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LES EXPOSITIONS

À la Fondation Maeght, Miró et son jardin extraordinaire.

À la fondation Maeght parmi les pins et le soleil de la côte, mon imagination vogue à l'âme de Joan Miró. Ce lieu fut son espace de travail, d'inspiration et de réflexion. Deux cent cinquante ?uvres y sont exposées dont certaines pour la première fois. L'opportunité poivre la curiosité. Il s'agit donc de découvrir un environnement de création lié intimement à Joan Miró et d'en révéler l'alchimie inventive.  Tout le monde a dans le coin de son imagination une ligne rouge, bleue ou noire extraite d'une toile de Miró, mais l'approcher de prés oblige l'?il à objecter, à rencontrer l'univers de l'artiste.  D'abord les jardins qui provoquent l'évasion, puis la chaleur de l'été qui nous fait jouir d'une lumière exceptionnelle sur les ?uvres.  Le rayonnement autour du Minotaure de  Miró, la fraîcheur exaltée de la fontaine de Bury, les sculptures longilignes de Giacometti forment l'ombre ludique au sol. Il est agréable de se laisser aller à cette épopée forte du surréalisme, faisant appel aux lectures des grands noms de l'époque.

Et Miró.

L'introduction étant happée, nous pouvons entrer à l'intérieur du bâtiment, d'une architecture très 60', et l'on pense à un certain oncle de Tati. Avant de comprendre, il faut laisser la théorie graphique nous envahir.  Ne pas penser, pas encore, se retenir à l'extrême et voir, rien que la ligne qui se courbe, se tend, danse ces corps de femmes, ces mythes et les peurs de l'artiste.  Qu'il s'agisse de lithographies, de sculptures, de céramiques, de peintures, surtout suivre la ligne, qu'elle soit brossée, grattée ou simplement tracée en eaux fortes, ne pas la quitter des yeux et attendre que la poésie de Miró vous submerge. Et elle chante vite, en profondeur ;  les histoires défilent. Ces femmes belles, à la courbe forte par leur féminité,  leur puissance à l'enfantement, passionnément  toutes, que l'on pourrait retrouver chez Picasso ;  ces étoiles qui frustrent l'artiste de ne pouvoir les toucher, et plus loin ces monstres qui réveillent nos cauchemars passés. Les mots se bousculent alors dans nos pensées, d'abord séparés puis groupés. Et plus loin de relire Apollinaire : « Avant tout les artistes sont des hommes qui veulent devenir inhumains. Ils cherchent péniblement les traces de l'inhumanité, traces que l'on ne rencontre nulle part dans la nature. Elles sont la vérité et en dehors d'elles nous ne connaissons aucune réalité. Mais on ne découvrira jamais la réalité une fois pour toutes. La vérité sera toujours nouvelle. »


C'est en cela la clef du monde surréaliste et fou que Miró nous a laissé en héritage. Afin que les rêves extraordinaires de chacun rejettent le mot fin et puisent leur pérennité dans la régénérescence de nos actes.

Diane Fonsegrive ? www.festivalier.net

 

Exposition Miro en son jardin Du 26 juin au 8 novembre 2009- Fondation Margueritte et Aimé Maeght à Saint Paul

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EN COURS DE REFORMATAGE

Festival de “Mens Alors” ! Episode 2 : attention fragile.

Déjà deux journées dans ce festival niché au creux des montagnes, et l'étrange impression que « Mens Alors ! » nous travaille, nous festivaliers et artistes. Ici, tout acte artistique semble fragile, en tension permanente parce qu'en interaction avec « la » représentation que nous nous en faisons.

Photo de Francis Helgorsky – Festival Mens 2008.

Quand le public vient chanter « nos chansons préférées » avec la chanteuse Anne-Laure Poulain et doit se mêler avec les personnes âgées de la maison de retraite de l'Obiou, la scène prend une tout autre configuration. C'est qu'il ne suffit pas d'entonner en c?ur « le temps des cerises » sans se poser la question : « que faisons-nous de nos vieux » ? Le positionnement du festivalier n'est plus le consommateur de culture, mais le producteur de liens à partir de sa fragilité. C'est parce que la vieillesse nous attrape à la gorge que nous pouvons chanter « nos copains d'abord » et participer à l'?uvre collective. La scène se construit lien à lien et il n'est pas étonnant que vers la fin de la représentation, nous ayons tous envie de danser. Le corps s'invite toujours au c?ur du maillage.

Quand le public vient écouter la pianiste Sophie Agnel, il ne sait pas encore qu'il s'agit de musique « expérimentale » ! Ici, le piano est ouvert et accueille toute une série d'objets (gobelets, balles, brosse, ?). Sophie Agnel improvise et sa musique produit les sons qui déconstruisent notre vision linéaire de la partition, du concert. Il nous faut alors lâcher pour prendre la mesure de la profondeur dans laquelle cette artiste hors du commun nous plonge.  La musique n'est plus ce chemin tout tracé que l'on emprunte, mais le fruit d'une interaction avec la pianiste. Et c'est l'intensité de ce lien qui la guide dans son improvisation. C'est impressionnant, envoûtant, car de cette interaction avec le public naît une esthétique de la représentation (l'intérieur du piano est une scène d'art contemporain !) et une musique au confluent du free jazz et du classique. Expérience unique.

 

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=c_eUd_bnWSU&w=425&h=344]

 

Quand le public vient regarder à 22h sous la halle de Mens « Six » de Victor de las Heras, il ne sait pas encore que ce jeune documentariste va lui tendre un miroir fait de tendresse, d'humour, de poésie et de sens. L'an dernier, caméra vidéo sur l'épaule, il a suivi pendant toute la durée de la 6ème édition du festival,  six personnages clefs (le directeur, le régisseur, un chorégraphe, ?). Magnifiquement monté, on bascule avec jouissance dans l'univers de Jacques Tati. Ces personnages deviennent alors des figures héroïques à l'heure de la marchandisation croissante de la culture. « Six » peint le portrait d'une France inconnue, celle qui pas à pas, sans moyens, construit les nouvelles solidarités à partir de la créativité cachée qu'il faut débusquer !

