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EN COURS DE REFORMATAGE

Au Festival Actoral, l’acte anal d’Yves-Noël Genod.

Deux festivals (Dansem, Actoral), une association (Marseille Objectif Danse), un lieu rassembleur (La Friche Belle de Mai), un public de fidèles, mais clairsemé: tels sont les acteurs de ce mois d'octobre marseillais. Pendant que les institutions locales ouvrent leur saison sans fracas (c'est le moins que l'on puisse dire), la Friche Belle de Mai tente de faire entendre une voix différente alors que tout semble consensuel et mou ailleurs. Premier arrêt sur un ovni salutaire.
Actoral, le festival international des arts et des écritures contemporaines acceuille le chorégraphe Yves-Noël Genod avec ?Monsieur Villovitch?. Dans un des hangars de la friche, le décor est éclairé par la lumière du soleil. Elle traverse une longue bâche de plastique transparente: la scène se prolonge au-delà du plateau. Les six premières rangées du gradin sont réservées aux comédiens. Et comme si cela ne suffisait pas, l'extérieur de la salle fait office de caisse de résonance. Cet élargissement est à la mesure des intentions de cette ?uvre inclassable: pousser les frontières tel un réflexe vital pour lutter contre l'enfermement d'une société repliée. Ce spectacle nous est directement adressé si bien que notre place assise n'est qu'une illusion: Genot sème le désordre sur scène et dans notre vision jusqu'à nous rendre acteur de ce qui se joue. Ce samedi après-midi, nous sommes au théâtre, à Marseille, ville rongée par le racisme?
yng1.jpgIl marche, avec sa valise et s'arrête pour se déshabiller et se transformer en femme blonde péruquée genre Marylin en cagole. Elle va arpenter la scène en chantant tel un haute-contre, des mélodies pop des vingt dernières années. Un vieil homme arrive, planche de surf à la main. Il tente quelques postures, mais derrière la bâche, une infirmière le ramène. Entre folie, travestissement et réalité, Genot crée un nouvel espace, aux contours incertains, mais propices pour nous immerger dans cette communauté humaine dont nous faisons partie. Un danseur quitte les gradins, monte sur scène et enlève-lui aussi ses vêtements. Nu, il se plaque au sol, puis contre la bâche. Le contre-jour sculpte son corps entre blancheur et noirceur. Sublime transformation où le corps restitue nos paradoxes. Un troisième homme avance, à la démarche lourde. Il se déshabille pour traîner avec lui une chaîne et une bassine. Métaphore de l'esclavage moderne, il urine et défèque: le corps déborde, comme un trop-plein. Remous dans les gradins, Genod vient de franchir la limite, hors de la bâche transparente, hors de tout. Au-delà du corps. L'homme vocifère ses insultes racistes, homophobes, machistes clamées dans le hall de la friche et qui finissent pas résonner au dehors. D'autres personnages élargissent le groupe, des extraits de chansons populaires envahissent peu à peu l'espace comme un juke-box en roue libre, mais chacun est seul, en perte de valeurs, replié dans son environnement qui le propulse vers le bas. La France est là: raciste, dépressive, rongée par la rhétorique médiatique (délicieux passage où la blonde présente la météo et interview ensuite Hubert Colas, metteur en scène marseillais). Une femme descend bien des gradins pour oser une belle figure chorégraphique, mais rien n'y fait: entre chien et loup, la lumière du jour s'affaiblit et la petite lampe posée sur la table illumine ces comédiens fabuleux, mais leur corps ne parlent plus, vidés de sens.
?Monsieur Villovitch? est un beau cauchemar, un espace entièrement dédié au corps, entre quatre murs d'une ancienne usine. On ressent une sensation d'étouffement à l'heure où la France plonge dans le racisme institutionnalisé, où la danse s'efface progressivement des programmations des théâtres de Provence.
La décadence sarkosienne nous propulse dans le noir et Genod n'a qu'une toute petite lampe. Mais c'est celle d'un phare.


