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EN COURS DE REFORMATAGE

Le souffle de la danse turque.

Que de propositions à « Question de Danse », festival marseillais animé par Michel Kelemenis ! La diversité du programme est prometteuse pour Marseille, si l’on accepte l'idée qu'elle puisse devenir un jour une ville où l'on y danse.

Au cours de la deuxième semaine du festival, Erika Zueneli avec deux duos autour du conflit et d'une table « carrée », nous a laissés perplexes. « Tournois » étant une étape (c'est aussi le principe de « Question de danse »), on évitera tout jugement définitif. Le travail est sérieux, recherché (trop ?). Il lui manque un supplément d'âme, un souffle, pour que l'on soit complètement touché.

 

 

A côté, le collectif franco-turc (incluant la compagnie  C dans C et  Ciplak Ayaklar Kumpanyasi) nous a offert un moment dansé réjouissant. À la table carrée, ils préfèrent le canapé Ikea, symbole d'une génération de la télévision et de l'internet, que l'on aurait tendance à vite classifiée comme désenchantée. Dans « Engin-Ar », elle a besoin d'amour, de collectif, de tolérance. Qu'un plus un, ne font plus deux, mais une infinité de combinaisons suivant l'humeur et le contexte. C'est une génération profondément européenne, dont l'énergie à vouloir inclure la Turquie dans notre projet est vivifiante. Les danseurs portent le collectif avec fougue parce qu'il est incarné dans des valeurs. On reconnait Orin Camus, qui nous avait ébloui dans “Indigo” de Paco Décina.

On en ressort stimulé, car leur danse sculpte nos envies de sortir de la spirale infernale de l'agressivité et du conflit dans laquelle notre pays est plongé. Ce canapé, métaphore de l'objet du désir, qu'ils manipulent dans tous les sens, pousse toutes nos tables contre les murs et dessine un pont bascule entre la France et la Turquie. Époustouflant !

On aurait aimé la même fougue de la part du collectif marseillais « Skalen ». « If I » est une ?uvre au départ incarnée  qui se désincarne peu à peu en l'absence d'un propos chorégraphique assumé collectivement. Ici, « tout le monde est chorégraphe » précisera plus tard l'une des danseuses Michèle Riccozzi. Cela se ressent tant la danse se dilue dans la vidéo et le son de la guitare de Jean-Marc Montera. Cette pièce symbolise ce dont souffrent certains collectifs français : une somme de belles disciplines (le danseur Fabien Almakiewicz est impressionnant) mais une difficulté à passer de la pluridisciplinarité à la transdisciplinarité. Il est peut-être là le rôle du chorégraphe : donner le souffle vital pour opérer le passage.

Mais il y a surtout eu Ayse Orhon avec « Hava'nin a'si/ [a] of air ». Le titre en dit long sur ce voyage unique. Le spectacle qu'il ne fallait pas manquer. Un espace poétique si rare que le corps du spectateur ne peut résister. En nous offrant des voies de passages entre la voix (vibrant chant traditionnel turc), le mouvement dansé, la musique avec le fil tendu par le musicien Ahmet Altinel et l'air, Ayse Orhon bouscule bien des codes de la danse. Elle danse à partir de l'air qu'elle emmagasine pour le restituer. L'effet produit est quasiment indescriptible, car nous n'avons aucune référence sur laquelle nous appuyer, à part faire confiance à notre imaginaire. Le corps métamorphosé par cet « alliage » déplace le spectateur dans un ailleurs suspendu, totalement flottant. L'air, le corps, le son ne font qu'un et forme la matière d'un art incarné dans un fluide du vivant. Tout d'un coup, la danse est une artère sonore, un n?ud musical où se jouent tant d'articulations, que l'espace du corps envahit toute la scène et vous englobe. Ces deux artistes n'imposent rien tant leur fragilité est la force de leur transmission d'eux vers nous. C'est beau parce qu'indéfinissable.

Avec eux, la danse est le vecteur du sens qui autorise toutes les transdisciplinarités. Souffle coupé.

Pascal Bély ? www.festivalier.net

L’ensemble de ces propositions a été présenté dans le cadre du festival “Question de Danse” du 3 au 7 novembre 2009, en préambule au festival DANSEM.

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EN COURS DE REFORMATAGE

Steven Cohen, pédé papillon.

Nous sommes en lien depuis quelques années. Il travaille au Festival d'Automne. On ne s'est jamais rencontré, mais dernièrement, via Facebook, il m'a invité à aller voir Steven Cohen au Centre Pompidou pour sa dernière création, « Golgotha ». Son invitation sincère est accompagnée d'une vidéo d'Arte, filmée lors de l'émission « Tracks » en 2006.

