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EN COURS DE REFORMATAGE

Au Festival de Biarritz, prenons “le temps d’aimer” la Compagnie Androphyne.

Au Festival de danse de Biarritz, “le temps d’aimer”, la Compagnie Androphyne présente « le spectacle dont vous êtes le héros » joué à Paris en Février dernier lors de “Faits d’hiver”. Ce fut l’occasion d’expérimenter une écriture transversale à partir du ressenti des spectateurs sur une oeuvre chorégragraphique étonante.
Rendez-vous le 12 septembre, à Biarritz. A ne pas manquer!

Nous revenons au studio « Le regard du cygne » dans le 20ème pour « le spectacle dont vous êtes le héros » par la Compagnie Androphyne. J'interviewe quelques spectateurs avant la représentation. Personne ne semble faire le lien avec le titre de la pièce comme si plus rien ne pouvait surprendre ce public de connaisseurs ! Par contre, la présence du bloggeur étonne, fait sourire, interroge, intéresse. Les rendez-vous sont pris avec quelques uns. Seront-ils les héros de la soirée ?
Le dispositif scénique frappe par son inventivité : télévisions à terre et au mur, musiciens à droite, grande toile à gauche et divers objets tombants du plafond. Il y en a pour tous les goûts, tous les regards et j'imagine déjà une danse?pluridisciplinaire ! Très vite, nous voilà projetés dans l'univers de « Big Brother ».  Un homme à l'écran explique les règles du statut de l'intermittence à un ami qui semble ne rien y comprendre. Le spectacle débute avec ce héros des temps modernes et se terminera une heure après par un verre de vin offert au public sur la scène ! Entre ces deux moments, un groupe de huit artistes tente le tout pour le tout pour créer une ?uvre déconstruite, où tout ne tient qu'à un fil avec des références appuyées à notre société médiatique en perte de sens. C'est un tourbillon de mots, de corps jetés à terre, de provocations, de souffrances et de solitudes, de paris fous gagnés et perdus, de tentatives réussies et d'échecs retentissants. En une heure, notre société est sur scène pendant que les artistes, toujours plus précaires, nous aident à rechercher le sens. Face à ce déluge, le public ne peut rester passif. Trois spectateurs (volontaires) sont tirés au sort pour venir sur scène. Après une sélection sans pitié aux critères aléatoires, un seul survit ! Il est tour à tour manipulé, laissé de côté, intégré dans la troupe puis menacé d'exclusion. On le métamorphose en «big brother » et semble y prendre plaisir, comme pris à son propre piège. On ne sait plus où donner de la tête. Notre monde est devenu complètement fou et notre « héros »  de la soirée s'en sort tant bien que mal. Les acteurs finissent éreintés, maculés de sang, mais l'art est toujours là, à travers cette fresque dessinée à partir des corps d’un artiste et du spectateur – héros!
Ce groupe de chanteurs ? musiciens ? plasticiens – danseurs est à l'image de sa musique (enivrante), de sa danse (« sculpturale ») et de ses décors (en mouvement permanent). La Compagnie Androphyne ne manque décidément pas d'idées et de talents dans cette société polluée par le temps  médiatique et obsédée par le contrôle.
Les spectateurs, une fois sur scène, un verre à la main, se laissent volontiers interviewer par le bloggeur, comme si l'exercice était cohérent avec le spectacle. Tommy, très inspiré, évoque un « existentialisme galvaudé, mais présent », une ?uvre où «je retrouve les codes de mon imaginaire, de mon quotidien d'artiste. C'est une pièce qui va évoluer dans ses articulations ».  Cette évolution est d'autant plus évidente que le lien avec le public est ouvert : « On s'interroge,  on ne subit pas ; le parcours n'est pas fléché, il y a des parcours multiples. » affirme Christine. Ce sentiment est relayé par Yasmina qui note «une liberté corporelle très forte », là où Hélène voit « des lignes qui se croisent et se décroisent ». Cette pièce a des allures de conte moderne avec ses personnages étranges, telle cette meneuse de revue qui a fortement impressionné Evelyne par « sa distance extraordinaire à mener le jeu dans un espace aussi petit ». Nathalie y voit presque « une comédie  musicale » tant le jeu est ouvert. Mais qu'en dit le héros de la soirée ? Cyril est discret, étonné par mes questions. Il aurait aimé voir le spectacle !  À l'intérieur, il a tenté de ne  « pas être que spectateur. Il fallait que je fasse le maximum pour faire partie de l'ensemble » même « s'ils ont tout fait pour m'intégrer ». Véronique a pu réaliser le rêve de Cyril : être l'héroïne la veille, et spectatrice le lendemain. Elle répond avec gourmandise à toutes mes questions et finit par me lâcher :   « suite à cette expérience, mon regard a changé à la fois sur le détail et l'unité d'ensemble ». À les écouter, leurs actes n'ont rien d'héroïque. Je suis presque déçu.
Sofie me confie plus tard qu'elle n'a pas «eu de déclic » et qu'elle ne sait « jamais investi psychologiquement ». Au final, la fonction du héros semble perdre de sa superbe comme si tout se déverticalisait ! Il est donc temps de passer à autre chose, à d'autres représentations théâtrales, où l'artiste ne serait plus au centre de tout, mais en lien avec le tout.
On attend avec impatience le prochain spectacle de la Compagnie Androphyne pour redynamiser tous ces héros qui sont déjà fatigués !


Photos non libre de droit; pour de plus amples informations, contactez Eric Boudet.
?????? “Le
spectacle dont vous êtes le héros” de Pierre – Johan Suc et Magali Pobel a été joué les 1er et 2 février au “Regard du Cygne” à Paris dans le cadre du Festival “Faits d’Hiver” et à Biarritz le 12 septembre 2007.

 

 

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LES EXPOSITIONS

Exceptionnel ?Visa pour l’image? à Perpignan.

L'édition 2007 de ?Visa pour l'image?, Festival International du photojournalisme à Perpignan est exceptionnelle. Alors que la ?people-isation? envahit nos journaux, que nos médias se recentrent de plus en plus sur la Sarkosie, que la presse écrite gratuite uniformise l’information, Perpignan devient le temps de deux semaines, une destination indispensable pour ouvrir l'oeil sur un monde globalisé. Loin des grands conflits hyper médiatisés, ?Visa pour l'image? montre ce qui se développer de façon souterraine (exploitation des enfants, violation des droits de l'homme dans les prisons, l'humiliation des femmes par les pouvoirs religieux) au profit d'occidentaux avides de produits bon marché. Je quitte Perpignan troublé, submergé par la qualité des expositions proposées. Rapide panorama d'un visa qui autorise tant de traversées…

 

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Jane Evelyn Atwood
Dimitar Dilkof

 


Six photographes, artistes ? reporter au regard décalé, à la frontière de l'art et du reportage. font un génial ?pas de côté? pour ouvrir notre conscience envers des pays classés dans nos mémoires.
Jane Evelyn Atwood
avec ?Haïti? est au sommet de son art. On reste médusé face à tant de virtuosité où les corps et les décors d'Haïti se confondent pour dessiner une fresque aux mille couleurs dans ce pays si pauvre. Atwood se saisit de l'infiniment petit pour le rendre grandiose à l'image d'un peuple dont la créativité semble être la seule ressource pour survivre.
Avec autant de génie, le photographe palestinien Raed Bawahah parvient à clouer sur place de nombreux visiteurs avec ?Vivre en Palestine. Hors de la guerre
israélo-palestinienne (ou dedans), il nous propose des visages, des postures d'hommes et de femmes internés dans un hôpital psychiatrique ou rencontrés sur les lieux de son enfance. On les croirait tous issus des pièces du metteur en scène Pipo Delbono, ou danseurs chez Pina Bauch. Les fous et les enfants abattent les murs, dégagent les gravas pour nous montrer une Palestine courageuse où la folie des hommes va finir par les rendre tous fous. Émouvantes jusqu'aux larmes, ses photos dessinent un peuple, une terre, une nation loin des discours guerriers.
Le Bulgare Dimitar Dilkoff avec ses ?Chroniques de l'Est? photographie les peuples avec gourmandise, empathie et retenue. On sourit parfois, pour s'inquiéter souvent de la collusion entre le politique et le religieux. Le corps est au centre des photos (métaphore de nos soumissions et dépendances?): des femmes se glissent sous les robes des prêtres pour prier, un homme s'immole par le feu pour protester, puis un groupe se jette dans l'eau glacée pour attraper une croix lancée par un religieux. Dilkoff est un très grand photographe pour susciter avec tant de force des résonances qui dépassent les frontières de l'Est.

 

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Raed Bawahah Agnès Dherbeys


La Française Agnès Dherbeys, avec ?Timor oriental: les rêves brisés de l'indépendance? ne passent pas inaperçue malgré sa très mauvaise exposition dans un des passages du Couvent des Minimes. Elle fait émerger la soif de démocratie d'un pays ravagé par la guerre avant que l'indépendance ne soit proclamée en mai 2002. Les cris traversent la photo, les contrastes de couleurs, de formes épousent les ambiguïtés d'un peuple partagé entre dépendance à l'égard des forces armées internationales et le désir d'autonomie. C'est époustouflant d'authenticité à l’image d’une humaniste lumineuse!