Pascal Bély
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???????Monsieur Villovitch? de Yves-Noël Genod été joué le 6 octovre 2007 à La Friche Belle de Mai dans le cadre du Festival ActOral.


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Actoral sur le Tadorne:
A ACTORAL , les mots cognent.

Au Festival ActOral, ?Mon képi blanc?, le beau monologue du pénis d’Hubert Colas.

Au Festival Actoral, Martine Pisani liquéfie les mots.

 

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FESTIVAL D'AVIGNON THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN THEATRE MODERNE Vidéos

Au Festival ActOral, “Mon képi blanc”, le beau monologue du pénis d’Hubert Colas.

Seul sur la scène de ce petit théâtre au coeur de la Friche Belle de Mai à Marseille, cheveux gominés, costume impeccable, il nous regarde sans sourciller. Il est légionnaire et son double se projette en direct dans une télévision décorée de ses apparats. Des micros sont tendus comme autant de perches pour entendre de sa bouche les mots de l’écrivaine Sonia Chiambretto. En entrant, je suis saisi par la beauté et la modernité du décor, proche de l’univers du metteur en scène allemand, Thomas Ostermeier. La scénographie audacieuse d’Hubert Colas met en relief le propos alors que le corps de l’acteur donne au texte des airs de musique militaire sur une partition d’opéra.

Manuel Vallade est exceptionnel. Son corps transpire à certains moments comme autant d’émotions refrénées qui s’immiscent dans le texte. Il fait corps, à corps défendant, avec cet esprit de corps. Sa beauté nous renvoie au film “Beau travail” de Claire Denis qui avait su nous restituer l’atmosphère de la légion à partir d’une chorégraphie endurante et sensuelle. En quarante minutes, se crée une alchimie faite de pureté, d’un engagement sans limites et d’une souffrance contenue. Je ne le quitte pas des yeux de peur que cet humain à l’état brut(e) ne tombe à terre.
Alors que les applaudissements se font chaleureux, “face au mur” (beau clin d’oeil à l’autre mise en scène de Colas actuellement au Gymnase), des prénoms de toutes les nationalités se projettent sur son dos comme un monument aux vivants.

La terre patrie défile. Sublime.

Pascal  Bély – Le Tadorne

”  Mon képi blanc”de Sonia Chiambretto par Hubert Colas a été joue le 6 octobre 2007 dans le cadre d’Actoral.6

 

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L’Argentine à Toulouse et au Festival d’Automne de Paris: Ricardo Bartis dans la mêlée.

Programmé au KustenFestivaldesArts de Bruxelles en mai 2006, le metteur en scène argentin Ricardo Bartis du Sportivo Théâtral revient avec ?De mal en peor? au Théâtre Garonne de Toulouse (du 4 au 12 octobre)  puis au Festival d'Automne à Paris (du 16 au 21 octobre à la MC 93).
C'est un événement à plus d'un titre comme en témoigne mon compte-rendu bruxellois publié le 13 mai 2006. A lire aussi l'article de Jean-Pierre Thibaudat dans Rue89 sur le renouveau du théâtre argentin.
Ouvrons les frontières!

 

