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Aux Hivernales d’Avignon, Andréa Sitter danse pour la petite histoire.

Le Festival nous donne rendez-vous à la Maison Jean Vilar pour « U.I.A.R une intense action restructurante ».  Le titre sonne comme une publicité pour un produit cosmétique dont nous serions les heureux acheteurs, chanceux spectateurs que nous sommes de cette édition édifiante des Hivernales ! Andréa Sitter, telle une one woman show, se propose de revisiter l'histoire de la danse sur des musiques de Schubert, Jimi Hendrix et Tom Waits. Avec un seau rouge rempli de tomates cerise, elle joue des épisodes à la fois classiques et contemporains de la danse. La couleur contraste avec le blanc du sol à l'image du nez d'un clown. C'est parfois drôle quand elle évoque les démarches pour le moins hermétiques de la danse contemporaine et quelquefois ennuyeux quand elle s'enferme elle-même dans la pauvreté de sa chorégraphie. Si bien qu'on ne sait plus très bien ce que l'on voit : entre dérision de la création et création sur la dérision, Andréa Sitter me perd comme si ,de regarder d'en haut l'histoire de la danse, elle a oublié qu'elle en était une de ses protagonistes.

?????? “U.I.A.R, une intense action restructurante” a été joué à la Maison Jean Vilar d’Avignon  le 26 février 2007 dans le cadre du Festival “Les Hivernales”.

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Aux hivernales d’Avignon, Karine Ponties complique le tout.

Pour reprendre une expression chère à Savigny sur son blog, « on aurait aimé pouvoir en dire du bien ». « Holeulone » de Karine Ponties nous vient de Belgique. Aux Hivernales de l'an dernier, elle nous avait enchantés avec « Mi non Sabir », danse groupale décomplexée, poétique et drôle où Jaro Vinarsky, danseur thèque talentueux, avait ému. On le retrouve cette année au c?ur de la démarche transdisciplinaire de Karine Pontiès au croisement de la chorégraphie, de la littérature et du film vidéo.

Le sujet est complexe, car il s'agit d'entrer dans « l'univers mental et psychique de Charlie, personnage principal du livre « Des fleurs pour Algermon » de Daniel Keyes ». Cela promet d'être un voyage dans le cerveau pour y déceler « les souvenirs réels et imaginaires, les accélérations et les ralentissements de la pensée, l'acuité et la confusion de ses perceptions », le tout mis en lumière par l'apparition d'un jumeau, semblable et insupportable ! La forme et le fond attirent, mais le résultat n'est pas à la hauteur des intentions affichées. Je ne suis pas accroché alors que tout aurait pu faire résonance. La vidéo n'est qu'un accessoire de décor qui brouille la vision plus qu'elle ne l'éclaire. La danse de ces deux « frères » est basée sur des emboîtements de corps répétitifs et lourds qui finissent par lasser. Karine Ponties applique au duo les règles du lien groupal qui avait fait le charme de « Mi non Sabir ». La relation symétrique entre ces deux hommes alourdit le propos et leurs tentatives d'être plus « féminins » ne sont pas crédibles.
Et pourtant, les jeux de lumière sont magnifiques, métaphore de nos parts d'ombres. La musique, au carrefour du rêve et de la réalité, accompagne agréablement le voyage, proche de l'univers du chorégraphe Joseph Nadj. Les liens avec la démarche psychanalytique sont visibles quand Karine Ponties tente de structurer l'inconscient comme un langage chorégraphique, visuel et musical.
J'aurais pu en dire du bien. Mais je suis resté à côté comme si les artistes invités pour ce projet avaient chacun apporté leur pierre à ce bel édifice sans qu'ils aient élaboré ensemble un tout. Or, je suis sensible au tout. Plus que tout.

?????? “Holeulone” de Karine Ponties a été joué le 24 février 2007 lors du Festival “Les Hivernales d’Avignon”.

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Petits flux aux Hivernales d’Avignon.

