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EN COURS DE REFORMATAGE

A Londres, de danser notre c?ur s’est emballé.


Dans l'hebdomadaire culturel londonien (« Time out »), on trouve quelques pages sur la danse, perdues dans la programmation foisonnante de concerts et de divertissements en tout genre. Cet art semble rare  comme si Londres affichait sa toute-puissance financière pour masquer ses fragilités.  Mais ma visite touristique n'aurait pas de sens si je n'approchais pas la danse. C'est elle qui nous permet de ressentir le « corps » social et politique.

Ce soir, rendez-vous à « The Place », beau théâtre rénové, tout entièrement dédié à la danse qui s'apprête à fêter ses 40 années d'existence. Le programme propose cinq « work in progress » où se côtoient chorégraphes émergents et établis.  A la fin de la soirée, on finit par ne plus les différencier comme s'ils se nourrissaient entre eux.

Ce qui frappe d'emblée, c'est la vitalité des propositions. Ici, aucun regard mortifère, mais au contraire, un désir de danser sur la communication, à l'image de ce collectif composé d'enfants et d'adultes, d'amateurs et de professionnels, qui transforme la danse en langage pour mieux s'apprivoiser. C'est un travail sur la diversité qui sait amplifier la différence. Emmené par le chorégraphe Luca Silvestrini, « ?5,6, 7, 8 »  produit une belle dynamique qu'on aurait aimé trouver dans le « City maquette » de Mathilde Monnier présenté lors du dernier “Montpellier Danse” abordant la même forme et le même sujet. Le projet de Luca Silvestrini est à suivre. De près.

On reste éberlué face à ce duo : il est blanc, lui métis. Chorégraphes et performeurs, Colin Poole et Simon Ellis nous proposent avec « Colin, simon and I », vingt minutes sur la rencontre où la séduction marchandisée qui contamine les rapports humains nous ferait presque oublier que le lien avec l'autre est fait de turbulences, où l'approche « animale » entre en conflit avec nos codes sociaux. Cette danse est sincère, car elle vient nous chercher sans démagogie, mais avec détermination : « regardez à quoi nous jouons ». Après ce duo, on s'étonne à peine de voir Déborah Light et son solo « Untitled ». Face à des projecteurs et un flash qui la mitraille, elle nous offre une danse saccadée, où le visage caché par ses cheveux finit par donner à l'apparence des airs de folie. Très troublant.  Autres turbulences avec Zoi Dimitriou et Jos Baker accompagnés de trois figurants avec leurs cerceaux. Ici aussi, on se cherche, on se perd, on se gifle au cas où l'autre n'aurait toujours pas compris. La danse, profondément métissée, emprunte les codes du hip-hop et le lancer de cerceaux sur la scène propulse le danseur dans un espace urbain. La scène change alors de dimension en accueillant la vitesse qui rend notre homme plus seul que jamais. Cet espace complexe où la rapidité du cerceau (objet de consommation ?) rencontre l'humain bouleverse, car la danse nous restitue un miroir sur nos errances.

Ce soir, à Londres, le corps dansé est turbulent. À la sortie, nous ressentons un bien-être troublant, signe que ces chorégraphes « en travail » nous ont inclus dans leur recherche. Leur fragilité devient notre force.

Pascal Bély – www.festivalier.net

Pour prolonger cette invitation à découvrir la danse londonienne, une halte à Créteil entre le 15 et le 17 octobre 2009 pour découvrir le nouveau spectacle de Michael Clark. Renseignements ici.


“Touch Wood 2009” at “The Place” à Londres le 12 septembre 2009 avec:

Luca Silvestrini, “…5,6,7,8”.

Vera Tussing et Albert Quesada, “Your Eyes”.

Colin Poole et Simon Ellis, “Colin, Simon and I”

Deborah Light, “Untitled”

Zoi Dimitriou, “In the process of…”

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LES EXPOSITIONS

« Visa pour l’image » doit s’ouvrir.

 

Commencer la visite de « Visa pour l'image », c'est d'abord lire l'éditorial de son directeur Jean-François Leroy et s'énerver une fois de plus de son absence de vision sur l'avenir d'une profession en crise. Cette année, il déclare le photojournalisme mort à l'exception de son festival qu'il qualifie « d'incontournable », d'autant plus qu'il montre « le monde réel ». Il ne s'arrête pas là. Il faut une colère pour justifier de tels propos. La couverture médiatique de la mort de Michael Jackson lui offre la possibilité de hiérarchiser le bon et le mauvais journalisme. Comment peut-on inviter à voir le monde avec une vision aussi clivée ? Pendant combien de temps, cette génération de directeurs va-t-elle continuer à plomber la jeunesse (et les autres !) avec une telle approche (il n'y a pas d'autre monde possible que celui que nous avons connu, avec les avantages dont nous avons bénéficié) ?

Incontournable « Visa pour l'image » ? Non, juste complémentaire des « Rencontres Photographiques d'Arles », de « l'été photographique de Lectoure » et de tant d'autres. Car le monde réel n'existe pas, seulement des représentations de celui-ci. À Perpignan, il est triste, ensanglanté, « terrible » comme nous l'entendons régulièrement dans les espaces dédiés au public.  Si vous écoutez les excellents journaux de France Culture et leurs reportages, si vous lisez « Courrier International » et « Le monde 2 »,  alors vous constaterez que Visa reprend les grands sujets, mais il ne crée pas l'actualité d'autant plus qu'il fait largement l'impasse sur la crise écologique, financière et boude le continent européen. L'espace dédié au Web-documentaire (l'un des supports les plus prometteurs) est si peu mis en valeur, que l'on doute du soutien du festival pour ces nouvelles formes d'expression.