Le KustenFestivaldesArts de Bruxelles nous invite en ce dimanche printanier à la Maison Pelgrims (on dirait l'adresse d'un château hanté !) dans le joli quartier de Saint Gilles. Cette maison, transformée en théâtre, n'accueille que cinquante-cinq spectateurs installés dans le salon. Au préalable, comme dans un musée, nous sommes invités dans une pièce attenante à visiter les objets d'une grande famille argentine. Dans un lit, une vieille femme dort, pas pour très longtemps. Elle va se donner en spectacle sous la direction du metteur en scène et auteur Ricardo Bartis du Sportivo Théâtral. La lecture de la présentation du Kusten nous permet de savoir où nous mettons les pieds?
demalenpeor.jpg« An 1910. Deux familles déchues : les Mendez Uriburus et les Rocatagionis vivent ensemble dans une vaste demeure à Buenos Aires. Elles partagent un projet économique : la Coopérative Cuenca del Salado et tentent depuis des années de s'acquitter d'une dette exorbitante. Manifestations ouvrières, répressions policières et remous des groupes nationalistes connectés au pouvoir politique forment la toile de fond de leurs péripéties à la veille du centième anniversaire de la Révolution de Mai, au cours de laquelle la suprématie des Espagnols fut abolie et l'Indépendance des « Provines unies du Rio de la Plata » proclamée (ndlr). La demeure patricienne abrite également le Musée Mery Helen Hutton. Miss Hutton était une institutrice américaine, arrivée en Argentine en 1858, avec le groupe de pédagogues progressistes que Sarmiento avait sollicité pour favoriser l'alphabétisation de son peuple. En 1860, elle est enlevée par des Indiens. Sa captivité dure 26 ans. Après sa libération en 1886, elle reçoit une indemnisation en bons d'Etat. En 1902, elle est placée sous la protection des Mendez Uriburus qui se sont engagés à fonder un musée pour raconter l'histoire de sa vie. Dans « De mal en peor » (De mal en pire), Mery Helen Hutton a presque 90 ans. En dépit de fouilles minutieuses, ses bons d'Etat n'ont jamais été retrouvés par sa famille d'accueil. Les deux problèmes s'imbriquent inextricablement pour donner forme à cette tragédie argentine ».
En une heure quinze, j'assiste aux pires stratégies qu'un système familial élargi puisse élaborer en temps de crise. Les comédiens se déplacent de long en large alors que les sous-titres se plaquent contre le mur comme autant de gifles. Je ne sais plus où pencher ma tête (sic) tant la mise en scène de Ricardo Bartis ne laisse aucun temps mort. En positionnant les spectateurs au c?ur de la demeure (ces comédiens tous fabuleux ne sont qu'à un mètre de distance), je me sens projeté dans l'aliénation d'un monde qui perd tous ses repères. Suis-je seulement un spectateur ? Je suis aussi acteur car Bartis ne cesse de nous impliquer dans cette histoire de fous. Avec un tel dispositif, le « Théâtre réalité » n'est pas loin. Que deviendrait-il dans un lieu plus classique ?
Cette mise en scène « diabolique » s'exprime dans le visage des protagonistes. Pleurs, rictus vicieux, gestes sadiques, ponctuent toutes leurs apartés. Aucun ne montre d’élan de générosité et d'amour sauf pour manipuler et servir ses propres intérêts. J'ai le sentiment d'être noyé dans un océan de machinations. Je n'ai même pas le temps de m'attacher à un membre de cette famille. Tout va trop vite. Tout s'emporte. Tout m'emporte. Pour Ricardo Bartis, il semble n'y avoir aucun doute : la crise plonge ses familles dans le chaos. La seule échappatoire tombe comme un couperet quand ces Argentins désargentés trouvent enfin les bons d'Etat de la « vieille » !
En sortant de la Maison Pelgrims, je me sens assommé, pas très vaillant. Mais comment résisteraient nos familles si une crise du type de 1929 éclatait ? Comment finiraient-elles dans un système économique basé sur le profit alors qu'elles en sont des actrices essentielles? Je n'ose imaginer ce que notre société deviendrait.
Mais la famille UMP doit avoir une idée sur la question.

Pascal Bély

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?????? ?De mal en peor? de Ricardo Bartis a été joué len mai 2006 au KunstenFestivalDesArts de Bruxelles.
Prochaines dates: 
Théâtre Garonne de Toulouse (du 4 au 12 octobre)  puis au Festival d'Automne à Paris (du 16 au 21 octobre à la MC 93)

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LES EXPOSITIONS

Les hirondelles Katharina Ziemke,Daniel Dewar et Grégory Gicquel au “printemps de septembre” de Toulouse.