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Sergey Maximishin Véronique de Viguerie

Le Russe Sergey Maximishin avec ?Le dernier empire, 20 ans après?, pose un regard sans concession sur son pays. Les situations (souvent surréalistes) sont à l'image d'une nation tenue par une main de fer par Poutine, attiré par le capitalisme triomphant et soucieux de ses traditions. On est sidéré par ces clichés presque tous au bord de l'implosion, de la cassure ou de l'effondrement. Seuls, deux hommes échangeant dans un sauna nous apaisent tandis que la Russie plonge dans le regard obscur de Poutine capté dans son bureau (glaçant).
La Française Véronique de Viguerie avec ?Afghanistan, Inch'Allah??, émeut à plus d'un titre lorsqu'elle photographie les femmes de ce pays: avec son objectif, elle leur hôte symboliquement la burka et finit par leur redonner un visage qu'elle n'aurait jamais du perdre. On est troublé à l’égard de ses clichés où la femme est souvent une icône (religieuse?) face à des hommes assoiffés de pouvoir.

Cette sélection ne saurait masquer l'immense talent d'autres photographes qui semblent avoir été inspirés par une théorie de Mandela où celui-ci déclarait: ?je reconnais une démocratie au sort qu'elle fait à ses compatriotes les plus exclus, les plus marginaux?. C'est ainsi que les enfants esclaves, les mineurs prisonniers, les femmes exploitées envahissent plusieurs salles: Carolyn Cole du Los Angeles Time, Samuel Bollendorff (?À marche forcée?), Ian Berry, (?les enfants jetables du Ghana?) et Lizzie Sadin, (?Mineurs en peines?) interpellent, dénoncent, expliquent. À quatre, ils proposent le plus effroyable des reportages, celui que l'on ne verra jamais dans nos médias.
file-245867-58748.jpgIl ne faudra pas en tout cas compter sur Eric Hadj, qui avec ?A 20 kilomètres de la tour Eiffel? pose un regard scandaleux sur la banlieue où il a voulu ?photographier le vide? (comment est-ce possible avec des humains?). Il est notamment l'auteur d'une des photos où une enseignante lit dans le RER alors qu'elle est entourée de jeunes des quartiers. Elle fut publiée dans Paris ? Match en mars 2007 avec une légende pour le moins surprenante Sur les portables, la musique ­ du rap ­ joue à fond. La passagère, pas rassurée, se plonge dans sa lecture et n’en sort pas.»). Paris-Match a osé s'exposer à ?Visa pour l'image? comme si de rien n'était. Il est vrai qu'à trop vouloir transformer la réalité, il devient le journal spécialiste des clichés.


Pascal Bély
www.festivalier.net

?????? ?Visa pour l’image? à Perpignan jusqu’au 16 septembre 2007.

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EN COURS DE REFORMATAGE

«NIGHTSHADE», du Merlan à La Villette : déshabillons-nous!

villette.JPGC’était au mois de janvier 2007. « NIGHTSHADE » était joué au Théâtre du Merlan de Marseille. En voici un compte-rendu effeuillé…alors que la pièce est à l’affiche du Parc de la Villette jusqu’à la mi-octobre.

Ce soir, malgré le froid piquant, tout paraît léger. J'arrive au Gymnase à Marseille, escale du Théâtre du Merlan, qui poursuit ses « vagabondages » pendant sa rénovation. Un bar à huîtres est installé sur le trottoir et la foule se presse pour un événement européen.  Avec « Belladonne », sept chorégraphes (Alain Platel, Win Vandekeybus, Caterina Sagna, Vera Mantero, Claudia Triozzi, Eric de Volder, Johanne Saunier) revisitent le strip?tease. Dans l'insouscience quasi ? générale, personne ne se doute que le public finira nu à la fin de la représentation?

Six femmes et un homme se succèdent au cours de sept tableaux, accompagnés par un petit orchestre de?chambre. On se croirait dans une exposition d'art contemporain entre performance, théâtre et sculpture ! À mesure qu'ils défilent, je passe de la sidération, au rire, à l'extase, puis gêné, intimidé, séduit et finalement retourné ! Je suis entré dans ce théâtre, bardé de clichés sur le strip?tease. J'en sors dépossédé, questionné sur mon rapport au corps, au sexe, à l'évolution des m?urs d'une société aux apparences libérées, mais toujours aussi pudibonde.
Pour en arriver là, ils ont tout osé pour transformer le strip?tease en chorégraphie. Tout au long des sept tableaux, l'interaction avec le public est toujours créée pour ne pas nous, et les laisser seuls.

A cet effet, l'orchestre joue la partition de nos désirs refoulés : tantôt douce, parfois bruyante, souvent chaotique.

Un animal étrange et laid filmé en vidéo est projeté entre les tableaux : il est petit au début et fini par devenir énorme à la fin du spectacle. Entre chien et chat, il nous espionne, voyeur de notre animalité et attendrit de nous voir si observateurs ! Comment ne pas évoquer ce décor, drapé dans ces rideaux, métaphore de nos vêtements, de ce que nous cachons, dévoilons au gré des contextes. Ils s'abaissent à l'horizontale, bougent à la verticale pour dimensionner la scène, cadrer notre regard, tel le zoom d'un appareil de photo : nous voilà voyeurs, pudiques, exhibitionnistes. Il est le rideau de misère d'une société puritaine qui cache les seins aux enfants, mais qui exhibe Cauet sur TF1 !
Pour le reste, dois-je tout vous dévoiler ? Puisque vous insistez?.
On commence ?

Un écran de fumée?ce n'est pas ce que vous croyez?Le corps crucifié.Là ??

C'est le strip?tease révolutionnaire. A poil S…….? Vous exagérez !
Ici ??
Un tableau de la renaissance après avoir trop fumé.

Ici, aussi ?
« Je t'aime, moi non plus » revisité. Bandant.
Là, et puis..là ?


Elle flanche. Émouvant et débandant.
Même ça ?
Le strip?tease déconstruit. Osé.

Et ça ?


Bien fait pour lui. Pour nous.

Je vous l'avais promis. Je suis tout nu.


???
??? “Belladonne” a été joué au Théâtre du Merlan de Marseille le 27 janvier 2007 et au programme du Parc de La Villette du 18 septembre au 13 octobre 2007.


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LES EXPOSITIONS

Le ?Sculpture Projects de Muenster? trace le nouveau monde.

Le ?Sculpture Projects de Muenster? en Allemagne est une manifestation d'art contemporain, exceptionnelle par les processus de reliance qu'elle suggère au public. Loin d'être une juxtaposition d'?uvres, Münster a fait le choix, tous les dix ans, de proposer un parcours exigeant, passionnant, qui autorise le visiteur à sculpter la ville au hasard de ses découvertes et de ses envies. À mesure que l'on marche dans les rues, que l'on pédale sur ?la promenade?, le plan de la cité se métamorphose en note d'intention des commissaires (Brigitte Franzen, Kasper König, Carina Plath) .

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Je m'étonne encore d'avoir commencé ce maillage par Thomas Schütte (?Model for a museum?). À côté de son ?uvre de 1987 (??Kirschensäule?), la place Harsewinkelplatz accueille cette fontaine englobée d'une structure de verre, surmonté d'un ?gratte-ciel? orange. Comme un jeu de légo, notre regard démonte, remonte. Ce modèle déstructurant et restructurant est le projet de Münster: passé, présent / ordre ? désordre. La buée de condensation du matin (métaphore d'une intention mutante?) m'invite à revenir le soir pour admirer ce musée en miniature qui nous regarde de haut pour que nous imaginions un futur à notre portée. Puissant!
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Cette coconception entre l'artiste et le public est au c?ur de la proposition de Guy Ben ? Ner. Dans une salle du service des impôts (sic), deux vélos d'appartement sont installés avec en leur centre un écran plat. Plus nous pédalons, plus l'image défile. On y voit Guy Ben-Ner et ses deux jeunes enfants profiter de la nonchalance du surveillant du musée pour démonter une oeuvre, puis deux et les transformer en objet vélocipède non identifié afin de parcourir rues et jardins de Münster. Outre le bel hommage à la ?tête de taureau? de Picasso ou au cyclograveur de Jean Tinguely, cette installation sculpte l'histoire de l'art pour en faire une ?uvre virtuelle interactive où le territoire de Münster devient global avec des frontières délimitées par le lien entre le public et les artistes.
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N'est-ce finalement pas l'intention de Dominique Gonzalez ? Foerster avec ??A Münster Novel?? Dans un espace verdoyant, mais coincé entre le boulevard automobile et ?la promenade? cycliste, sont reproduites en modèle réduit les sculptures installées dans la ville depuis 30 ans. L'effet est immédiat: pourquoi un tel agencement? Que nous dit cette sculpture des sculptures? Les amateurs, numérique en main, tente de capturer des perspectives. D'autres, assis, contemplent de loin. Moi, je marche, je tourne autour, je vais, je viens. Le processus d'appropriation du territoire et de l'histoire de Münster est fascinant (d'autant plus que cette ville a été quasiment détruite pendant la guerre). Mais sutout, Dominique Gonzalez ? Foerster offre au public la possibilité de relier ce qui est par nature parsemé. L'espace dégage une ?aura?, une éthique qui veut que chacun d'entre nous soit capable de s'approprier l'art pour produire du lien et créer son territoire.
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Ceci va s'avérer incroyablement juste alors que je découvre l'installation de Pae White dans le magnifique Jardin botanique. L'artiste vit en Californie et a reproduit la forme des carillons installés le long de ?Camino Real?. Le personnel d'accueil du ?Sculpture projects? est là pour faire sonner les cloches dont le bruit doux et sourd étonne par sa beauté. C'est ainsi qu'un fil se tisse entre là-bas et ici, entre le rouge californien et le blanc si cher à Pae White. Münster joue avec nos frontières sensorielles pour les rendre si poreuses que tout se mélange (l'Allemagne et la longue route des missions californiennes) pour former un nouveau territoire imaginaire capable de mettre à mal nos défenses rationalistes.
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Le  ?petting zoo? de Mike kelley installé dans la cour d'un vieux bâtiment, entre un parking couvert et des immeubles de bureau, vise-t-il à nous apprivoiser? Toujours est-il qu'à partir d'une légende biblique (la femme de Loth transformée en statue de sel pour avoir désobéi), Mike Kelley crée un univers étrange où le visiteur flotte au milieu de ces animaux. Comment les approcher? Est-ce permis? Pourquoi nous métamorphosent-ils à ce point (même des ados bruyants à l'entrée du site se révèlent subitement doux comme des agneaux à l'intérieur du zoo!). Cette installation prolonge la réalité en questionnant notre lien à un ordre établi par la religion et notre dépendance à l'égard des animaux. Alors qu'en quittant ce lieu, je clos mon périple à Münster, tout s'éclaire: le ?Sculpture Projects? apaise les hommes parce qu'il ouvre les possibles, les territoires. Les sculptures me donnent l'énergie pour élargir ce que je pensais statufié par le sel de mes certitudes.