Ce n'est donc pas tant l'information que l'on vient y chercher qu'une vision déformée d'un monde en chaos permanent.  Le mythe du reporter en temps de guerre peut répondre à ce désir de transcendance. Mais cette année, il semble ne plus faire recette (voir la série de Massimo Berruti sur le Pakistan qui n'hésite pas à faire l'apologie des thèses révisionnistes sur le 11 septembre). Même les reportages sur la misère sociale aux États-Unis (Brenda Ann Kenneally) ont un goût de déjà vu.  C'est une certaine vision du photojournalisme qui paraît désuète, peu en phase avec le nouveau paradigme de la communication qui réclame de la rencontre, du lien, de la résonance et non plus cette information descendante que le reporter consent à partager.  

Nous avons besoin d'une photographie qui assume sa subjectivité pour oser nous raconter des histoires et le public de « Visa pour l'image » ne s'y trompe pas. Walter Astrada avec « Madagascar ensanglantée » sait capter le drame qui se joue dans les rues d'Antanarivo et s’inclut dans le processus démocratique qui oppose le jeune maire de la capitale Andry Rajoelina au président en place Marc Ravalomanana.  La plus longue file d'attente est pour Callie Shell et sa série de photographies sur Barack Obama. Nous rêvons de ce Président-là parce que la photo sait faire partager une vision politique bien au-delà du continent américain. Quant à Eugène Richards, il réussi à transformer une salle d'exposition en lieu de commémoration pour les soldats américains et leurs familles broyées par la guerre en Irak. Le silence des spectateurs en dit long sur la force de ce travail, d'autant plus qu'Eugène Richards ose une « scénographie » que l'on voit rarement à « Visa pour l'image » qui se contente bien souvent d'aligner les photos les unes à côté des autres.

Viktor Drachev avec « Entre humour et gravité » réussi à faire de sa série de photographies sur les habitants du Bélarus, une galerie de personnages et de climats telle une pièce de théâtre en préparation ! Le public va et vient comme s'il écrivait son carnet de voyages. Jubilatoire. Quant à Ulla Lohmann, « la cité des cendres » nous plonge dans l'enfer de Rabaul, site ne Papouasie-Nouvelle-Guinée, qui vit sous les éruptions permanentes du mont Tavurvur depuis 1994. Elle ne décrit pas, mais elle fait de ces cendres tombées du ciel, un décor de cinéma où le spectateur empathique prend le pas sur le voyeurisme de la catastrophe. Troublant.

Mais c'est peut-être Steve McCurry qui parvient le mieux à s'échapper du cadre restrictif posé par l'éditorial de Jean-François Leroy. Avec son « instant privilégié », il réconcilie la photo artistique et de reportage en se nourrissant des contextes (pêcheurs du Sri Lanka, cimetières de bateaux au Pakistan, ?) qu'il partage en faisant le pari que le ressenti du spectateur est en soi une information.

La sortie de crise du photojournalisme est à chercher vers ces photographes qui ont compris que le reportage devait s'ouvrir à de nouvelles formes d'expression. Car l'enjeu n'est pas tant de nous informer que de nous parler et nous toucher pour finalement nous «peopoliser» !

 

ps: à lire l’excellent article de Louis Mesplé sur Rue89.

Pascal Bély- www.festivalier.net

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LES EXPOSITIONS

“Visa pour l’image”: un hommage, de guerre lasse.

Le festival « Visa pour l'image » sait rendre les hommages quand il retrace la carrière d'un photojournaliste comme celle de Françoise Demulder, disparue en 2008.

Il s'agit d'un petit bout de femme déterminé et à l'?il juste. Trop juste pour pouvoir continuer ce début de carrière comme modèle dans la mode. « Fifi », comme la nommait Yasser Arafat, a placé le Proche Orient au centre de sa vie. Elle vivait les malheurs de tous, accompagnée de son appareil photo, s’abstenant de shooter en cascade.

À « Visa pour l'image », les photos de Françoise Demulder émeuvent par la force de l'inhumanité qu'elle savait immortaliser. Une femme apeurée négocie la survie de ses enfants avec un soldat armé.  Une autre, bras tendus, mains ouvertes, implore la miséricorde auprès de militaires au milieu d'un quartier en feu où règne le chaos, la peur, l'angoisse. Un enfant vietnamien, allongé sur un lit d'hôpital, symbolise la victime irréversible des conséquences d'une guerre. En quelques photos, Françoise Demulder démontre notre impuissance à réparer l'irréparable tant nous nous sommes perdus dans l'engrenage : la guerre de certains, détruisant à l'ultime les autres.

Les photos exposées ont trente ans. Le temps d'une génération. Elle nous laisse en héritage un cri : celui de continuer à lutter contre des horreurs de guerre restées jusqu’alors sans écho de paix.

Deux photographes semblent s'inscrire dans sa lignée sans pour autant nous offrir un pas de côté capable de faire évoluer le photoreportage de guerre.

Pascal Maître avec « Somalie, le pays abandonné de tous » démontre l'enchevêtrement des maux dont souffre ce pays qui finit par déshumaniser tout un peuple : guerres civiles, déchets toxiques et radioactifs largués par les Occidentaux, pirates des mers. L'inexistence fait la force des clichés : camps de réfugiés, une mère avec ses enfants en pleine décharge, un soldat au regard inhumain, la misère des hôpitaux pour soigner les brûlés.