  Lui : « la danse doit quitter les planches pour s'attaquer à la rue ». Pour justifier son corps nu : « l'important n'est pas ce que tu portes, mais ce que tu enlèves ». Il s'autoproclame « monstre juif homosexuel », « pédé, monstrueux, ordinaire ». 

Touché. J'irais. 
Je suis à l'entrée de la salle, assis sur les petits monticules de bois qui accueillent le festival « VidéoDanse 2009». «Inferno» de Roméo Castellucci joué dans la Cour d'honneur du Palais des Papes d’Avignon est projeté en arrière-fond. J'y étais. Pas de son comme si l'image se suffisait à elle-même. On y est. Victoire. La mort sublimée par la société du spectacle. Plus jamais. 
Une heure plus tard. C'est fini. Steven Cohen nous salue de loin puis disparaît à jamais tel un papillon illuminé. Alors que le public quitte « mécaniquement » la salle, je descends les gradins pour me rapprocher de la scène. Comme toute expo du Centre Pompidou, elle a ses secrets pour le spectateur – visiteur. L'homme a tout laissé et nous offre ses « peaux » à notre regard, pour prolonger sa performance. En m'approchant, je prends toute la mesure de l'engagement de cet artiste chorégraphe plasticien sud-africain : objets brisés, chaussures à talons monumentaux, vêtements lourds comme du matériel de guerre, espace de torture. Ici, l'art, est une arme de reconstruction massive. Je fixe la scène comme une pierre tombale. 
Touché. Je reviendrais.
Retour.
La lumière s'éteint. Il apparaît derrière une toile blanche. On ne voit que ses chaussures noires. Peinture vivante pour évoquer la mort. C'est fascinant et inquiétant. Je ressens la perte du proche devenu subitement lointain. Mystère. Le suicide de son frère est à l'origine de « Golgotha », mot issu de l'hébreu, « lieu du crâne, du jugement et de la souffrance où nous faisons l'expérience de l'agonie du sacrifice. C'est notre « ground zéro privé » précise Steven Cohen. À ce moment, je suis au trente-sixième dessous.
Il va ainsi arpenter la scène tout à la fois pieds nus, en tutu, en équilibre précaire sur des chaussures dont un crâne humain sert de semelle. Elles sont l'héroïne d'un film projeté où l'on voit Steven Cohen à New York, près de Wall Street, en costume de trader. Alors que tout se marchande, même la mort, sa marche sur ces crânes est une procession pour commémorer ce que notre civilisation a perdu : une certaine idée du sacré que nous avons sacrifiée sur l'autel de la marchandisation. Ici, la vidéo n'est pas un artifice : elle  documente sur l'époque.
Il revient sur scène, tel un ange de la mort, un revenant, pour réveiller nos consciences, avec fracas, provocations et poésie. Avec son costume de scaphandrier, ses mouvements « queer », ses talons aiguilles pour dessous chics qui transpercent le c?ur des filles, son corps n'est que prolongements pour aller au-delà du biologique. Tout n'est qu'objet de théâtre à l'image de ses chaussures qui, figurines dans un dispositif scénique d'ombres et de lumières, investissent nos imaginaires. La mort, cette héroïne. Après Wall Street, la scène. Magnifique.

Parce que la mort n'est plus ce qu'elle était, écrasée sous le joug de l'économie de marché.
Parce ce qu'il est pédé,  son corps est politique.
Parce ce qu'être pédé, c'est savoir qu'avec le sida,  la mort est politique.
Parce qu'il est pédé, il ose, jusqu'à nous montrer l'agonie d'un prisonnier sur une chaise électrique. Parce qu'il est pédé, il se sait responsable de toutes les morts politiques.
Parce que seule la conscience du  « corps politique »  nous extirpera d'une mort marchandisée, d'une vie où le corps n'est qu'un consommable.
Parce qu'après le fou de Pippo Delbono, c'est le « pédé papillon » qui nous sauvera.
Pascal Bély ? www.festivalier.net
Steven Cohen sera à Montpellier les 7 et 8 avril 2010 dans le cadre de la saison Montpellier Danse.

 

 

 

 

 

 

 

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EN COURS DE REFORMATAGE

De l’identité nationale par la compagnie 2 temps 3 mouvements.

Tout commence avec trois figures fantomatiques. Elles sont nous, elles sont eux. Eux, ce sont Nabil Hemaiza et Mathieu Desseigne. Ils sont la rencontre du hip-hop et du cirque. Avec « La stratégie de l'échec », ils dansent le résultat de l'urbanisation massive des années soixante avec la construction des barres HLM et la difficulté d'insertion des jeunes.

