Est-ce un frémissement ? Le Théâtre de la Colline de Paris affiche complet : des spectateurs de tous âges sont amassés partout, entre les gradins, pour une parole à l’unisson entre artistes et public. Comme le fait remarquer une spectatrice : « notre réunion est en soi un acte artistique ». Sylvain Bourmeau, journaliste à Mediapart, demande à tous un effort de transdisciplinarité.
Objet d’un tel rassemblement : le Ministère de la Culture fête cette année ses 50 ans et semble menacé. Pour l’ensemble des participants, l’initiative du Gouvernement de créer un conseil de la création artistique présidé par Martin Karmitz, et supervisé par Nicolas Sarkozy, converge vers le modèle anglo-saxon qui prône le désengagement de l’Etat en matière culturelle et semble sonner le glas du ministère créé sous l’impulsion de Jean Vilar en 1959.
A plusieurs reprises au cours de la soirée, les intervenants font référence à l’article d’Olivier Py dans le Monde du 14 février où il reprend une phrase écrite par André Malraux à Jean Vilar: « peu importe que vous soyez communiste ou non, votre projet est d’intérêt général, c’est ce qui importe ». On cite également la loi Lang du 10 août 1981 (une émergence de la volonté des acteurs de terrain) qui permet à Nicolas Bourriaud d’indiquer l’aspect incantatoire des politiques culturelles menées depuis lors et particulièrement la volonté de démocratisation réitérée au fil des mandatures.
Sylvain Bourmeau fait le lien avec la récente initiative de Pascale Ferran à propos des « films du milieu ». Pour la cinéaste couronnée aux Césars, il s’agit de fédérer « la chaîne de coopération » qui existe dans toute entreprise culturelle, et notamment dans celle du cinéma. En s’entourant des différents métiers de la chaîne cinématographique, Pascale Ferran a créé un groupe de travail idoine avec pour mot d’ordre « si on se fait chier, on arrête ». Tel ne fut pas le cas. Après avoir été reprises par les instances du Centre National de la Cinématographie, leurs propositions sont actuellement en cours de validation par le ministère de la culture. Avec la perspective d’une probable approbation.
Alors, que peut faire le spectacle vivant pour reprendre l’initiative ? Pour Robert Cantarella, l’ouverture en octobre dernier, du « 104 » à Paris est une des réponses, à savoir un lieu voulu comme un outil de la « transmission permanente » entre l’artiste et le spectateur, où l’animation et la création sont intiment liées. Ainsi, les artistes en résidence ont pour obligation d’ouvrir les portes de leurs ateliers aux spectateurs. Pour donner à voir le processus artistique. Car il s’agit « d’être préhensible avant d’être compréhensible ». Ils n’ont pour l’instant rencontré aucune résistance de la part des artistes invités.
Robert Cantarella constate que dans le domaine du spectacle vivant, l’argent est essentiellement placé « sur la scène ». Peu hors de son périmètre. Alors même que le secteur privé se préoccupe de ces alentours (il cite en plaisantant les glaces Häagen-Dazs, partenaires de nombreuses structures du secteur privé).
A ce titre, Jean-Louis Fabiani indique que 284 formations de médiation culturelle ont été recensées en France en 2008. Pour Robert Cantarella ce chiffre est porteur de sens. Il ne s’agit pas d’une « couche graisseuse » inutile entre les artistes et les spectateurs. Au contraire. Pour Nicolas Bourriaud, la « couche graisseuse » actuelle est la critique.
Car loin de la volonté gouvernementale d’instaurer des « pôles d’excellence », ces médiateurs permettent de faire émerger, de rendre visibles, les initiatives artistiques. La survisibilité de ces « pôles d’excellence » vise à couper ce qui fait tenir le visible. Tous soulignent le rôle de ce « terreau » d’initiatives, de ces viviers d’artistes, du « saupoudrage » dénoncé de subventions qui permet l’entretien du visible. Tous dénoncent la montée en puissance d’un populisme qui préfère le bon mot à un accompagnement parfois laborieux. Tous estiment que ce sont les prises de position des artistes qui permettent de travailler la transversalité si nécessaire pour produire des propositions à la fois adéquates et pertinentes.
Alors, comment prolonger le débat de la Colline, ici et là, à Paris et en région ?
Les contributeurs du Tadorne se proposent d’impulser, d’animer, au sein des théâtres, des collectivités publiques, des entreprises, les rencontres entre artistes et spectateurs autour de quelques questions :
– Dans une société ouverte et mondialisée, comment impulser une communication créative entre acteurs culturels et publics capable d’être une force de proposition auprès des pouvoirs publics?
– Comment rendre lisibles les nombreuses actions innovantes qui relient la création et l’animation ? Quels rôles peut y jouer Internet ?
– Comment initier et promouvoir les actions transversales qui participent à l’élaboration d’une politique culturelle globale ?
– Alors que Jean-Luc Godard répondait à un spectateur qui se
plaignait de ne pas avoir compris son film « c’est parce que vous n’avez pas assez travaillé », quels sont les espaces de travail qu’il faut créer ?
Si toutes ces questions font écho chez vous, sur votre territoire, dans votre collectif, alors co-animons ce débat et alimentons la démarche initiée au Théâtre de la Colline.
Contacts:
elsa.gomis@gmail.com
pascal.bely@free.fr
www.festivalier.net
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“D’un ministère de la culture à un conseil de la création artistique“,
une soirée-débat au théâtre de la Colline en partenariat avec Mediapart, le 16 février 2009
Aux côtés de Sylvain Bourmeau, journaliste à Mediapart chargé d’animer les débats : Pascale Ferran, cinéaste, Jean-Louis Fabiani, sociologue, Robert Cantarella, directeur artistique du 104 et Nicolas Bourriaud, directeur de la Tate Britain à Londres.