Cependant, au c?ur de cet abandon, la vie prend les couleurs et nous offre une échappée à la lourdeur du reportage. Les Somaliens continuent de se battre contre le désengagement des pays riches. Pascal Maître, après ses six années de présence là-bas, espère: une bergère, aux portes du désert, nous tourne le dos, regarde vers l'horizon et garde son troupeau de chèvres. Tel un spectre vêtu d'un voile d'or, elle veille sur la vie.

À l'ouest de la Somalie, la République Démocratique du Congo. Dominic Nahr a photographié les horreurs de la guerre qui a opposé, et opposera encore, les tutsis, les militaires du gouvernement et les rebelles de la libération. Prises dans un chaos vertigineux, les populations ont fui, réduites à abandonner les corps sans vie de leur entourage, à se frayer un chemin entre les armées des rebelles et autres militaires. Dominic Nahr parvient à nous guider vers une voie sans issue.

Les photos d'enfants surgissant de fumées épaisses soulignent l'enfance volée tandis que les rebelles armés démontrent leur toute-puissance guerrière alors que celles de l'exode figent ce que nous avons l'habitude de voir dans les journaux télévisés.  Mais ici, pas question de faire du zapping. Ce reportage nous invite à apprendre à re-regarder, à re-comprendre, les flots d'images dont nous sommes inondées. La dernière photo, celle d'un enfant jouant avec un sac plastique sur la tête, nous étouffe de tant de violence, au nom du pouvoir, si peu soit-il.

Le photojournalisme nous propose un monde sans couleur, fade, avide de violence. À notre désir d'information répond  l'aveuglement à ce flot d'images qu'un sentiment de tristesse parvient parfois à stopper. Mais que retenir de ces deux visions de la Centrafrique ? Peut-on croire qu'il n'y a plus de joie, juste de l'abandon et plus d'avenir ? Même rare, pourquoi ne pas aussi photographier la créativité dont tout être humain est capable ?

Diane Fonsegrive ? Laurent Bourbousson ? www.festivalier.net

Visa pour l'image” à Perpignan. Jusqu'au 13 septembre 2009.

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FESTIVAL D'AVIGNON

Festival d’Avignon. ET après ?

Le Festival d'Avignon est un espace de rencontre où l'on échange sur le théâtre sans techniques d'approches ! Lors de la représentation de « Ciels » de Wajdi Mouawad, j'ai osé interpeller Martine Aubry sur la défaite des socialistes aux élections municipales partielles d'Aix en Provence (je passe sous silence sa réponse?sidérante) ? Le même soir, j'ai questionné Leïla Chaid, représentante de la Palestine à Bruxelles, sur les raisons de son absence dans les médias français. Décidement, la file d'attente abat bien des hiérarchies.

Il en va tout autrement de deux lieux pensés pour le spectateur par le festival et ses partenaires. Les débats à l'Ecole d'Art organisés par le CEMEA (mouvement d'éducation populaire) ont pour finalités de créer le dialogue entre artistes et public. Ils sont trois animateurs : un sur scène, un dans l'assistance, un de côté. En général, le ton est convenu et l'on en profite parfois pour régler des comptes avec la critique (ce fut le cas avec Joël Jouanneau). C'est un jeu de questions ? réponses sans dynamique transversale entre spectateurs. Le CEMEA contrôle, même quand le chorégraphe Rachid Ouramdane regrette l'absence de jugement négatif sur « Les témoins ordinaires ». Qu'importe. Un des animateurs joue le rôle. À d'autres occasions, l'un d'eux formule un avis sur le spectacle et saisit l'opportunité pour énoncer quelques principes chers au CEMEA. Alors que je suis un spectateur plutôt « actif », ils n'ont jamais donné une visibilité à ma démarche. J'avais envisagé que ces débats ouvrent mon blog à des spectateurs. Même si j'ai retranscrit certaines rencontres (Maguy Marin, Wajdi Mouawad, Jan Fabre, Amos Gitaï), cet espace, en reproduisant l'estrade et le parterre, ne m'a pas permis de m'affranchir des barrières hiérarchiques.

ARTE avait elle aussi son lieu à l'Ecole d'Art. Des tables, des ordinateurs, des transats, une télévision et quelques spectateurs allongés ou consultant mails et sites internet. Un cybercafé en somme. Je n'ai fait qu'y passer une tête pour constater le désert et la froideur de l'espace. Paradoxalement, c'est sur Twitter que j'ai pu dialoguer avec les professionnels d'Arte. Comment et avec qui questionner la pertinence de ce lieu ?

Finalement, ces espaces hiérarchisés sont en décalage avec les formes artistiques actuelles. Alors que metteurs en scène et programmateurs encouragent l'émancipation du spectateur, évoquent les traversées (en référence au transversal), les institutions contrôlent l'interaction verticale avec le public. Mais peuvent-elles faire autrement ? Est-ce leur mission de créer l'espace démocratique? Pourquoi ces débats ne sont-ils pas organisés par les spectateurs eux-mêmes, promus par le Festival et financés par des partenaires publics et privés plutôt que cette uniformité qui ne permet plus d'entendre la diversité des points de vue et nous enferme dans le lien « producteur-consommateur » ?