Il est presque minuit. Alors que nous quittons la Halle, Nicolas Le Balch, professeur à Rouen et bénévole pour le festival, est perché sur la croix du jardin de l'Église. Il improvise une danse à partir d'un slam. Il tourne autour de nous, fait virevolter les mots et plonge son corps dans la fontaine d'eau glacée. Nous courons après lui dans les rues de Mens pour l'applaudir. Mais il a déjà disparu.

Ici, le fragile fait même des apparitions.

Pascal Bély

www.festivalier.net

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FESTIVAL D'AVIGNON

L’impossible bilan du Festival Off d’Avignon 2009.

Au total, le Tadorne a vu vingt spectacles dans le festival « Off » d'Avignon, trente dans le  « In ».

Dans le « off », chercher une ?uvre parmi les 1000 proposées demande du temps pour tisser les liens entre les structures dignes de confiance (Théâtre des Halles, La Manufacture, le Théâtre des Doms, les Hivernales, la Fabrik'Théâtre) et les metteurs en scène déjà chroniqués sur le Tadorne ou ailleurs. Petit bilan impossible.


Quand Le « off » fait  son commerce.

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Comme dans le « In » avec Christophe Honoré, Jan Lauwers, Wajdi Mouawad, et Johan Simons, une esthétique du loisir a fait rage dans le off. « Stones » de la compagnie Israélienne « Orto ?Da » en est le meilleur exemple. Six acteurs, statufiés dans de la glaise, miment pendant une heure la vie des résistants du ghetto de Varsovie. La sculpture les propulse dans l'imaginaire de notre époque à partir de références cinématographiques, publicitaires, télévisuelles et musicales. Comme dans « Casimir et Caroline » présenté au Palais des Papes, l'esthétique gomme peu à peu le propos politique. Et l'on s'interroge d'entendre le public rire avec la marionnette d'Hitler comme s'il déambulait chez Eurodisney. « Stones » est un nivellement vers le bas de l'art du mime au profit d'une forme paresseuse visant à séduire le public dont le regard est saturé d'images publicitaires.

Autre succès, « Tabu » de la Compagnie britannique « nofitstate », qui a installé son chapiteau de « cirque contemporain » sur l'Île Piot. Le public déambule debout, de scène en scène. Ici aussi, on zappe d'un imaginaire à un autre, accompagnée d'une musique d'ascenseur légèrement énervée et énervante. Les clichés se succèdent et l'on ressent vite que  le cirque est ici une foire. Commerciale ?


En 2008, cette pièce affichait complet. Idem en 2009. « Confidences à Allah », mise en scène de Gérard Gelas, est un cas d'école. La comédienne, Alice Belaïdi, joue seule un texte qui ne réserve aucune surprise : il reprend la trame des contes de fées, plaquée ici à une jeune fille pauvre en terre islamique. Les clichés abondent et la mise en scène accompagne un déluge gluant de bons sentiments. Le public est rassuré dans ses représentations et jamais bousculé ou interpellé dans ses préjugés racistes.


Quand le  « off » se fait « on ».

Si le « in » évoque peu les phénomènes de société en tant que tels, le « Off » peut nous éclairer sur leur complexité.

Avec « Chatroom », mise en scène par Sylvie de Braekeleer, nous comprenons que l'internet diffère  de l'image qu'en donnent les discours frileux de la génération 68 ! Une pièce d'adolescents pour éviter de vieillir trop vite.

« Hamelin » de Juan Mayorga, mise en scène par Christophe Sermet, surprend par sa sobriété sur le thème délicat de la pédophilie. Positionné à la fois comme spectateur et acteur, le public vit cette ?uvre comme une déstabilisation de son positionnement d'observateur passif et voyeur d'un crime en passe d'être un phénomène de société. Percutant.

« Occident » de Rémi de Vos est une très belle mise en scène par la Compagnie Corse Alibi, pour des mots qui finissent par saigner au c?ur de la crise d'un couple. La nôtre ?


Quand le « off » célèbre la danse.

Nous avions aimé Rita Cioffi à Montpellier Danse en 2007. Sa pièce « Pas de deux » présentée aux Hivernales, a fait un joli carton. L'exigence de cette chorégraphe est en soi un langage.

Au « In », Rachid Ouramdame dans « Les témoins ordinaires » a mis le son au centre de sa proposition chorégraphique. Avec son musicien Jean-Baptiste Julien, la guitare électrique danse. Aux Hivernales, la compagnie « La Vouivre » nous a offert un bel opus sur le couple (encore lui) où le son de Gabriel Fabing a fait vibrer nos cordes sensibles.

Tout comme la Compagnie Chicos Mambo qui nous a fait rire sur la danse à en pleurer. Avec les danseurs de Dave St Pierre qui ont enflammé le “In”, Pina et Merce ont dû se marrer. 

 

Quand le « off » jubile avec Isabelle Starkier.

La metteuse en scène Isabelle Starkier a illuminé le off avec pas moins de six créations ! Nous n'avons vu que « Le Bal de Kafka » et « Monsieur de Pourceaugnac » et découvert un théâtre que l'on croyait disparu : des acteurs engagés, un décor qui joue toujours entre réalité et coulisses pour y cacher nos démons, l'utilisation du masque pour accentuer la comédie-tragédie. Isabelle Starkier est une grande: elle comprend qu'en chacun de nous, il y a une part de lumière qui éclaire son théâtre aux multiples visages.

 

Quand le « Off » se fait « In ».


Trois ?uvres auraient eu toute leur place dans la « traversée » du « In » :

Avec « Et puis j'ai demandé à Christian de jouer l'intro de Ziggy Stardust », Renaud Cojo est revenu en Avignon. Avec lui, le « double » est unique. Magnifique travail.

