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EN COURS DE REFORMATAGE

Le bouillon du Festival “Les Informelles”.

Malaise.
La culture de l’audimat gangrènerait-elle petit à petit le spectacle vivant, aidé par des tutelles qui financent tant que la plaquette est jolie?
Sollicité à plusieurs reprises par le Festival « Les informelles » pour assister à la soirée où sont proposés par moins de 25 créations (esquisses, expériences, …), j’invite quatre amis dans l’espoir de découvrir de nouveaux artistes et les soutenir dans un contexte politique particulièrement difficile.
En arrivant dans le magnifique bâtiment de « L’école de la deuxième chance » (cela ne s’invente pas !), on nous distribue un plan et le programme minuté. Nous sommes prévenus : « vous ne verrez pas tout », façon élégante de dire : « faîtes votre marché ». À peine entré, la confusion m’envahit. On nous abreuve d’informations, distillées par des hôtesses d’accueil. Me voilà donc au boulot. Je dois rationaliser, choisir, éliminer. La démission des professionnels de la culture est totale. Il faut les voir courir dans les allées de cette « galerie » (marchande ?) pour rameuter la clientèle vers telle proposition ou telle autre.
Alors que je suis prêt à rentrer chez moi, un poète et plasticien fait l’appel. Fernand Fernandez épelle “le registre de tous les noms“. Il est seul. Quasiment personne ne fait attention à lui. Plongé dans son livre géant, il métaphorise cette soirée : les mots sont une performance à défaut de distiller du sens. Qu’importe ce qu’il dit. Il est là. C’est le principal.
Je m’échappe. J’atterris dans l’entrée. Un tournage se prépare. Le cinéaste nous explique la règle. C’est si compliqué que je n’écoute plus. Deux femmes de ménages (dont la chorégraphe Olivia Grandville), une chanteuse lyrique (Donatienne Michel – Dansas) interprète une partition pour soprano, « Stripsody ». Une «BD sonore»paraît-il. Qu’attend-on de moi ? A quoi rime cette séance de ciné- réalité où l’on positionne le spectateur dans les coulisses ? Perdu dans la programmation des Informelles, je ne verrais même pas le résultat de ce tournage prévu vers 21h. Je suis donc un spectateur inutile, improductif, qui ne va pas jusqu’au bout.
Le réconfort s’approche. Dans une salle de cours, je m’assois pour vingt minutes de théâtre (enfin) politique. Alain Béhar nous propose « Loin des équilibres », une proposition qui a le mérite de mettre les pieds dans le plat et de se moquer des «Informelles». Alors qu’un acteur joue son texte, l’arrière-cour technique fait diversion à coup de nouvelles technologies et de slogans aussi creux qu’une plaquette publicitaire du Théâtre du Merlan ! Alain Béhar dénonce le mélange des genres, l’intrusion de l’internet, de la vidéo et plus généralement d’une conception scénique du théâtre empruntée à l’Art contemporain. C’est forcément drôle et subtilement subversif. C’est la seule bouffée d’oxygène de la soirée et l’unique propos solide à côté de tant d’autres propositions qui ne franchiront pas le cap de « l’extrait » après cette soirée.
Le festival « Les Informelles » a donc opté pour la culture zapping et jetable, positionnant le spectateur dans une double contrainte intenable : « si je suis ici, je ne suis pas là-bas ». À jouer sur la frustration, il prend le pouvoir sur le public, finit par l’infantiliser et briser le peu de lien social qui perdure dans ce pays. À voir les spectateurs déambuler comme dans la galerie marchande de Carrefour, je prends peur. Ce dispositif met les artistes en vitrine pour mieux les précariser. L’ensemble du processus de création devient une marchandise friable et l’on fait croire que « la partie » peut parler du « tout ».
« Les Informelles » ont précisément une forme. Celle d’un cadre descendant et profondément autoritaire.
En phase avec l’époque.

Pascal Bély – www.festivalier.net

 ????? “Loin des équilibres” d’Alain Béhar a été joué le 13 septembre 2008 dans le cadre du Festival “Les Informelles”.


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Les informelles” sur le Tadorne:
edition 2007


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LES EXPOSITIONS

« Visa pour l’image » bombarde.

Après le cru exceptionnel de 2007 où le photojournalisme avait dépeint les facettes de l’humain dans toute sa complexité, on ressort de l’édition 2008 abasourdi par autant d’images de guerre. Ce n’est plus l’horreur qui sature (le regard s’habituerait-il ?) mais le schéma répétitif que ces photos finissent par imposer : le culte du héros et de la victime, le clivage entre innocents et bourreaux. Sans minimiser la nécessité d’informer sur les guerres, un rapport de l’ONU précisait leur décroissance dans le monde. Pourquoi une telle avalanche à Perpignan? Voudrait-on nous faire croire que le photoreporter courageux est celui qui risque sa vie au même titre qu’un soldat?
À vrai dire, seule l’exposition « This is war » de David Douglas Duncan sort du lot parce qu’il exprime peut-être le mieux mon propos : ses photos, quel que soit le contexte, nous montrent les processus en jeu et la place du photoreporter. Cette série de clichés écrase toutes les autres parce qu’elle est intemporelle.