Avec une incroyable énergie, ces artistes nous délivrent avec sincérité, un message d'une vérité crue.

Les cités que l'on a vu fleurir ont toutes mené à la ghettoïsation et au mal-être de ses habitants. Considérés comme des parias, « la » et « le » politique ont déserté ces quartiers et laissé les problèmes liés à la socialisation des personnes s'amplifier. Comment grandir, se construire au sein même de ce désenchantement collectif ?


Avec l'acharnement et toute la conviction nécessaire pour s'en sortir ; comme un défi à la débâcle politicienne, les corps symbolisent ce combat de tous les jours où le mélange des deux disciplines illustre l'entraide. A bout de souffle, les mouvements sont répétés, inlassablement, jusqu'à l'épuisement. Nos corps, tous faits de chair et de sang, appellent le questionnement sur notre appartenance culturelle. Qui sommes-nous et que deviendrions-nous sans l'autre ?  La démonstration sur nos supposés clivages, mise au grand jour avec la question récurrente de l'identité nationale, trouve ici une réponse simple et juste : nous sommes tous semblables, nos différences font notre force commune.

C'est ainsi que l'on se ressent à la sortie de ce spectacle, un peu plus métissé, un peu plus français qu'en entrant. À l'heure où est relancé le faux débat sur l'identité nationale, il est urgent de faire résonner le métissage de notre culture et de notre identité afin de construire l'espace d'un futur viable pour tous et non plus pour quelques-uns. Ce jeune collectif en fait une démonstration percutante, loin, très loin des sirènes politiciennes. Il nous invite à fabriquer notre France de demain, loin  des consultations qui ont lieu aujourd'hui dans les préfectures ( !) et qui éloignent un peu plus la jeunesse métissée de notre pays.

Laurent Bourbousson – www.festivalier.net

 

« La stratégie de l'échec » du Collectif 2 temps 3 mouvements a été présenté au CDC Les Hivernales, pour le festival Drôles d'Hip Hop, les 23 et 24 octobre 2009.

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OEUVRES MAJEURES THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN THEATRE MODERNE

Claire Delaporte, notre petite soeur de Tchétchénie.

«J’irais les chercher jusque dans les chiottes». C’est ainsi que parlait l’ami de notre Président, au sujet des Tchétchènes. Cette phrase « poutiniare », la comédienne Claire Delaporte l’extirpe de ses tripes, face à nous, dans ce décor blanc tapissé de matelas au sol. Elle joue dans « CHTO interdit aux moins de 15 ans » d’après Sonia Chiambretto, mise en scène par Hubert Colas. Elle incarne ces filles de 18 ans rencontrées par l’auteur dans un centre d’apprentissage de la langue française. Elles ont fui la guerre. En réponse à la noirceur des « chiottes », Hubert Colas répond par la douceur d’un décor, qui s’élargit par la magie de l’outil vidéo, arme secrète de l’art pour pousser les frontières poreuses entre la tragédie du réel et la beauté d’une utopie, symbolisée par Marseille, où l’on va « dans la rue des convalescents apprendre la langue ». Le texte claque avec des « comme ça », ponctué de « RAH » et nous guide sur la route qui mène de « SAINT PETERSBOURG » au métro Noailles. Claire Delaporte incarne la brutalité du propos par son corps statique presque blessé qu’elle déshabille pour le couvrir à nouveau, à l’image des mots qu’elle épelle, en évitant soigneusement les élisions comme des balles qui passeraient au dessus de sa tête.
Elle restitue avec force le chaos psychique vécu de l’intérieur ; mais rien n’est donné comme ça. La relation prend le temps de s’installer comme si nous devions avoir confiance l’un envers l’autre et dépasser nos peurs (oui, je le concède, cette comédienne exceptionnelle m’impressionne).
Arrive alors le moment imprévisible où Claire Delaporte incarne dans mon imaginaire ma « petite soeur » de Tchétchénie. Le théâtre d’Hubert Colas opère cette rencontre en jouant avec l’espace qu’il ouvre, puis réduit nous permettant dans ces va-et-vient d’accueillir les mots brisés de Sonia Chiambretto ( « ça ne me quitte pas ça tout en moi dans ma tête ça revient »). Cette mise en scène de la connexion sidère parce qu’elle épouse le texte, libère Claire et renforce notre écoute empathique. Alors qu’elle évoque sa « Tchétchène nostalgie », le fil d’Ariane entre elle et nous se tend pour suspendre les mots du poète. Sublime.
L’Europe politique de mes rêves pourrait remettre les apostrophes manquantes aux mots de Claire, cicatriser ses coups de glotte, pour que l’on n’oublie pas ce crime contre l’humanité.
Sonia Chiambretto et Hubert Colas signent là le plus beau manifeste pour Marseille, capitale européenne de la culture et de la soeurorité.Pascal Bély – Le Tadorne“CHTO interdit aux moins de 15 ans” de Sonia Chiambretto, mise en scène d’Hubert Colas a été joué le s 2,3 et 4 octobre 2008 dans le cadre du Festival ACTORAL de Marseille.