Au Théâtre des Halles (exceptionnelle programmation), François Clavier avec « Une voix sous la cendre » interprète le texte de Zalmen Gradowski pour nous interpeller sur la Shoah. La mise en scène d'Alain Timar nous habite encore.

« Naître à jamais » (photo) par le Théâtre Hongrois de Cluj est LA pièce du « off ». Un chef d'?uvre absolu entre « May B » de Maguy Marin et « (A) pollonia » de Kristof Warlikowski. Quand l'évocation de la Shoah touche à ce point le sublime, on se demande si « Naître à jamais » n'est pas déjà entré dans le patrimoine de l'humanité.

 

Pascal Bély ? www.festivalier.net

Le bilan du “In” est ici!

 

Le palmarès OFF 2009 du Tadorne.

« Naître à jamais » d'Andras Visky ? Théâtre des Halles.

« Et puis j'ai demandé à Christian de jouer l'intro de Ziggy Stardust » de  Renaud Cojo ? La Manufacture.

« Une voix sous la cendre », d'Alain Timar ? Théâtre des Halles.

« Le bal de Kafka » de Timothy Daly, mise en scène d'Isabelle Starkier ? Théâtre des Halles.

« Oups + Opus » de la Compagnie « La Vouivre » – Studio des Hivernales.

« Chatroom »,  mise en scène de Sylvie de Braekeleer ? Théâtre des Doms.

« Monsieur de Pourceaugnac », mise en scène d'Isabelle Starkier ? La Fabrik Théâtre.

« Pas de deux », Rita Cioffi. Théâtre des Hivernales.

« Occident », mise en scène de François Bergoin- La Manufacture.

« Hamelin »,  mise en scène par Christophe Sermet ? Théâtre des Doms.

 

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FESTIVAL D'AVIGNON

Bilan du Festival d’Avignon 2009: la crise?

La 63ème édition du Festival d’Avignon s’achève et l’amertume est palpable chez les spectateurs qui osent formuler un avis éclairé. L’attente était-elle trop forte après que la co-direction promette un « festival créatif et insolent, énervé et enthousiaste, en aucun cas résigné »? Le festival vivrait-il une crise systémique, de recherche de sens, dans un contexte de perte des valeurs qui l’engloberait aussi ? L’uniformisation des propos contestataires et nostalgiques, la dilution de la narration dans des esthétiques gloutonnes, la censure insidieuse de la parole différente du spectateur et la pensée unique de la critique, provoquent un état de crise latent, mais qui pourrait bien s’inscrire dans la durée. D’autre part, des jauges importantes ont dilué la confrontation et augmenté le risque des réactions provocantes et extrêmes. D’autant plus que cette programmation ne fut que cases, empilements de formes sans articulations les unes aux autres, dont le seul lien ne semble être que les réseaux d’affinités et d’artistes. Ils ont eu du mal à faire émerger une nouvelle vague comme l’a connue le cinéma.

Loin du chahut de 2005 qui questionnait les formes, 2009 signe peut-être une inquiétante perte d’influence du Festival d’Avignon. Il est en crise ; serait-il temps d’en revoir les fondements ?

Trop de certitudes véhiculées, trop d’émotions instrumentalisées.

Que ce soit avec Jan Fabre et son « Orgie de la tolérance », avec Thierry Bédard et Jean-Luc Raharimanana pour «Les cauchemars du Gecko», ou Christoph Marthaler et son « Riesenbutzbach », l’approche binaire et cloisonnante de la crise prime sur toute autre vision du chaos dans lequel nous sommes plongés. C’est une dénonciation permanente sans que soit énoncés une ouverture, un processus incluant. Il y a de quoi se sentir exclu, voir culpabilisé, par ces discours bien pensants qui confèrent à l’artiste une position haute à laquelle nous n’étions pas habitués dans ce festival.

Ces certitudes sont souvent véhiculées par des esthétiques rigides réduisant le théâtre à un objet. Tout a commencé avec le cinéaste Amos Gitaï qui nous a imposé une mise en espace pour une lecture statique malgré Jeanne Moreau. Cela s’est poursuivi avec un autre cinéaste, Christophe Honoré,  dont « Angelo, tyran de Padoue », fait par et pour la télévision, a rendu téléspectateurs bon nombre de festivaliers. Avec l’Argentin Federico Leon, le théâtre a observé le cinéma au profit d’un propos alambiqué et sans profondeur sur la transmission entre générations (inutile de penser le futur, il est déjà écrit !). Une compagnie suisse (Oskar Gomez Mata) a joué avec les codes de la représentation pour distiller un propos simpliste et démagogique sur la place de l’art dans notre société. Avec Stefan Kaegi et « Radio Muezzin », le théâtre d’amateurs s’est institutionnalisé tout en provoquant une régression de sa fonction critique.

C’est toute une esthétique du loisir, où la forme prime sur le fond, qui a fait son entrée au Festival avec le dispositif scénique laid et compliqué de Wajdi Mouawad dans « Ciels », puis avec Jan Lauwers dans « La maison des cerfs » où l’imaginaire de Wall Disney en a déconcerté plus d’un. Dans « Casimir et Caroline » de Johan Simons et Paul Hoek, cette esthétique a carrément gommé le propos politique; Au final, ce « théâtre réduit » à l’objet a empêché la contemplation.

Trois oeuvres ont eu des esthétiques un peu plus habitées. Avec « Photo romance », le couple d’acteurs libanais Lina Saneh et Rabih Mroué a donné corps à la place de l’art au Liban à partir d’une forme circulaire reliant politique et artiste, ce que bien d’acteurs occidentaux semblent avoir du mal à opérer. Avec « Les inepties volantes », la poésie de Dieudonné Niangouna a fait résonner le bruit et les horreurs de la guerre avec justesse  malgré une mise en scène minimaliste.  Les marionnettes d’« Une fête pour Boris » de Denis Marleau ont interpellé sur le sort que nous réservons aux handicapés malgré l’essoufflement d’une esthétique théâtrale pourtant osée.

Des auteurs enfermés.

