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Bilan 2007 (2/5) : Les dix ?uvres d’un patrimoine chorégraphique.

Maguy-Marin-1.jpgCes dix ?uvres furent essentielles en 2007. Elles tissent la toile fragile d'un patrimoine chorégraphique d'où se dégage un humanisme qui donne sens à notre quête d'absolu dès que nous entrons dans un théâtre.
« May B » de Maguy Marin (cf. photo) a repris la route en 2007 après avoir été créée en 1981. Avec cette pièce intemporelle, la danse nous invite au c?ur de l'humanité pour continuer à défendre la « terre patrie » si chère à Edgar Morin.  Je ne peux m'empêcher d'y voir une filiation avec la compagnie « Kubilaï Khan Investigations » qui nous a offert avec « Gyrations of barbarous tribes », l'une des ?uvres les plus puissantes pour redessiner les contours d'un monde dépassant les clivages nord-sud. C'est ainsi que la danse puise dans l'humanité une force pour créer les ponts entre l'orient et l'occident qu'Héla Fattoumi et Eric Lamoureux ont traduit avec talent dans « La danse de Pieze », puis Joseph Nadj et Dominique Mercy dans « Petit psaume du matin ».
De son côté, le Festival Montpellier Danse a opéré pour les générations futures, une transmission essentielle en programmant un hommage à Dominique Bagouet puis en diffusant « Meinwärts » de Raimund Hoghe. Le sida s'est donc invité en 2007, sans tapage, mais avec la ferme intention de rappeler sa place dans l’histoire de la création chorégraphique.

2007 a permis à quatre chorégraphes de dépasser la frontière entre le beau et le sublime comme une invitation pour le spectateur à se surpasser. Tandis qu'Anne Teresa de Keersmaeker avec « Steve Reich Evening » nous propulsait au c?ur de la musique chaotique de Steve Reich,  Paco Décina avec « Indigo » nous proposait une itinérance pour explorer le corps dansé. Fulgurant ! Magnifique pari d'avoir su faire confiance au lâcher-prise du public pour le laisser se “trans-porter” !
Dans la même veine, Gilles Jobin avec « Double-Deux » nous immergé dans le couple, sans jamais nous y enfermer, mais pour nous y inclure. Majestueux
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Christian Rizzo
avec « B.c, janvier 1545, Fontainebleau » n'est pas seulement un chorégraphe. C'est le plasticien de l'inconscient. La danseuse Julie Guibert nous a tous « trans-percés » avec ses talents aiguilles. SUBLIME.

Pascal Bély
www.festivalier.net

Les 10 ?uvres d’un patrimoine chorégraphique.

 
En cliquant sur le titre en bleu, vous avez accés à l’article.

1- Maguy Marin. « May B ». Festival « Danse en Mai ». Aubagne. France.
2- Anne Teresa de Keersmaeker. « Steve Reich Evening ». Théâtre de Cavaillon. Belgique.
7- Raimund Hoghe. « Meinwärts ». Montpellier Danse. Allemagne.
9- Gilles Jobin. « Double deux ». Montpellier Danse / Marseille Objectif Danse. Suisse.
10- Kubilaï Khan Investigations. « Gyrations of barbarous tribes ». Théâtre des Salins. France.

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Bilan 2007 (1/5): les chocs salutaires de dix chefs d’?uvre.

fivedaysinmarch.jpg120 spectacles, dix festivals, des milliers de kilomètres en France et en Europe pour faire vivre ce blog et rendre visible sur la toile internet la richesse de la scène française et européenne. 2007 fut une année difficile: festivals en panne de projet, institutions culturelles dépendantes de l'audimat, création française égocentrée. Il en aura fallu de l'énergie pour repérer un souffle, un nouvel espace, une interpellation !

Commencons ce bilan par dix chocs, ceux qui vous assomment à la sortie du théâtre et qui vous changent de l'intérieur en opérant ce « ce pas de côté » vital en ces temps de matraquage de la pensée formatée par nos chères grandes écoles.
Dix chocs pour riposter au dépeçage de nos valeurs commandé par Nicolas Sarkozy et sa bande de malfaisants.