C'est au premier étage de ?la maison éclusière?. Nous sommes au ?Printemps de Septembre” à Toulouse, manifestation d'art contemporain qui accueille la jeune génération d'artistes français. C'est un choc. Trois petites pièces, quelques tableaux accrochés sur des murs blancs. Je m'assois à terre en croisant les jambes. Une médiatrice me fait remarquer ma posture, identique à celle de l'enfant sur la toile de Katharina Ziemke. Trouble. Puissance introspective de l'art.
20070922013.jpgIl y a du sang, ce liquide vivant si cher à Jan Fabre, plasticien flamand. Il imbibe la toile, lui confère une intériorité troublante, où les personnages semblent se dévoiler, quasiment nus. L'aspect céramique, loin de figer, produit du mouvement. Entre vie et mort, Katharina Ziemke crée l'espace résonant. Artiste exceptionnelle. Plus qu'un printemps. Une hirondelle.

 

502-Dewar-Gicquel1-web.jpgDaniel Dewar et Grégory Gicquel signent l'une des oeuvres majeures de ce printemps. Des hippopotames, s'étalent et s'effritent, sculptés dans une terre encore humide. Ces animaux s'enchevêtrent et créent le rythme de l'émulation alors que la base de la sculpture s'émiette comme autant de certitudes inadaptées au monde global. C'est le glissement, le mou, les rondeurs de l'animal qui produisent la force de remodeler par le chaos. La glaise fait référence à ce sens tactile qui transforme la réalité, non à partir de matières solides, mais à partir du lien. Plus nous avançons dans cette ?uvre, plus nous sommes de la même matière que ce chaos-là. L'envie de toucher, de marcher sur cette terre, nous rend subitement capable d'aller dans le glissant et l'incertitude. En faisant référence à la transversalité, Daniel Dewar et Grégory Gicquel créent l'interdépendance entre eux et nous. Eric qui m'accompagne ne s'y trompe pas. Assis face à l'?uvre, nous échangeons sur ces hippopotames en nous projetant dans des sublimes ouvertures.
Les hirondelles, en ligne sur le dos des animaux, préparent leurs envolées au-delà des frontières.


Pascal Bély

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?????? Daniel Dewar, Grégory Gicquel et Katharina Ziemke dans le cadre du “Printemps de septembre” jusqu’au 14 octobre 2007.

Prochaînement: Déconstruisons au Printemps de Septembre de Toulouse…

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LES EXPOSITIONS

La jeunesse se réfugie au ?printemps de septembre? de Toulouse.

Après la biennale de Lyon qui nous promet les artistes majeurs pour la prochaine décennie, ?Enlarge your Pratice? à Marseille qui cet été tentait de nous convaincre qu'un vent nouveau soufflait sur l'art contemporain en France, c'est au tour de Toulouse avec ?Le printemps de septembre? de nous inviter à accueillir la jeune scène française avec ?Wheeeeel?. Que signifie cette frénésie de jeunesse, d'avenir, comme s'il fallait coûte que coûte se projeter, voir loin dans un environnement médiatique et politique où le futur est comprimé dans le flux de l'information en continu ? À l'issue de cette première journée à Toulouse, une impression s'impose: rien de vraiment neuf si ce n'est le rappel de quelques ?fondamentaux? pour s'ouvrir et dépasser les frontières. Il y a chez ces jeunes artistes une soif, non de créer d'audacieux paradigmes, mais de nous plonger dans des espaces pour expérimenter un ressenti, une place, un regard afin de renouer des liens que notre société toujours plus individualiste empêche de se déployer. Premier retour d'une traversée enfermante et ouverte.

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À l'entrée des Abattoirs de Toulouse, Sophie Dubosc propose son rideau de théâtre tout en plâtre. La visite peut commencer comme si nous passions une frontière toute à la fois fragile, éphémère et intouchable. L'art contemporain serait-il un monde à ce point isolé? Sur la droite, des tables d'écolier trouées (?Cher Guy?) par les obus de l'ennui. Sur les bancs de l'école, notre imaginaire ouvrait déjà l'espace rigide du savoir descendant. Sophie Dubosc vise juste et nous prépare pour la suite…