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PAS CONTENT

De l’identité nationale, par David Bobée, Frédéric Nevchehirlian et Eva Doumbia.

Trois artistes, trois visions, trois manières de traiter la question de l’identité nationale…

Le propos est d’abord posée par le metteur en scène David Bobée et  l’écrivain Ronan Chéneau en janvier dernier (voir la vidéo) à travers le prisme de la dénonciation de l’actuelle politique gouvernementale. Dans « Nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue », ils nous renvoient à notre perception, notre ressenti vis-à-vis des nouvelles réglementations. Comment réagir quand la règle exige de prouver et de démontrer son attachement à la République?  Pourquoi cette nécessité, désormais, de fournir des preuves d’amour ? Et surtout, quelle(s) répercussion(s) envisager en cas de désintérêt, de désamour ? Et si je n’aime plus cette France-là, vais-je perdre mon identité nationale ?

Quelques semaines plus tard,   le slameur Frédéric Nevechirlian nous ouvre les portes du studio du Théâtre du Merlan à Marseille pour nous offrir une autre vision, complexe et artistique, de l’identité nationale.

Accompagné de musiciens classiques dont la pianiste Nathalie Negro, Frédéric Nevechirlian nous donne à entendre quelques textes dont un écrit par Eric Vuillard, dans le cadre d’une répétition de « j’ai des milliers de gestes »,  spectacle présenté en juin lors du festival de Marseille.  C’est une musique contemporaine qui hache les notes comme Frédéric scande les mots.

À travers la voix fiévreuse de Frédéric Nevechirlian, Eric Vuillard constate que « Les ancêtres sont des forces défavorables ». « Les ancêtres sont des corps gigantesques, des présences dont les dimensions soustraites à notre vue étirent les signes de la providence qui sont les agents de décomposition des cadavres. ( …) Les pensées semblent venues de notre esprit, mais elles paraissent tenir par une espèce de filament secret aux règnes des esprits antérieurs. Il existe dans nos pensées une accumulation mystérieuse d’angoisse et de splendeur. » Cette angoisse et cette splendeur, c’est un peu l’ambivalence de l’héritage de la France.

 «Mais ils s’introduisent comme du poison dans mes veines, ils viennent se coller sur mes yeux ; et je passe beaucoup de temps à les détruire, je passe beaucoup de temps à les retirer de moi,… ». L’héritage colonial de France, sa difficulté à construire un projet global.

Ces musiciens issus de la musique classique et le slameur Frédéric ont décidé de se croiser. Mais le  croisement n’est pas sans riper. Doit-on respecter la partition ou s’en éloigner pour laisser encore plus de champ à l’improvisation ? Doit-on laisser place à la surprise, à l’émotion, mais à davantage de chaos ? Car que cherche-t-on ? Le vidéaste Patrick Laffont, comme un passeur, fait le lien. Ces artistes ont voulu se confronter à un univers différent du leur. C’est difficile, c’est parfois frustrant,  leurs altérités  comme autant d’aspérités s’entrechoquent. Comment va s’articuler leur projet : la partition ou le chaos ? Nous les quittons sur ces interrogations.

Comme un écho, le lendemain Eva Doumbia présente au 3bisF à Aix-en-Provence.  « Je t’écris… Le métissage ne s’arrête-t-il pas où commence l’oubli (du voyage) ? »,  première étape d’un travail de création.

Avec sa troupe, la Compagnie La part du pauvre, Eva Doumbia nous accueille. Elle se tient face à nous et s’adresse à la foule compacte et mélangée venue assister à la représentation.  Ce « mélange » du public est celui des âges et des origines en miroir à cette équipe d’artistes.

Avec un souci de clarté et une empathie certaine pour ceux qui se sont déplacés pour voir, Eva Doumbia explique sa démarche.  Car précisément, elle conçoit le processus créatif dans cet aller-retour avec la salle.