 

N’y a-t-il pas d’autres guerres, plus insidieuses, qui gangrènent les sociétés mondialisées? J’ai donc cherché des photos différentes. Il suffisait d’apercevoir les attroupements des spectateurs pour les repérer comme si le lien social entrait en symétrie avec les valeurs guerrières.
Le travail le plus étonnant est sans aucun doute celui de Christian Poveda. « La vida loca » nous parle des Maras, troupes de jeunes qui sèment la terreur dans toute l’Amérique centrale. Les corps tatoués sont photographiés comme autant de peintures qui immobilisent les processus démocratiques de ces pays. C’est à la fois sidérant et fascinant : la peau est ici le terrain de la guerre. Nul besoin de mitrailler le bourbier à coup de clichés pour le sentir « à fleur de peau ».
Sentiment identique avec Nina Berman qui expose ce qui gangrène les USA : le marketing de la guerre, de la sécurité. À force d’avoir peur, les Américains se préparent au pire dans des centres d’entraînement. On y va comme à Disneyland. Les photos, aux couleurs limpides et tranchées, donnent une esthétique de la purification. Effrayant. La France prend doucement ce chemin. Que l’Europe politique puisse nous préserver de ces replis et de ces barricades!



L’Afghanistan occupe une place prépondérante cette année. Outre l’émotion suscitée par Véronique de Viguerie à propos de ses clichés sur les Talibans publiés par Paris-Match, ce pays semble fasciner les photoreporters par sa complexité, loin de la vision réductrice que nous en donne Nicolas Sarkozy. Paula Bronstein lève le voile, pudiquement, pour nous guider à repérer l’immense potentiel de créativité de cette nation. Elle joue toujours sur les contrastes, créée les ouvertures, écartent les simplifications pour finir par franchir la frontière entre l’art et la photo de reportage. Le travail de Paula Bronstein est à l’image de ce pays: un art fragile, une détermination à toute épreuve. Superbe.
De son côté, Stanley Greene nous fait prendre la route de la soie, « aujourd’hui un pipeline pour la drogue et les maladies ». On est stupéfait de voir ces images où la drogue est « l’autre guerre ». Plus d’un million de consommateurs d’opium, 19000 toxicomanes par voie intraveineuse et le VIH qui franchit les frontières. Voilà un vrai reportage, beau et informatif qui comble cruellement la démission de la télévision qui dépêche une armada de journalistes pour dix soldats tués au combat et rate cette route qui finira par croiser nos chemins.
Démarche identique pour Philip Blenkinsop qui nous emmène en Chine pour suivre les abords du Fleuve Jaune. Un voyage en enfer (nous revoilà immergés dans les conditions de vie des mineurs du siècle dernier en Europe) mais avec un regard empathique pour ses Chinois qui triment dorénavant pour nous. Une photo poétique et sociale.
L’Europe ? La France ? Quasiment absentes. On peut se consoler avec la série sur les 20 ans de l’AFP et quelques photos dans le magnifique lieu dédié à la presse quotidienne (l’Arsenal des Carmes, est le seul espace silencieux de « Visa pour l’image » avec une scénographie créée pour le confort du visiteur).
Comment interpréter ce vide sidéral ? C’est le choix inquiétant d’un festival qui ne relie pas le global et le local. Pour comprendre l’ailleurs si lointain, n’a-t-on pas besoin de ressentir, de voir autrement ce qui nous est si proche ? Pour cela, il serait peut-être temps pour «Visa pour l’image » de faire tomber la barrière entre photo de reportage et photo artistique.
Les murs finissent par gêner la vue.

Pascal Bély
www.festivalier.net

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“Visa pour l’image” sur Le Tadorne
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Exceptionnelle édition en 2007.

« Visa pour l'image » : de Perpignan vers les théâtres ?

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EN COURS DE REFORMATAGE

« Visa pour l’image » :vers les théâtres ?