De mon côté, j'ai donc privilégié l'informel pour opérer des rencontres. En arborant un t-shirt siglé « Tadorne www.festivalier.net », j'affichais une identité singulière : spectateur mais différent ! Cette « peau » hybride a incontestablement facilité les liens. À la fin du concert « L'autre rive » de Zad Moultaka à l'Eglise de la Chartreuse, j'ai rencontré Hanane, comédienne. Elle venait à Avignon pour y rechercher du « politiquement réveillé », de « l'humanité »,  « des chemins de traverse » pour ne pas se cloisonner. Tout mon projet !

D'autres rencontres ont ponctué ce mois théâtral. Elles m'ont permis de créer des relations particulières, à l'articulation du critique et du spectateur. À la fin de certains spectacles,  j'ai souvent pris le temps d'écouter en relançant la question, tout en donnant un avis que je remettais en débat (Amos Gitai). Je me suis parfois immiscé dans une conversation de groupe pour provoquer la tension et échapper au consensus mou (Jan Fabre) ; à un autre moment, ce sont de parfaits inconnus qui attendaient le débat à la fin de « Casimir et Caroline » ou des «Inepties volantes » pour se rassurer et ne pas se sentir exclus. Avec « les témoins ordinaires » de Rachid Ouramdane, je n'ai pas hésité à questionner une rangée de jeunes spectateurs ! Ce fut aussi l'occasion de mesurer l'étonnante popularité du blog dans le milieu culturel (notamment chez certains artistes). Quelques spectateurs sont venus spontanément vers moi pour saluer ma démarche « engagée », « libre » (merci à Francis et à tous les autres !). Ce fut aussi l'opportunité de dialoguer autrement avec les professionnels de la culture : le lien s'est avéré plus souple, moins rigide que lors de nos échanges au cours de l'année.

Toutes ces rencontres m'ont permis d'appréhender certains processus du dialogue autour de l'?uvre (en finir avec le « j'aime » ou le « je n'aime pas »). La tâche n
'était pas facile. Qu'en faire aujourd'hui ? Comment poursuivre ce travail que j'avais initié lors du festival « Faits d'Hiver » en 2007 à Paris ?

Trois projets sont en préparation pour cette rentrée. Un avec la Ville d'Aubenas et Isabelle Flumian où en tant que formateur, je vais accompagner un groupe de professionnels du lien social (travailleurs sociaux, animateur de l'éducation, de la petite enfance, de la culture ?)  vers la culture afin de créer avec eux les conditions du décloisonnement pour inclure l’art dans leurs pratiques professionnelles.

Dès septembre, j'intègre l'équipe de consultants de l'entreprise Entrepart  animée par Christian et Sylvie Mayeur dont la finalité est de “mêler étroitement l’art dans ses processus de création, l’entrepreneuriat et l’attention aux territoires“. Basée à l'Isle sur Tarn, elle y installe un espace artistique, « La Coursive » (« lieu plastique d'invention à chaleur ajoutée », photo), où j'écrirais régulièrement une chronique.

Le troisième projet est avec Annette Breuil, directrice du Théâtre des Salins de Martigues où j'inaugure  fin septembre un cycle de débats avec les spectateurs.

Dans ces trois situations, mon positionnement, telle une métaphore, sera questionné: spectateur et professionnel, spectateur et critique, dedans et dehors. C'est dans ce « et » que se nicheront tous nos possibles.

Pascal Bély – www.festivalier.net

Un merci amical à Bernard qui m’a accompagné tout au long du Festival d’Avignon  pour me soutenir dans ma créativté, dans mes questionnements et ma fatigue!

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LES EXPOSITIONS

Sombre bilan des 40ème Rencontres Photographiques d’Arles.

Comment une idée folle, celle de créer un festival de la photographie,  naît -elle dans une petite ville comme Arles, que rien ne prédestinait à l'image? On suppose bien des hypothèses : le délire d'un pari, l'amitié, l'histoire, la politique, mais au final, c'est une forte volonté de fous bien pensants et pas des moins connus, de vivre la photo intensément. Cependant, à l'époque, la jeunesse n'ambitionnait pas la force de l'âge. On parlait du moment présent, de rencontre parce que l'on était d'abord entre amis. On évoque Lucien Clergue (photo), Michel Tournier? D'ailleurs au début, et Christian Caujolle (fondateur de l'Agence Vu) l'avoue bien sincèrement, il y avait peu de spectateurs, mais une envie de vivre la passion fougueusement. Et l'aventure a confirmé l'histoire de ces passionnés de l'argentique, puis du numérique, voire de l'informatique et de la vidéo. Aujourd'hui, ceux- là sont nombreux dans les rues d'Arles avec toujours le même désir qu'avant, découvrir et faire découvrir, autrement dit partager, rêver, car c'est bien la fonction première de la photographie. Aux prémices de ces retrouvailles, on dénombrait plus de clichés souvenirs que sur les années les plus récentes. Mais l'âme du départ se veut conserver.  On compte 40 ans d'images d'archives, d'ambiance et de contexte de travail, de visages connus, de renommées et d'un temps peu éloigné, mais déjà échappé.

Cependant, cette année, les Rencontres Internationales de la Photographie m'ont frappé par leur vide, malgré le nombre important de photographes exposés. Un vide comme un grand sentiment d'absence où l'on cherche encore ce que l'on pourrait retenir de toutes ces expositions. Ce sentiment m'a d'abord irritée : je me sentais leurrée. La colère n'étant pas bonne conseillère, j'ai laissé aller. Ma quête a engendré une vague amère, me poussant à prolonger le propos : pourquoi ?