Les Hivernales d'Avignon accueillent dans leur théâtre, la compagnie Jean Gaudin pour « fluXs.2  – maquette». La scène est dépouillée et seule une vidéo d'animation projetée sur les murs fait office de décor. Les coulisses sont visibles comme gage de transparence et la scène déborde vers les gradins, vers l'entrée et les sorties. Ils sont quatre à déambuler tels des personnages d'un vieux film d'animation (leurs costumes trois-pièces sentent bon la naphtaline). Leurs gestes sont saccadés, accentuant le burlesque de leurs déplacements. L’écriture chorégraphique dépouille la relation groupale, à l'image d'individus qui se croisent dans un hall de gare ou une rue piétonne. C'est parfois drôle si l'on accepte de se placer au quatrième degré. Le reste du temps, c'est ennuyeux comme une vidéo surveillance d'un quai du métro. Puis tout bascule quand une danseuse prend par la manche une femme assise au premier rang. Elle l'invite à entrer dans cet univers loufoque, comme si elle devait endosser le  rôle d’un film de Jacques Tati. Elle n'a pas le choix et c'est une prise d'otage à laquelle nous assistons. Grâce à elle, le groupe va se former. C'est avec elle, qu'ils vont aller jusqu'au bout, c’est-à-dire la faire monter sur scène. Tout nous est donné à voir (son ventre, une partie de ses fesses,?). Le rire nerveux du public masque la gêne provoqué par un tel passage à l’acte. La danseuse ne renonce pas :  elle doit assurer le spectacle. La femme subit, sans broncher. Je l'imagine partir; je me vois quitter ma place et protester. Mais la pression est trop forte.

 

« FluXS.2 ? maquette » est une ?uvre surréaliste, pas drôle du tout, à la limite de l'acceptable. Et pourtant, je ressors de cette expérience vide, nullement contrarié comme si leur univers n'était que le leur. Le projet de Jean Gaudin a « toujours manifesté le souci de la relation au public ». Ce sera sans moi.

Pascal Bély
www.festivalier.net


?????? “fluXS.2 – maquette” de Jean Gaudin a été joué au Théâtre des Hivernales le 24 février 2007.

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Petits Suisses aux Hivernales d’Avignon.

Le spectacle est fini. Je me prends le visage entre les mains. On allait se « marrer » paraît-il. « I Want to go home » de Guilherme Botelho devait nous étonner avec tous ces danseurs venus de Suisse !  C'est une pièce « sur la bête qui dort en nous, dans laquelle il s'agit de renverser le cours Prozac des choses ».  Le sujet est tellement tendance en ces temps où les théories comportementalistes visent à cataloguer définitivement l'individu en proie aux doutes, refusant le rationalisme et cherchant son autonomie.

Six danseurs sont donc sur scène, requins gonflables au sol, table de massage pour ostéopathe bien en vue. Cinq patients vont défiler dans ce cabinet imaginaire pour faire sortir la bête qui sommeille en eux. Vous l'aurez compris, ces Suisses ne voient le mal qu'incarné dans l'animalité. Mais surtout, tout n'est que clichés, caricatures lentement distillées depuis des années par le café ? théâtre, par les émissions de jeux et autre talk-show. Dans « I want to go home », la femme est un appât (elle mort à l'hameçon). Elle est bien sûr hystérique (tiens revoilà cette notion aujourd'hui abandonné quand elle est associée à la féminité). Elle castre l'homme tout en s'accrochant à lui, mais il est toujours là pour lui poser des limites. Mais je n'ai pas encore tout vu ! Un homme avec ses bottes de chasseur entreprend de la déshabiller avec une fourchette et un couteau ! La voilà réduite à de la chair. La femme est ainsi ridiculisée pendant plus d'une heure, soumise au désir de l'homme. Son corps n'est que liquide, à l'image d'une pisseuse qui emmerde ce petit monde masculin. L'homme n'est pas mieux servi, mais il  au moins du souffle, il tient la canne à pêche pour prendre sa proie, et maîtrise les techniques de l'ostéopathie pour remettre les individus d'aplomb.
À ce stade de bêtise, le public rit de ce qu'il entend (car on y parle beaucoup dans cette pièce sur le ton des comiques de plateau télé). Il est conforté par les mots et les images d'une société qui déverse son machisme dans les médias, les cours de récréation et autres fêtes entre amis, pour maintenir en l'état ses bons vieux principes judéo-chrétiens. Cette danse me dégoûte ; elle fait régresser un public qui n'en demande pas tant pour éviter de se poser les questions, pour « ne pas se prendre la tête ».
Ce qui est finalement bestial dans ce spectacle, c'es la honte et la colère qu'ils m'ont données.