Dix chocs?
?Pour célébrer le CHEF D'?UVRE de l'année : le chorégraphe japonais Toshiki Okada avec « Five Days in March » (voir photo). Avec un propos intelligible sur la guerre en Irak vue par la jeunesse et une écriture chorégraphique époustouflante, j'ai repéré un joyau d'humanité au c?ur du KunstenFestival de Bruxelles. Programmateurs Français, dépêchez-vous d'inviter cet artiste hors du commun !
?Pour ne pas oublier qu'un coup d'État (fasciste) est toujours possible (magnifique
Guy Cassiers avec « Méfisto for ever ») ; que nos démocraties vendent encore des armes pour équiper les enfants soldat (inoubliable Benjamin Verdonck dans « Nine Finger »)

?Pour se ressaisir et réinventer la gauche du « temps des communistes » par la mise en scène jubilatoire de
Jean-Pierre Vincent.

?Pour interroger notre mémoire contemporaine au temps du sida (inoubliable « Angels in América » de
Warlikowski) et à travers la généalogie fabuleuse d'Eszter Salamon (« And Then »).

?Pour ressentir la mondialisation intelligente avec
Jérôme Bel et Pichet Klunchun puis pour s'en inquiéter avec Koen Augustijnen dans « Import Export ».

?Pour voir Marseille autrement avec
Yves-Noël Genod  et ne plus en être fier.

?Pour ne jamais oublier la danseuse
Julie Guibert
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Les palmes 2007 du Tadorne.


En cliquant sur le titre en bleu, vous avez accés à l’article.


1- Toshiki Okada. « Five days in March ».KunstenFestivalDesArts de Bruxelles. Japon. Théâtre ? Danse.

2- Jérôme Bel. « Pichet Klunchun and myself ». Théâtre des Salins de Martigues. France / Thaïlande. Théâtre ? Danse/
4- Jean-Pierre Vincent.  Le silence des communistes“. Festival d’Avignon. France. Théâtre.
5- Guy Cassiers. « Mefisto for ever ». Festival d’Avignon. Belgique.Théâtre.
7- Ballets C de la B. Koen Augustijnen. « Import ? Export ». Théâtre d'Arles. Belgique. Danse.
8- Benjamin Verdonck, Alain Platel, Fumiyo Ikeda . Nine Finger“. Festival d’Avignon. Belgique.Danse.
9- Yves-Noël Genod. ?Monsieur Villovitch?. . Festival Actoral. Marseille. France. Danse.
10- Stijn Celis et Julie Guibert. « Devant l'arrière pays ». Festival d'Avignon. Belgique. Danse.


Pascal Bély
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Le « Solo » attractif de Philippe Découflé.

J'aurais pu m'extasier pour le « Solo » de Philippe Découflé présenté à la Maison de la Culture de Grenoble. Bien que le texte donné à l'entrée récapitule les nombreuses louanges de la presse écrite (du Figaro à Libération !),  je ne partage pas l'unanimité pour ce spectacle, excellent produit d'exportation si l'on en juge par la tournée internationale de 2007.
12-solo.jpgCette vision du corps ne fait pas partie de ma culture. L'outil vidéo, omniprésent, décompose, décuple à l'infini le geste, et me plonge dans le vide. La caméra structure le ressenti du spectateur, réduit la focale de son regard, cadre la forme là où l'on aurait envie d'interroger le sens. Découflé est talentueux pour projeter la pauvreté de son écriture chorégraphique vers des espaces inattendus.
À plusieurs reprises, l'enfermement gagne puis l'ennui à force d'imaginer une porte qui s'ouvre difficilement. Il faut attendre ce moment où, assis à sa table, il mime avec ses doigts une chanson de Bourvil et provoque la jubilation du public habitué jusqu'à présent à se laisser porter.
Ce « Solo » est en phase avec notre société du spectacle : mélange de nostalgie, de visions égocentrées, où la danse se noie dans un enchevêtrement de technologies. Ne finit-elle pas promouvoir l'imaginaire formaté des parcs d'attractions?