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Stéphane Thidet avec son ?Refuge? provoque l'enthousiasme, un bonheur sans limites. Imaginez un refuge en bois où la pluie tombe à l'intérieur alors que nous sommes au sec à l'extérieur. Des livres posés à terre, le tiroir ouvert d'une table recueille l'eau, une odeur de sapin frais, finissent par nous emporter dans un déluge de poésie et de souvenirs d'enfance. Mais en inversant les prémices, Stéphane Thidet crée l'espace du ?dedans-dehors? accessible à tous où le ressenti empêche quasiment de conceptualiser. En nous réfugiant, nous cherchons cet autre territoire que seul l'art nous promet. Sublime et enfermant.
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Autre refuge, autre bois. Les frères Chapuisat (Grégory et Cyril) avec ? Cryptomnesia? nous proposent un lieu en forme de crypte. Il faut se faufiler à terre pour entrapercevoir l'intérieur à travers une minuscule entrée. Immense, impressionnante, elle est confinée dans cette salle des Abattoirs comme une résurgence d'un passé lointain ou d'un futur proche, prête à faire exploser les murs. C'est un nouvel espace qui s'offre à nous, à l'image des réseaux mondiaux: en quelques secondes, nous passons des pierres verticales des cathédrales aux bois transversaux et enchevêtrés des frères Chapuisat! La visite n'est possible qu'en contorsionnant son corps: qu'ont donc ces Français pour nous rendre l'accès au global si difficile? Sublime et douloureux.
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Progressivement, l'espace se fait plus ouvert. Toujours du bois et cette envie frénétique de toucher, mais les agents de sécurité d'une société privée (présence aberrante et infantilisante) nous en empêchent sans ménagement (la sarkosie s'infiltre décidément partout). Julien Laforge avec ?La mer des mamelles? nous fait tout petit. Ici rien d'intimidant, juste un travail sur la forme où l'intérieur, extérieur, l'explicite et l'implicite s'offrent à nous comme une invitation à se plonger au coeur de la compléxité. On cherche un refuge sous ses mamelles de bois, métaphore de la protection maternelle. ?uvre douce et réconfortante. De quoi avons-nous si peur?


Pascal Bély

www.festivalier.net

?????? Sophie Dubosc, Julien Laforge, Les frères Chapuisat, Stéphane Thidet aux Abattoirs de Toulouse dans le cadre du “Printemps de septembre” jusqu’au 14 octobre 2007.

Prochaînement: Katharina Ziemke, Daniel Dewar et Grégory Gicquel, les hirondelles du printemps.

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Le Printemps 2008 est là: Pendant la crise, le « Printemps de Septembre » de Toulouse change d’époque.


 


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Thomas Ostermeier éblouit: l’avenir est décidément allemand.