« J'en veux à ceux qui nient les spectacles graves en pensant qu'ils n'ont pas besoin de ça. J'entends des spectateurs dire qu'ils cherchent à s'évader. Je comprends, et en même temps je ne peux leur donner raison : ni la danse ni le théâtre ne peuvent servir à ça. Plus il faudrait regarder les choses en face – voir ces corps qui tombent près de nous chaque jour -, plus on nous donne à manger, à boire, à rire. C'est comme une anesthésie générale. »
Maguy Marin, à propos de « Ah ! Ah ! » programmé jeudi 1er mars au Théâtre de Cavaillon dans le cadre des Hivernales. 


???? ? “I want to go home” par la Compagnie Alias a été joué le 24 février 2007 lors du Festival des Hivernales.
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Vanessa Van Durme illumine Arles.

« Elle est quand même masculine », dit-elle à son amie en sortant du Théâtre d'Arles. Cette remarque idiote d’une spectatrice est une réponse à la provocation. « Regarde Maman, je danse » de et par Vanessa Van Durme dérange. Quoiqu'elle fasse, elle sera toujours la bête étrange. Elle a pourtant le cran de mettre en scène sa vie: du petit garçon belge qui se rêvait en fille, au travesti qui se prostitue,  à l'homme opéré à Casablanca, à la femme mariée avec un prisonnier espagnol. Elle l'exprime avec des mots crus, elle la joue avec des gestes maladroits et tendres, elle la pleure quand arrive la mort de sa mère. Depuis toute petite, elle se rêve en danseuse. Elle le sera dans « Tous des Indiens » du chorégraphe Alain Platel joué au Festival d'Avignon en 1999.
C'est donc une femme qui danse avec les mots pour mettre en mouvement notre regard figé de voyeur. Elle le fait parce qu'elle n'a pas grand-chose à perdre. Je la suis parce que j'ai toujours eu confiance envers les femmes qui travestissent leur sort pour transformer le nôtre.



?????? Regarde Maman, je danse” a été joué le 20 février 2007 au Théâtre d’Arles.


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Le joyeux festin de My Dinner With André.

À peine entré dans le Théâtre d'Arles que nos papilles sont chatouillées. Au fond de la scène, un cuisinier prépare le repas. Une table est dressée pour accueillir deux invités qui vont déguster en direct ces plats mitonnés avec délicatesse, face à un public attentif et envieux. La pièce a été créée en 1988 à partir du scénario « My dinner with André », film de Louis Malle, sorti en 1981, où André Gregory et Wallace Shawn jouaient leur propre rôle. Vingt-cinq années plus tard, deux compagnies d'Anvers s'associent pour rejouer sur scène ce dîner d'une durée aussi longue qu'un repas de fête des Mères (3h 20). Deux conceptions du théâtre s'affrontent (l'une quasi mystique, l'autre matérialiste) et je me surprends à rire de leurs escalades verbales et autres jeux de mots. L'odeur de la cuisine ajoute à ce repas une atmosphère chaleureuse où le public est quasiment à table.  Nos deux comédiens (Damiaan De Schrijver et Peter Van den Eede) n'hésitent pas à jouer une pièce dans la pièce quand ils se perdent dans leur texte pour prendre à partie le public. Le jeu en dérision des acteurs accentue la caricature des deux conceptions du théâtre d'autant plus que la diction abandonne certaines phrases entre deux crevettes (sic).
Au final, je ressors joyeux de ce spectacle, mais un peu vide comme si « My dinner with André » etait un bon plat, mais réchauffé.