Pascal Bély
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 ?????? « Solo» de Philippe Decouflé a été joué au MC2 de Grenoble le 21 décembre 2007.


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PAS CONTENT THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN

« Gênes 01 » par Stanislas Nordey : la double peine.

C’est le dernier spectacle de l’année. Cela ne vous aura pas échappé : après le 22 décembre, tous les théâtres mettent la clef sous la porte, comme si l’art s’éclipsait pour laisser sa place aux fêtes du marché. Incompréhensible. C’est donc en Arles où je termine mes migrations avec «Gênes 01» de Fausto Paravidino, mise en scène par Stanislas Nordey. Au cours de la représentation, je fais quelques liens avec l’année écoulée. Fatal.
En 2007, j’ai rencontré avec bonheur le chorégraphe japonais Toshiki Okada au KunstenFestivaldesArts de Bruxelles avec « Five days in march ». En mai dernier, j’écrivais :
« 
Ils sont sept jeunes Japonais à nous raconter leur manifestation contre la guerre en Irak en mars 2003, prétexte pour nous immerger dans leur vie sexuelle et affective. À chaque mot, à chaque phrase correspondent un signe, une posture, un mouvement du bras, un sautillement du pied. Avec Toshiki Okada, le corps parle et c’est loin d’être un jeu de mots ».
Dernièrement, au Théâtre d’Arles, un groupe de jeunes Flamands de la Compagnie C de la B  avec « Import / Export » chorégraphiait le cauchemar de la mondialisation avec justesse, énergie et beauté.
0207-genes01.jpg

Ce soir, comment ne pas penser à ces deux spectacles tant ce qui m’est proposé est si contrasté? Six jeunes comédiens issus de la cinquième promotion de l’école du Théâtre National de Bretagne interprètent le texte de Fausto Paravidino écrit à la suite de la mort d’un jeune manifestant, lors du G8 à Gênes en 2001. C’est un « récit témoignage », une enquête à charge contre le pouvoir italien. À chaque phrase, les acteurs bougent leur corps comme des marionnettes tandis qu’un d’entre eux fait toujours les mêmes grimaces avec les mots. Le texte mitraille sans aucune respiration. Le décor est dépouillé, seule une rampe  éclaire les comédiens de chaque côté. Les corps ne transpirent pas, ne se touchent pas. Ils ne communiquent jamais entre eux. Sommes-nous au théâtre ou dans un cours d’art dramatique dont nous serions les juges ? Où veut en venir Stanislas Nordey avec cette gestuelle ? Mes affects ne répondent pas. Totalement en dehors. La jeunesse, sur scène, est donc sous contrôle : gestes millimétrés, mouvements en diagonale comme dans un jeu d’échecs, parole verticale. La mise en scène de Nordey est une mécanique répressive contre la vie, la créativité, l’avenir.
Le public d’Arles applaudit : il a ce qu’il est venu chercher. D’autres, interloqués, se demandent en descendant l’escalier, si le théâtre français peut encore inventer.
Question classique, mais inopportune.
Nous n’en avons pas d’autres.
Rideau.


Pascal Bély
www.festivalier.net

« Gênes 01 » par Stanislas Nordey a été joué au Théâtre d’Arles le 14 décembre 2007.

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A Marseille Objectif Danse, Gilles Jobin découple.