Pascal Bély
www.festivalier.net


??????  ?Sculpture Projects de Muens
ter
? a lieu jusqu’au 30 septembre 2007.

A lire sur le même sujet:

Le ?Sculpture Projects de Muenster? : l'avenir est allemand.


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Saison 2007 / 2008: Toulouse résiste.

En parcourant les programmations des deux principaux théâtres toulousains (Le TNT et le Théâtre Garonne), une impression s'en dégage: c'est un festival de belles, de très belles propositions. Quelques unes ont retenu mon attention (les liens renvoient vers les articles du blog) parce qu'elles ont durablement balisé mon parcours de spectateur ? bloggeur et ouvrent sur d'autres, encore inconnues, mais que les lecteurs toulousains de ce blog ne manqueront pas d'apprécier.
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C'est l'Argentin Ricardo Bartis qui inaugure la saison du Garonne. Avec ?De mal en peor?, nous sommes propulsés dans la crise économique et sociale argentine, mais surtout dans un chaos familial à faire trembler les murs de tous les théâtres. Programmé au KunstenFestivalDesArts de Bruxelles en 2006, ?de mal en peor? est une oeuvre puissante servie par une troupe de comédiens exceptionnels dans une scénographie qui pourrait en surprendre quelques-uns…
Un autre tremblement se profile avec le metteur en scène marseillais, Hubert Colas.  ?Face au Mur? de Martin Grimp (cf. photo) évoque ce rationalisme qui nous ronge et cette société toujours plus comportementaliste. La mise en scène place le spectateur dans un dedans ? dehors troublant.
Le Théâtre Garonne poursuit son “festival” avec ?Young people, old Voices? du chorégraphe allemand Raimund Hoghe. C'est une création bouleversante, un chef d'oeuvre. Présenté à Montpellier Danse en 2004, le public fit un triomphe à cette troupe comme si les lents mouvements de ce quatuor étaient aussi les nôtres quand nous lâchons prise…
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Sur un tout autre registre, le chorégraphe Alain Buffard avec ?Not a love song? signe là une oeuvre irrésistible, drôle, intelligente, servie par des comédiennes ? danseuses exceptionnelles (Vera Mantero et Claudia Triozzi sont renversantes!). À ne manquer sous aucun prétexte.
Comment faire l'impasse sur le collectif Belge tg STAN qui avec deux pièces ?Sauve qui peut? et ?Nusch? investit la France après leur succès ?My dinner with André ? en 2006 ? 2007. C'est un théâtre engageant qui place le spectateur dans un rôle actif. À l'image du travail de la chorégraphe Catherina Sagna qui revient avec ?Basso Ostinato?, sa dernière création. Provocantes, ses ?uvres laissent des traces?
À suivre, le nouvel ovni de Joseph Nadj, ?Entracte?. Comment ce chorégraphe exceptionnel va-t-il nous surprendre après son chef d'oeuvre présentée au Festival d'Avignon en 2006, dont il était l'artiste associé (?Paso Doble? avec le peintre Miguel Barcelo)? 
Dans cette programmation magnifique, on fera l'impasse sur ?Big 3rd episode? du collectif Superamas. Le bide du dernier Festival d'Avignon?
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Cap sur le Théâtre National de Toulouse (TNT). Ici aussi, on ressent l'exigence d'un projet qui positionne le spectateur autrement qu'en consommateur passif. Quelques propositions ont retenues mon attention. Le chorégraphe du pays, Pierre Rigal et le metteur en scène et scénographe Aurélien Bory présentent leurs créations dont ?Érection?, envoûtante danse qui nous remet debout (à voir également ?plus ou moins l'infini? et ?plan B? ).
Sébastien Bournac
s'empare de ?Music Hall? de Jean-Luc Lagarce pendant que Pippo Delbono avec ses magnifiques ?Récits de juin? proposera par la suite sa dernière création (?Cette féroce obscurité?).
On accueille avec curiosité la nouvelle proposition de Merce Cunningham (?Eyespace 2 autres pièces?), tandis que l'on fuit l'Eldorado glacial d'Angelin Preljocaj. Enfin, ?Le Roi Lear? de Jean-François Sivadier présenté au Festival d'Avignon 2007 n'a pas convaincu de nombreux critiques et spectateurs, mais en a ravi d'autres. Alors?…
On ne manquera pas de faire un saut au Théâtre Sorano pour voir ?L'épilogue? de ?l'homme qui danse?. C'est homme là, est le plus beau comédien en France. C'est
Philippe Caubère.

Pour terminer ce panorama succinct, ? Le printemps de septembre? devrait enthousiasmer les amateurs d'art contemporain à la recherche de sens, dans la ?France de propriétaires? que l'on nous promet.
Toujours est-il que Toulouse et ses théâtres résistent à faire du public une assemblée d'actionnaires?


Pascal Bély

www.festivalier.net
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Le ?Sculpture Projects de Münster? : l’avenir est allemand.

Le ?Sculpture Projects de Münster?, manifestation décennale d'art contemporain, née en 1977, sème dans toute la ville des amateurs qui, plan en poche, cherchent l'Oeuvre comme si c'était celle de toute leur vie. Plus de soixante-dix artistes (dont trente pour cette année), reliés par l'histoire de ce territoire, nous offrent un périple qui vaut, à bien des égards, les voyages à l'autre bout de la planète. Cette ville, quasiment détruite au cours de la dernière guerre, retrouve une histoire par l'art contemporain: cette belle dialogique place le visiteur au coeur d'un processus d'introspection, où l'on pense le futur par le passé (et inversement), où l'on fait ressurgir, à l'image de Münster, des (nos) vestiges que les bâtiments modernes ou les quartiers reconstitués à l'identique ont enfouis.
sp07-wallinger-RO-w2p.jpgC'est ainsi que l'art rapproche les hommes sur ce territoire à l'image du fil de Mark Wallinger (cherchez bien sur la photo!) qui relie les édifices pour former un rond, une frontière quasi invisible entre réel et virtuel: elle délimite ce nouvel espace, prêt à contenir ce processus émergant. Où que vous soyez, vous êtes au centre du monde, comme la gare de Perpignan de Salvador Dali! Et quand au hasard d'une virée en bicyclette, j'aperçois le fil tendu entre deux arbres par un étrange jeu de lumière avec le soleil, je m'étonne d'être heureux, d'avoir repéré la frontière entre un processus et un autre!

 
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Il est d'autres découvertes tout aussi exceptionnelles comme les pierres posées par Gustav Mettzger. Par deux, quatre, voir plus, elles sont contre un mur, une devanture d'une pharmacie, au pied d'un banc public. Elles sont ces pierres qui formaient les gravats des bombardements. Elles sont redevenues des édifices, elles n'existent que par le regard que nous portons sur elles: comme autant de repères dans la ville, elles la redessinent comme un calque sur une feuille de papier dont nous serions l'urbaniste.
Ces pierres, amassées en nous, se transforment en clocher d'église: l'oeuvre de Guillaume Bijl surgit de terre est sidérante de beauté où penchés sur notre passé et celui de Münster, on se surprend à vouloir sauter pour continuer à creuser, ce qu'à oser faire Bruce Nauman, avec sa pyramide inversée, dans le quartier des Universités des sciences. Ce ?square dépression?, au coeur de la terre, vous plonge dans le paradoxe le plus total: pour la gravir, il faut descendre; pour la contempler de haut, on doit se coucher; pour la parcourir transversalement, nous devons la monter verticalement! Sublime moment suspendu au milieu des cohortes d'étudiants chercheurs qui passent là sans nous voir…

Toujours sous terre, la Française Valérie Jouve nous convie dans un passage piéton, sous un boulevard, transformé en salle de projection ouverte aux quatre vents: cet hiver, caméra vidéo sur l'épaule, elle a suivi quatre personnages. Sans paroles, le film hypnotise par l'ambiance qu'il dégage comme si chacun, dans sa solitude, était une partie de la ville. Ici aussi, la frontière entre l'art et Münster est si mince qu'un des protagonistes était près de moi, puisqu'il semble avoir élu domicile dans ce passage. Troublant.
Cette terre de Münster est au coeur du projet de Jeremy Deller. Sur un terrain qui regroupe des jardins familiaux (imposants par leur beauté où tout n'est qu'ordre et couleurs), il notera sur des cahiers pendant dix années tous les événements qui vont s'y dérouler. Ce n'est qu'en 2017 qu'il présentera son oeuvre dont il ignore encore aujourd’hui la teneur. À Münster, l'art émerge dans l'incertitude, et la graine que les visiteurs peuvent planter chez eux accompagnera à distance l'artiste dans ce processus.
Et puisque l'art se découvre en marchant, rien d'étonnant à ce qu'il vous surprenne même sous un pont (the Torminbridge) par temps pluvieux. Susan Philipsz, y a installé des enceintes de chaque côté des berges. Une chanson douce et entêtante se diffuse alors (avec des magnifiques effets d'échos) et le pont devient sculpture, comme un bâtiment immergé dans l'eau à l'horizontale. La pluie amplifie la beauté du dispositif en soulignant ses contrastes. Je reste médusé, vélo à la main avec une envie de plonger pour rejoindre l'autre rive.