?????? “My dinner with André” a été joué 17 février 2007 au Théâtre d’Arles.

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Souvenirs deTaxidermie.

Le Merlan, Scène Nationale à Marseille, poursuit ses vagabondages dans l'attente de la rénovation de sa salle. Le rendez-vous est pris au petit Théâtre de  la Criée pour “Taxidermie” classée sous le thème « laboratoire ». Un chorégraphe (Martin Chaput),et un anthropologue (Martial Chazallon) se sont unis pour ce projet où la recherche sur quatre villes (Mexico, Montréal, Maputo et Marseille) s'articule à l'intime à partir d'objets récoltés dans chacune d'entre elles. Ce soir, Marseille se mêle à l'Afrique comme en témoignent les  vêtements et les animaux empaillés des deux continents posés sur les gradins ! Dès l'arrivée dans la salle, nous sommes invités à nous asseoir en face, d'où j'observe les couleurs et les formes de ces robes, chemises et autres bestioles ! Le dispositif bifrontal accentue la séparation des deux mondes, mais la scène fait office de passerelle.
Face à nous, trois danseurs (majestueux) interprètent un nouvel univers patiemment créé par le chorégraphe et l'anthropologue. Je ne comprends pas toujours là où ils m'emmenent, mais je ressens la puissance du projet de ce binôme atypique. Plusieurs séquences nous invitent à l'ouverture vers ce langage chorégraphique métissé, tel ce passage où ils dansent sans pouvoir s'appuyer sur leurs pieds et leurs mains. C'est alors que patiemment, ils prennent des allures d'oiseaux, voire d'humains à qui l’on aurait coupé les ailes. Ces gestes désarticulés sont beaux parce qu'ils trouvent leurs traductions dans l'imaginaire africain et européen. D'autres images me viennent quand ils dessinent à la craie sur le sol des gravures telles des peintures rupestres, ou les tags de nos villes. Ils jouent aussi avec les vêtements pour s'y camoufler, s'en faire une coiffe, et leurs gestes sont d'une précision que seul un anthropologue pourrait déchiffrer.Les voir s'échapper dans les gradins donne l'impression qu'ils quittent la ville pour la forêt, ou l'inverse.
Ce mélange de Marseille et d'Afrique crée un langage qui requiert un lâcher-prise continu parce qu'il parle àla fois aux sens, à l'imaginaire de l'enfance, aux expériences du réel. Ce croisement des disciplines est en cours, mais je ressens la création inaboutie. Trop d'images se succèdent sans que je puisse y déceler un apport qui les transcenderait. La transdisciplinarité ne fait pas une ?uvre d'art mais elle l'encourage.
Modestement, je soutiens cette démarche pour qu'émerge la fresque qui ne manquera pas de masquer ce joli puzzle.

?????? “Taxidermie” a été joué les 16 et 17 février 2007 par la compagnie Projet In Situ  au Petit Théâtre de la Criée dans le cadre des “vagabondages” du Théâtre du Merlan.

Crédit photo:  Michela Rufini.

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Au Festival Faits d’Hiver, l’autre histoire de Geisha Fontaine et Pierre Cottreau.