Tel un magma, ils sont douze à surgir et rugir sur la scène de la Cartonnerie, à la Friche Belle de Mai de Marseille. Ce tableau final me laisse sans voix, quasiment frigorifié alors que le maigre public marseillais quitte les gradins. Le couple, vu par le chorégraphe Suisse Gilles Jobin avec « Double deux », est en dé(re)composition. Il nous abandonne seul avec cette « matière » difforme. Et pourtant, tout avait si bien commencé.
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Les danseurs se croisent sur la musique fabuleuse de Cristian Vogel et leurs mouvements sont d'une apparence douceur. Ils se jettent souvent au sol, mais sans bruit, léger comme un désir de rencontre, lourd comme l'espace confiné de leurs exigences. Le tout donne une énergie enveloppante, sécurisante, car profondément humaine. Tout est suspendu à la rencontre, où se fait et se défait le lien si fragile de la séduction. Tels des aimants – amants, ils s'emboîtent pour mieux se séparer et finissent par laisser des traces qui forment la toile de leurs relations, où l'un n'existe que dans le désir de l'autre. Je me ressens en apesanteur et mes nerfs lâchent, pris dans leur réseau virtuel. Je flotte malgré les baffes qu'ils se donnent tant elles claquent comme un acte sensuel, à la limite du sado-masochisme présent dans tant de couples !
A l'image d'un « rubicube », mon regard s'amuse à faire toutes les combinaisons possibles (le blond avec la brune, ou plutôt celui-ci avec celle-là). Je désire chacun d'eux dans leur relation et je finis par plonger dans cet univers transversal. Il faut attendre la pose pour que je me recale sur mon siège : nos six couples s'immobilisent comme dans une salle d'exposition d'art contemporain. Leurs postures ne permettent aucune équivoque sur leurs intentions. Je ne bouge plus. C'est d'une extrême beauté. Gilles Jobin nous laisse le temps pour s'immiscer dans cet espace: il ne brusque rien comme s'il fallait apprivoiser cette quasi- immobilité, métaphore de nos peurs, de nos mécanismes huilés et pourtant rouillés.
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C'est alors que ces « double deux » éclatent.  La colère et le cri (silencieux) accompagnent le ralenti des mouvements. Le groupe se forme peu à peu et
le frisson du désespoir, se propage sur ma peau.
Pendant que les lumières s'éteignent une à une, j'ai peur pour l'humanité.

Pascal Bély
www.festivalier.net

?????? « Double deux» de Gilles Jobin a été joué le 8 décembre 2007 dans le cadre de “Marseille Objectif Danse”


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La critique de “Double deux” par Elsa Gomis sur “Le Tadorne”


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Au Théâtre de Cavaillon, le cocktail Molotov de Lagarce résonne.

retour-a-la-citadelle.jpgLe metteur en scène François Rancillac prend le public du Théâtre de Cavaillon par surprise. A l'issue de « Retour à la citadelle » de Jean-Luc Lagarce, les applaudissements peinent à venir, comme si les spectateurs avaient du mal à saluer le miroir qui leur est tendu. Cette pièce nous renvoie à nos jeux de pouvoir dans une période où sa forte personnalisation au plus haut niveau de l'État nous ferait presque oublier les manipulations et les révérences qui ponctuent nos quotidiens au sein de nos institutions. Rancillac nous donne les clefs pour comprendre ce que nous réduisons habituellement à des jeux où nous n'aurions aucun rôle.

Rarement une pièce ne m'a autant suspendu par le sens, là où tant d'?uvres guident le spectateur vers des effets scéniques qui n'autorisent aucun questionnement. Ici, le théâtre bouscule les formes pour servir le sens. Tourbillonant. Quitte à paraître provocant, ce « retour »  là vaut bien des « Hamlet » prétentieux et ratés.