Le spectacle est composé d’une série de monologues. Ils sont ceux des personnes que France, l’héroïne venue du Brésil a rencontré dans le cadre de ses études. Elles ont partagé l’intimité de France et chacune à leur tour nous raconte leur identité et leur relation avec France.

Les personnages de la pièce d’Eva Doumbia entretiennent tous un rapport avec l’Afrique. Certains sont pieds-noirs, d’autres ont vu leurs parents fuirent l’Afrique pour cause de guerre civile, d’autres ont simplement quitté l’Afrique pour faire carrière en France.

Cette mosaïque de témoignages dessine le portrait de leur interlocutrice, de leur terre d’accueil communes : France.

Le travail inachevé d’Eva Doumbia mérite d’être retravaillé quant à son rythme, mais l’essentiel est réussi : il touche chacun de nous en ce qu’il interroge sans partis pris le rapport que nous entretenons avec notre propre identité nationale.

Le projet d’Eva Doumbia tisse des liens avec celui de David Bobée et avec les mots d’Eric Vuillard prononcés la veille par Frédéric Nevchehirlian. En nous permettant de mieux comprendre leur processus artistique, ces artistes nous guident vers une lecture complexe de notre identité.  Cette question si intime qui questionne notre capacité à construire un projet collectif.

Elsa Gomis

www.festivalier.net

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EN COURS DE REFORMATAGE

La danse, question capitale pour Marseille.

Que faire pour que la danse revienne à Marseille ? De saison en saison, elle disparaît des programmations alors que deux centres chorégraphiques (« Le Pavillon Noir » à Aix en Provence et le Ballet National de Marseille) sont censés les irriguer. Avec la disparition du Festival « Danse à Aix » en 2005, nous avions déjà pressenti l'isolement d'un art qui a besoin, plus que tout autre, d'ouvertures et de maillages pour se régénérer. En novembre 2009, un chorégraphe (Michel Kelemenis), un théâtre (Les Bernardines) et un festival de danse (DANSEM) s'associent pour mettre fin à ce processus que certains voudraient inéluctable. Pendant dix jours, « Question de danse », en préambule à Dansem, offre au public marseillais et aux programmateurs, huit propositions chorégraphiques parrainées par différentes institutions françaises (CCN de Grenoble, Centre National de la Danse, Uzès Danse) et européennes (Lausanne, Officina, Bruxelles, Istanbul). Toutes semblent se porter au chevet d'une ville bien isolée sur la scène chorégraphique en lui offrant  l'opportunité de s'inscrire dans un réseau. En incluant dans cette programmation des ?uvres encore en création, puis en proposant un débat à la fin de chaque représentation, il s'agit de créer une relation de confiance, égalitaire, entre la danse et le public. Ici, le spectateur n'est pas juge, mais garant d'un processus créatif qui évoluera. Nuance. Pour avoir assisté à deux soirées, force est de constater que le public est là, presque rassemblé, loin des querelles de chapelles qui émiettent tant le paysage culturel marseillais. Michel Kelemenis est un homme chaleureux, en sincère empathie avec les artistes tout en sachant nous parler de danse avec sensibilité, loin des concepts qui l'isolent.

Dans ce contexte, les propositions prennent un relief particulier. Deux ont retenu mon attention, tandis qu'une troisième a déjà été chroniquée sur le site (Hélène Iratchet)

La Compagnie Malka animée par le chorégraphe Bouba Landrille Tchouda a séduit. « Meia Lua » est une danse collective qui nous offre un hip-hop émancipé de certains codes scéniques qui l'ont longtemps enfermé. En osant une dramaturgie (un gardien, un musée, des statues, métaphores de nos enfermements) « Meia Lua » permet au hip-hop de s'affranchir d'une danse démonstrative pour (enfin) activer nos imaginaires. En s'appuyant sur un propos universel (préférer l'émancipation à la soumission), le groupe fait preuve d'une vitalité communicative qui fédère. Bien que le sens se perde vers la fin dans une forme groupale un peu trop naïve et déjà vue ailleurs, on s'étonne que ce collectif prometteur n'ait pas vu le jour à Marseille, mais à Grenoble chez Jean-Claude Gallotta ! Il nous faudra suivre de près cette compagnie qui pourrait bien, dans les années qui viennent, sortir le « hip-hop » du musée pour l'inclure dans un mouvement chorégraphique émancipatoire. Celui d'une danse du sensible pour nous libérer de nos communications enfermantes ?