« Mains d'?uvres » est un lieu culturel ouvert, accueillant, niché à Saint Ouen. Il nous propose, à l’occasion du Festival « Faits d'hiver », un feuilleton en douze épisodes ( « Je ne suis pas un artiste ») concocté par Geisha Fontaine et Pierre Cotreau. Cela commence à 19 heures pour ne finir qu'à 7 heures du matin. Entre temps, dans le cadre du projet avec le festival, j'ai l'opportunité de mener quelques entretiens avec les spectateurs. Eric Boudet, le photographe de danse, peut projeter ses instantanés de la performance dans un espace intelligemment pensé par la direction de Mains d'?uvres.  
Le temps médiatique nous envahit peu à peu. Tout doit s'apprendre, se jouer dans une pression verticale inquiétante. Dans ce contexte, un collectif d'artistes composé de danseurs professionnels et d'amateurs, d'un groupe rock, d'ingénieurs géniaux du son, de chercheurs, ont décidé de décortiquer la notion du « beau », en prenant leur temps et donc le nôtre ! Trois danseuses font le lien pendant douze heures avec une centaine d'artistes disposant de deux espaces d'expression : au fond de la scène, telle une agora, et sur le plateau où le corps peut décliner la beauté sous toutes ses formes. Le dispositif est toujours le même : résumé de l'épisode précèdent par la chanteuse Alexandra Fleissher, une chanson, une danse par le trio, une vidéo, une danse avec les invités et, pour faciliter le passage à l'épisode suivant, la phrase culte : « Mais ça, c'est une autre histoire ».  
Alors, d'épisode en épisode, stylo à la main, j'ai glané ici et là les paroles du public. Une prouesse aussi pour le bloggeur quand il faut mener une interview à cinq heures du matin. Une performance pour le lecteur de ce blog qui va devoir s'immerger dans un processus auquel il n'a pas participé. En huit tableaux, je vous propose les mots de ce public performant. A nous d’en faire une fresque. Mais ça, c’est une autre histoire…


S'ouvrir à la coconstruction.

Après le deuxième épisode, Fabienne ne veut pas « forcer sur sa résistance ; j'ai besoin de douceurs actuellement. Il est 21 heures et je tiendrais le temps qu'il faut, mais qu'importe la durée. Ma réflexion sur la beauté va se construire avec eux. Je me sens chercher avec ces artistes ; c'est ouvert, c'est accessible. Je ne me sens pas rabaissé ». Fabienne ne sera plus là à sept heures du matin. Qu'importe, son ouverture me donne son regard. C'est beau.

La nouvelle vague.
Déjà trois épisodes. Agnès a « besoin de ce temps que la performance nous offre. C'est précieux, douze heures pour nous aider à réfléchir sur le beau. On nous présente toujours des formats courts, pariant que le public peut toujours tout comprendre en une heure. Ce soir, j'ai envie d'une proximité avec les artistes même s'ils sont encore dans la représentation. Il faut attendre encore un peu pour qu'ils me relient à eux. Pour l'instant, je les ressens encore trop dans leur communauté ». Agnès définit peut-être les nouveaux enjeux de la création contemporaine. La danse pourrait s'en emparer. Elle va le faire. Beau programme.

La déconstruction bouillonnante.
Déjà quatre épisodes. C'est la pause dîner. Elle va partir et je n'ai même pas le temps de lui demander son prénom. Elle est occupée, trop occupée. Pourtant, avec mon stylo, je note, j'interroge? « A l'issue des quatre épisodes, le questionnement sur la beauté prend forme et puis ce garçon (François Chaignaud en photo ci-dessus et dessous!)  qui se travestit est extraordinaire». Je n'en saurais pas plus. Elle est partie. Ce danseur quitte aussi «Mains d'?uvres » avec son sac et sa bouilloire (il a osé danser avec elle). Il laisse sa place à d'autres invités. Et pourtant?Ce danseur a porté les quatre premiers épisodes en déconstruisant nos images figées sur la beauté. Avec sa bouilloire électrique, il a donné aux gestes les plus banaux de la vie quotidienne une dimension  pour le moins troublante.


Du dedans au dehors.
Au cours du cinquième épisode, « Je ne suis pas un artiste » secoue le milieu de la danse. Laurence Louppe entre dans la caricature avec David Monceau, jeune danseur acrobatique (photo ci-dessous). L'enseignement vertical devient horizontal. Lequel des deux est le plus souple ? Ce duo est sublime, assurément. Et pourtant?Véronique « n'y est pas. Entre le discours et ce qui se passe sur scène, il y a un élément qui m'échappe. Et puis la scène avec Laurence Louppe est terrible. C'est du mouvement sans rien. Je ne comprends pas. C'est trop tendu, trop fait. Il n'y a pas assez de second degré ». Elle dedans, moi dehors, je ne comprends plus. Au moment où David et Laurence se transmettent l'énergie du beau, Véronique est sous contrôle.