Peut-on mettre en scène son discours ? Hubert Colas avec “Le livre d’or de Jan” s’y est essayé sans beaucoup de succès. Il s’est enfermé dans les codes culturels de son milieu l’empêchant d’aller jusqu’à l’indécence de son propos. Avec “Sous l’oeil d’oedipe“,  Joël Jouanneau s’est muré dans son désir d’auteur en désarticulant son audace d’écrivain et sa créativité de metteur en scène. Quant à Wajdi Mouawad, il s’est fait voler “Ciels” par l’acteur et lui-même metteur en scène, Stanislas Nordey.

Ces auteurs nous ont narré le mensonge, la lâcheté et la terreur sans que cela nous atteigne. On avait les ressorts de la narration qui transcende, mais nous sommes restés collés à terre, dans la démonstration.

Des oeuvres fondatrices pour une sortie de crise.

C’est un théâtre qui refuse le consensus, mais qui s’appuie sur le sensible.

C’est un théâtre où le temps s’étire pour « dépolluer » notre regard formaté par le rythme médiatique.

C’est un théâtre où le temps laisse la place au sens.

C’est un théâtre qui vient  chercher le spectateur pour le déshabiller, le bousculer avec respect et l’inviter à faire confiance à ses émotions pour découvrir une esthétique du divers.

C’est un théâtre qui fait entrer le passé dans les ouvertures du futur.

C’est un théâtre qui s’en remet au fou pour traverser le chaos.

C’est un théâtre qui créée le collectif de spectateurs parce qu’il fait corps avec lui.

C’est un théâtre qui ne lâche rien.

C’est un théâtre où toute la danse est là.

« Description d’un combat » de Maguy Marin.

« Un peu de tendresse, bordel de merde ! » de Dave St Pierre.

La trilogie de Wajdi Mouawad pour une nuit au Palais des Papes (« Littoral », « Incendies », « Forêts »).

« La Menzogna » de Pipo Delbono

« Ode maritime » de Claude Régy

« El final de este estado de cosas, redux » d’Israel Galván

« Des témoins ordinaires » de Rachid Ouramdane

« Le cri » de Nacera Belaza.

« (A)pollonia » de Krzysztof Warlikowski

Ils sont neuf, comme les muses et tel des oiseaux, ils laissent leurs petites empreintes sur un sol où tant de chemins sont déjà tout tracés. Sauf que ces oeuvres-là sont les seules à nous avoir ouvert des possibles quand tant d’autres routes ne sont que des ronds-points.

Pascal Bély – le Tadorne

 

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FESTIVAL ACTORAL FESTIVAL D'AVIGNON

Le Festival d’Avignon et ses écrits de spectateurs : Francis Braun.

L’intérêt des salles non numérotées, c’est qu’on y fait la queue, souvent à l’avance. Ce soir-là, Francis Braun me reconnaît grâce à mon T-shirt siglé « Tadorne ». Il aime mon travail et le fait savoir. Près de lui, Leïla Shahid, déléguée de la Palestine à Bruxelles, aime le festival. Le dialogue s’engage. Nous formons l’agora. C’est aussi cela Avignon !

Depuis, Francis Braun m’écrit. Il m’envoie ses textes d’après spectacles. Ils n’ont pas leur place dans la case «commentaire ». Il est aussi Tadorne, car c’est une parole engagée.

 

 « El final de este estado de cosas, redux » d’Israel Galván.

Merde à la planche qui tape trop fort.

L’accessoire  – c’est soit indispensable, soit ça fout tout en l’air.

L’accessoire est parfois essentiel pour une femme.  Une robe très simple, presque invisible, elle porte un bijou, un sac ou une écharpe  autour du cou….et on ne parle plus de beauté mais de classe et si l’accessoire est bien choisi, alors, on parle d’ALLURE. 

Dans un spectacle, c’est parfois le contraire….

L’allure, la classe, c’est le comédien nu, sans accessoire, sans truc, habillé mais nu d’artifice.

C’est lui dans un dé-NU-ment total, pantalon – cheveux gominés, musique, espace et bruit de ses pas.

C’est cet homme  ISRAEL GALVAN.

D’abord il est Kazuo No, butoh trapu, ténébreux arquebouté sur lui-même, crispé, bandé, tendu, masqué dans les rochers, dans son carré sablé-éclairé-encadré au sens propre du terme…..pourquoi un masque.

Son corps, ses efforts contenus, son dos voûté, son ventre rentré, ses chevilles en lévitation, sous une force tellurique incroyable….

Oulala, ça va être  certainement terrible.

Il danse contre…

Il lutte avec….
Il parle avec ses avant-bras…

Il dit des choses avec sa main qui comme une ombre chinoise qui suggère plus qu’elle ne dit. Il veut quand même nous expliquer, presque nous le crier…

Il insiste, en frappant, en trépignant, en scandant cette violence de son corps qui va comme exploser.

Il est seul maintenant sur ce sable – sur cette transversale sablonneuse……

et soudain ça y est l’accessoire prends le pas sur le danseur.

Merde et pourquoi cette rupture.

On déteste l’anecdote dans ce cas là.

Elle nous distrait, on a du mal à ne voir que lui.

L’accessoire prend à ce moment-là,  trop de place. Il ne l’accompagne pas, il se substitue à lui.

Il va danser avec sa planche dans un duo inégal alors qu’un solo égoïste suffirait totalement.

Cette planche subtilement articulée lui répond quand même, comme s’il en était le dompteur….la lutte de deux animaux féroces.

On ne regarde que lui, que cette révolte du Flamenco.

On ne voit que les trépidations d’un homme qui, lorsqu’il danse, veut parler, crier, hurler.

Merde à la planche qui tape trop fort.

À table, il est seul. Et là c’est magnifique.

Il envahit toute la carrière.

Ne parlons pas des musiques rock…

N’écoutons que cet orchestre espagnol, ces mains qui claquent, les pieds qui scandent, ces voix qui hurlent.

L’Union irréelle avec la sauvagerie.

Il ne faut pas qu’il se dissipe, Israel Galvan.