Meryem Jazouli  nous arrive du Maroc avec ?Kelma?un cri à la mère?. Ce solo est au croisement d'un rituel funéraire et d'une transe pour célébrer « l'absente ». Dans un espace scénique réduit, elle réussit à s'émanciper d'un propos religieux (sans le disqualifier) pour faire entendre le chagrin tel un spasme qui aurait besoin de temps pour se tendre et devenir fil d'Ariane. Ici, le corps de la mère et de la fille semble ne faire qu'un, puis se sépare (beau moment où le corps de l'enfant se transforme) pour qu'enfin vie et mort se fondent dans un « ensemble » dansant. Ce solo, profondément intime, n'offre pas toutes les clefs et finit par nous mettre à distance. A ces mouvements saccadés, manquent un liant, un pont vers nous, un prolongement vers un sens global (politique ?) qui éviterait à ce solo de (con)fondre son propos (le deuil) dans une forme mortifère. La sincérité du geste artistique ne fait aucun doute et nous permet d'entrer dans une autre culture du deuil. On aimerait suivre Meryem Jazouli, tout comme “Montpellier Danse” accompagne depuis longtemps les chorégraphes marocains Bouchra Ouizgen et Radhouane El Meddeb, tous deux programmés par Dansem dans les jours prochains.

Question de danse: pour quand « Marseille Danse » ?

Pascal Bély – www.festivalier.net

 

A Marseille, “Question de Danse” jusqu’au 7 novembre 2009 inclus au Théâtre des Bernardines.

“DANSEM” jusqu’au 11 décembre: www.dansem.org

 

 

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En novembre, au Festival d’Automne à Paris, le Tadorne a vu…

 

C'était au KunstenFestivalDesArts à Bruxelles, au printemps dernier. Le metteur en scène américain d'origine coréenne, Young Jean Lee, présentait « The Shipment ». Au Festival d’Automne, vous goûterez l'humour “noir” de cette ?uvre qui déstabilise avec subtilité nos représentations sur le racisme. À ne pas manquer. C'est au Théâtre de Gennevilliers du 4 au 8 novembre. La critique est à lire ici.

C'était au KunstenFestivalDesArts à Bruxelles au printemps 2008. Nous étions conviés dans une friche industrielle pour « Je meurs comme un pays » de Dimitri Dimitriadis, une création au croisement de la Grèce Antique et de celle des « colonels ». Texte universel ? Pas si sûr malgré une centaine de figurants et quelques comédiens professionnels perdus dans une mise en scène mégalomaniaque. Que pourra bien donner cette ?uvre à l'Odéon, Théâtre de l'Europe (du 7 au 12 novembre) qui a tant refroidi le public belge? La critique est à lire ici.

C'était au KunstenFestivalDesArts à Bruxelles au printemps dernier. Le Congolais Faustin Linyekula présentait « more more more?future » devant un public belge toujours friand dès que l'on évoque son ancienne colonie. Entre danse, concert et music-hall, cette ?uvre sur le rôle de la musique dans la conscience politique, vous plonge dans l'ennui passé les vingt premières minutes. En l'absence de mise en scène assumée, Faustin Linyekula plombe et prend le pouvoir sur le public. C'est à la Maison des Arts de Créteil du 12 au 14 novembre 2009.

C'était en septembre dernier, lors du Festival « Sens Interdits » à Lyon. Le metteur en scène polonais Jan Klata présentait « Transfer ! ». Ici aussi, amateurs et comédiens professionnels se partagent la scène. D'un côté, des témoignages bouleversants de ces « enfants » de la Deuxième Guerre mondiale. De l’autre, une scène en hauteur où l'on joue un remake (raté) du sommet de Yalta. À ne pas vouloir faire  confiance au  jeu des amateurs, Jan Klata s'amuse avec le feu. À voir tout de même à la Maison des Arts de Créteil du 5 au 7 novembre. La critique est à lire ici.

Je ne connaissais pas Jean-Jacques le Bel. Artiste, organisateur d'expositions ou de festivals, poète, théoricien, activiste politique, il est l'invité de la Maison Rouge, où il présente « soulèvements ». Vous plongerez dans son univers artistique où rien n'est hiérarchisé, mais où tout est en lien. Visiter cette exposition, c'est perdre son statut de visiteur passif pour retrouver le plaisir de tirer un bout de ficelle et s'étonner de là où il vous emmène. À ne pas manquer. Jusqu'au 17 janvier 2010.

Bon Festival d’Automne à tous,

Pascal Bély – www.festivalier.net

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CONCERTS

La nouvelle “Stars”.


Ce soir, sur la scène du Centre Georges Pompidou, je me suis étendue, par terre ; j'ai fermé les yeux, et je me suis laissée emporter par une étoile. Stars like flees joue pour la première fois en France dans le cadre du Nouveau Festival.