En septembre 2007, lors de l’édition « Visa pour l’image » de Perpignan, j’avais souligné l’excellent travail de
Véronique de Viguerie, auteure des photos controversées sur les Talibans publiées cette semaine par Paris-Match. En comparant ces clichés, je retrouve l’engagement de cette photographe à vouloir montrer ce que les médias refusent d’admettre : les Talibans ne détiennent pas seulement des armes. Ils utilisent aussi les outils de pression psychologique et médiatique sur les populations pour faire vaciller la démocratie. Il faut avoir une courte vue sur ces processus pour déclarer que ces photos sont de la propagande (dixit le Ministre de la Défense hier matin sur France Inter). Ces clichés sont à regarder à plusieurs niveaux : ils démontrent la puissance des Talibans à jouer dans la même cour que les Occidentaux (l’affectif par l’image) et l’information selon laquelle l’embuscade contre les soldats français diffère de la version données par l’Armée de notre pays.
Ces photos sont donc de l’information. Voir sur France 2, un reportage sur la tristesse des familles des soldats tués à la vision de ces clichés, n’est autre qu’une manipulation. À faire dans l’affectif, les journalistes de France 2 occultent la portée politique du travail de Véronique de Viguerie. Ce n’est pas tant les photos qui importent, que le regard que nous portons sur elle. Les médias sous Nicolas Sarkozy ont décidément choisi la voie de l’émotion au détriment de la pensée. Véronique de Viguerie fait de l’information quand d’autres servent la soupe à un Ministre et un Président belliqueux, fonctionnant à l’affect pour affaiblir le fonctionnement démocratique.
Demain, je mets le cap sur Perpignan. Pour m’informer sur la marche du monde. Voir ce que Sarkozy et les journalistes proches du pouvoir ne veulent même pas comprendre.
Pendant ce temps, nos médias s’intéressent à la grossesse de Rachida Dati. Les clichés de l’échographie sont sûrement prêts.
Ils seraient peut-être temps que la photographie de reportage couvre les murs de nos théâtres. Pour la protéger et la promouvoir. Il y a urgence.


Pascal Bély
www.festivalier.net

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Saison 2008-2009 : la cuisine en débat au Théâtre Des Salins de Martigues?

Le Théâtre des Salins de Martigues retrouvera-t-il quelques couleurs ? La saison 2007-2008 lui a permis d’atteindre de beaux scores de fréquentation au profit d’une programmation très consensuelle, loin des formes artistiques en émergence en France et en Europe. 2008-2009 annonce la fin de la convalescence et le retour des Salins avec de beaux moments de bonheur. Annette Breuil, sa directrice, file la métaphore en reliant la programmation à une recette de cuisine. Petit tour de sept jolis plats goûtés ailleurs.

« Le silence des communistes » de Jean-Pierre Vincent devrait faire grand bruit dans cette ville gérée par le PC et ses alliés. Outre que ces acteurs sont épatants de vérité, le débat qui accompagnera la pièce devrait mettre pas mal d’ambiance. À ne manquer sous aucun prétexte à l’heure ou le Parti Socialiste cherche sa voie.

Le débat devrait trouver son prolongement avec « Mefisto For Ever » de Guy Cassiers où un directeur de théâtre « collabore » avec les nazis puis avec les alliés. Spectacle troublant, magnifique qui devrait, si les Salins l’organise, provoquer des échanges nourris entre acteurs culturels et spectateurs sur le rôle de la culture en ces temps troublés.

Les chroniques sociales de Joël Pommerat avec « Je tremble 1 et 2» et « « Pinnochio »  seraient une nouvelle opportunité pour réfléchir collectivement à l’évolution de notre société.

Au total, quatre ?uvres pour réinventer la gauche, loin des appareils. Mais une question émerge : suffit-il de programmer des pièces « politiques » sans construire l’espace du politique ? Le Théâtre doit intégrer le débat en accompagnement des spectacles à l’image du « Théâtre des idées » organisés par le Festival d’Avignon. Force est de constater qu’aucune structure ne remplit cette mission dans la région PACA.

L’époque incertaine et chaotique appelle plus que jamais les poètes. Avec Pippo Delbono, fidèle des Salins, les spectateurs devraient faire un triomphe à ce chef d’?uvre. « Questo Buio Feroce » est un acte d’amour de Pippo envers son public. Vital.

monKblanc1-copie-1.jpgA retenir deux comédiens d’exception nichés dans cette programmation foisonnante : Manuel Vallade, exceptionnel de fragilité dans son costume de légionnaire. « Mon képi blanc » d’Hubert Colas, c’est du sur mesure. LLjir Selimovski est un acteur magnifique dans « La nuit juste avant la forêt » de Koltès mis en scène par Catherine Marnas (mais pourquoi est-il annoncé dans un coin caché de la brochure ??). Qu’attendent les Scènes Nationales pour programmer cet écrin d’humanité ?

Depuis l’ouverture du Centre Chorégraphique National, le Pavillon Noir à Aix en Provence, la danse n’est plus au centre de la programmation des Salins. La concentration institutionnelle a dépassé les frontières de ville aixoise. Soulignons malgré tout une co-production d’envergure: Olivier Dubois présente « Faune(s)». “Scandale” au dernier Festival d’Avignon, je persiste et je signe: “Faune (s)” préfigure un rapport différent entre l’interprète et le public. Une très belle oeuvre.

On goûtera avec plaisir à la danse exigeante de Russel Maliphant, de Hiroaki Umeda et, cerise sur le gâteau, en partenariat avec les Ballets Preljocaj (la boucle est bouclée), le « Gershwin » de la Compagnie Montalvo / Hervieu.

En périphérie, saluons l’arrivée du musicien Yann Tiersen, en duo avec Miossec. Ce dernier, souvent imprévisible sur scène (lire ici !), sera-t-il plus sage ? 