On ne parle pas du film, sûrement pas …. on ne verra que lui, même si le regard se perd parfois.
On cassera même cette bouteille d’
eau qui rend anecdotique sa performance.

On détestera même ce  simulacre mort-cercueil et sa lumière dedans.

On évitera le final music-hall qui transforme ce flamenco en produit pour touristes…..

Putain, avec un tel cadre, une telle aura, un tel orchestre, une telle force dans son corps, une telle envie de bousculer, de rentrer dedans…..

Merde la solitude a du bon parfois.

On l’attend ce mammifère trapu dans un prochain dénuement, isolé au son de voix et de lumières flamenco….

Pourquoi n’était-il pas l’épicentre de la Carrière,  SEUL avec sa danse sous cette voûte noire et brillante…

On a aimé, mais regretté.

 

« Un peu de tendresse, bordel de merde ! » de Dave St Pierre.

On se souvient du célèbre “Pina m’a demandé” au Palais des Papes lorsque ses comédiens racontaient des bribes de leur vie intime ….c’était il ya plus de vingt ans, c’était dans le raffinement, le pudique.

Ce soir , aux Célestins , ses « Enfants » se sont fait l’écho de son passé, comme pour mieux la faire renaître…..ils n’ont pas fait pareil, c’était plus “dit”,  ils ont montré ce qu’ils savaient faire, ils ont dansé comme des fous, ils ont montré leurs sexes, leurs perruques et leurs fesses, ils ont montré leurs poils, ont joui, ont aimé, ont détesté, dans le calme, la violence et  l’orgie, sans scrupules, libérés, outranciers, jamais grossiers…toujours dignes et maîtres d’eux-mêmes.

Ils ont escaladé les gradins, enjambé les spectateurs en deux fois. La première, habillés année 50 avec des vêtements de tous les jours, la seconde fois complètement nus, en prise directe avec nous, joues contre fesses, sexe contre nez, trou du cul contre tête….l’un d’eux a même mis mes lunettes sur sa bite (soyons crus, on emploie les mots qu’il faut…ils vont bien avec ce genre de “show”).

Un show en traduction simultanée, dans un français traduit au premier degré…très rigolo, grinçant et terriblement incisif.

Les Enfants de Pina Bausch, Dave Saint Pierre et sa troupe nous ont raconté…..ils s’en sont tirés à merveille, ils nous ont nous emmener là où l’ont voulait secrètement aller sous les ordres ironiquement sarcastiques d’une Maîtresse Femme, qui a force de menaces et de manipulations,  vient s’effondrer  à la fin, gracieusement, mais épuisée.

Ce que ceux de Pina ne disaient pas, ses enfants l’ont dit….l’on montré avec joie et violence, se sont bien amusé. Ils ont dansé, ils sont passé sans complaisance du tragique au dérisoire, du rire aux sanglots…..

Merci a eux que l’on aurait aimé serrer dans nos bras, même trempés qu’ils étaient…ils auraient dû saluer parmi nous, dans les gradins……au milieu de nous…..bonjour la suite!!!!!! 

 

« La Menzogna » de Pipo Delbono

 

Un Italien   incarné… ou un Allemand désincarné…. on hésite …..Senior Pipo,  Herr Delbono…

Un Opéra  Wagnerien…..bien sur, même du Shakespeare Italien….;

Un homme cheveux gominés, lunettes noires…

Roméo costumé, Juliette hurlait.

Moins de Cabaret ce soir  – on se souviendra néanmoins du “Travelo – Dalida” dans la cour de la Faculté des Sciences , il y a plus  de Tragédie ce soir.

On a tous vu Hamlet de Ostermeier, on n’a pas suivi Apollonia jusqu’au bout….Monsieur Delbono, contrairement à ses contemporains , fait appel à nos pleurs…on est suspendu…larmes peut-être.

Mais  Pipo, ce soir,  s’est pris pour Jean Vilar lorsqu’à Paris au TNP, il jouait Arturo Ui de Bertold Brecht. Souvenir, clin d’oeil, référence ?

En plein “show”…..un &nbs
p;type derrière nous a crié “c’est bien ficelé”, ….et j’ai répondu “connard”…..

Bien sur qu’il a raison ce type…c’est vrai que c’est super bien fait…la musique, l’opéra, les cris, la douleur, leurs  morts…on est pris bien sur par son essoufflement quand il parle, nous chuchote dans le micro ses obsessions lancinantes, on aime son souffle d’émotions, Pipo on t’adore , on te déteste, tu nous fais mal, tu nous fais du bien.

Tu es notre Hiroshima  de Alain Resnais, tu parles comme Ennanuella Riva qui se souvient de Nevers-Hiroshima..

Tes ficelles sont impeccables et c’est certain, elle tisse un piège…..on rentre ou on rentre pas.

On t’aime, on te hait….attention tu racontes toujours la même histoire en partant d’un prétexte…mais ce n’est pas grave……on t’aime on te hait quand tu te prends pour Taddéus Kantor, quand tu te fais voyeur, exhibitionniste, photographe ironique , tu vas avoir un sacré album de photos.

Mais bon…..c’est quand même vraiment bien…..souffle coupé comme toi, quelques yeux humides…je peux pleurer  ?…On va pas me dire attention sensiblerie et non-dramaturgie…

Et puis vous êtes nus encore, cette année, la guerre, à poil, le gras du bide, les petites couilles…..Tu nous montres tout par ta nudité. Tu as maigri et tu restes devant  “nu / nous”…tu jouis de nos regards, Jean Luc aussi est nu….pourquoi encore êtes-vous nus ?….Jean-luc n’est plus l’autiste, il est devenu le Comedien…..tu nous le montres aussi…

Jannot Lucas est devenu comédien grâce à toi, à cause de toi.

Tant mieux , c’est bien….mais merde….. tu l’exhibes un peu trop….Pipo,…..Monsieur Loyal.