Il me fallait trouver la raison de cet état. J'ai donc regardé. Beaucoup. J'ai écouté de façon indiscrète les échanges entre spectateurs. Le silence était souvent de mise devant les ?uvres, les propos échangés rapides et insignifiants, les expressions des visages impassibles, le pas fréquemment accéléré. Même les chaises prévues pour se poser et s'évader étaient immanquablement vide comme si l'on ne souhaitait pas s'imprégner des lieux ou rester sur une impression. Était-ce le signe du vide ? Et si les spectateurs triaient de façon ordonnée pour réagir plus vite et aller à l'essentiel estimable ? Serions-nous devenus des consommateurs d'art ? « On prend, on jette ». Entourés et bercés par un nombre de plus en plus écrasant d'images (pub, vidéo, télévision, cinéma, BD, photo d'amateurs, de professionnels, d'artistes?), serions-nous blasés à leur simple évocation ? Sommes-nous tombés, sans nous en rendre compte, dans l'industrie de l'image ? Ce processus ne serait-il pas au c?ur de la commande photographique exhibée à Arles en 2009 appauvrissant le contenu et le contenant? Le spectateur n'exprimait-il pas par ses attitudes si peu spontanées , la perte de la beauté au profit d'une  esthétique empêchant de dessiner le chemin qui nous conduit à rêver, à construire ?

Quelque chose n'a pas fonctionné à Arles comme si l'étonnement n'avait pas jailli avec son lot d'émerveillements, d'interpellations et de sublime.

La beauté permet à l'?uvre de continuer à exister hors contexte, dans nos souvenirs, jusqu'à la prochaine rencontre où l'on se souviendra de cette première sensation, comme le plaisir de la madeleine de Proust. Qu'est devenue la beauté à Arles? La « réalité » photographique m'est apparue prisonnière de sa forme jusqu'à modifier ses contours, rendre flou le c?ur pour  l'abstraire et la contraindre à exprimer un concept, parfois fort synthétique. On la modèle donc, la structure, la tend et l'étend afin d'en extraire toutes les possibilités. De là, on suppute  une explication  désignant ainsi l'orientation du cliché. Et c'est alors, que je bute. Ne va-t-on pas trop loin dans la déformation de la nature même de la photographie ? À force d'y voir un discours à rallonge, ne tend-on pas à mentir le propos, par vanité d'obtenir le meilleur artifice ? On finit par s'éloigner de la nature de l'objet du signifiant et du signifié. Et si tel en est le souhait, quelle en est la vraie portée ? Concept d'une non photo ? Celle qui aurait tout perdu jusqu'à son identité ?  

À Arles, la réalité devient alors errante, prisonnière de représentations de plus en plus torturées puisées dans les profondeurs de nos âmes si noires. Les Rencontres Photographiques se sont appuyées sur toutes les pièces de l'escalier que nous avons collectivement construit pour descendre dans nos enfers de société malade. Maintenant que les repères s'effacent au  profit de l'angoisse collective du lendemain, que nous détruisons quotidiennement nos parts de rêve, que nous propose la photographie ? Quel horizon dessine-t-elle ? Arles est resté scotché à célébrer ses 40 ans et nos malheurs avec !

Pourtant, il y a quelques mois, j'avais constaté à Londres un phénomène de quête de refuge dans les arts, un comportement social qui m'avait alors marqué. Ces hommes, femmes et enfants qui entraient au Musée, paraissaient chercher la valeur guide et  identitaire qui serait le salut par sa réponse.

Un appel à la création du XXIème siècle ?

Diane Fonsegrive – www.festivalier.net

 

Les RIP sur le Tadorne:

Des Rencontres Photographiques d’Arles contrastées. 

Aux Rencontres Photographiques d’Arles, la ballade de la rupture. 

Aux Rencontres Photographiques d'Arles, Naoya Hatakeyama: pas vu, pas pris. 

Aux Rencontres Internationales de la Photographie d’Arles, on se bouscule pour Duane Michals. 

 

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Des Rencontres Photographiques d’Arles contrastées.

Sur la route des vacances, une halte aux RIP, comme on dit en Arles?

 

 

 

Paolo Nozolino

L'?il d'un certain Henri Cartier Bresson ? L'environnement y est beaucoup plus rude, plus métallique et ferré par sa contrainte sociale. L'espace d'une seconde, je retrouve la puissance du cliché Santa Clara pris en 1936 (photo de droite), où la force de l'image devient pieuse et biblique. C'est tout cela que l'on retrouve dans le travail de Paolo Nozolino. Et j'y ai cru à ce noir si noir, tellement sombre par le travail des nuances. A ces lignes acerbes et torturées, on se sent coupable de l'impuissance d'être sans pouvoir de changement. On croise alors l'enfer de la désolation si contemporaine de l'existence humaine. On tente modestement de s'inventer des couleurs pour lâcher les mots, ceux qui plaideront “non coupable” au verdict de Nozolino. Mais malgré la palette imaginée, on sort de l'exposition juste et vaincu par le cliché.

 

Martin Parr.                                                               

A chaque fois que l'on croise l'?il avisé de Martin Parr, revient éternellement la question : est-ce un montage ? Et force de constater qu'il a l'art de photographier, mais aussi d'être au bon moment, au bon endroit.