Du bouillonnant au brouillon.
Les 6e et 7e épisodes m'engloutissent. Sur scène, on s'amuse à chercher « la plus belle danse ».

Ce retour au « plus » et au « moins », à cette binarité, m'empêche quasiment d'aller vers le public. Le bloggeur est sous contrôle.


Les mots bleus.
Manuel répond à mes questions et puis un blanc. Alors, il me regarde et me dit : « A chaque épisode, il y a un mouvement où c'est beau. La performance est dans ce moment là ». Dans toute recherche, il y a la parole de l'autre qui vous redonne le sens au moment où vous l'aviez perdu. Manuel a de beaux mots.

Unicolore.
Il y a cette scène où les deux danseuses mâchent et s'amusent avec du chewing-gum. Il y a ces ballons gonflés a
vec le souffle des danseurs. Tout aurait pu avoir la même intensité que l'épisode de la bouilloire. Mais voilà?Lou, amère, constate que « tous ces gestes sont faits, mais ils ne sont pas vécus à l'image de ces ballons dont elles ne font rien ». Le trio  est pris entre les invités qui font le corps de la pièce et le groupe musical qui pose le contexte avec créativité. Il
essuie les critiques. Le rose des vêtements des trois danseuses n'y fait plus rien : on les voit trop ou pas assez. Beauté fatale.

Arc-en-ciel.
4h45. Véra est sous l'effet d'une drogue. Le rose fait ses effets : « Je ne suis pas capable de savoir dans quel épisode nous sommes. Sous l'effet de la fatigue, le contrôle mental ne marche plus. J'avais une attente au début de la performance. Elle ne se joue pas, comme dans la vie. On ne se sait jamais ce qui va se passer ». Elle est accroc, mais je n'ai pas eu la dose suffisante pour l’être.
Le 11e épisode a un effet hypnotique. On nous l'assure, « le beau est grec ». Mais surtout, le grec, joué par Alexandre Théry, est drôle. On ne sait plus dans quelle époque épique nous sommes, le beau traverse la mythologie pour venir se nicher au c?ur de nos cerveaux anémiés. Comme me l'avouera Françoise « Je n'ai pas envie de lâcher. Il n'y aura pas de fin. Cette linéarité en douze épisodes ouvre ».

Sept heures du matin. Paris s'éveille. « Je ne suis pas un artiste » fera ses effets. Je ne sais ni quand, ni comment. La danse a trouvé là ses ouvertures complexes, à l'articulation de nombreux chemins dont on ignore où ils peuvent nous mener. Geisha Fontaine et Pierre Cottreau sont à coup sûr des visionnaires. Reste maintenant à habiter le trio des danseuses (métaphore de la danse actuelle ?)  pour que le « beau » ne soit plus simplement une question, mais un courant artistique transdisciplinaire.
Mais ça, c'est une histoire à construire ensemble.


Photos non libre de droit; pour de plus amples informations, contactez Eric Boudet.


?????? “Je ne suis pas un artiste” de Geisha Fontaine et Pierre Cottreau a été joué à “Mains d’Oeuvres” les 13 janvier et 3 février 2007 de 19h à 7 h du matin dans le cadre du Festival “Faits d’Hiver”.

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Matrikis d’Abou Lagraa: je me souviens.