Pascal Bély
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??????  ?Sculpture Projects de Muenster? a lieu jusqu’au 30 septembre 2007.

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Au Festival “Mens alors!”, Sylvain Groud relie l’art et le handicap.

CieSylvainGroud-Bataille-intime-DavidMorganti-01.jpgAu c?ur du massif du Trieves, à quelques kilomètres de la petite ville de Mens, une foule compacte se presse à l'entrée de la grange du Percy. Les bénévoles du festival Mens Alors ! indiquent au public que la jauge est déjà atteinte et que les prochains à entrer seront mal assis. Qu'importe ! Les festivaliers s'entassent pour voir “Bataille intime“, le duo de Sylvain Groud et Bruno Bayeux.
Utilisant en guise de rideau d'immenses portes qui accueillent et masquent la lumière au fond de l'espace scénique, les danseurs ont pour unique décor deux chaises et quelques vêtements posés au sol. Gestes du quotidien exécutés de manière hachée. Interruptions, paroles de Roland Topor déclamées de façon tantôt posée, tantôt interrogative, tantôt hargneuse. Il est question d'un meurtre. Le duo s'agite, se repousse, joue en miroir puis privilégie l'asymétrie. Il est question de maladie mentale. Il est question de schizophrénie. J'apprécie la clarté du propos, l'intelligence de la « mise en danse » de Sylvain Groud, je suis ravie. Le reste du public aussi.
Nous retournons donc le lendemain voir une autre de ses créations, dansée cette fois dans le gymnase du collège de Mens. Accueillis dès l'entrée par six danseurs valides, nous emplissons peu à peu le gymnase où nous découvrons tout au long d'un spectacle déambulatoire le travail réalisé avec des danseurs handicapés moteurs. Seuls, en duo avec des danseurs valides ou encore à deux, les danseurs à mobilité différente nous donnent à voir une danse où le regard, la douceur et la joie de donner sont l'essentiel.
Et ces danseurs donnent tellement que la majorité des spectateurs est bientôt en larmes.

16482391.jpg Il est difficile de traduire en mots ce que nous avons vécu. Les danseurs à mobilité différente nous ont montré qu'avec une économie de gestes il était possible de transmettre beauté et émotion. Un peu comme dans le “36, avenue Georges Mandel”  de Raimund Hoghe jouée dernièrement au Festival d’Avignon. Sans pathos et sans compassion, Sylvain Groud fait la démonstration que la danse peut être autre chose que performance physique et technique.
Lors du débat public organisé le lendemain les spectateurs ont l'occasion de dialoguer avec les artistes, de rapporter ce qu'ils ont ressenti et de remercier.
Mens Alors !
se veut un festival d'« Échange et Création ».  Cette allégation n'a rien de mensonger

Elsa Gomis
www.festivalier.net
?????? “Bataille intime” et “De l’art et du handicap” ont été jouées les 9 et 10 août 2007 dans le cadre du Festival “Men’s alors!” .


L’édition 2009 de “Mens Alors!”:

Festival de Mens Alors ! Episode 1 : il n'y a pas qu'Avignon?

Festival de “Mens Alors” ! Episode 2 : attention fragile.

Festival de « Mens Alors ! ». Episode 3 : Oh, mon château !

Festival de « Mens Alors ! ». Episode 4: peut-on héberger Google?

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FESTIVAL D'AVIGNON

Le bilan du Festival d’Avignon 2007.

 1ère partie : Edgar Morin, l’artiste associé.

Pour cette 61e édition, le spectateur a dû chercher la cohérence d’une programmation hétérogène, sans ligne conductrice où la fonction d’artiste associé n’a pas joué pleinement son rôle.

En effet, il fut difficile de cerner le projet de ce festival, écartelé entre les expérimentations (approximations ?) artistiques des « amis » de Frédéric Fisbach et les metteurs en scène confirmés porteurs d’un propos engagé et engageant (Ariane Mnouchkine, Jean-Pierre Vincent,KrzysztofWarlikowski, Guy Cassiers). Est-ce pour cette raison que le Festival fut étonnamment calme comme si le théâtre ne parvenait plus à se faire entendre, d’autant plus que la billetterie bureaucratique et les petites jauges ont privé de nombreux spectateurs de places (107000 billets vendus cette année contre 133 000 l’an dernier et 150 000 en 2002). Cette baisse sensible, est le signe d’un repli, d’un système qui s’auto-alimente (jusqu’à voir des amateurs de la région sur le plateau des « Feuillets d’Hypnos ») alors que le « Off » semble avoir retrouvé sa vitalité avec plus de 700 000 festivaliers !

Le rapport, de 1 à 7, continue d’être ignoré : jusqu’à quand ce clivage, ce mur de Berlin, cette anomalie de la pensée qui voudrait qu’une partie ne soit pas reliée à l’autre pour former un tout ? C’est au spectateur à faire lui-même les liens, à faire pression par son ouverture sur les institutions, pour que des passerelles se créent entre les deux manifestations. 2007 a peut-être été l’année où il a dû faire son propre cheminement, prémices d’un changement progressif de posture.

Il ne fallait pas compter sur la presse pour nous guider : seule la polémique entre Brigitte Salino du « Monde » et Frédéric Fisbach au sujet des « Feuillets d’Hypnos » a fait débat pour mieux masquer l’absence de la vente à la criée des journaux. Ce silence n’annonçait-il pas un désengagement grandissant des groupes de médias à l’égard du spectacle vivant? Cette interrogation fut au coeur de la table ronde organisée le 11 juillet au Cloïtre Saint-Louis par le Syndicat de la Critique à laquelle j’étais convié en tant « qu’outsider » bloggeur (aux côtés du metteur en scène Arthur Nauzyciel, d’Arnaud Laporte de France Culture, de Frédéric Ferney de France 5, Jean-Pierre Leonardini de l’Humanité). Nous n’avons rien appris de ce que nous savions déjà: baisse croissante des lecteurs pour les journaux payants, montée en puissance des gratuits, perte de l’esprit critique, brouillage persistant entre information et communication. « Le culte des amateurs » via les blogs fut dénoncé («qui remet en cause la compétence de la critique»). La place des journalistes au sein des institutions culturelles fut contestée lorsqu’ils bafouent les règles déontologiques de la profession. Deux modèles ont donc émergé: une critique qui doit «résister» face aux pressions économiques en s’appuyant sur la légitimité de son expertise; une approche plus transversale du regard critique (qui pourrait prendre en compte le processus de création d’une oeuvre), des articulations entre journalistes et bloggeurs à créer, une mise en réseau des festivals pour décloisonner les disciplines. Cette table ronde démontrait à quel point le critique doit opérer sa mue, le bloggeur sortir de sa toile, à l’instar du spectacle vivant qui a du intégrer de nouvelles formes artistiques et inventer d’autres liens (plus ouverts) avec le spectateur-sujet (lire à ce sujet l’article de Rue89).
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« Le Théâtre des Idées » (crée il y a quatre ans par l’actuelle direction du Festival et animé par Nicolas Truong de «Philosophie Magazine») fut le prolongement naturel de cette table ronde et plus généralement le lieu pour aider le spectateur à relier par le sens. C’est ainsi que la venue le 17 juillet du sociologue et théoricien de la compléxité Edgar Morin pour évoquer « les résistances d’aujourd’hui » fut un véritable événement: plus de 1000 personnes se sont pressées à l’intérieur du gymnase et au dehors!  Pendant deux heures, nous écoutâmes, médusés, le récit de son parcours de résistant (de 1941, année où il intégra l’improbabilité de la victoire allemande à aujourd’hui où l’improbable n’est pas l’impossible lorsqu’il invoque un nouvel ordre écologique). Résister n’est pas un positionnement défensif, mais une recherche permanente de liens, d’une foi sans faille dans les vertus de l’incertitude.

Cet homme, au regard lumineux, nous invita à s’opposer aux modes de pensée qui réduisent tout au calcul («c’est une forme de barbarie contemporaine», précisa-t-il), de défendre les minorités opprimées («elles sont notre avenir», «c’est aux marges de la société qu’existe la régénération de notre espèce »). C’est ainsi «qu’un système incapable de traiter ses problèmes fondamentaux se désintègre ou alors crée un système plus large telle la chenille qui s’autodétruit pour devenir papillon». Ne pouvait-on pas voir dans cette métaphore deux approches du chaos proposées par le festival : une où le spectateur à parfois eu des difficultés à repérer les processus régénérateurs (« Norden » de Franck Castorf, « Insideout » de Sacha Waltz, « Nine Finger » d’Alain Platel ou « Bleue. Saignante. A point » de Rodrigo Garcia), l’autre où il a dû détruire, reconstruire son rapport aux mots comme dans «L’acte inconnu» de Novarina.