Du cliché absurde au fin, il présente ici la charge de la luxure, phénomène plus communément qualifié de « Bling bling »: de l'or en strass, pulsé de bulles de champagne. On idolâtre l'argent en l'étalant pour le faire exister. Le grotesque est la première mise. On adore renchérir. Plus on est riche, plus le burlesque nourrit. Plus on gagne, plus on joue. La réalité s'éloigne donc même pour celui qui regarde !

Au fur et à mesure que le photorama avance, on se sent comme adopté dans ce monde surfait de gens qui se veulent beaux, riches et passablement vivants. On ne rit pas, bien qu'au début l'envie d'exploser est là. À mesure que la photo défile, on réalise doucement la dérive du rien. Du clinquant, on glisse lentement dans l'horreur de n'être plus, malgré une apparence physique brillante. Il n'y a plus de pouvoir, car plus d'existence. Et la trace du vrai s'efface au profit de ce qui n'a jamais existé et ne le sera jamais, celui d'être simplement l'ombre de soi même.

Diane Fonsegrive – www.festivalier.net

 

Martin Parr et Paolo Nozolino sont exposés au Hall 15 ? ancien entrepôt sncf – ateliers des forges jusqu’au 13 septembre 2009.

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Aux Rencontres Photographiques d’Arles, la ballade de la rupture.

Cette année, on n'habille pas les vieux murs des entrepôts désaffectés de la Sncf du chic de l'an passé. Lorsqu'on descend les escaliers vers ces lieux, un vent chaud souffle sur le désert de l'endroit. Les pans de ruines, d'ordinaire habillés, baillaient du néant de traces graphiques ou spatiales invitant à entrer. Cette année, pas de tenture, pas de photos d'accueil, juste le portrait géant d'une grand-mère édentée, tentant de nous souhaiter la bienvenue. On épure. A moins que l'ironie ne soit de mise.
Marchez tout droit. Prenez un ticket. Faites-le valider et descendez à gauche en enfer.
Et très vite, on s'immerge. Hall 13. On visite ou revisite pour ceux qui l'auraient déjà fait, la non moins célèbre Ballad of sexual dependancy“, ramenée à 45 minutes sur sa durée initiale de plus de deux heures trente en version initiale. Plus qu'un comportement physique, cette ballade se détermine en fresque sociologique d'une époque perdue et troublée par des questions d'existence et de mort. On se rêve un éden qui garantirait un amour sans romantisme et pur, hors contexte de sida, sans angoisse et naturel. En quatre photos, Nan Goldin fabrique un cercueil dans lequel elle jette l'obscur pour mieux voir et s'espérer sincèrement autrement. Une ode à l'Idéal parfait.
L'introduction à la ballade faite, on se jette (et c'est bien là le terme) aux ateliers mécaniques ? hall 16- où nous attendent les invités de Nan Goldin. Treize comme une scéne. Un jugement prochain ? On avance inquiet et dubitatif. Et c'est le clash sur l'intime poussé au plus cru de son expression où l'inceste, la naissance, l'errance et la mort se voit exposées. Jean-Christain Bourcart nous le prouve bien en nous attirant malgré nous dans le pays où l'on ne va jamais, sorte de cour des miracles américaine, au c?ur du New Jersey à deux heures de New-York. Et ses photos semblent nous dire : ici mais pas plus loin. On veut se retourner et repartir. Pour où ? Pour là, ce là, si confortable d'où l'on vient. La chaleur de la saison accentue le malaise de la visite. Et pourtant on continue. On erre dans un univers qui ne s'apparente en rien à celui de nos quotidiens rangés et sages. J'étouffe et m'insurge. Cependant, je sais qu'en cela le pari de Nan Goldin est gagné.
A retenir toutefois, le travail de David Armstrong, faisant parti au même titre que Nan Goldin du groupe des cinq de Boston, même si ce dernier ose avouer ne savoir si son travail valait piécette. On retient l'étrange du dandysme dans une sorte de « no man's land » de par son installation où le désordre organisé, ordonne l'atmosphère pour inviter le curieux dans son atelier ainsi transféré. Et le bel acte de la photo romanesque du « beaux gosses » s'étale façon Boston group. On lit l'image dans l'importance de la relation avec le sujet photographié qui ira jusqu'au petit panneau originel de l'entrepôt, en haut de la porte de l'espace d'exposition : Local Banc d'essai.
Je souris. L'illusion est parfaite.
Diane Fonsegrive – www.festivalier.net

 Photo : Nan Goldin

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EN COURS DE REFORMATAGE

Bilan du Festival « Mens Alors ! »: mince alors.

Le Festival de Mens dans l'Isère a donc invité « Le Tadorne » pendant une semaine à jouer le rôle du spectateur-critique. Inscrit dans un programme composé de concerts, de bals, d'ateliers, de ballades et de déambulations, j'avais rendez-vous quotidiennement avec les festivaliers pour écouter leurs ressentis sur les différents spectacles proposés. Posté dans différents cafés à des heures improbables, je n'ai vu  personne. Il a donc fallu déambuler.

Pierre Quenehen, le directeur du festival, promeut « l'échange et la création », « la culture et le lien social », « la place à l'imprévu pour surprendre le spectateur », « la faille pour que l'artiste interroge son art ». Il ne cesse de répéter qu'artistes et intervenants doivent « porter leur projet de façon autonome pour que les lignes bougent et que l'acte de création prenne tout son sens ». Sur le site internet, il préconise  «…le choc des confrontations esthétiques, entre « art étrange », « art de l'ellipse » et « art festif »? et l'entêtement à ne jamais renoncer à ce que l'équipe, les partenaires et la population trouvent leur place dans ce projet ».