Je me pince pour vérifier que je n’ai pas rêvé. Je scrute autour de moi pour me rassurer. Certaines femmes dans le public sont médusées. Je suis au Théâtre des Salins de Martigues pour « Matri(k)is » du chorégraphe et « scénographe » Abou Lagraa et je n’en reviens toujours pas. Comment est-ce possible ? Où suis-je pour voir une œuvre aussi…les mots me manquent.
Tout commence par un duo d’hommes et une femme qui les observe (métaphorisée par une vidéo projetée sur des voiles suspendues). Ils sont jumeaux et baignent dans un univers aquatique. Ils gesticulent, se cherchent, s’éloignent, se rapprochent, s’enlacent, …Rien. Le vide. Beaux corps luisants. Je m’endors.
Pause de dix minutes pour retrouver mes esprits.
Elles sont huit. Un octet. Une ode à la femme. Pute, soumise, idiote, avec capuche ou sans (c’est au choix). Une scène pour la danse de l’ « octet » (sic), un lit penché pour la « catin », des envolées pour la « féminité », des désarticulations pour le côté « danse contemporaine », des murmures pour des potins tellement féminins. Elles gesticulent, se cherchent, s’éloignent, se rapprochent, s’enlacent…Je bouillonne. Où suis-je ? Dans quel pays ? Où est la femme ? Celle que fait danser avec tant de forces Michel Kéleménis ? Celle que magnifie Russell Maliphant dans «Pusch» ? Celle qui résiste avec Héla Fatoumi dans «Wasla» ? Celle qui combat dans «K 626» d’Emmanuel Gat ? Celle qui vous enveloppe dans « Jeux d’intention » de Raphaëlle Delaunay ? Celles qui vous déshabillent dans « Belladonne » ? Ne cherchez pas, Abou Lagraa ne connaît que la femme des clichés, celle qui ne peut rien changer, rien complexifier et surtout pas les mouvements de son corps. Elle est enfermée dans des gestes tellement linéaires qu’on a envie de hurler pour la libérer.
Femme, je vous aime.

♥ "Matri(k)is" d’Abou Lagraa a été joué au Théâtre des Salins de Martigues les 1" et 14 février 2007.

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Electre par Philippe Calvario : joliment décalé.

On ne l'écrira jamais assez. Le site de Chateauvallon est exceptionnel même par temps gris. Ce lieu est empreint d'histoire et semble retrouver le chemin du renouveau. C'est dimanche, il est 15 heures et les séniors sont au rendez-vous pour « Electre » de Sophocle mis en scène par Philippe Calvario. Assis au premier rang, je scrute attentivement ce décor qui symbolise tout à la fois la modernité (l'éclairage, une scène au sol, une à l'étage) et la tradition (les murs blancs d'une vieille bâtisse grecque). Alors que la pièce n'a pas commencé, mon regard ne cesse d'aller d'un élément à l'autre. Ce n'est qu'un début?
La troupe féminine est impressionnante : Jane Birkin dans le rôle d'Electre est entourée d'un ch?ur de sept femmes mycéniennes tandis que les personnages masculins marquent par leur charisme. Si le jeu de Birkin étonne et dérange parfois, c'est le ch?ur qui porte cette mise en scène. Il joue l'absence pour mieux appuyer la présence des acteurs et se métamorphose à mesure que la vengeance finale approche. Cette approche par la voix et les c?urs est merveilleuse par instants, décalée souvent. Philippe Calvario semble  hésiter en permanence entre la volonté de s'affranchir de certains codes du théâtre et le respect des formes classiques dévolues à ce répertoire. Si bien que l'ensemble manque de fluidité, de mise en mouvement malgré l'engagement des acteurs. J'ai la sensation que le ch?ur sert de faire ? valoir alors qu'il aurait pu être liant avec tous les éléments de la mise en scène.
Le corps d'Electre est enfermé là où Calvario aurait pu l'ouvrir à partir du ch?ur. Au final, sur la durée, Jane Birkin semble s'effacer comme si tout était trop lourd pour elle. J'applaudis le jeu tout en regrettant la timidité d'un théâtre français qui a du mal à s'autoriser d'autres espaces, d'autres champs artistiques. Programmons l'exil artistique en Belgique !

?????? “Electre” par Philippe Calvario a été joué du 8 au 11 février à Chateauvallon.

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