Sur le même registre, « Le silence des communistes » mis en scène par Jean-Pierre Vincent a touché le spectateur comme s’il lui montrait le chemin pour naviguer dans ce chaos (créatif) pour réinventer la gauche. Impératif d’autant plus urgent qu’un nouveau totalitarisme menace le spectacle vivant, où l’histoire pourrait bien bégayer à l’image de dernière scène du magnifique «Méfisto for ever» de Guy Cassiers.

À côté, la nouvelle génération peine à nous proposer un modèle ouvert et trébuche sur des effets de formes où le fond se noie: Gildas Millin avec «Machine sans cible»,  le groupe franco-autrichien Superamas avec «Big 3rd episode, Roméo Castelluci avec «Hey Girl !». Pour ces trois oeuvres, on est étonné, face à une telle audace esthétique, de n’y trouver qu’un propos si plat.

Seuls deux metteurs en scène, Éléonore Weber avec« Rendre une vie vivable n’a rien d’une question vaine » et Genèse n°2, par le Bulgare Galin Stoev se sont peut-être le plus appuyé sur un concept développé par Edgar Morin: l’émergence. En agençant les mots, la vidéo, la musique, le rationnel et l’irrationnel, ils ont créé une oeuvre qui “présente un caractère de nouveauté par rapport aux qualités ou propriétés des composants considérés isolément ou agencés différemment dans un autre type de système”.

C’est ainsi que la pensée d’Edgar Morin a irrigué la programmation. N’est-il pas alors logique, lors des questions du public, de lui dire : « vous êtes l’artiste associé du festival ! ».

 2ème partie : Le poids des mots.

Le metteur en scène Frédéric Fisbach, l’artiste associé du Festival, a fait du rapport au spectateur une question centrale jusqu’à le faire jouer en amateur dans le très controversé « Les feuillets d’Hypnos », 237 poèmes de René Char. Si les résistants de l’époque n’étaient pas des professionnels, les acteurs d’aujourd’hui se sont montrés pour le moins «amateurs» en massacrant ce qui aurait pu être un beau moment de poésie. Fisbach a poursuivi son idée d’impliquer le public en l’invitant à partager les journées de répétition (petit déjeuner inclus avec les comédiens) dans le loft installé sur la scène de la Cour d’Honneur. Mais entre ses louables intentions et la réalité, je cherche encore le sens d’une telle démarche. Certes, les amateurs ont sauvé (ce qui pouvait l’être) des « Feuillets d’Hypnos » ; mais pour le reste? Fisbach a fini par cliver le public (ceux qui ont vécu l’expérience et les autres) jusqu’à commettre un non-sens : pour comprendre son théâtre, il faut s’intégrer dans son processus de création, ingurgiter ses explications pédagogiques, voir les coulisses. Un peu court pour masquer l’absence de talent.

De son côté, Christophe Fiat avec La jeune fille à la bombe, a disqualifié le public en le forçant à écouter son roman, sous couvert de performance, où les arts du spectacle vivant (danse et chant) n’ont été que des faire-valoir. Rodrigo Garcia avec « Approche de l’idée de méfiance » a cru bon s’affranchir d’avoir un propos comptant sur la complaisance d’une partie des spectateurs. Dans le cadre du « Sujet à vif », le danseur Yves Genot est allé jusqu’à jouer avec la frontière (sans la contenir), entre artistes et public avec « la descendance ». Trois créateurs décalés qui n’ont pas compris que la créativité était une démarche constructive…

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Indispensable Théâtre des Idées…
C’est « Le Théâtre des Idées » qui une fois de plus aura remis du sens pour évaluer avec plus de distance certaines propositions artistiques. La philosophe Marie-José Mondzain et le critique Hans-Thies Lehman ont débattu sur «l’éthique, l’esthétique et la politique de la représentation». Passionnants échanges où Lehman a pu développer sa définition du théâtre post dramatique («espace ouvert, en phase avec l’époque, incluant la dramaturgie du spectateur»), où Mondzain a défini avec clarté ce qui fait sens aujourd’hui. Pour elle, « l’oeuvre doit donner la parole, des possibles pour que symboliquement le spectateur puisse intervenir » où « ce qui est reçu est encore plus grand que ce qui est donné ». Dans un contexte où le citoyen est noyé dans les stratégies Sarkoziennes, « Les éphémères » par le Théâtre du Soleil et « Le silence des communistes » par Jean-Pierre Vincent auront incontestablement positionné le spectateur comme sujet, où chacun a pu penser à partir de son ressenti. Ces deux oeuvres ont donné un socle à ce Festival sans quoi une nouvelle crise identique à 2005 se profilait. Sur un autre registre, Valère Novarina avec « L’acte inconnu »peuvent couper la parole » ! Citons « Claire » a rendu aux mots leur puissance de résistance face au rouleur compresseur de l’uniformisation et donné au public la force de croire encore et toujours au théâtre ! Les mots ont donc envahi cette 61e édition et comme le souligne fort justement Marie-José Mondzain, certains «  d’Alexis Forestier ou il aura fallu l’aplomb d’une spectatrice pour signifier notre désaccord avec cette interprétation de Réné Char. L’échange » de Paul Claudel par « Julie Brochen a anesthésié le public par son théâtre bourgeois! « Hypolythe » par Robert Cantarella n’a pas fait mieux avec ce texte du 16ème siècle anéantit par une mise en scène dépassée par des effets de style prétentieux. L’Afrique n’a pas convaincu non plus (on aurait pu attendre plus d’audace de la part du jeune Congolais Faustin Linyekula avec Le festival des mensonges et «Dinozord : the dialogue series III où son théâtre dansé n’a pas décollé du propos. À côté, le solo dépouillé de Dieudonné Niangouna dans « Attitude clando » aura ému par la justesse des mots et la singularité d’une mise en scène qui aura rapproché, le temps d’une soirée, une assemblée de spectateurs autour de la question des sans-papiers.

Au Nord…

Un certain théâtre semble ne plus avoir d’avenir, ne s’inscrivant pas dans une approche de cocompréhension entre acteurs et public et où le texte prend toute la place sans ouverture vers d’autres langages. La jeune garde présentée cet été n’a pas réussi (à l’exception notable d’Eleonore Weber et de Galin Stoev). Au pire, les expérimentations ont transformé le public en objet devant gober, au mieux  nous aurons eu droit à un théâtre consensuel, sans prise de risque et incapable de nous aider à comprendre ce monde global et complexe (“Le Roi Lear” de Jean-François Sivadier, «Richard III» de Ludovic Lagarde, «Tendre jeudi» de Mathieu Bauer ). Autrement dit, on est en droit de se demander si certains metteurs en scène n’ont pas pris le parti d’infantiliser le public.

Ce sont les pays du Nord qui, une fois de plus, ont montré la voie avec brio: : « Angels in América » par le polonais Krzysztof Warlikowski, « Méfisto for ever » du flamand Guy Cassiers et « Nine Finger » du belge Alain Platel. Outre une scénographie à couper le souffle, ces trois metteurs en scène font du théâtre processuel : nous sommes constamment reliés aux acteurs, car nous sommes aussi les protagonistes d’une histoire toujours en marche: le sida avec Warlikowski, le totalitarisme avec Cassiers et les enfants soldats avec Platel.

La danse..in – out.

Mais Avignon aura vu la marginalisation de la danse, repliée dans des bulles jugées trop hermétiques : Raimund Hoghe, incompris, avec « 36 avenue Georges Mendel » ; Sacha Waltz, audacieuse avec « InsideOut » ; Alain Platel, percutant avec «Nine Finger» ; Julie Guibert, sublime dans “Devant l’arrière-pays”. Malgré tout, la danse fut à la marge du projet de cette édition (Fréderic Fisbach n’aura pas eu un seul mot à son égard lors de ses nombreuses interventions). Or, comment comprendre le processus dans un festival, sans son langage? J’ai eu l’impression que les efforts des programmateurs français pour faire une place de choix à la danse, se sont trouvés disqualifiés. Mais surtout, est-ce faire part de modernité que de priver le spectateur d’un langage qui lui donne tant la parole ?

Pascal Bély, Le Tadorne.

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LES EXPOSITIONS

Au Carré d’Art de Nîmes, le Sud se cherche.

Un lecteur fidèle (Octave) nous fait parvenir son regard sur une exposition d’Art Contemporain.

Il est toujours difficile de situer l’intérêt d’expositions accumulatives comme celle-ci avec plus de trente artistes dans l’espace réservé la plupart du temps à des propositions monographiques. Un peu comme aux puces, il faut piocher. Je n’ai ressenti aucune unité, aucune direction, juste la vision d’un éclatement dans tous les sens, de recherches tous azimuts.