Ce ne sont pas des bêtes de foire…maintenant ils existent par eux-mêmes…ils sont autistes , sauvages, SDF…ok maintenant ils actent, ils font l’acteur, ILS SONT COMEDIENS…..grace à toi ok, je te l’accorde.

En toute humilité…bande d’exhibitionnistes que l’on adore…..on est content de te voir amaigri, ayant quitté ta bonhomie pour une classe terrible…..t’as de l’allure en Blues Brother, mec  !

Alors, on a pu adorer, on a pu aimer…on a pu détester et critiquer…..

Le principal c’est d’avoir été pris à ta saloperie de piège, on est tombé dans tes filets, on a frémi, on a eu le coeur fêlé…..quand même on ira te revoir…..et puis ta santé est bonne maintenant…ça, c’est bien.

Francis Braun.

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LES EXPOSITIONS

Aux Rencontres Photographiques d’Arles, Naoya Hatakeyama: pas vu, pas pris.

Naoya Hatakeyama est exposé au cloître Saint-Trophime.  Au début, je n’ai pas vu. J’ai lu le panneau informant le voyeur d’exposition du contexte de travail de l’artiste. Naoya Hatakeyama opte pour la « réalité », au coeur d’un processus social très actuel qu’il positionne dans l’environnement citadin. Il en appelle à Levy-Straus (« La connaissance du tout précède celle des parties »), point de départ de sa problématique. D’accord. Je ne lis guère plus et décide d’entrer dans son univers, faisant confiance à mes acquis et risquant la confrontation visuelle pour happer l’apport.

De grands formats estimés rapidement à des 60×80 dans leur majorité, noir et blanc,  pour le choix des nuances.  La lumière du cliché à son importance géométrique, mais elle éclaire aussi la réflexion. Puis je me balade sur la réalité cognitive de Naoya.  Nous sommes des homos sapiens urbains qui devons faire appel à notre connaissance scientifique en lien à notre environnement proche. Je laisse aller. J’avance, reviens sur mes pas. Plonge dans l’image. Recule. Avance. Digère, et ne voit rien venir. Scales, titre de la série. Oui et en fait, c’est l’histoire d’une boîte qui, ouverte, nous offre un monde bien connu : la réalité dite cognitive qui  fait l’écho à Pascal, l’infiniment grand et l’infiniment petit. On doit donc se positionner : où sommes-nous dans cette réalité? Pour ma part, nulle part. Je ne fonctionne pas à la théorie exposée. J’ai la sensation de voir d’autres photographes, des souvenirs picturaux me reviennent qui, de façon plus forte, ont signifié cette réalité cognitive, et m’ont révélée, homo sapiens, dans mon environnement urbain. Je me trouve décidément hors de l’image. Je note : la série Scales est une commande accordée par le Centre Canadien d’Architecture. Deux mots clef tuent définitivement le vu : commande et architecture. Où est passée la spontanéité de l’oeuvre ? L’histoire ne me raconte rien en additionnant tous les éléments. Même la donnée « architecture » ne s’ouvre pas et pourtant, le monde de la cité est vaste.

Naoya s’explique « En fait, la photographie comprend non pas une véritable connaissance du tout, mais l’aspiration à la connaissance de tout, identique à la progression pesante de notre vie quotidienne ».  Je reste quoi sur l’antonymie de la définition. Au départ, n’étions-nous pas supposés flirter du regard la réalité que nous connaissons  et la connaissance qui s’y rapporte, pour faire ressurgir nos facultés à survivre et communiquer dans cet espace synthétique et esthétique ? Or dans le quotidien, nous vivons la répétition et donc le rite même de l’absurde, où la réflexion s’affaiblit devant l’action automatisée. Je ne me place donc pas dans un univers observable, mais dans le vide, et cela n’est absolument pas un élan vers un idéal, quel qu’il puisse être. Et la réalité dans tout cela ?

Nous sortons alors en cherchant terriblement cette aspiration qui saurait défendre une beauté cognitive qui s’échappe donc tout naturellement.

Diane Fonsegrive – www.festivalier.net

“Scales” de Naoya Hatakeyama Japon – au Cloître Saint Trophime dans le cadre des Rencontres Photographiques d’Arles. Jusqu’au 13 septembre 2009.

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THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN

Le festival NAVA, sur le pont d’Avignon.

Comment se rétablir du calamiteux « Casimir et Caroline »  présenté à la Cour d’Honneur ? Comment échapper, le temps d’une soirée, à la nostalgie rampante qui envahit les rues d’Avignon à quelques jours de la clôture des festivités ? Direction Limoux, pour le festival « NAVA » (« nouveaux auteurs dans la vallée de l’Aude ») dont le projet vise à promouvoir  des textes, mis en espace puis lus et joués par des acteurs. Ils n’ont généralement que quelques jours pour répéter. Trente ans après, je retrouve à « NAVA », l’auteur et metteur en scène François-Henri Soulié. A douze ans, je découvrais le théâtre alors qu’il produisait près de chez moi, « la vie est un songe » de Pedro Calderon. Retour aux origines.

A « NAVA », Jacques Lassalle propose une « lecture spectacle » d’«Une Nuit de Grenade » de François-Henri Soulié. Le résultat, troublant, finit par produire une onde de choc dans le cloître envoutant de Saint-Hilaire.

Nous sommes au coeur de la guerre civile qui ravage l’Espagne. Le poète Federico Garcia-Lorca vient d’être arrêté. Son ami musicien Manuel de Falla (Didier Sandre) rend visite au Gouverneur civil de Grenade (Wladimir Yordanoff) pour réclamer sa liberté. Dans ce combat, s’immisce un jeune phalangiste (Arnaud Denis), chargé d’assister le gouverneur dans le comptage des morts tandis qu’une danseuse de flamenco (Chloé Astor) cherche son frère emprisonné.

Ces acteurs magnifiques s’accrochent au texte comme à la vie. Leur fragilité finit par nous contaminer. Didier Sandre paraît coincé dans ce décor de pierre et de papier, pris en tenaille entre sa foi catholique et son amitié pour le poète. Arnaud Denis est époustouflant dans cet espace réduit à une chaise et une machine à écrire comme si son devoir militaire se fracassait dans le bruit des morts couchés sur le papier.