Rendez-vous en juin 2009 pour un débat sur la saison passée et à venir. Prenons les paris qu’un jour, la démocratie participative, franchira les murs de nos si beaux théâtres ! 

À quand le sucré salé ?

Pascal Bély

www.festivalier.net

Revenir au sommaire Le Tadorne a vu:
« Le silence des communistes » de Jean-Pierre Vincent

« Mefisto For Ever » de Guy Cassiers

 « Je tremble 1 et 2» et « « Pinnochio » de Joël Pommerat

Manuel Vallade dans  « Mon képi blanc »  d’Hubert Colas

LLjir Selimovski  dans « La nuit juste avant la forêt » par Catherine Marnas

« Questo Buio Feroce »de Pippo Delbono

Faune (s)” d’Olivier Dubois.

 

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“Tanz im August” hésite.

« Tanz im August » à Berlin fête cette année ses vingt ans. Un anniversaire que Le Tadorne se devait de célébrer. Quatre journées passées dans la capitale, sept spectacles et au final, des propositions pour le moins ennuyeuses. De France, d’Afrique ou de l’Est, les chorégraphes ont souvent démissionné en cours de propos, quitte à laisser le public en rase campagne.
François Chaignaud et Cecilia Bengolea avec « Pâquerette » ont déçu (voir l’
article du 25 août). Ambitieux dans l’intention, ils ont vite abandonné, faute de vision, à s’extirper de la performance.
Le Congolais Faustin Linyekula (découvert au
Festival d’Avignon en 2006) a osé avec «Future ?», la danse du non-propos. Répondant à une commande du festival de créer une ?uvre avec un danseur classique Berlinois, nous avons eu droit aux états d’âme des deux artistes qui ont manifestement échoué dans ce rapprochement. Les questions métaphysiques n’ont cessé de ponctuer les mouvements de l’un et de l’autre (« pour quoi danser » ?) sans qu’on ait un début de réponse. On reste médusé d’être ainsi convié dans ce vide abyssal où Faustin Linyekula n’a pas hésité à jouer la corde sensible de la culpabilisation d’un public blanc, laissant son colistier errer sur scène, ne sachant plus comment se positionner. Étrange cadeau d’anniversaire pour « Tanz im August » à qui Faustin Linyekula renvoie sa commande dans la figure.
Sur un tout autre registre, « Changes » de la compagnie BADco de Zagreb a radicalement engourdi une partie du public. À partir de la fable de Jean de la Fontaine, «La cigale et la fourmi», on nous promettait une réflexion sur la relation entre artistes et producteurs, la paresse et le travail à l’heure du « travailler plus pour gagner plus » qui se propage sur la scène politique européenne. Propos ambitieux, mais rapidement abandonné au profit d’une danse groupale incompréhensible, compliquée, maniérée. Six danseuses de noir vêtues puis éclairées de rouge arpentent la scène à partir de contritions, repliées sur elles-mêmes. Déshumanisées, automatisées, elles semblent répéter à l’infini les mêmes mouvements, processus accentué par un éclairage au sol qui mécanise le tout. Métaphore du travail d’aujourd’hui, je cherche encore la proposition artistique censée éclairer le propos, plutôt que cette illustration un peu poussive.
Les Slovaks, collectif sans chorégraphe, ont avec « opening night » abandonné également la scène malgré l’enthousiasme d’une partie du public berlinois. Ils sont cinq danseurs, et un violoniste (Simon Thieree, magnifique compositeur) à oser danser leur groupe. Les premières vingt minutes sont d’une virtuosité envoûtante, à l’image d’une danse de Sidi Larbi Cherkaoui. Ils occupent l’espace telle une toile où se tisse la relation groupale. On croirait une fratrie qui s’émanciperait de la fonction parentale. C’est beau, souvent drôle, profondément attachant. Mais la deuxième partie déçoit. Ayant épuisé leur dynamique, ils s’essoufflent et tombent dans la caricature du groupe d’hommes. Les jeux virils et les gestes potaches amusent un temps puis lassent. Le violoniste finit seul sur scène. Sans metteur en scène, le groupe manque d’une vision qui transcenderait leur fonctionnement. Les Slovaks sont à suivre. Par un chorégraphe?
La surprise est venue d’un solo époustouflant. Ivo Dimchev de Sofia, incarné en Lili Handel (« blood, poetry and music from the white whore’s boudoir »), diva de cabaret (ou d’une boîte de nuit gay ?), vendue au plus offrant. Ivo Dimchev nous offre le meilleur d’un répertoire de cabaret, où le corps n’est pas seulement objet d’un jeu de transformation, mais une surface de nos réparations, de nos projections, à la frontière du biologique et du sociétal (fait-il référence au VIH ?). Cette rencontre ne dure qu’une heure, mais elle est intense : en jouant sur différents registres, Ivo Dimchev dessine le portrait d’une Lili fragile (notamment quand elle chante) et provocante quand elle danse avec ses fesses, où l’on aimerait s’y s’engouffrer pour y trouver du réconfort ! Ivo Dimchev interroge avec brio le “corps marchandise” qu’on offre aux enchères (les putes ne sont pas toutes à pourchasser sur le trottoir de nos villes…). Avec Lili, le corps est «danse», les mots sont « théâtre ». La performance jaillit dans cet interstice et l’on pense à
Marina Abramovic. Sidérant.
Je quitte Berlin, triste comme à la fin d’un amour d’été. Prêt à revenir, plus longtemps, pour m’immerger dans « Tanz im August » et arpenter de nouveau Berlin pour me redonner confiance dans les possibles de l’imaginaire.