retouralacitadelle-remi-boissau-1.jpgDans « Retour à la citadelle », le pouvoir d'un homme (qui revient mystérieusement dans la province, mais en habit de futur gouverneur) est le fruit d'un système qui échappe aux rationalités (est-ce pour cela que nous ne connaissons jamais les raisons par lesquelles il accède à cette fonction ?). Cet homme est attendu, lors d'un cocktail, puis d'un dîner où ses parents, sa s?ur, l'ancien gouverneur et sa femme, un fonctionnaire zélé et un ami d'enfance (ignoré tel un rejeton) prennent chacun la parole pour nous donner les ressorts de cette mystérieuse ascension. François Rancillac nous montre par un jeu d'acteur habile (quand l'un parle, les autres illustrent non verbalement la stratégie implicite) comment le pouvoir est la conséquence d'un enchevêtrement de rancoeurs familiales, d'un fonctionnariat servile et d'une « démocratie » autocratique. Cette pièce est une caisse de résonances où je souris à mesure que je transpose à mon milieu professionnel. C'est euphorisant à l'image de cette scène qui tourne sur elle-même. Je me surprends à diriger les acteurs, tel un chef orchestrant la symphonie des mots de Lagarce !
C’est ainsi que le triptyque auteur, metteur en scène, spectateur s'anime, où le pouvoir de l'un est interdépendant du regard de l'autre. « Retour à la citadelle » traduit l'écoute presque clinique de Lagarce sur les névroses de ses contemporains, mises en mouvement par François Rancillac qui les renvoie au public. À nous trois, nous partageons un espace de réflexion, de mise à distance sur ce que nous jouons. Ce n'est pas un hasard si « Retour à la citadelle » provoque autant de sidérations.
Ce soir, le sens est coconstruit.
Ce soir, le Théâtre vient de fourbir ses armes face au pouvoir des petits hommes.

 

 

Pascal Bély
www.festivalier.net

?????? ?Retour à la citadelle? par François Rancillac a été joué le 30 novembre 2007 au Théâtre de Cavaillon.


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Voir aussi la critique sur “La cantatrice chauve” mise en scène par Jean-Luc Lagarce.


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Rita Cioffi, chorégraphe charnelle.

« Pomme 33 », le nouvel opus de la compagnie Aurélia, éveille nos sens, nos désirs et nos fantasmes. Car, disons-le tout de suite, la danse de Rita Cioffi est charnelle. C’est une invitation au corps de l’autre, à l’envie. Mettant au centre de son propos l’influence d’internet sur nos relations humaines, elle explore les multiples facettes de l’homme.
Tout d’abord, l’ado qui s’amusait, il n’y a pas si longtemps devant le miroir de sa chambre à singer des vedettes, se retrouve placé devant son ordinateur portable à “re”danser le “The Man I love” de Pina Bausch. Et puis, il y a l’homme qui égraine les annonces de rencontres ou toutes autres : “Jeune femme de 40 ans recherche adjoint à la culture pour être plus intelligente“, “Jésus recherche sa croix“. Tant de confidences qu’illustre le danseur par son corps. Le public en rit, s’en amuse. Et s’il en rit, c’est que le fond est vrai. Puis on glisse gentiment vers les fantasmes, avec l’envie de nouvelles expériences, par l’intermédiaire de la webcam. Et l’illustration qui en est faite par le biais de la vidéo à toute sa place.
Comme si on ouvrait des dossiers, Claude Bardouil apparaît alors, le corps nu, la tête cachée. Il est lui, il est elle, il est nous. Il est l’avatar que chaque personne détient, le personnage virtuel d’internet. Il se décline, il est un et plusieurs. Son “Rester vivant” de Michel Houellebecq résonne à son personnage. Nos sommes alors dans la nébuleuse internet, où tout un chacun peut être autre, où moi je suis un. Et si je suis un, qui suis-je ?
Rita Cioffi va nous répondre. Nous sommes tous une autre personne. Nous nous plaisons à changer d’identité, à nous travestir. Chaque être qui nous forme correspond à une attente, à l’attente de l’autre. “
Je prends le pseudo de Super Salope, et pleins de contacts se manifestent“, c’est Rita qui le dit, ou bien quelqu’un d’autre. Une sorte d’addiction s’est installée avec mes contacts qui ont pris vie sous mes yeux.
Mais, la lumière se rallume, le public, composé en grande partie de jeunes gens, applaudit. Je suis totalement dévasté, éreinté et cette invitation au corps est présente. Pari réussi pour « Pomme 33 ». Et je reste abasourdi lorsque, à côté de moi, une jeune fille active son portable pour vite se connecter avec l’extérieur…


Laurent Bourbousson.