À mesure que l’intensité dramatique augmente, le texte ne cesse de résonner dans notre époque. Quelle place peut bien jouer l’art dans les barbaries d’aujourd’hui? Comment faire entendre la voix du poète dans une société obsédée par le rationalisme? Que faisons-nous pour défendre les singularités artistiques tout en préservant l’unicité que nous donne l’art? Avec humour et gravité, les mots de François-Henri Soulié percutent parce qu’ils sont ciselés pour traverser les générations d’acteurs et de spectateurs. Sauver le poète, c’est nous préserver de nos désirs de persécutions et protéger l’humanité contre tous les totalitarismes.

Une nuit de Grenade” nous revient, grâce à NAVA. Nul doute que ce brûlot poursuivra sa route pour enflammer nos théâtres. Alors que le Festival d’Avignon vient de révéler l’absence cruelle d’auteurs, cherchons à la marge ce que les projecteurs médiatiques nous empêchent d’entendre.

Pascal Bély – www.festivalier.net

“Une nuit de Grenade” de François-Henri Soulié, mise en espace de Jacques Lassalle a été joué le 24 et 26 juillet 2009 dans le cadre du Festival NAVA.

Crédit photo: Jacqueline Chambord.

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FESTIVAL MONTPELLIER DANSE HIVERNALES D'AVIGNON

De Montpellier Danse à Avignon, Rita Cioffi pas à pas.

A Montpellier Danse, le 22 mars 2007

J’ai envie de danse. En déplacement professionnel, il est temps de sortir de cette chambre d’hôtel déshumanisé où la télévision fait office de fenêtre vers l’extérieur. L’air est glacial et j’entre me réchauffer au « Chai du Terral », beau théâtre de l’agglomération de Montpellier. Rita Cioffi présente « Pas de deux », duo dansé sur le couple à partir duquel « les processus d’identification et de différenciation créent l’identité et construisent l’individu ». Ambitieux programme. Inutile d’aller chercher dans la confrontation des deux danseurs une quelconque métaphore du couple amoureux. Je n’y trouve rien. Trop loin de moi, peut-être…Est-ce la rencontre entre l’homme et une femme ? Difficile à cerner tant ils me paraissent asexués. Lui est fort, elle plus frêle. A quoi bon de les voir ainsi ? Cela n’a toujours pas de sens…Alors ? Je m’accroche moi aussi à leurs vêtements : ils ont une fonction essentielle quand ils se relient à partir de la poche de leur jean’s, glissent leurs mains dans les plis d’un tissu rebelle, s’engouffrent dans le t-shirt de l’autre. Le textile est alors cette seconde peau que nous cherchons en l’autre, en soi, avec peur, colère, désir et détermination. Leur danse, parfois mécanique, les transforme en statue, comme si le corps était matière dont nous serions le sculpteur par nos regards furtifs ou appuyés. C’est beau et profond. Nous aurions pu en rester là. Mais voilà qu’une vidéo de Roberto Sacova vient ponctuer ce « pas de deux ». Avec nostalgie et tristesse, le film normalise leurs rapports, joue sur les ralentis et annule le lien que je construisais pas à pas avec ce couple. La vidéo prend alors le pouvoir sur le vivant.
Je quitte le théâtre avec un goût d’inachevé. De retour à l’hôtel, j’avais laissé la télévision allumée. Un homme et une femme s’affrontent. J’éteins.
Pascal Bély- www.festivalier.net


Deux années plus tard, aux Hivernales, pendant le Festival Off d’Avignon. La vidéo a disparue.

Dans le petit studio des Hivernales, Rita Cioffi, chorégraphe, et Claude Bardouil, comédien, nous offrent un « Pas de deux » sublimant le corps.

Ils nous tournent le dos : elle et lui, le féminin et le masculin, deux corps.

C’est dans un calme absolu que leur danse débute. Chacun s’échauffe puis c’est l’approche. Le rapport de force commence puis la dualité du féminin et du masculin se complexifie. C’est physique, psychique, tactile, érotisant, tout en respect. Juste ce qu’il faut sans tomber dans l’excès.

S’attachant à leur vêtement, comme s’ils se prenaient à même la peau, Rita Cioffi et Claude Bardouil arrivent à n’être qu’un seul corps. Ils se fondent littéralement l’un dans l’autre. De l’interprète à la chorégraphe, les rôles s’inversent et s’abandonnent. Le public plonge alors dans cette danse charnelle qui lui offre une belle leçon chorégraphique.

La collaboration entre Rita Cioffi et Claude Bardouil se déploie parce que chacun semble avoir fait un travail sur lui-même. Pour Martha Graham, chorégraphe américaine, « l’art du danseur est bâti sur une attitude d’écoute, qui implique tout son être ».

Impliquant pas de deux.

Laurent Bourbousson – www.festivalier.net

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FESTIVAL D'AVIGNON PAS CONTENT

Au Festival d’Avignon, Christoph Marthaler prépare le pire et se protège.

C’est le spectacle que l’on attendait. Au coeur de la crise, à la veille d’une pandémie, à l’heure où le continent européen cherche son projet politique, nous caressions l’espoir que le théâtre puisse nous ouvrir les horizons, fatigué de n’entendre que des dénonciations. Avec «Riesenbutzbach. Eine Dauerkolonie », le metteur en scène suisse Christoph Marthaler pouvait combler cette attente. Au lieu de cela, il a clivé un peu plus un public déjà déboussolé par un festival qui lui offre si peu d’attaches.