Pascal Bély
www.festivalier.net

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?????? Ivo Dimchev, “Lili Handel – blood, poetry and music from the white whore’s boudoir“.
??????
Cecilia Bengolea et François Chaignaud, “pâquerette“.
??
???? Les Slovaks, “opening night
?????? 
Faustin Linyekula, “Future?“.
?????? BAGco, “Changes”.


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Berlin, si loin, si proche.

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=TUVLX608G_s&w=425&h=344]

A Berlin, point de bling – bling, si peu de 4×4.
Depuis quatre jours, je n’ai pas vu un seul policier dans la rue.
Alors que je flâne dans les allées, je ne suis jamais agressé par une publicité murale. Le mobilier de Jean-Claude Decaux ne fait pas l’esthétique des rues.
À peine êtes-vous perdu, qu’un Berlinois vient vous aider.
Lorsqu’un agent contrôle votre billet dans le métro, il vous présente d’abord sa carte professionnelle.
Dans les théâtres, le hall est souvent une agora où chacun a son verre de vin à la main, quitte à le déguster dans la salle. Pas de responsable de relation avec le public en vue, car tout le monde est responsable. À peine le spectacle terminé, votre voisin vous demande ce que vous en avez pensé. Autre détail : il n’y a pas de saison avec politique d’abonnement. Le programme est trimestriel pour laisser place à l’imprévu, à l’émergence.
Ici, pas d’arrogance. L’argent manque et cela se ressent. Berlin est au c?ur de l’Europe et symbolise les valeurs de la postmodernité : primauté à l’écologie, à la paix, à la défense des droits de l’homme, à la culture, à la relation ouverte. Barack Obama ne s’y est d’ailleurs pas trompé lors de sa tournée européenne en juillet dernier, offrant un discours mobilisateur devant 200 000 berlinois.
Dans ce contexte, saluons un nouveau blog (Berlin sur scènes) : celui de Stéphanie Pichon, journaliste française exilée à Berlin. Elle nous propose l’actualité du spectacle vivant. On ne se privera pas de lire ses articles si précieux pour rêver et imaginer qu’un jour, nous puissions tous devenir des françaisallemands.


Pascal Bély
www.festivalier.net

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Les chroniques du Tadorne sont ici


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L'IMAGINAIRE AU POUVOIR

L’anus horribilis de Cecilia Bengolea et François Chaignaud.

Le festival « Tanz im August » à Berlin avait-il prévu un tel buzz en programmant Cecilia Bengolea et François Chaignaud avec « Pâquerette », danse pénétrante munie d’un godemichet ou d’un sex toy (à chacun d’apprécier) ? Toujours est-il que la presse berlinoise a largement relayé « l’événement », augmentant la frustration du public qui n’a pu trouver de place (deux représentations et une toute petite jauge à Tanzfabrik).
Est-ce un événement, une nouvelle approche du corps dansé, une révolution ? J’attends de ces deux explorateurs d’être bousculé et étonné. À l’issue des trente minutes, je quitte le lieu circonspect alors que des rires bien gras résonnent dans les allées. Je ne suis pas plus avancé : s’introduire un objet dans l’anus ne fait pas (encore) une danse.
Pourtant, le premier quart d’heure est prometteur. Habillés de longues robes aux motifs orientaux, nos deux danseurs, telles des statues religieuses, ne tardent pas à fissurer le ciment de nos représentations puritaines. Leurs corps s’étirent puis éructent : on les imagine pénétrés et toute l’intensité dramatique est là. La danse est à ce moment précis l’espace où nous projetons nos fantasmes, où notre imaginaire se nourrit de cette part de mystère (mais qu’il y a-t-il donc sous leurs robes ? Que suis-je finalement venu voir ?), où la relation entre les deux danseurs s’interpénètre.
Alors qu’ils quittent leurs habits, nous découvrons leur corps d’où surgit un sex toy transparent, telle une torche prête à s’enflammer. L’objet, dans l’anus, semble les bloquer dans une équation insoluble : comment danser le plaisir anal tout en prolongeant le mouvement ? La réponse ne vient pas malgré les efforts du couple à danser ce qui les unit. Le corps n’est qu’une matière manipulée, où l’objet est incapable de s’immiscer ailleurs que dans un orifice. Alors qu’ils finissent pas se séparer de cet objet finalement très encombrant, ils tentent à nouveau la performance d’une danse « doigtée » qui n’apporte rien de plus.
Pour faire oeuvre, « Pâquerette » devait transgresser certains codes de la danse. En introduisant le sex toy par des mouvements « classiques » de la danse contemporaine, François Chaignaud et Cecilia Bengolea ne change pas la forme (qui aurait pu véhiculer des valeurs différentes que la seule transgression).
L’anus introduit bien d’autres éléments (sociologiques, culturels, psychologiques) qu’un simple objet ne peut transcender.
La voie est donc ouverte pour créer le mouvement d’un dedans vers un dehors, pour qu’une muqueuse rendre poreuse les frontières. Alors que certains artistes s’intéressent à l’interaction homme – machine, rendons hommage à ces deux danseurs d’explorer les possibles de l’humain.
Avec le temps, cette pâquerette mérite de s’introduire dans un joli bouquet.