 ?????? « Pomme 33 » a été joué au Théâtre du Périscope de Nîmes les 16 et 17 novembre 2007.

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Pour en savoir plus:
La critique de “Pas de deux” de Rita Cioffi.

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Guy Alloucherie mine La France avec son passé. Fatigue.

Le Théâtre des Salins de Martigues est quasiment complet. Le public des écoles et des collèges est en nombre, autant dire que notre avenir se joue aussi là. J'aurais aimé les entendre à l'issue de « Base 11/19 » par la Compagnie Hendrick Van Der Zee, mise en scène par Guy Alloucherie. Que peuvent-ils bien penser d'un futur qu'on ne leur promet pas ?
Christophe-Raynaud-de-Lage05.JPGDepuis quelques jours, une phrase revient en boucle dans mon environnement professionnel. À chaque idée d'ouverture visant à créer de l'intelligence collective (croyez-moi, ce n'est pas un concept flou, mais un enjeu vital pour nous tous), toujours la même réponse : « non, ce n'est pas possible », « si cela ne vient pas du politique, je ne l'initierais pas », « sans moyen, rien n'est envisageable ». C'est ainsi que les murs s'érigent, pour se protéger, en dehors de tout espace relationnel où la créativité pourrait émerger par la communication. Le repli prend forme, les cases s'agrandissent, l'émiettage peut perdurer. Et la France continue de s'isoler en Europe. Inutile de compter sur Guy Alloucherie pour délivrer un message d'espoir. Inutile. Cet homme ne fait pas le deuil d'une certaine France (celle des mines du Nord) où le patriarcat patronal et le syndicalisme de masse figeaient les relations sociales dans le marbre. Où la vie, c'était la mine. Où le rapport de force, l'unique manière d'entrer en interaction. Il n'a pas fait le deuil de sa séparation avec le metteur en scène Éric Lacascade, avec qui il co-anima dans les années 80 la compagnie Ballatum Théâtre.
Christophe-Raynaud-de-Lage04.JPG« Base 11/19 » s'appuie sur un groupe de jeunes danseurs, trapézistes débordants d'énergie, mais qui sont plombés par une scénographie et un propos déjà entendu. La terre recouvre tout le plateau et les empêche de s'élever, de donner toute la mesure de leur puissance malgré une chorégraphie aussi pauvre qu'un tract. Elle les enterre, métaphore q'une France qui s'emmure dans une nostalgie, à la recherche de sa gloire perdue pour cloîtrer sa jeunesse dans une vision du progrès d'une autre époque. Les interventions de Guy Alloucherie ne cessent, tout au long du spectacle, de nous plomber : ses anecdotes et son sourire en coin nous replie toujours au temps triomphant de la mine comme pour s'excuser d'occuper un terrain minier où est installée sa compagnie. Des extraits de textes sociologiques et politiques sont lus avec un débit de mitraillette, à l'image des discours de l'extrême gauche où le ton empêche l'émergence du moindre espace de dialogue. Dans « Base 11/19 », on me parle comme si je ne pensais pas, comme si le corps des danseurs ne suffisait pas. On me bombarde, pour que cela entre. Cela doit entrer. C'est ainsi que tout se noie dans une orgie de messages illisibles positionnant le spectateur dans une incapacité à relier par lui-même !