Il fut le brillant artiste associé du Festival d’Avignon en 2004. Je me souviens de ce metteur en scène arpentant les rues d’Avignon à la rencontre des auteurs et du public. Ce soir, au moment où nous faisons un triomphe à sa troupe pour “Hedda Gabler” à la Criée de Marseille, il monte timidement sur le plateau pour recevoir un tonnerre d’applaudissements. Nous sommes plusieurs à être manifestement heureux de retrouver l’immense talent de cet artiste berlinois. Thomas Ostermeier signe là l’un de ses chefs d’oeuvre.
Hedda (troublante Katharina Scüttler) vient d’épouser un historien rassurant et méticuleux alors qu’elle se destinait par amour à rejoindre un écrivain loufoque et talentueux. Au retour du voyage de noces, tous les protagonistes de sa vie s’égarent dans un huit-clos étouffant et tragique où chacun, pris dans des jeux de domination – soumission, finit par s’écrouler tel un château de cartes minutieusement élaboré par cette caste bourgeoise. Au départ, la pièce s’étire doucement et la lourdeur s’installe: tout est sous contrôle et l’on s’accroche à la fragilité des mots et des corps pour se rassurer face au chaos émergeant où tout peut basculer à chaque instant.
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C’est ainsi que l’exceptionnelle scénographie joue un rôle capital: loft au design dépouillé (comme si la forme primait sur le fond); grande baie vitrée où la pluie dégouline (tel un chagrin qui n’en finit pas), larges miroirs en hauteur où les spectateurs voient les coulisses tout en lisant la traduction (magnifique trouvaille!), où la scène tournante transforme l’appartement en grand écran vidéo pour l’ouvrir vers la ville et leurs vies cachées. Il finit par tourner sur lui-même comme une bourgeoisie qui ne cesse de s’auto-enfermer. La scénographie campe les interactions entre les acteurs; elle est d’une minutie extraordinaire à l’image du mari enseignant – chercheur qui colle par terre des bouts de texte pour faire sa recherche macabre. Elle fluidifie les relations telles les portes coulissantes des baies vitrées qui tantôt isolent, ouvrent les cases et autorisent les simulations. Les mouvements des corps sont tout aussi sublimes, à la frontière d’une chorégraphie: ils s’articulent entre eux comme des automates telle une culture qui répète plus qu’elle ne crée. “Hedda Gabler” écrit dans les années 1870 par le norvégien Henrik Isben devient alors une tragédie moderne où la concurrence entre les acteurs trouve une résonance dans notre société où le culte du chacun-pour-soi est exacerbé en valeurs de la République.
Il convient donc de saluer l’immense talent de ce metteur en scène qui part d’un puzzle pour lui donner corps, où le public est inclus dans des allers-retours permanents entre rire et drame, comme si ce paradoxe alimentait le processus dramatique. Car loin de nous rendre observateurs, Thomas Ostermeier cherche à nous immerger dans cet espace tournant et retournant et crée la voie qui mène du voyeurisme à l’émotion partagée. Il a compris qu’il y a une part d'”Hedda Gabler” en chacun de nous.
Triomphe.

Pascal Bély
www.festivalier.net
“Hedda Gabler” a été joué le 27 septembre 2007 à La Criée de Marseille.
 

 

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Le Festival ?Seconde Nature? offre des places aux abonnés du Tadorne!

Après le Parc de la Villette de Paris, le Festival des “cultures électroniques et des arts multimédia” d'Aix en Provence invite les abonnés du Tadorne pour quatre soirées à la Fondation Vasarely (1 invitation par soirée et par personne).
C'est une occasion pour (peut-être) faire connaissance avec ce festival qui affiche une belle ambition artistique:

 

MERCREDI 19 SEPTEMBRE
CINÉMA POUR L'OREILLE .
20H/21H30 :
Concerts spatialisés par Denis Dufour, Denis Cabacho, Lionel Kasparian, Samuel Lartisien.
21H30/23H30 : Sub / Under Construction / Prototype / Synken .

 
 

JEUDI 20 SEPTEMBRE
CINÉMA POUR L'OREILLE. 20H/21H : Concerts spatialisés par Denis Cabacho, Lionel Kasparian, Samuel Lartisien.
SCÈNES ÉMERGENTES. 20H/00H : Charbel / 4ms Latency / K-Led / Jade

VENDREDI 21 SEPTEMBRE.CONCERTS .
20H/2H : 
JIMI TENOR & KABU KABU . LIVE . FINLANDE
MOCKY . LIVE . CANADA
ALVA NOTO . LIVE AUDIOVISUEL . ALLEMAGNE
FRED BERTHET & DENNIS DEZENN . LIVE & VJ . FRANCE

SAMEDI 22 SEPTEMBRE. CONCERTS .
20H/2H
BOOM BIP . LIVE . USA
LAWRENCE . LIVE . ALLEMAGNE
MURCOF & FRANCESCO TRISTANO . LIVE . MEXIQUE/LUXEMBOURG
DANTON EEPROM . LIVE AUDIOVISUEL . FRANCE

 

Pour cela, envoyez un mail à contact@secondenature.org en précisant ?abonné blog Tadorne? et la soirée choisie.

 

À bientôt.

 

Pascal Bély.

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La pataugeoire d’Ivani Santana au Pavillon Noir d’Aix en Provence.