Pascal Bély
www.festivalier.net

« Pâquerette» de Cecilia Bengolea et François Chaignaud a été joué le 24 août 2008 dans le cadre du Festival “Tanz im August” à Berlin.

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FESTIVAL D'AVIGNON

Bilan du Festival d’Avignon 2008: la traversée politiquement correcte.

Pour leur cinquième année à la Direction du Festival d’Avignon, le tandem Vincent Baudriller et Hortense Archambault a reçu les félicitations de la presse et d’une partie du public sur la cohérence de leur programmation. Ils ont pris de l’assurance, nourris des échanges avec les artistes qu’ils associent à leur réflexion. Ils nous avaient invités à « traverser » le festival, à mettre en résonance les oeuvres pour en dégager le sens global.
Critiques et spectateurs s’accordent pour célébrer une édition «équilibrée». J’aurais préféré le chaos, du désordre, du débat à la place de ces files d’attente bien silencieuses. Alors que le pouvoir UMP fait chaque jour preuve d’une talentueuse médiocrité, le Festival d’Avignon m’est apparu comme un lieu protégé, où l’on peut évoquer le «sens» sans se faire rejeter. Mais est-il encore un espace politique capable d’éclairer sur les enjeux futurs sans réduire la complexité à de futiles slogans ?
Stanislas Nordey avec « Das System » (photo) a séduit un public de gauche nostalgique toujours prompt à dénoncer, mais a profondément agacé ceux qui croient à autre chose qu’aux discours belliqueux contre Bush et la mondialisation. Quant à Lola Arias et Stefan Kaegi avec «Airport Kids», ils nous ont donné une vision bien réduite du monde globalisé en recourant à un procédé éthiquement contestable : faire parler des gosses de riches comme des adultes. Belle forme pour propos un peu creux. Même constat avec le collectif Superamas qui avec « Empire (art et politics) » s’est ridiculisé (comme l’an dernier d’ailleurs) à vouloir accuser les empires actuels tout en utilisant les ficelles identiques d’un système qu’ils dénoncent. Consternant.
La danse pouvait-elle faire mieux ? Sidi Larbi Cherkaoui a créé l’événement avec «Sutra» et les moines du Temple Shaolin. Beaucoup de bruits et de belles formes, mais une vision du monde réduite à une passerelle fragile entre Occident et Asie, entre démocratie et religion. De son côté, Roméo Castellucci avec « Inferno » a transformé la Cour d’Honneur en enfer bien sage pour public sidéré par des effets sensationnels mais qui le referme un peu plus sur sa condition de spectateur consommateur d’images.
On aurait pu attendre une belle surprise de la part de Joël Pommerat avec « Je tremble (1) et (2) ». Si le premier volet a convaincu par la justesse du propos, la deuxième partie s’est perdue dans des digressions métaphoriques un peu vaines, où l’esthétique prenait le pas sur le fond. Décevant et peu engageant.
Politique le Festival d’Avignon ? Oui, quand il interroge nos modes de pensée, déplace notre regard. À défaut de proposer une vision, certains artistes ont évoqué le pouvoir dans toute sa complexité en revisitant la mythologie, en introduisant les technologies d’aujourd’hui, en rendant poreuse la distance entre spectateurs et acteurs. J’ai parfois eu l’impression de lire un livre d’histoire pour repenser totalement ma conception du pouvoir. Le Belge Guy Cassiers avec «Atropa» et « Wolfskers » (photo) est devenu maître en la matière : décrypter les rouages du pouvoir actuel, avec les outils d’aujourd’hui (vidéo, images de synthèse) et les engrenages d’hier. Convainquant même si cela n’a pas empêché certains raccourcis et une difficulté en entrer dans une scénographie très complexe où le surtitrage du néerlandais vers le Français n’a rien arrangé. Thomas Ostermeir aura provoqué enthousiasme et malaise en nous proposant un « Hamlet », miroir saisissant de nos lâchetés et de nos égocentrismes.
Ivo Van Hove est allé plus loin avec « Les Tragédies Romaines » en immergeant le spectateur dans les rouages actuels du pouvoir ou politique et médiatique forment un tout pour le moins troublant. Convié sur la scène, le public a expérimenté une place inhabituelle pour appréhender Shakespeare autrement. Un théâtre assurément postmoderne, stimulant et ouvert. La révélation de ce festival.
Sur un tout autre registre, Philippe Quesne a déplacé le spectateur vers un champ totalement processuel : pour comprendre « La mélancolie des dragons », nous étions invités à lâcher pour nous plonger dans un espace politique très éloigné du «travailler plus pour gagner plus», de la performance à tout prix. Un bel acte de résistance. Ce travail était à rapprocher du duo Mathilde Monnier et Philippe Katerine qui avec «
2008 Vallée » nous a offert un spectacle intelligent en questionnant les valeurs de notre société tout en esquissant un nouvel espace du « vivre ensemble ». Stimulant.
Finalement, peut-on parler d’une édition politique ? Il a manqué l’oeuvre « citoyenne », celle qui percute pour interroger notre posture politique. Je l’ai trouvé dans le « off ». Pièce quasiment ignorée par la presse française. Elle nous venait du Luxembourg et de Finlande (toujours le nord…) : « Je suis Adolf Eichmann » de Jari Juutinen. Il fallait oser. Ils l’ont fait.