J’y suis allé le dimanche 15 juillet: trois pièces video ne fonctionnaient pas! Cinq artistes m’ont particulièrement touché.
nimes-2.JPGDe Lara Favaretto.
Dans un espace plein, que l’on regarde sans y pénétrer, de nombreuses bouteilles d’air comprimé se déclenchent de temps à autre avec un bruit très spécifique… dans le but de faire se déplier une langue de belle-mère, sauf que certaines, sans doute usées et percées ne se déplient plus. Toute cette installation pour presque rien, ou même pour rien, c’est assez fascinant. Plein d’humour mais en même temps pas rassurant, vu la puissance mise en place.

n--mes.JPGDe Paola Pivi (la photo de l’affiche)
A l’heure du faux avec le numérique, elle décide de faire du vrai invraissemblable en transportant deux zèbres dans un décor de montagne enneigé. Le résultat, trois photos dont on reste distant, il en faudrait bien plus pour qu’une image nous interpelle. C’est en lisant la phrase dans le dépliant habituel du Carré (une feuille de 60cm sur 40cm, que j’ai pour une fois gardé sous les yeux pendant toute l’expo, plutôt encombrant) que l’action m’a parue extraordinaire et insignifiante. Amener deux zèbres à la montagne, se coltiner deux gros réels alors que photoshop aurait permis le même résultat sans aucun réel. Intéressant sauf pour les photos au mur, mais y a-t-il un autre moyen de rendre compte de cela ?

nimes1.JPGGiuseppe Gabellone.
Il réalise à partir d’une estampe japonaise (on se demande pourquoi) un bas-relief magnifique… en mousse de polyuréthane.
Une autre pièce de Gabellone, sous forme de photo-témoin montre un meuble-décor (?!) construit-imbriqué avec les objets présents (voiture, bidon) sur le bord d’un trottoir. Objet non-identifié… sculpture, photo, in situ, faux décor, matière envahissante ?

 

Joâo Onofre.
Une video projetée sur un mur dans un espace semi fermé dont on entend le son alentour. Un choeur classique interprète une partition, arrangement du groupe allemand Kraftwerk.
Ce qui donne une polyphonie mécanique, une interprétation minutieuse avec un rythme enlevé d’un bruit de machine, répétitif. Quand la machine devient humaine, l’effet est magique. J’ai adoré !

Jon Mikel Euba.
Quelques jeunes en jean et tee-shirt, dans un terrain vague, à proximité d’une ville, se filment avec une caméra non-numérique avec un objectif très sale. Une fille se laisse manipuler par deux garçons (alors qu’un autre groupe semble faire de même un peu plus loin), ils lui font prendre diverses positions, sans parler, en lui prenant les membres, les hanches, la tête, etc… pour la laisser dans des positions que j’ai cru de sculptures classiques (qui sont, en fait, des attitudes de stars du rock). Ils attendent quelques secondes avant de reprendre leur action en changeant l’attitude du corps du modèle. Celui-ci se laisse faire avec plaisir. La caméra cadre mal la scène, en plus d’être sale, elle coupe souvent les têtes, se retrouve dans un contre-jour sans qualité, paraît se demander ce qu’il faut vraiment filmer. Le son réel de la scène (c’est-à-dire des sons de rien, de pas, de vent) est présent mais est parfois coupé, on ne sait trop pourquoi.
Effet troublant que ce groupe, là, concentré sur une activité plus ou moins claire, et l’image qui en est donnée pas claire non plus, ces corps qui se touchent, activité qui devient sensuelle, à l’image du peintre et son modèle (passif), ou plutôt du sculpteur, ce jeu sans langage.
Je restais là, à les regarder, comme faisant quelque chose d’important, en y prenant moi-même du plaisir.
Finalement, dans ce que j’ai noté, une unité se retrouve, c’est l’inutilité apparente du “faire”, la vacuité, mais le “faire” malgré tout. Le pourquoi peut venir après.

Octave
www.festivalier.net

Où ? Scènes du Sud : Espagne, Italie, Portugal Carré d’Art – Nîmes – Du 23 mai  au 23 septembre 2007.

Crédits photos:

 

(Affiche de l’exposition) PAOLA PIVI, Sans titre (zebre), 2003 Courtesy Galleria Massimo De Carlo, Milano

GIUSEPPE GABELLONE Senza titolo, 1997 Collection FRAC Limousin, Limoges

LARA FAVARETTO Plotone, 2005 Courtesy Galleria Franco Noero, Tor


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FESTIVAL D'AVIGNON

Tous les articles du Festival “In” d’Avignon: les fausses nouvelles formes.

Au Festival d'Avignon, Garcia se carbonise.

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Comment relier « insideout » par Sacha Waltz à « Cruda. Vuelta y vuelta. Al punto. Chamuscada » de Rodrigo Garcia, deux oeuvres vues dans la même soirée ? C'est un exercice d'autant plus délicat que je sors de la première proposition déstabilisé et que la deuxième m'attend sans me donner la moindre occasion de souffler un peu ! Si Sacha Waltz me propose un nouveau positionnement dans ce monde chaotique, Garcia me le sert sur un plateau, avec les bruits, les odeurs et la pensée qui va avec. Mon cerveau n'a plus qu'à se laisser porter d'autant plus que je connais Rodrigo Garcia (peut-il encore me surprendre après « L'histoire de Ronald, le clown de McDonald's » et « Borges + Goya ») et ses propos sur la place de l'humain dans la mondialisation.
Ici en Avignon, le public est sagement assis et le restera. Point de provocation comme en mars 2006 où nous étions un des éléments du décor avec « Borges + Goya ». Point d'humiliation comme en 2004 où les corps n'étaient qu'une marchandise à l'heure de la malbouffe pilotée par McDonald's. Ce soir, Garcia nous propose une (jolie) forme plus classique (le comédien Juan Loriente accompagné des « murgueros » de Buenos Aires, groupe carnavalesque) où la danse, la musique, les effets spéciaux servent la pensée toujours aussi torturée de Garcia sur l'évolution du monde à l'heure de la globalisation. Ici, il prend le temps de ce centrer sur ses personnages, laisse dans un premier temps le groupe s'exprimer comme force de contestation sociale. Le corps n'est plus un exutoire où l'on n’y jette que de la nourriture, mais une forme artistique à part entière (comme si Garcia se découvrait un tout petit peu chorégraphe), quitte à le mettre sous célophane ou créer une ambiance de fin du monde. Il peut alors distiller sur l'écran vidéo ses messages répétitifs, mille fois lus et entendus avec quelques attaques nauséabondes. Il s'en prend à la psychanalyse, thérapie pour petits bobos de bobos. Il catalogue ainsi des milliers de patients dans la case des acheteurs d'Ipod (ceux qui perdent une demie-journée pour choisir le bon modèle). Garcia ignore les raisons qui guident vers l'analyse, mais est-ce si important ? La démagogie ne supporte pas la psychanalyse, celle qui rend les individus autonomes, libre de penser. Garcia préfère asséner les amalgames, profitant du pouvoir que lui confèrent la scène et sa réputation. D'ailleurs, il n'hésite pas à détourner la psychanalyse en projetant sur l'écran vidéo des photos des enfants des « murgueros » (et leur zizi…) pour les faire parler sur leur paternité ! La ficelle est tout de même un peu grosse. Cela dit, il nous a évité le pipi – caca.
Le groupe finit pas s'effacer pour aller prendre sa douche et récupérer des codes vestimentaires plus acceptables. Avec son comédien fétiche, Juan Loriente, Garcia reprend vite la main pour nous décrire un Nouveau Monde qui réagirait de la même manière qu'une vache qui ne retrouverait pas ses veaux, partis à l'abattoir.  C'est drôle, caricatural, enfermant. Alors que le groupe se reforme autour d'un corps qui se carbonise tel un enterrement, je suis stupéfait par cette vision de notre avenir. L'art ne sert que les théories (fumeuses) de Garcia. Il se trouve que la forme a de l'allure. Pour le fond, cette nourriture est un peu dure à avaler, mais finalement facile à digérer.

Au Festival d'Avignon, la défiance envers Rodrigo Garcia.
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Une tortue piégée, caméra vidéo sur le dos, essaye de s'échapper d'un enclos en plexiglas. L'image projetée sur grand écran a la qualité d'une émission de télé ? réalité. Soudain, une jeune fille, à moitié nue, tête en bas, se cogne contre l'image pour tenter d'y entrer. Les premiers rires d'énervement montent du public alors que je m'émeus de la solitude de cette femme. Deux hommes arrivent, et posent des poules sur scène et sur son corps. Déboussolées d'être là (comme nous), elles cherchent où aller. Ils utilisent leurs ailes pour s'y cacher et faire l'autruche. La première denrée alimentaire, le lait, est répandu sur le plateau comme pour délimiter le territoire de la mondialisation. À trois, ils replantent sur du terreau des légumes déjà coupés, métaphore de l'absurdité d'une planète qui épuise ses ressources. Je décide d'entrer dans cet univers foutraque, pour y rencontrer ces trois comédiens aux gestes désarticulés, perdus dans ce nouveau monde. Bienvenue dans la deuxième création de Rodigo Garcia, « Approche de l'idée de méfiance » présentée au Cloître des Célestins. Mais l'intimité a des limites. Très vite, le discours anti-européen refait surface, les accusations contre ses citoyens reviennent comme une rengaine (« nous sommes aisés ; comment pourrions-nous aider les peuples dans le besoin ? »). Ses approches binaires de l'état du monde se répètent et je ressens le mépris de Garcia à l'égard des spectateurs « compromis ». Cette façon verticale d'interpeller, culpabilisante, rend le public quasiment muet à la fin du spectacle. Pour ma part, je finis par n'éprouver qu'une distance polie et le dernier tableau où le trio patine dans le miel (qui n'est pas sans rappeler « Quando l’uomo principale è una donna» de Jan Fabre où danse dans de l'huile d'olive une femme nue) les conduit sur la pente glissante de l'imposture.
À la sortie, je tente un dialogue (impossible) avec certaines spectatrices qui trouvent chez Garcia de quoi conforter leur vote contre la constitution européenne de 2005. La discussion tourne en rond. Le clivage n'est plus entre la droite et la gauche, mais entre une conception ouverte de l'Europe dans la mondialisation et une approche fermée, verticale, repliée sur des dogmes usés. Garcia joue sur ce clivage : il croisera toujours un public paresseux pour gober ce prêt à penser.