Le Pavillon Noir des Ballets Preljocaj sait promouvoir ses productions et créer des partenariats pour être le lieu ?incontournable? de la danse. C'est ainsi que la chorégraphe brésilienne Ivani Santana a bénéficié d'une résidence à Aix en Provence et le privilège de s'immiscer dans la programmation du festival des cultures électroniques, ?Seconde Nature?. Avec un tel déploiement de moyens, nous attendions une création originale, ?multi ? dimensionnelle ? qui unit ?danse et nouveaux médias? comme le proclame la plaquette. Au final, c'est un spectacle zapping, sans fil conducteur, qui finit par procurer une migraine tenace à force de prendre le spectateur pour un sujet passif, docile, dépendant de l'image, du son et des formes sans sens. Car ?le moi, le cristal et l'eau? est avant tout un espace d'expérimentation pour la chorégraphe, où les danseurs ne sont que des faire-valoir, où le public, même présent sur scène, n'est qu'un élément du décor, quand il n'est pas filmé par des caméras de surveillance ou de télé réalité.
Ivani Santana ne sait plus ce qu'elle veut nous dire, trébuche dans les fils de ces connexions sans but, tourne en rond avec ses jouets téléguidés qui se cognent de partout, cherche LA scène et réussit par se perdre dans ce Pavillon Noir inadapté à la complication de son propos. Rien n'est creusé, tout est survolé. On change de territoires comme de chemises qui finissent toutes par s'étendre sur une corde à linge, au fond des gradins (sic). On délimite des petits espaces de danse pour systématiquement en brouiller la visée en provoquant une curiosité à l'autre bout de la scène.
Ivani Santana confond le multi ? dimensionnel avec la multiplication des cases. Le résultat est désolant et confirme ce que nous pressentions déjà: la saison 2007 ? 2008 du Pavillon Noir prend l'eau et le reste de la programmation ne la sauvera pas du naufrage. Tout au plus, le répertoire des Ballets Preljocaj suffira à remettre à flot un navire unidimensionnel.

Pascal Bély
www.festivalier.net

?????? «le moi, le cristal et l'eaud’Ivani Santana a été joué le 15 septembre 2007 au Pavillon Noir dans le cadre du Festival “Seconde Nature”.

 

Ps: Puisque le Pavillon Noir est incontournable dans l'articulation danse ? culture électronique, on évitera de se perdre une fois de plus dans un puits sans fond lors d'?Eldorado?, dernière création des Ballets Preljocaj, présenté le 21 septembre. Le compte-rendu est ici.

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A Aix en Provence, les pas de côté du festival ?Seconde Nature”.