La composition de ce groupe new-yorkais est variable, tout comme l'objet musical qui est offert. Ce soir six musiciens : harpe, violon, guitare, batterie, chant, piano et une atmosphère unique, faite de bricolages sonores et vocaux.

Comment décrire ? La référence serait réductrice, mais elle permet de situer : une voix proche de celle de Tom Yorke, la gaîté de Beirut (avec certains musiciens aux manettes) et la rage d'un Arcade fire.

En trois constructions musicales d'une vingtaine de minutes, nous sommes partis. Loin. J'ai senti ma peau frissonner. J'ai voulu crier avec eux. Eu envie de courir à perdre haleine. J'ai pleuré.

Nous avons eu le sentiment d'assister à un événement précieux et rassurant à la fois. Ces jeunes musiciens prodiges et hirsutes ?le chanteur a revêtu un accoutrement digne de celui du bras droit d'Oussama Ben Laden-, sont représentatif d'une jeunesse américaine talentueuse, humaine et porteuse d'une musique de toute beauté.

Une musique dont il faut se délecter tant leurs performances sont non reproductibles. Stars like flees c'est l'anti objet de consommation, l'élixir de jouvence à usage unique.  Alors quand l'un des musiciens nous a suggéré de venir s'allonger sur scène pour mieux en profiter. Il n'a pas été utile me le me le dire une deuxième fois.

Elsa Gomis – www.festivalier.net

 

Stars like flees est encore en France le 30 octobre à Cherbourg, le 31 octobre à Vendôme et le 1er novembre à Nantes. http://www.myspace.com/starslikefleas

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EN COURS DE REFORMATAGE

Tant pis pour le pique-nique.

« Si on est heureux, mieux vaut pique-niquer qu'aller au théâtre » déclarait Krzysztof Warlikowski à Télérama en juillet dernier. En ce dimanche ensoleillé,  les rues de Paris embaument d'odeurs d'automne, mais nous sommes quelques-uns à préférer la petite salle du Théâtre de la Coline pour « le père tralalère », création collective de la compagnie « d'ores et déjà », mise en scène par Sylvain Creuzevault. Alors que nos campagnes souffrent, le bonheur n'est momentanément plus dans le pré. L'est-il pour autant sur cette scène ? Qu'importe, ce théâtre-là rend serein parce qu'il bouleverse.

 

La table est bien trop large pour les quelques invités triés sur le volet à l’occasion des noces de Lise et Leo. Mais ces tragédiens des temps modernes ont besoin d'espace. Il y a le père de Lise, chef d'entreprise, « droit dans ses bottes » et méfiant dès que l'on cherche à l'usurper d'une bouteille de vin ou de 80 000 euros. Il y a le frère de Lise, poète improductif, qui « à 45 ans sera encore à la fac », dixit le père. N'est pas « Jean, fils de » qui veut.  Il y a Benoît, présentateur de télé qui étale son savoir sur une tartine « bling bling » comme un autobronzant sur sa peau pâle. Le « père de Jean » peut compter sur lui. Il y a Samuel, jeune bras droit du père, tandis que le gauche nous fait un bras d'honneur. Il y aussi un couple d'amis de Lise et Léo, qui vit son bonheur jusqu'à finir par nous le rendre insupportable. Et puis il y a nous,  public, disposé en bifrontal avec cette table au milieu, qui nous cache la vue. Entre vous qui êtes en face et moi, il y a eux, comme un gouffre dans lequel nous ne tardons pas à plonger. Le trou béant de nos peurs et de nos lâchetés, à moins que ce ne soit le théâtre qui, en cette période troublée, est là pour nous sauver.

En arrivant bruyamment, ils nous prennent par surprise alors que les lumières de la salle sont toujours allumées. Le théâtre est encore loin. Ils jouent le jeu, c'est tout. Comme vous, comme moi. Le jeu des conventions sociales. Un jeu de rôles comme un « théâtre réalité » où nous serions de spectateurs-jurés parés pour appuyer sur le bouton. Nous regardons et rions d'eux comme des sadiques. Mais nous sommes lucides. Eux c'est nous. La tension monte parce qu'autour de cette table, les contextes s'emboîtent comme des poupées russes prêtes à nous sauter à la figure : l'état de déliquescence des valeurs de notre pays où l'on ne distingue plus très bien l'éthique de la morale, d'autant plus que nous peinons à communiquer avec l'autre dans un espace saturé par l'information futile. Il y a la perte des repères alors que nous cherchons le père, tandis que nous régressons affectivement de peur de nous en émanciper. Et puis il y a l'ici et maintenant, là, tout à l'heure, avec la grippe H1N1 qui annule un match de foot et le Pôle Emploi englué dans son inefficacité !