« Nord » de Frank Castorf s'explose au Festival d'Avignon.

???? Après le naïf « Tendre jeudi » de Mathieu Bauer adapté du roman de John Steinbeck, le Festival d'Avignon propose quelques heures plus tard au spectateur marathonien, un virage à 180° : « Nord », « une grand-guignolade de Louis-Ferdinand Céline » (en français dans le texte !) revisité par Frank Castorf, metteur en scène berlinois. Nous sommes prévenus dès l'entrée dans la cour du Lycée Saint-Joseph : les bruits de pistolets et aut
res pétarades peuvent abîmer les oreilles fragiles (avec Le Pen au second tour de l'élection en 2002, je me suis habitué aux vociférations). Des bouchons nous sont aimablement offerts : c'est la première provocation de Castorf pour stigmatiser une époque obsédée par le principe de précaution. Soit.
Le décor : longue barre transversale où s'étalent des sigles monétaires (euro, dollar, yen) ; en arrière-plan, rideaux de plastiques gris avec slogan germanique. La société marchande s'affiche pour mieux dégueuler son passé pas si lointain. Les premières minutes de la pièce ne tardent pas à nous jeter à la figure le contexte nauséabond d'une Allemagne dévastée, ruinée, que l'écrivain français Louis-Ferdinand Céline traversait pour fuir la France et dont le roman « Nord » retrace l'épopée.
Nous voilà donc embarqués pour trois heures dans ce wagon gris placé au c?ur de la scène, théâtre du chaos, de l'horreur, sur les voies qui mènent de l'Allemagne à Copenhague. Treize comédiens, tour à tour Céline, officier SS, artiste habité par le rôle de Jésus-Christ (l'acteur Robert Le Vigan !), bourgeois décadents, prostitués, nous accompagnent dans ce voyage où l'argot allemand (souvent intraduisible) et la complexité de la langue de Céline provoquent une traduction française aléatoire et périlleuse. Est-ce si important ? Le jeu des acteurs est époustouflant : ils donnent tout. Tout. Jusqu'à la nausée. Est-ce si grave au regard de ce champ de ruine intellectuel et moral? La farce et le drame s'enchevêtrent dans le récit de Celine, mais conduisent Castorf à ne privilégier qu'un processus : l'autodestruction. À mesure que la pièce avance, les acteurs s'enferment progressivement dans un jeu qui vise à tout casser, à caricaturer à outrance. Mais cette escalade dans le bruit, la fureur et la comédie suffit-elle à nous faire ressentir l'horreur de la guerre ?  Le tiers du public ne tient plus et s'en va, parfois accompagné par les comédiens eux-mêmes, comme un dernier geste de compassion d'Allemands envers des Français qui n'ont pas totalement fait l'introspection de leur histoire. Je reste, car je n'y suis plus. L'autodestruction me met à distance et la mise en scène de Castorf devient le spectacle pour écrabouiller la misanthropie de Céline.
 Mais pour quoi cette pièce ? Qu'en faire pour comprendre l'histoire et notre futur ? Qui suis-je face à cette scène dévastée, à ce wagon de la mort, aux compagnons de route de Céline ? Je ne sais plus. Je n'arrive même plus à applaudir.
Castorf, par Céline, veut-il seulement que je ressente une quelconque empathie ou colère ? Pas si sûr. Céline, à l'image de tous ces livres jetés, écrasés, est à terre. Les Français n'ont plus qu'à tourner la page pour oublier cette farce morbide. Ils en ont l’habitude.

Au Festival d’Avignon, Faustin Linyekula manque la rencontre.

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Le chorégraphe congolais Faustin Linyekula est une belle personne. Je le ressens généreux, sensible, ouvert. Son corps traduit à la fois fragilité et force. Son regard, toujours bienveillant, accompagne sa voix douce et déterminée. Le Festival d'Avignon l'honore cette année avec deux propositions. Après ?Dynozord: the dialogue series III? qui ne m'avait pas convaincu, Faustin Linyekula récidive avec ?Le festival des mensonges? à la salle de Champfleury. Un orchestre, des chanteurs, un bar géré par une association, des bancs tout autour d'une scène délimitée par des néons et des fils électriques posent le contexte de la soirée. L'ambiance est à la fois décontractée, mais concentrée, au coeur d'un théâtre, d'une fête organisée pour le public. Elle s'inspire d'une coutume des paysans de Patagonie qui, une fois par an, se retrouvent une nuit entière pour un concours de mensonges.
Faustin Linyekula s'empare de cette tradition pour son pays, la République du Congo (ex-Zaïre), en Avignon. L'occasion est trop belle pour dénoncer, extraits sonores à l'appui, l'ensemble des mensonges, des crimes, perpétués par une classe politique locale et internationale. Ils sont donc trois danseurs (dont Faustin), une comédienne, un orchestre pour accompagner ces bonimenteurs. La danse, souvent à terre, entremêle les corps. Les néons s'interposent, barrent la route, clignotent comme autant de signaux d'alerte. Tout à la fois matériaux pour faire un feu et fluide électrique, ils envahissent le trio et finissent par l'engloutir. La comédienne évoque sa famille (surtout son père, fonctionnaire d'État) et son désir de voter, mais ses paroles tournent en rond comme un disque rayé d'autant plus que les voix de Mobutu, de Giscard brouillent les messages (c'étaient sûrement leur fonction à l'époque!). Soudain, alors que le trio se perd un peu dans la chorégraphie (sophistiquée) de Faustin Linyekula, la danse s'arrête: le public n'investit pas assez le bar! Or, consommer pendant le spectacle est la seule source de financement de la culture au Congo. Cette interruption, loin d'être anodine, renforce notre position ?haute? vis-à-vis de l'Afrique (n'aurions-nous que celle-là? A qui vont donc les 25 euros de chaque place?). On nous culpabilise, à moins que Faustin Linyekula assume difficilement sa chorégraphie, plus proche de la danse contemporaine européenne qu'africaine. Nous sommes plusieurs à ressentir ce malaise: le contexte du spectacle flotte entre scène de théâtre et fête populaire (pour des blancs?) et finit par brouiller le propos artistique. Pourtant, l'un des derniers tableaux est époustouflant de beauté et de justesse: sur une longue table, avec des poupées cassées et désarticulées, les artistes simulent une rencontre au sommet entre tous ces menteurs. Le collectif finit sous la table, de nouveau englouti. Au lieu d'ouvrir sur un futur possible pour leur pays, ce final signe le désespoir de ces jeunes artistes dont le seul projet est de partir.
Comment pourrions-nous faire la fête avec un telle conclusion? Pour de nombreux spectateurs, la soirée, prévue pour se prolonger, se termine à l'image d'un Festival qui a bien du mal à nous retenir pour débattre collectivement d’autant plus que les habitants du quartier populaire de Champfleury sont cruellement absents. L'occasion était trop belle, tel “le théâtre des idées” organisé l'après-midi, pour transformer ce ?festival des mensonges? en agora populaire sous l'arbre à palabres. Au lieu de cela, chacun repart chez soi pour enfermer à double tour sa vision d'un continent décidément trop loin de nous.
Faustin, revenez! 


La marche funèbre de Faustin Linyekula au Festival d'Avignon.

???? Je suis impatient de cette rencontre avec Faustin Linyekula. Je ne suis pas le seul, car comme me le fait remarquer ma voisine en attendant l'ouverture des portes, « l'Afrique, la danse, Mozart, un chanteur lyrique, la vidéo, cela donne envie ». Je suis plus mesuré, dans la mesure où l'addition des pratiques artistiques ne donne pas to
ujours une ?uvre. Et puis, Christophe Fiat est passé par là?
Pour ma part, je pense à toute autre chose en arrivant au gymnase du lycée Mistral pour « Dinozord : the dialogue series III » de Faustin Linyekula.  Je revois Raimund Hoghe, chorégraphe allemand, lors de son passage à Montpellier Danse. Pendant plus de quatre-vingt-dix minutes, « Meinwärts » reliait l'histoire de l'Allemangne nazie aux morts du sida. Une recherche sur le deuil pour le deuil que Raimund Hoghe restitua avec distance et émotion. Le chorégraphe et auteur congolais Faustin Lynyekula n'est pas encore prêt, mais son travail de deuil est sur les traces de Raimund Hoghe. Pour l'instant, il crée dans un fouillis où tout est posé, où la danse côtoie le texte, la vidéo, Mozart et un chanteur lyrique haute-contre. Tout se vaut pour exprimer la douleur, la colère, l'inquiétude face à l'avenir de son pays. Mais le spectateur peut-il seulement tout recevoir, en vrac, sans un minimum d'articulations ?
Faustin est triste, tel son visage blanc de clown sans nez rouge. Kabako, son ami, disparu pendant la dictature (l'ex-Zaïre), fut enterré avec des inconnus (« Mozart le fut aussi », lui rétorqua le metteur en scène Peter Sellars). Quelques années plus tard, il retourne à Kizangani pour lui donner une digne sépulture . C'est à ce rituel auquel nous sommes conviés avec quatre danseurs, un comédien et un contre-ténor. Telle une procession, les corps traduisent cette marche où, sortis de terre, alignés les uns à côté des autres, ils vont se métamorphoser pour se déployer le temps de réhabiliter les morts, de permettre le devoir de mémoire. Il s'agit de penser le présent pour imaginer le futur. Les rituels  du deuil saccadent la chorégraphie (des lettres cachées que l'on sort d'une malle, la musique de Mozart pour transcender le réel), tandis que le comédien joue brusquement la comédie pour se plaindre du spectacle auprès du public (salutaire mise à distance). Un reportage sur le rêve des Congolais, l'enregistrement audio d'un ami toujours emprisonné, la danse hip-hop de Dinozord s'ajoutent comme autant de pièces d'un puzzle que l'on peine à rassembler.
Tel un patchwork vivant du souvenir, « Dinozord : the dialogue series III » crée un lien trop distant avec le public. Il ne hiérarchise pas assez: Mozart est au même niveau qu’un reportage vidéo (où les paroles des habitants ont été entendues maintes fois ailleurs). Les séquences se suivent comme des petits cailloux qui seraient semés sur le chemin du deuil et nous sommes derrière, en queue de cette procession. Je veux bien me laisser guider, car ces acteurs sont beaux, que Faustin est profondément engagé (il est à la fois aux commandes de son ordinateur dans l'ombre et sur scène pour ne pas qu'il s'oublie) mais je me sens observateur d'une ?uvre politique alors que les occidentaux sont directement concernés par l’avenir de ce pays. Tout se bouscule comme si l'art ne pouvait nous aider : il est lui aussi pris en otage d'un dispositif scénique trop sophistiqué pour exprimer une histoire à fleur de peau.
Le théâtre aurait pu être une belle sépulture pour Kabako.