C'est une ambiance un peu étrange qu'inaugure le Festival des musiques électroniques d'Aix en Provence, ?Seconde nature?, en se produisant dans le Théâtre à l'italienne du ?Jeu de Paume?. Il accueille un public peu habitué aux salles dorées pour ce style de performance. Doit-on y voir une reconnaissance ?institutionnelle? pour ce Festival qui vient d'opérer sa révolution en fusionnant deux anciennes manifestations aixoises, ?Arborescence? et ?Territoires électroniques?? C'est donc sagement assis que nous écoutons deux univers musicaux, propices au regard décalé, pour se décentrer d'une semaine pour le moins agitée.
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Koudllam est le premier à se risquer pour faire trembler les murs de ce vénérable théâtre. Debout, en contre-jour, il chante le monde tel que le montrent les vidéos de l'artiste Cyprien Gaillard. Elles furent projetées lors de l'exposition ?Enlarge Your Practice? à la Friche Belle de Mai de Marseille durant tout l'été. La musique m'avait à l'époque troublée. Le hasard des programmations fait le lien, à moins que ce ne soit les acteurs culturels qui tissent entre Aix et Marseille ce que la ligne de chemin de fer entre elles est bien incapable d'opérer! L'alchimie entre les deux univers fonctionne même si l'on peut regretter la faiblesse d'un volume qui semble ne pas vouloir écraser le regard panoramique de Cyprien Gaillard. On est pris de frayeur à voir deux bandes rivales s'affronter dans le parc public d'un ensemble d'immeubles. La silhouette de Koudlam et sa voix plonge dans la ?danse? des groupes et nous propulse telle au c?ur de l'agressivité et du mouvement chaotique engendré par la dialogique exclusion – inclusion. Il se dégage de l'articulation entre musique et vidéo, un charme, une beauté déconcertante. Le processus artistique serait-il une réponse aux violences des cités? Doit-on reconsidérer notre regard comme nous y invite Cyprien Gaillard lorsqu’il survole en hélicoptère ces barres d'immeubles, pour leur conférer un statut d’?uvre d'art? Troublant. Le public applaudit à peine tandis que Koudlam s'éclipse. Malaise ou sidération? Les deux.
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L'entracte permet de changer totalement d'univers même si le monde infiniment complexe des cités pouvait trouver avec Pierre Bastien un prolongement poétique. Installé à gauche de la scène comme un enfant qui joue dans sa chambre pour ne déranger personne, il produit une musique déconstruite et mélodique à partir de jouets automates (un tourne-disque, un petit tambourin, des lamelles de papier,..). Avec une trompette filtrée, il mélange blues et bruits mécaniques tandis qu'une vidéo aux accents ?Lynchiens? capte notre regard pour définitivement nous engloutir dans une sphère où la déconstruction est la règle. À l'instar de Michel Laubu avec ses marionnettes, ou du metteur en scène Suisse Stefan Kaegi avec son théâtre en miniature, la réduction amplifie le lien, le sens comme si les artifices n'y avaient pas leur place, où l'imaginaire prend le pas sur le rationalisme de nos sociétés uniformisées. La performance est d'autant plus exceptionnelle que la musique de Pierre Bastien se fond dans la vidéo de Régis Cotentin et finit par opérer un lâcher-prise salvateur. Les frontières tombent, le regard cesse les allers-retour entre lui et l'écran. Il  se crée alors un nouvel espace que seul notre inconscient construit pour nous aider à ressentir ce moment unique, car inimitable.

Pascal Bély
www.festivalier.net
La vidéo de Cyprien Gaillard sur une musique de Koudlam,:

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=TgVVQlFrN-U&w=425&h=355]


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Le Parc de la Villette offre des places pour les abonnés du Tadorne!


Ne manquez pas le spectacle déshabillé
de la rentrée?

NIGHTSHADE
strip-tease chorégraphié

18 sept / 13 oct
Grande Halle de la Villette


6 invitations sur la représentation du 19 septembre pour les plus rapides d’entres vous !

Pour faire partie des invités, inscrivez-vous par mail à a.coutouzis@villette.com en indiquant, comme objet : TADORNE
Vous recevrez un mail de confirmation si vous faites partie des 6 premiers ! (chaque invitation est valable pour une personne)

Après avoir vu le spectacle, nous attendons vos impressions sur le BLOG TADORNE !

Chorégraphies :
Eric De Volder / Vera Mantero / Claudia Triozzi / Alain Platel / Caterina Sagna / Johanne Saunier / Wim Vandekeybus…

* Photos :
1>Eric De Volver 2>Wim Vandekeybus 3>Vera Mantero 4>Alain Platel 5>Johanne Saunier
__________________________________________
NIGHTSHADE…
… 7 chorégraphes contemporains nous ouvrent les portes de leur jardin secret en dirigeant 7 strip-teaseurs professionnels pour 7 versions du fantasme et de l'objet du désir !

Une manière de faire se rejoindre deux univers a priori opposés : le cabaret érotique et la création contemporaine.
7 solos, ou le nu commercial se mue en nu artistique, comme autant de variations sur un même exercice…

Plus d’infos >>>
Extrait vidéo sur MYSPACE >>>

Billetterie en ligne >>>
Plan d’accès >>>
Tarifs : Plein Tarif : 18 ? / Tarif réduit : 14,50 ? / Carte Villette : 9 ?
Venez en bande (à partir de 5 pers) et bénéficiez du Tarif Réduit
Horaires : Du mardi au samedi à 20h30