« Mens Alors ! » est l'un des rares festivals à mettre en avant le processus plutôt que de promouvoir ses têtes d'affiche. Ainsi, « quelques bulles de sens » (pour reprendre l'expression d'un spectateur) ont put émerger ici ou là.

Les ateliers slam animés par Frédéric Nevchehirlian au Centre de Vacances « L'Ermitage Jean Reboul » avec des adultes handicapés ont tenu leurs promesses : la qualité des écrits en disait long sur le processus créatif et de confiance facilité par le chanteur. On a cependant vivement regretté que ces productions ne soient seulement proposées au public lors de premières parties ou d'impromptus sans qu'il puisse irriguer le reste de la programmation. Toutefois, le concert de Frédéric Nevchehirlian avec la batteuse Tatiana Mladenovitch fut émouvant comme en résonance avec le travail des ateliers.

Autre bulle avec la pianiste Sophie Agnel qui nous a offert un concert éloigné des schémas linéaires d'écoute. Deux rencontres « improvisées » avec Frédéric Nevchehirlian et la comédienne Clara le Picard ont agréablement étonné : il y a eu chocs, confrontations et une profonde écoute entre artistes qui ne se connaissaient pas. Le piano et les poètes vont décidément si bien ensemble? Mais on aurait aimé une rencontre avec les vacanciers de l'Ermitage pour que leurs créations poétiques trouvent un prolongement.

Autre bulle, avec le couple Deborah Walker et Greg Gilg. Réunis pour la circonstance, ces deux violoncellistes nous ont littéralement charmés avec leur répertoire de chansons d'amour. A la frontière de la « comédie » musicale, nous les encourageons à poursuivre le travail initié à Mens. Ces deux-là pourraient nous surprendre?

La bulle du film « Six » projetée le premier jour sous la Halle de Mens a enchanté, mais elle a fini par éclater! À partir de six personnages clefs, Victor de Las Heras a filmé la vie du festival en 2008. Mais déjà, le malaise était perceptible. Le public, absent du film, laissait place à une mise en scène où le festival était à lui seul un objet artistique. Ce processus autocentré fut alimenté en 2009 par le cloisonnement des publics: au « Café des sports » se réunissaient les musiciens et la jeunesse du festival; au Point Info, les bénévoles (accueillants) de Mens guidaient les festivaliers ; à l'Ermitage (à 20 km), l'artiste associé, Fréderic Nevchehirlian, animait les ateliers.  « Mens Alors ! » accueille aussi une communauté normande en plein Trièves : artistes, famille du directeur et la majorité des bénévoles sont originaires de Rouen! Les connexions entre les Mensois, les touristes et la communauté me sont apparues éphémères si bien que le festival semblait être une somme de collectifs en difficulté pour créer du « lien social » (encore faudrait-il définir cette notion !)

D'autant plus qu'une confusion s'est installée tout au long de la semaine : les bénévoles étaient parfois « acteurs » au cours de parcours « artistiques ». L'impréparation dominait comme si l'on confondait improvisation et immédiateté. Or, l'improvisation est un processus qui s'inscrit généralement dans une pratique artistique affirmée. Elle le fruit d'un long travail de recherche : or, à Mens, elle se réduisait à une démonstration, à des objets, où la forme prenait le pas sur le fond (ici des lectures dans des églises et des caves, là des mouvements dansés dans la terre avec des combinaisons blanches, ailleurs un clarinettiste qui soufflait dans le vide accompagné d'une danseuse un peu perdue, là-bas des activités de relaxation). À défaut d'être acteur, on était  « récitant », tout en empruntant les codes du théâtre. Comme le faisait remarquer une spectatrice, « ce n'est pas ce que l'on voit qui importe, mais qui on voit ». Est-ce pour ces raisons que l'événementiel semble avoir pris le pas sur la dimension sociale du festival ?

À voir certaines affluences lors des soirées de concert, on ressent que « Mens Alors ! » gagne en notoriété et qu'il est peut-être à un tournant de sa jeune histoire. Il va devoir s'ouvrir à d'autres artistes, créer des partenariats avec la MC2 de Grenoble ou “La Passerelle” de Gap, s'implanter durablement sur le territoire, impliquer encore un peu plus la jeunesse locale dans le bénévolat,  inviter le théâtre (quitte à réduire la programmation), oser les arts performatifs créateurs de liens, initier des stages pour le public avec des artistes professionnels, articuler un peu mieux professionnels et amateurs à partir de « work in progress » qui stimulerait l'imaginaire du spectateur,  et s'inscrire dans les réseaux médico-sociaux du territoire.

Programme ambitieux et alors ?

Pascal Bély ? www.festivalier.net

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Festival de « Mens Alors ! ». Episode 4: peut-on héberger Google?

Au festival « Mens Alors ! », un mot ne cesse de revenir dans les conversations entre bénévoles : « hébergeur » ou « hébergé ». En effet, il n'y a qu'un seul hôtel, un camping et quelques chambres d'hôtes. Pour loger l'afflux de festivaliers, les habitants proposent de les héberger. Sur Google, ce mot a perdu toute son humanité. On « héberge » des images, un blog, on « stocke des documents ». Plus loin, on peut même « héberger son fournisseur d'identité », voire préférer un « hébergement mutualisé pour des applications métiers ».