« Base 11/19 » n'assume rien et le dernier tableau me fige radicalement. Subitement, ils sont trois à occuper la scène pour quelques exercices de sauts. C'est un joli numéro, au demeurant. L'avenir pour Guy Alloucherie est-il là ? Il promet à cette jeunesse déboussolée, une société du spectacle où le sens se perd à partir de la performance physique, valeur du capitalisme triomphant. C'est ainsi que les spectateurs (piégés ?) applaudissent cette pièce sans propos et sans perspectives.
Je repense aux Ballets C. de la B. qui, une semaine auparavant, avec « Import Export » donnait au public d'Arles les clefs pour comprendre le monde qui nous attend. Nous étions loin d'une vision passéiste, égocentrée.
Les jeunes de Martigues auraient mérité de rencontrer ce collectif flamand pour avoir le courage plus tard d'abattre les murs pour se promener sur les passerelles créées par les liens humains.

 
Pascal Bély
www.festivalier.net

?????? « Base 11/19 » de Guy Alloucherie a été joué le 27 novembre 2007 au Théâtre des Salins de Martigues.

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Crédit photo: © Christophe Raynaud de Lage.

 

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Thierry Thieu Niang au Théâtre des Salins de Martigues: l’école est finie.

300dpi-0442.JPGDrôle d'impression tout de même ! À l'issue d'une heure trente, enfermé dans la petite salle du Théâtre des Salins de Martigues, je ressens un étrange malaise après « Exposition(s). Portrait » par Thierry Thieû Niang. Avec une telle invitation, comment pouvais-je passer à côté d'une  première rencontre avec un chorégraphe local, entouré d'artistes de son réseau qui pourrait devenir le notre ? En prime, « Import Export » des Ballets C. de la B. vu la veille au Théâtre d'Arles continu de faire son travail. Je me sens donc prêt à accepter cette proposition pour le moins originale.
Thierry Thieû Niang a donc décidé de se faire le portrait par d'autres, dans une ambiance de franche camaraderie, à l'image d'une fête de fin d'année d'une école de quartier. Les élèves présentent leurs jolis numéros, devant un public inivité à se mouvoir avec une chaise pliante. Tout cela paraît vain et pour tout dire ridicule quand le maître d'école arrive en dernier, habillé d'un maillot siglé OM (sponsor de la soirée?je me pince !) singeant un joueur de foot. Auparavant, je dois ingurgiter de nombreuses gesticulations tel ce groupe pailleté de jeunes danseurs mais qui brille par son absence de propos. Où encore la chorégraphe Geneviève Sorin, à l'accordéon, avec une lourdeur musicale et corporelle contagieuse. Au coeur de cet « aréopage », deux noms émergent : le guitariste Benjamin Dupé qui propose un son dissonant dans cette soirée molle et consensuelle et le philosophe Mathias Youchenko qui, avec humilité et fraîcheur, nous présente ses photos de famille, prétexte à une divagation philosophique sur le portrait.
Au final, cette « exposition » n'est qu'une addition, sans fil conducteur et dont on cherche le sens, la perspective. Je m'étonne qu'un artiste puisse puiser chez d'autres les ressources, non au service d'une ?uvre, mais pour soi, avec pour témoin un public passif et résigné à passer d'une scène à l'autre comme dans un zapping télévisuel.
En quittant Martigues, je repense au collectif des Ballets C. de la B. Quel contraste entre ces flamands et cette addition de tableaux égocentrés animée par Thierry Thieû Niang !
Depuis la rentrée, je m'inquiète de la propension des théâtres à provoquer de l'événementiel (“26000 couverts” au Théâtre de Cavaillon, “Numéro 10” joué au Stade Vélodromme de Marseille par le Théâtre du Merlan, …) alors qu'ils devraient créer les conditions d'une réflexion collective sur la marche du monde.

Pascal Bély 
www.festivalier.net

?????? « Exposition(s). Portrait » par Thierry Thieû Niang a été présenté le 21 novembre 2007 au Théâtre des Salins de Martigues.


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Au Théâtre d’Arles, les déportés d’Import ? Export.

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“Import Export” de Koen Augustijnen.
” VSPRS” d’Alain Platel.

