. Les mots pénètrent leurs corps, de la tête jusqu’aux pieds ; quand l’une extériorise la violence du crime, l’autre l’intériorise pour nous la restituer sous une forme inattendue (« où comment tuer avec grâce ! »). Ainsi, les photographies d’ Eric Boudet, loin de capter le mouvement, cherchent  le corps qui danse par les mots,
exercice d’autant plus difficile que les lumières accompagnent peu le travail architectural du texte. Pour Marie et François,  c’est un spectacle « musical »: la bande-son relie les deux femmes, leurs coups de poing sur la table rythme la déstructuration du texte, comme si elles assassinaient la littérature ! Nous sommes souvent interpellés dans cette mise en scène qui ne laisse aucun temps mort (sic). En effet, nos souvenirs d’enfant s’immiscent quand l’une étrangle l’autre (je nous revoie jouer avec ma sœur) ou, vers la fin du spectacle, elles tournent autour de la pièce, telles des prisonnières de Guantanamo ou des camps de concentration. Sublime.
Reste que « Epilogos, confessions sans importance » n’est pas qu’une mise en scène créative des textes de Max Aub. Pour François, les deux artistes nous parlent d’elles, de leurs confrontations,  tout en maintenant l’ambiguïté dans l’emploi du masculin et du féminin. Pour Alexandra, cette confusion créée l’interaction avec public, où l’on passe d’elle à il, d’elles à nous.
Brigitte Seth et Roser Montllo signent là une œuvre ouverte, transdisciplinaire, loin de toutes nos références. De quoi nous donner envie de lire Max Aub, de suivre les créations de ce duo atypique.
Finalement, ces criminelles ne tuent pas…quel joli paradoxe !


Les photos ont été choisies par le public, à l’issue de la représentation. Eric Boudet s’est simplement permis un recadrage et un ajustement très succinct de la luminosité.


Photos non libre de droit; pour de plus amples informations, contactez Eric Boudet.

« Epilogos, confessions sans importance » de Brigitte Seth et Roser Montllo a été joué du 18 au 21 janvier 2007 au "Regard du Cygne" dans le cadre du Festival "Faits d’Hiver".


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Au Festival Faits d’Hiver, Josette Baïz métamorphose.

C’est la dernière représentation de « Tonight ! » à Paris, chorégraphie de Josette Baïz, au Théâtre Silvia Monfort, dans le cadre du Festival « Faits d’Hiver ». C’est aussi la première fois qu’une « médiation culturelle » met en lien le public, le bloggeur et Eric Boudet, photographe de danse. D’un petit groupe constitué après le spectacle, le cercle s’est élargit aux  danseurs pour choisir les photographies de "Tonight!" à publier sur le blog. J’écoute, je note les observations pour cet article afin de dessiner en mots le regard kaléidoscopique d’un public curieux et passionné.
« Tonight ! », largement inspiré de « West Side Story », a changé.
Je me souviens de la première représentation lors du feu Festival « Danse à Aix » en 2004. Les deux bandes rivales étaient fortement perceptibles, les mouvements plus saccadés et le tout me paraissait bruyant, voir brouillon à certains moments. Ce soir, ces danseurs (pour la plupart non professionnels, recrutés à Aix en Provence dans le cadre d’un projet  pédagogique et social) ont offert toute leur énergie conférant à l’ensemble un aspect aérien, bluffant voire agressif. Le clivage entre les deux groupes s’est atténué comme si la troupe de Josette Baïz avait trouvé ses marques, où chacun a sa place, son rôle, loin des trois individualités repérées en 2004.
Il n’y a plus de gentils, ni de méchants, mais une dynamique collective
peu canalisée, toujours agressive et violente. En lissant le clivage, « Tonight ! » brouille les repères, positionne la musique comme le moteur de la danse et peut nous empêcher d’entrer comme si tout était cadré (qui ne connaît pas les refrains de "West Side Story" ?).
Il faut attendre les scènes sur l’échafaudage, lieu du danger par excellence, pour sortir de ce groupe chaotique semé d’individualités. Nous mesurons alors la créativité de ces danseurs et  l’extraordinaire mise en relief de « West Side Story » par Josette Baïz. C’est dans ce vertical où le groupe prend forme, où les corps se structurent et les liens se tissent. Le jeu de lumières nous apaise, rend la violence plus douce, moins caricaturale. C’est alors que nous prenons conscience de la portée symbolique de ce spectacle : cet échafaudage crée les articulations, donne du sens aux individus, déconstruit le collectif fusionnel, le tout dans une structure contenante et créative. Cette architecture métaphorise le projet de la Compagnie et c’est cela qui confère à « Tonight ! » une dimension qui dépasse « West Side Story ».
C’était l’histoire d’une chorégraphe d’Aix en Provence qui dame le pion à un mythe de la culture américaine par un très beau projet social. Faisons suivre…


Les photos ont été choisies par le public. Eric Boudet s’est simplement permis un recadrage et un ajustement très succinct de la luminosité.

Photos non libre de droit; pour de plus amples informations, contactez Eric Boudet.

♥ "Tonight!" de Josette Baïz a été joué le 19 et 20 janvier 2007 au Théâtre Sylvia Monfort dans le cadre du Festival "Faits d’Hiver".

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EN COURS DE REFORMATAGE

Le bloggeur relie , dans la toile du Festival Faits d’Hiver.