La frontière entre eux et nous est si fragile que nous pourrions franchir le pas et nous inviter par surprise.

Sauf qu'à force de jouer avec le feu, le théâtre fait une irruption dans ce réel formaté et mortifère. Le corps s'invite donc à table et pas qu'un peu. Lise glisse, Léo s'engouffre, le père bascule. Et nous avec. C'est alors que le théâtre va mener un combat acharné contre tous les démons actuels qui le réduise à un simple divertissement. Ces comédiens (tous exceptionnels) se métamorphosent pour incarner des personnages presque « mythiques » de nos sociétés postmodernes. Sylvain Creuzevault provoque une intensité dramatique qui nous emporte parce que le corps, (biologique, social et politique), prend ici toutes ces formes pour chasser ce « réel », ce « concret » qui envahit nos modes de pensée et nos façons de communiquer. D'un repas, d'une fête au départ « industrialisés », mécanisés à l'image de ce que nous transformons, le liquide, la poudre, le souffre, le beau, le laid, le cul, le sang, s'emparent de l'espace scénique pour nous rappeler que nous sommes faits de tout cela. Pour qu'enfin, le théâtre français ose cette chair, ce vivant dégoulinant et nous propulse dans l'intranquillité qui nous sauvera de nos peurs.

La dernière scène est magnifique, alors que les acteurs jouent avec les tables pendant que le roi se meurt. Le chorégraphe William Forsythe s'inviterait presque de la partie, lui qui en a fait depuis longtemps un objet théâtral par excellence où les corps s'y désarticulent pour renaître, par la grâce de l'acte chorégraphique. Il y a chez Sylvain Creuzevault, cette part du chorégraphe et du peintre qui nous propulse dans le théâtre du sensible. Rien d'étonnant qu'à la sortie, nous sortions éclaboussé et tant pis pour le pique-nique.

Mieux vaut parfois être piqué à vif.

Pascal Bély ? www.festivalier.net

“Le père tralalère” par la Compagnie d’Ores et déjà du 14 au 31 octobre 2009 au Théâtre de la Coline dans le cadre du Festival d’Automne. Puis du 5 au 15 novembre 2009 au Théâtre du Nord (Lille).
A lire la critique de “Notre terreur“, dernière création de la compagnie.

 

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EN COURS DE REFORMATAGE

Avec Alexis Moati, le jeune public se prend un vol plané.

Avec la représentation du « Malade imaginaire » de Molière, Alexis MOATI réussit à bousculer les idées préconçues d'un public scolaire souvent réticent à l'égard du théâtre, n'y voyant qu'un lieu désuet, où sont présentés des « classiques » figés et immuables. Ici, il devra s'en affranchir pour s'éveiller à une forme «participative » inédite.

 En conviant les spectateurs à s'asseoir sur la scène, la compagnie “Vol Plané » joue la proximité public-acteur. Effaçant la frontière du dehors et du dedans, le cadre s'ouvre pour nouer une autre relation avec le public. Les comédiens n'hésitent pas à se fondre parmi lui, à changer de rôle durant la pièce (d'acteur à régisseur plateau) pour l'interpeller. Cette mise en scène, où les mots de Molière se déclinent en jeans et tee-shirts, partage et transmet en permettant à ce public dit « scolaire » de s'approprier l'acte théâtral.

En créant la résonance entre l'époque de Molière et aujourd'hui, les comédiens offrent une seconde lecture de la pièce. Ils transmettent ce que l'éducation nationale peine à articuler, un texte classique et notre contexte. Ils réussissent à donner une hauteur de vue et mettent à l'épreuve l'écriture de Molière pour mieux nous y glisser.

  La compagnie “Vol Plané” parvient à perturber le public scolaire en bousculant les codes de la représentation. Les élèves s'interrogent sur la longue cacophonie du prologue, sur la lumière qui ne s'éteint pas alors que la pièce a commencé. Ces questions en suspens trouvent leur réponse dans le déroulé de la mise en scène. Alexis MOATI, en parfait pédagogue, réussit à instaurer une relation entre son public, sa compagnie et invente un théâtre ouvert vers ces adultes en devenir.

Laurent Bourbousson ? www.festivalier.net

 

“Le malade imaginaire” par la Compagnie Vol Plané a été joué au Théâtre des Halles, en Avignon, du 8 au 10 octobre 2009.