La fille collante de Roméo Castellucci au Festival d’Avignon.

??? Je m'obstine à vouloir comprendre l'univers de Roméo Castellucci. Découvert en 2005 lors du festival d'Avignon avec «Berlin »et « Bruxelles », revu au KunstenFestivalDesArts en 2006 avec « Marseille », je me sens à côté, rarement enthousiaste, mais toujours curieux. Cette obstination est une quête d'un absolu, de l'objet perdu comme si mon inconscient poursuivait l'aventure d'année en année.
En 2007, Avignon nous propose « Hey Girl ! » à l'Église des Celestins vers une heure du matin. Le choix du site et du moment n'a rien du hasard : Roméo Castellucci a une haute idée de son travail pour que la fatigue des spectateurs et l'aura du lieu produisent leurs effets. A deux heures trente du matin, les rues désertes d'Avignon sont à l'image de ma vision : je ne vois rien et ne ressens plus grand-chose. « Hey Girl ! » est une injonction paradoxale : pour en parler, ne rien dire ; pour voir, écouter ; pour écrire, projeter le film de cette soirée.
Deux jours après, rien ne sort, tout est dedans comme un processus où je crée un rapport à l'art, où se construisent de nouveaux liens entre la scène et ma place de spectateur. Roméo Castellucci interroge ma perception de l'art, du symbole. Il déconstruit (à l'image du premier tableau où le corps émerge d'un chaos gluant, telle une naissance) pour que je puisse relier à ma guise les différentes scènes. Il y a donc un décalage entre la réactivité du blog (qui impose d'écrire rapidement de peur de perdre le processus) et l'?uvre de Castellucci qui demande du temps. Il y a d'ailleurs un élément étrange : tout au long de la représentation, je n'ai cessé de revenir au point de départ à savoir scruter la glu rose qui dégoulinait lentement de la table comme si tous les autres symboles proposés (et Dieu sait qu'il n'en manquait pas !) s'inscrivaient dans la temporalité de cette glu. Je peux donc écrire sur cette table?mais pour le reste ?
Trois jours après, « Hey Girl ! » semble devenir une ?uvre mineure où des images «flash » ressurgissent comme un diaporama où plus grand-chose ne se relie. Le sort de cette jeune fille, blonde et au look ado, dépend de beaucoup trop de symboles pour que je puisse y trouver ma part de vérité. Plongé dans une esthétique qui le dépasse, Castellucci a peut-être oublié qu'à trop jouer avec les formes, le sens se dilue. La glu continue de s'étaler dans mon cerveau comme si cette renaissance poursuivait son travail.
Je crois malgré tout à la force des symboles  (une église, une heure du matin) pour accepter de n'avoir pour l'instant plus rien à écrire, mais tout encore à relier.

Au Festival d’Avignon, le Roi Lear est déjà dépassé.

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C'est le dernier spectacle de mon aventure festivalière. Je ne ressens pas la tristesse de l'an passé mais plutôt un soulagement comme si cette 61e édition, au parcours chaotique, finissait par me lasser, d'autant plus que « Nine Finger » vu quelques heures auparavant, m'a laissé sans voix et avec peu d'énergie. A quoi bon ce Roi Lear mis en scène par Jean-François Sivadier pour quatre heures d'un drame shakespearien ? C'est sans compter sur cette troupe qui sait fidéliser son public.
« La vie de Galilée » présentée au Festival en 2005, avait connu un joli succès d'estime au c?ur de la programmation contestée de Jan Fabre. Deux années plus tard, « Le Roi Lear » reprend les mêmes recettes : comportements d'observateurs des comédiens alors que le public s'installe ; prolongement de la scène jusqu'au fond des gradins ; positionnement inchangé des acteurs dans la hiérarchie des rôles ; reproduction quasi identique de la mise en scène. Bref, je n'ai plus qu'à me laisser aller d'autant plus que « Le Roi Lear » emprunte un peu trop (facilement) les effets du théâtre de guignol, agréables en cette fin de festival. Le divertissement est total : je ris, j'applaudis des deux mains d'autant plus que Norah Krief (le fou) et Nicolas Bouchaud (le roi Lear)  portent à bout de bras le premier acte. Euphorisant !

La deuxième partie ne tient plus la distance. À la déchéance du Roi s'ajoute une scène qui se fragmente progressivement (le décor, sur roulettes, ouvre de nouveaux espaces que le jeu des acteurs peine à occuper). L'orchestre, auparavant positionné en coulisses, est visible sans que l'on en comprenne la raison. Mais surtout, Stephen Butel (Edgar) et Christophe Ratandra (une des filles de Lear) manquent cruellement de crédibilité dans leur rôle: quasiment travestis (l'un sous la boue, l'autre avec une perruque), ils assument difficilement ces transformations (jusqu'à frôler la caricature). L'ennui gagne et certains spectateurs ne tiennent plus la distance à une heure du matin. Jean-François Sivadier montre là ses limites dans le passage de la tragi-comédie à la tragédie. Il cherche, tâtonne, à l'image de ce décor roulant sur une scène glissante alors que seule la scénographie prend de l'ampleur à mesure qu'avance le drame (magnifiques jeux de lumière).
Je me surprends à me lever pour applaudir la troupe. Il est quasiment certain qu'à ce moment précis, je salue le divertissement et ma performance d'avoir réussi le pari de ce 61e Festival d'Avignon: devenir le ?spect-acteur? si cher à l'artiste associé, Frédéric Fisbach. Pour le reste, je m'étonne du décalage entre le théâtre de Jean-François Sivadier, de Ludovic Lagarde avec celui de nos voisins flamands, allemands et polonais. Il est vrai que ?Le Roi Lear? et ?Richard III? sont sûrement compatibles avec le projet de Christine Lagarde, actuelle Ministre de l’économie et accessoirement de la culture.

Au Festival d'Avignon, Richard III rate la marche.

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« Richard III » au Cloître des Carmes divise (calmement) le public. Que penser de cette adaptation libre de Peter Verheslt, mise en scène par Ludovic Lagarde et interprété dans le rôle de Richard III par Laurent Poitrenaux ? À vrai dire, je me sens un peu vide pour évoquer ce que j'ai vu. Tout au long du spectacle, je suis resté à distance comme si tous mes sens étaient sollicités pour observer la scénographie (beaux effets de lumière sur teintures rouges), les costumes (inspirés par la période disco), les jeux des acteurs (où l'on hésite entre un film de Tarantino et un soap opéra gay).
Ce « Richard III » est très actuel : rythmé comme un zapping télévisuel (comment s'attarder sur la psychologie des protagonistes ?), il n'habite que très rarement la scène dans sa largeur pour préférer les petits territoires comme autant de vignettes d'un album photo numérique. Ces espaces confinés privilégient les postures mécaniques donnant à ce drame shakespearien les formes d'un jeu de Lego. Laurent Poitrenaux est à son aise pour se déployer, avec brio, panache, charisme. Sous certains aspects, il pourrait ressemble à Sarkosy quand gestuellement il ramène tout à lui. Mais son déhanchement un peu trop voyant, réduit cette hypothèse bien qu'il n'est pas interdit de penser que le goût du pouvoir et certains penchants peuvent aller de pair! On ne s'ennuie jamais dans cette adaptation, car nous connaissons les codes de cette mise en scène, pour les avoir vus ailleurs. Ils relèveraient presque de notre culture.
Alors, je m'interroge ! Pourquoi ne pas être allé au-delà de ce déjà vu pour plonger ce « Richard III » dans le bouillon chaotique de nos sociétés mondialisées. Quitte à utiliser avec brio le langage de la modernité, Ludovic Lagarde aurait pu choisir une adaptation plus ambitieuse. Je me surprends à quitter le Cloître un peu dépité, ni triste, ni gai, juste un peu déçu de n'avoir rien appris du théâtre. Après « Les éphémères », « Le silence des communistes », « Angels in América », « Méphisto for ever », je m'étais habitué à devenir un spectateur actif. Ce soir, je me sens un peu dépourvu, à moins que je m'interroge sur le sens de la programmation du Festival.
Réponse dans quelques jours.