Pascal Bély – Le Tadorne

 

 

♥♥♥♥♥♥ ♥♥♥♥♥♥ ♥♥♥♥♥♥ ♥♥♥♥♥♥

Ivo Van Hove,

Tragédies Romaines

Philippe Quesne,

La mélancolie des dragons

Valérie Dréville, …,

Le partage de midi“.

Benjamin Verdonck,

Wewilllivestrom

Stanislas Nordey,

Das system”

Sujet à vif – Julia Cima et Denis Lavant. Supermas, “Empire
Thomas Ostermeier,

Hamlet

Arthur Nauzyciel, “Ordet Guy Cassiers, “Wolfskers  Virgilio Seini, “Osso” François Tanguy, “Ricercar Sujet à vif – Sonia Brunelli et Simon Vincenzi. Claire Lasne Darcueil,

La mouette

Wajdi Mouawad,

Seuls

Alvis Hermanis, “Sonia“. Joël Pommerat,

“Je tremble” (1 et 2)

Ricardo Bartis, “La pesca”. Romeo Castellucci, “Inferno Sujet à vif – I-Fang Lin – Christian Rizzo.
Heiner Goebbels, “Stifters Dingue Guy Cassiers, “Atropa Sidi Larbi Cherkaoui, “Sutra Emio greco, “Hell”
Cirque ici, “Secret” Mathilde Monnier, Philippe Katerine, “2008 Vallée Kris Verdonck, “Variation IV Emio Greco, “Popopera

Olivier Dubois, “Faune(s)

La 25ème heure – Benedicte Lelamer et Florent Manneveau, “Guardamunt 55 Jan Fabre, “Another sleepy dusty delta day D.Jeanneteau/ M-C Soma, “Feux”
Sujet à vif – Laurent Poitrenaux et Sylvain Prunenec. Johanne Saunier et Jim Clayburg,

ERASE – E (X) parts 1,2,3,4,5,6 

Sujet à vif – Isabelle Wéry et Ludor Citrik. Lola Arias et Stefan Kaegi, “Airport Kids
Sujet à vif – Virgilio Sieni. Sujet à Vif – Marta Izquierdo Munoz et Mark Tompnonkins.
Sujet à vif – Massimo Furlan et Marielle Pinsard.
La 25ème heure – Frans Poelstra, son dramaturge et Bach.

 

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LES EXPOSITIONS

A la Fondation Cartier, César nous redimensionne.

César ? Il est l’expression d’une jolie promenade dans l’univers de l’ultra réalisme, non seulement dans ces formes propres et intimes à chacun d’entre nous (un pouce, un sein, un poing serré), dans ces couleurs (de l’or, au fluo en passant par la lumière ambrée) mais aussi dans ce message bienveillant qui nous attire du commun vers l’extraordinaire.
Nous possédons tous un pouce dont sa perception visuelle nous échappe au quotidien. Nous ne veillons plus la réalité, habitués à ne plus voir. En surdimensionnant ce dernier, en déclinant sa taille sur plusieurs échelles, le sensationnel se façonne sous nos yeux. On ne peut s’empêcher de comparer son propre pouce, réel et charnu, aux différentes expressions de celui de César, puissantes et colorées. On se prend à se considérer autrement, unique dans l’intérêt de l’instant.
Plus bas, ces carcasses de voitures compressées. D’abord, je suis sous le choc de la violence exprimée. J’image de graves accidents sur des routes, des morts. Je vacille à l’intérieur de mon corps. Puis la couleur des unes et des autres, de violet de bleu de rose, modifie ma perception. Il y a autre chose à voir. Et dans les méandres de ces carcasses se définissent des visages et des animaux. Mon imaginaire se profile. La tragédie s’efface au profit du merveilleux.
Et le merveilleux m’époustoufle dans la surdimension de ces cubes de papiers compressés d’environ 5m x5m. Un mois de lecture d’une revue. Enmagazine -t-on autant sans le savoir ? Je m’inquiète et me radoucis au pied de ces coulées schématisant la forme au mépris de la matière. Du rugueux on transite vers le lisse et laissons cette douce sensation du rond, maternelle dans nos inconscients, adoucir nos perceptions.
César, l’enseignement est saisi. Ne regardons plus la vie dans sa réduction de vision, mais vivons les choses comme Gargentua nous les auraient enseignées, plus épicurienne sûrement.