Il était temps de sortir de ma toile, d’aller au dehors, riche de mon expérience de bloggeur. Le projet est né d’une rencontre entre un photographe de danse (Eric Boudet) et un Festival ("Faits d’Hiver" à Paris). Une envie partagée de relier le texte à l’image pour créer un espace de médiation entre le public, les artistes et les institutions culturelles afin de s’éloigner des liens verticaux et se rapprocher des logiques transversales de l’internet (forums et blogs). Le KunstenFestivalDesarts 2005 de Bruxelles encourageait déjà ces nouvelles interactions (« The Jerry Bel Show »). Pourquoi pas la France ?
En décembre 2006, « Faits d’Hiver » s’engageait dans le projet (« Le photographe sort le bloggeur de sa toile ») en faisant le pari qu’il prendrait forme à mesure des synergies ainsi créées. Cette action s’inscrit dans le cadre d’un festival qui prône le mélange des genres et positionne le spectateur comme un artiste !
Eric Boudet, Alexandra Célestin (médiatrice) et moi-même étions prêts pour quitter Aix en Provence vers Paris, confiants dans cette expérience, portée par un Festival qui ne craint pas les projets complexes. 

Oser dépasser la toile…
Tout commence par une chute à la Gare de Lyon : je me blesse sérieusement en ratant la marche du TGV puis une autre dans le métro. En sortant de la toile Internet, je trébuche. Ma protection de bloggeur ( «pas vu, pas pris » ) s’achève avec ce projet.
La journée de samedi permet de panser mes plaies et de nous préparer pour investir le joli Théâtre Silvia Montfort dans le 15ème. C’est la dernière représentation de « Tonight ! » créée par Josette Baïz pour feu le festival « Danse à Aix » en 2004. J’ai vu cette pièce dans de très mauvaises conditions (gymnase surchauffé, public applaudissant à tout rompre à chaque fin de tableau). Je m’étais à l’époque interrogé face à ces jeunes danseurs non professionnels pour la plupart, recrutés dans les quartiers d’Aix en Provence. Je reviens donc vers cette chorégraphe à partir de son public parisien. La démarche de médiation est alors cohérente avec son projet artistique qui crée des passerelles entre les générations, les quartiers, et les cultures.
Le lendemain, le studio « Le regard du cygne » dans le 20ème accueille le festival pour « Epilogos, confessions sans importance » de Roser Montllo Guberna et Brigitte Seth. En quelques minutes, me voilà confronté à ces deux chorégraphes que j’avais épinglées dans un article lors du toujours feu « Danse à Aix ». De plus, vais-je de nouveau trébucher face à Fabrice Dugied, co-directeur artistique du Studio et auteur d’une pièce, « La déconstruction du Légo », présentée aux Hivernales d’Avignon en 2007, sévèrement critiqué sur mon blog ? Avant même que le spectacle ne commence, mes anciennes critiques « assassines » se téléscopent  avec « Epilogos, confessions sans importance » qui évoque le crime exemplaire à partir des écrits de Max Aub. Tout est décidément relié !
En sortant de ma toile, je remets du lien là où mes écrits peuvent le rompre. Je reviens vers ces artistes, par leur public, plus à distance, prêt à suivre leurs créations. J’espère pouvoir échanger avec Fabrice Dugied sur sa pièce ; d’entendre ses intentions loin du tumulte médiatique. Il s’agit  de sortir des jugements de valeur qu’un blog peut facilement encourager pour former mon regard et celui du public en général.
Le Festival « Faits d’Hiver » répare…

Chercher le noyau dur…
Au Théâtre Silvia Monfort, je me sens en confiance pour accrocher deux feuilles de papier sur le mur. Je m’approche des spectateurs: « J’ai un blog de danse. Le Festival souhaite me sortir de la toile pour aller vers vous. Le  photographe Eric Boudet est présent dans la salle  et je vous propose de nous retrouver à la fin du spectacle  pour connaître vos ressentis sur la pièce de Josette Baïz à partir de ses  photos ». La démarche surprend, mais l’accueil est favorable. Alexandra Celestin m’observe, fait du lien autour de moi, transmet l’énergie de la médiation. Je note sur les feuilles accrochées leur vision, leur ressenti du moment. Une mère de famille me dicte même le SMS reçu la veille par sa fille sur « Tonight ! ». Pascal Delabouglisse, administrateur du Festival est là. Sa présence me rassure ; l’institution se positionne. Un groupe d’une dizaine de personnes est constitué. C’est un début. A l’issue du spectacle, quelques spectateurs, coupe de champagne à la main, visionnent les photos d’Eric Boudet sur nos ordinateurs portables. Les danseurs nous rejoignent et se créée alors une belle alchimie entre public et artistes autour des images. Chacun semble rechercher le miroir des ressentis, des mouvements. « Tonight » décloisonne… La photographie de danse s’anime aussi…
Au studio « Le regard du cygne », la communication avec le public est plus chaotique. L’espace est petit, intimiste et je crains de commettre une effraction ! Je n’affiche rien sur les murs et sur la pointe des pieds, je tente de me présenter à certains spectateurs. On m’accueille avec distance, non sans curiosité ! La beauté du lieu et la puissance de l’œuvre proposée facilitent plus tard notre médiation. Un groupe se constitue pour réagir. Les mots fusent, les photos défilent, le bloggeur note, la médiatrice relie. 
Il existe donc un noyau de spectateurs prêt à entrer dans une démarche de médiation. Ce sont pour la plupart d’entre eux des fidèles du Festival ou novices en danse. Leur regard est souvent étonnant, leur vision toujours circulaire. Je ressens une demande pour créer cet espace autour d’un festival de danse, où les mots et les images tisseraient de nouveaux liens capables de démocratiser les rapports entre institutions, public et artistes. 
Nous continuons l’aventure. Rendez-vous les 2,3 et 4 février au Festival « Faits d’Hiver » !


Prochains articles :

"Au Festival Faits d’Hiver, « Tonight ! » se métamorphose."
Au Festival « Faits d’Hiver », Brigitte Seth et Roser Montllo commettent le crime parfait.