À première vue, le décor surprend et impressionne. C’est une bâtisse à l’architecture est-allemande, où s’enchevêtrent plusieurs espaces : selon que vous soyez puissant ou misérable, votre regard sera attiré par le hall d’une banque, le bureau d’une entreprise, un salon bourgeois, des garages, un balcon d’appartement. Il y en a pour tous les goûts. La troupe de quinze comédiens impose par sa diversité : des maigres, des gros, des chics, des médiocres. Mais ils sont riches, blancs, homme et femme-objet jusqu’à s’incruster dans le mobilier, assez matérialistes pour éructer comme une mécanique qui déraille, et suffisamment vulgaires pour lever la jambe pour un oui ou pour un non. Ils ont l’assurance de ceux qui ont le tout, bien plus de la somme des parties ! Tout lien est objectivé, nivelé, si bien que l’on ne différencie plus la relation commerciale, amoureuse et familiale. Christoph Marthaler se régale à se moquer de ces petits puissants : tout est grossi, mais avec délicatesse. Il ridiculise cette époque, à bout de souffle, désarticulée par la crise bancaire. Alors que les fondations s’effritent peu à peu, il prend un malin plaisir à s’appuyer contre un mur déjà fragilisé. Evidement, tout s’effondre avec fracas. Le public se marre, car n’importe quel détail tourné en dérision devient un événement.

À mesure que ces notables tombent dans la déchéance et se rapprochent du triste sort du peuple réduit à vivre dans les garages après avoir squatté les salles de vente, la pièce s’englue dans un humour potache. Le rire du public se fait plus lourd, signe d’une angoisse qui monte. Nous ne sommes qu’à la moitié de la représentation et  Marthaler a déjà épuisé son propos.

Alors, il étire le temps, non pour se dégager de ces personnages et se mettre à distance pour nous aider à comprendre ce qui se joue, mais pour installer un processus de persécution qui n’a plus de limites. Cette classe moyenne possédante serait composée de juifs qu’il plongerait dans l’antisémitisme. La moquerie s’enracine, prend des allures de dénonciation : il n’énonce plus rien et tombe dans un consensus qui gangrène la pensée politique et les propositions artistiques de cette 63ème édition du festival (Jan Fabre, Federico Leon, Thierry Bedard et Jean-Luc Raharimanana). Le monde est binaire : il y a les faibles et les puissants, les méchants et les gentils. À quarante minutes de la fin, Marthaler tourne en rond et distille son propos condescendant. Ses comédiens jouent des airs d’opéra pour célébrer un rite funèbre et installer la parade des hommes et femmes déchus. Cette forme artistique, vue tant de fois ailleurs, atteint son apogée quand il les fait défiler sur un stand de mode improvisé. Voilà nos riches, habillées avec rien, mais qui continuent malgré tout  « à se la jouer ». Avec les « Deschiens », c’était quand même plus sexy.

Arrive le moment où il faut conclure. Et Marthaler ne s’embarrasse pas. On aurait pu s’attendre qu’avec la crise, il saborde sa mise en scène. Même pas: il fait enfermer deux groupes dans un garage chacun. Et rétablit les camps. La vengeance est toujours le fruit d’un propos clivant.

« Sommes-nous au tournant d’une époque ? », proclame un des acteurs. Oui, parce qu’il y a peut-être assez d’énergie créative pour repenser un nouveau monde. Non, parce qu’il a des artistes et des intellectuels qui, tout en profitant des largesses du système, répète inlassablement le même discours qui leur garantit une position haute et un statut privilégié.

« Riesenbutzbach. Eine Dauerkolonie » de Christoph Marthaler prépare le public au pire. Lui, s’en sortira. Ses coproducteurs (Festival de Naples, d’Avignon, d’Athènes, de Wroclaw, de Tokyo) le protègent même des banquiers rapaces.

Je m’étonne que la relation avec un artiste m’emmène vers une telle conclusion.

Rideau.

Pascal Bély – www.festivalier.net

« Riesenbutzbach. Eine Dauerkolonie » de Christoph Marthaler au Festival d’Avignon du 23 au 26 juillet 2009.

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THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN

Au Festival Off d’Avignon, « Une voix sous la cendre » résonne.

« J’ai décidé d’arrêter le récit ici. Pour ceux et celles qui souhaitent le poursuivre, je vous renvoie à… ». C’est ainsi que se termine l’effroyable récit.

Le souffle court, il faut fermer les yeux pour éviter la lumière éblouissante d’un carré blanc. Il avance lentement, à l’image des wagons de la déportation. Le récit laissé en héritage par Zalmen Gradowski, déporté, affecté au Soderkommando, durant la seconde guerre mondiale, s’est déroulé avec lenteur.

Nous fermons les yeux afin d’échapper à ce carré blanc qui écrase. 

Rêvons-nous d’ailleurs comme quand le peuple juif, cantonné dans des wagons comme du bétail, imaginait une destination, où l’humain emporterait le pas sur la bête ?

Avec ce récit, porté avec force par François Clavier (saisissant de réalisme), Alain Timar, dans une mise en scène dépouillée, donne aux mots toutes leurs forces. Au même titre qu’Irène Némirowsky (1) ou Wladyslaw Szpilman (2), Zalmen Gradowski permet à l’humanité de pouvoir introspecter son histoire, sans fard et sans artifice et de laisser émerger son rapport personnel à l’histoire, d’autant plus que nous sommes dans une société rythmée par l’évènement, par l’émotion médiatisée.  Zalmen Gradowski laisse une page d’écriture de l’histoire de la barbarie, celle de la bête humaine. Serions-nous aujourd’hui en train de noircir cette page alors que les déportations et les génocides se poursuivent?

J’ai voulu le laisser (ce texte), ainsi que de nombreuses autres notes, en souvenir pour le futur monde de paix afin qu’on sache ce qui s’est passé ici tels sont les mots de Zalmen Gradowski. À méditer. Inlassablement.

Laurent Bourbousson – www.festivalier.net

« Une voix sous la cendre » de Zalmen Gradowski. Mise en scène Alain Timar. Avec François Clavier. Jusqu’au 30 juillet. 17h00. Théâtre des Halles en Avignon.

(1) Irène Némirowsky, auteur de « Suite française ».

(2) Wladyslaw Szpilman, auteur de « Le Pianiste ».