« Ça va ? » dit-elle en reculant alors que la lumière s'éteint. Non. J'ai mal. La claque. Qu'ont-ils donc fait ces Flamands au « sang vif » pour nous tordre dans tous les sens avec violence et virtuosité ? « Import Export »  par Les Ballets C de la B emmenés par Koen Augustijnen, est une oeuvre dans la continuité de « VSPRS » d'Alain Platel. La filiation entre les deux chorégraphes est visible : la colline de chiffons avec Platel est remplacée ici par l'empilement de conteneurs de marchandises ; la folie individuelle sanctifiée dans « VSPRS » s'élargit à tout un système dans « Import Export » où les hommes s'écrasent contre les murs, se mutilent collectivement et s'entraident dans un espace qui n'est pas sans nous rappeler les camps de concentration. Et toujours cet orchestre perché où les musiciens n'hésitent pas à se mêler à la danse. Le jazz de Platel se fond ici dans les musiques de Charpentier, Clérambault, Couperin et Lambert.
En quittant le théâtre d'Arles, je n'ai plus beaucoup d'énergie tant cette danse de « performeurs » me perfore, tant cette vision apocalyptique et sans espoir de la mondialisation me déchire. En plaçant le corps au c?ur du processus de marchandisation globale, Koen Augustijnen réussit la prouesse de toucher le notre. Nous voilà donc inclut dans cette puissante mécanique qui, si elle nous rassure lors du premier tableau (magnifique danse groupale où chacun se balance au rythme d'une horloge), inquiète et bouleverse quand le chaos rompt le mouvement, tord, soulève, déséquilibre, propage pour ne laisser au final qu'une femme seule, à reculons, apeuré. Le corps est alors cette marchandise où le pied frappe la tête, où la danse réduit, écartèle, à mesure que le monde se fait plus global. Je ne cesse d'avoir peur pendant ces quatre-vingt-dix minutes de fureur malgré quelques baisers furtifs et escalades comiques qui masquent la profonde déliquescence des rapports humains mis sur le même plan qu'une machine. Ce que je ressens aujourd'hui de notre société (la vulgarité institutionnalisée, la fragmentation du lien social, la vision coloniale du clivage nord ? sud) trouve ici une résonance effroyable, parce qu'élargit à un monde globalisé qui n'enchante plus.
Malgré tout, il y a l'alto masculin (étonnant Steve Dugardin) qui, du haut de sa tribune, couvre le vacarme du camp pour y diffuser la beauté du lien humain. Mais il finit par se fondre dans la masse, où les mélodies de Charpentier se coulent dans une musique industrielle. Dans le monde vu par Koen Augustijnen, rien ne semble pouvoir arrêter ce processus qui positionne le lien marchand comme unique manière de lire les rapports sociaux. Le système capitaliste engendre ses propres barbaries qui, en s'auto-organisant, produiront de nouveaux besoins (à l'image de cette émeute où les danseurs se battent pour quelques gouttes d'eau).
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Mais que me reste-t-il ? Eux, Les Ballets C de la B. Ils m'envahissent. Ils sont Le Monde où tout se croise, s'enchevêtre parce que multiculturel. C'est dans cette force collective que Koen Augustijnen a puisé la créativité pour décrire la mondialisation illisible. On pourrait lui reprocher un discours radical qui laisse peu d'ouvertures et d'espoir, mais le propos est peut-être ailleurs : si le monde change, alors changeons le monde. Cette énergie qu'il propage par le corps vers le corps social est une magnifique perspective pour qu'ensemble nous puissions créer les nouveaux espaces qu'aucun marchand ne pourrait animer. C'est en puisant dans la force du lien que nous imaginerons les élargissements capables de nous rendre autonomes.
J'ai mal, mais j'avance.

 

Pascal Bély
www.festivalier.net

?????? « Import Export » de Koen Augustijnen a été joué au Théâtre d’Arles le 20 novembre 2007.


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Pour en savoir plus sur Les Ballets C de La B:
Leur site.
La critique de “VSPRS” d’Alain Platel.
Zero Degrees” de Sidi Larbi Cherkaoui.