Appliquées à mes hébergeurs (Mr et Mme Michel), ces définitions sont tout à fait pertinentes. En effet, chez eux, « mutualiser » semble faire partie de leur éthique de vie. Tout au long de mon séjour, j'ai pu constater à quel point ils stockaient  la mémoire du festival. Le slogan de « Mens Alors ! » (« Échange et création ») est le projet de toute leur vie jusqu'à l'inclure dans leurs pratiques d'enseignants.

 

 

Photos de Francis Helgorsky – Festival Mens 2008.

Denis Michel, professeur de biologie, aime les sons et la photographie. Son association « écoute voir » mène des actions pédagogiques pour offrir aux élèves l'opportunité de déployer leur créativité. Avec le photographe Francis Helgorsky, ils réalisent des reportages photographiques dans les villages de montagne (Tréminis, Miribel-Lanchâtre, Saint Martin de la Cluze) à partir de clichés pris par les habitants. Le résultat est époustouflant de sincérité et d'humanité. À force d'échanger sur leurs travaux, j'ai l'impression d'être dans le off du festival !

Mais, une question vous taraude cher lecteur : mes hébergeurs sont-ils des fournisseurs d'identité ? Oui ! Je me ressens bien plus blogueur chez eux qu'au sein du festival. Ils hébergent mon blog alors qu'il n'y a pas internet dans la maison, mais je sais qu'ils en ont une représentation, car leur écoute sur ma passion est profonde et sans limites.

Je ne me suis jamais senti aussi bien hébergé. Mr et Mme Michel et leur famille donne à ce mot leur part d'humanité que Google semble ne plus référencer, à l'image de notre pays qui en fait presque un délit concernant les sans-papiers.

Au festival « Mens alors ! », il y a de l'hébergement un peu partout. Quand la pianiste Sophie Agnel, elle-même hébergée à l'Atelier, accueille la comédienne Clara Le Picard pour un conte musical improvisé devant une vingtaine d'enfants, l'hébergement est alors un mot d'avenir tant il autorise la rencontre, les croisements, l'acte artistique.

Mais c'est un mot circulaire. Alors que la jeunesse Rouennaise est fortement implantée à Mens le temps d'un festival (Pierre Quenehen, le directeur, est originaire de Rouen), on se prend à rêver que les Mensois débarquent en Normandie pour y être hébergé. « Mens alors ! » serait le festival permanent de l'hospitalité réciproque. Qu'en dit Google ?

Pascal Bély – www.festivalier.net

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Festival de « Mens Alors ! ». Episode 3 : Oh, mon château !

Le festival « Mens Alors ! » est une grande famille. Depuis sept ans, les liens ont eu le temps de se créer. Aujourd'hui, elle nous montre son plus beau bijou : le château de Montmeilleur,  à trois kilomètres de Mens, généreusement mis à la disposition du festival par ses propriétaires. De 15h à 1h du matin, concerts, lectures, petites formes musicales se succèdent. On prend le temps de flâner et de contempler le magnifique paysage de montagnes qui entourent le site. Mais un château ne rassemble pas, il émiette les visiteurs. Tout en étant un temple de la séduction, il symbolise la relation hiérarchique (eux en haut, nous en bas). Autant dire que l'on n'erre pas, on s'y promène. Les bacs servent de piscine où les enfants font pipi dedans, les musiciens se planquent pour que l'on s'amuse à les débusquer.

Dans un château, il faut déambuler, car on ne se sent chez soi nulle part ; c'est toute la différence avec les espaces publics, telle la halle de Mens ouverte aux quatre vents. La Walt Disney Company l'a bien compris avec ses parcs où les châteaux rivalisent entre eux pour mieux enfermer tout regard critique et citoyen et séduire le consommateur.

 

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Le spectateur-critique n'aime pas les châteaux comme lieu du spectacle vivant, car on n'y croise aucun « fou ». Sauf aujourd'hui. Bernard Combi avec sa voix d'ours mal léché, nous chante un poème en occitan dédié à son père. Il faut le voir pour le croire avec son accordéon si petit et lui si imposant. Combien de temps avons-nous laissé ce bel artiste au cachot ? Merci à « Mens Alors ! » de l'avoir libéré !

Mais après cette performance détonante, il faut errer à nouveau au son de la guitare électrique de Jean-François Pauvros. Planté au milieu du parc face à l'Obiou (2790 mètres), sa guitare part en live et sa musique se fond dans les montagnes abruptes environnantes.

 


À 19h30, la foule se presse pour « Histoire du soldat » d'Igor Stravinsky joué par Pierre Quenehen (directeur du festival), Juha Marsalo et Sara Orselli comme « danseurs récitants ». À l'articulation d'un défi entre amis et d'un travail artistique, l'?uvre nous éloigne par sa trop grande fragilité d'interprétation. La mise en scène hésite entre  « son et lumière » et spectacle pour enfants. À ratisser trop large, on ne bouscule personne, tout juste séduit-on ses amis, sa famille et écarte-t-on le nouveau public venu ce soir. D'autant plus que la présence du manager du festival sur scène brouille les pistes et renforce le clan familial!

En début de soirée, « Les Alcolytes » proposent un bal tzigane. Mais le blogueur critique a ses limites ! On s'amuse sur leur musique, mais nous continuons à persécuter les Roms à l'entrée de nos villes. Plus envie de danser…

Il est 22h30. Je quitte le château et je pense à ce modeste blog : il me protège de la séduction, m'aide à créer des ponts au coeur de mes archipels. C’est déjà pas si mal.

Pascal Bély ? www.festivalier.net

 

Photo: kibitzone.