Diane Fonsegrive – www.festivalier.net

César à la Fondation Cartier (Paris), anthologie par Jean Nouvel jusqu’au 26 octobre 2008.

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EN COURS DE REFORMATAGE

L’ « Hiver » du festival « Off » d’Avignon.

Le décalage des calendriers entre le festival « Off » (qui prendra fin le 2 août) et le « In» (qui s'est terminé le 26 juillet) vide peu à peu les rues et les salles de spectacles d'Avignon. L'atmosphère n'est pas à la joie et certaines compagnies plient bagages plus vite que prévu. En 2008, le génie français est ici : c'est « in » ou « off ». Ce modèle est inopérant, mais les institutions continuent de jouer cette escalade plutôt que d'offrir une troisième voie au public et aux comédiens.
Cette absence de dynamique globale permet à chaque festival de « fanfaronner » sur ses chiffres de fréquentation, mais le processus qui conduit à réduire les passerelles entre le «in» et le «off» est solidement installé. Le public ne s'y trompe d'ailleurs pas : à l'annonce de la fin du « in », il a plié bagage lui aussi. Comme quoi, il relie bien les deux ! Les professionnels ont beau accuser les spectateurs de ne pas savoir lire les plaquettes (réflexe bien français d'incriminer l'usager plutôt que de remettre en question le modèle), les faits sont têtus : quand une partie bouge, c'est le tout qui se fragilise.
À chaque édition, je ressens profondément la nécessité de passer à autre chose, d'inventer un nouveau festival qui s'appuierait sur les particularités du « in » et du « off». J'imagine une supra entité chargée de relier les deux pour nous aider à faire de belles traversées. Je ne propose pas la disparition des particularismes, mais leur reliance par un groupement de spectateurs, critiques, et de professionnels de la culture.

« Hiver » à Présence Pasteur est donc mon dernier spectacle du Festival. Qu'importe qu'il soit dans le « off ». Il ne fait aucun doute pour moi que Jacques Descorde (acteur principal et metteur en scène) est en devenir, qu'il est précisément à la frontière poreuse du « in » et du « off ». La Compagnie décide d'arrêter trois jours avant la dernière, malgré de belles critiques (celle du Nouvel Observateur, de Vincent Josse de France Inter). Le calendrier décalé n'a pas permis au bouche à oreille de fonctionner. Absurde.
Nous ne sommes donc que quelques spectateurs à nous laisser porter par ce couple de comédiens exceptionnels. Elle, c'est « sa nana » (magnifique Maryline Even). Lui est cadre (supérieur ?) en déplacement pour rendez-vous professionnel (manqué). Ils n'ont passé que quelques heures ensemble, au détour d'une « «pipe ». Il dort à l'hôtel.
Jacques Descorde campe deux personnages totalement égarés dont le texte de Jon Fosse accentue l'errance. De bancs publics gelés à la cellule de prison d'un hôtel, ce couple se connaît à peine, mais tente le tout pour le tout pour concilier l'inconciliable. La force de la mise en scène est d'offrir cet espace où l'on peut s'immiscer dans la relation sans être voyeur. Jacques Descorde tire parfois le rideau puis l'ouvre à nouveau, à l'image d'un voile pudique ou d'une cloison d'hôpital qui séparerait deux malades dans une chambre. En projetant des extraits du film « Sue perdue à Manhattan » d'Amos Kollek avec la voie de la chanteuse Coco Rosie, il élargit l'espace du couple pour nous inclure dans une tragédie qui pourrait être la nôtre.
« Hiver » est une pièce fragile, où les acteurs murmurent parfois loin du tumulte de certains plateaux. J'ai ressenti cette ?uvre comme un cadeau, pour clore provisoirement mon festival d'Avignon. En échange, je n'ai jamais lâché, suspendu au fil d'Ariane tendu entre ces deux acteurs telle une arborescence de ma traversée d'Avignon.
« Ma nana » aurait pu croiser le « Hamlet » d’Ostermeier,  s'échapper de l'AX de Philippe Quesne. Et je me suis mis à rêver : Jacques Descorde n'aurait-il pas rencontré Wajdi Mouawad dans le musée de Saint Petersburg ?
Destins croisés, fils reliés : vive la toile d'Avignon !


Pascal Bély
www.festivalier.net

?????? “Hiver” de Jon Fosse mis en scène par Jacques Descorde a été joué lors du Festival Off d’Avignon.  Pour connaître les dates de la tournée:  ciedesdocks@orange.fr


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