Vous souvenez-vous du jour où vous avez osé pousser LA porte, celle qui mène vers l’antichambre soigneusement cachée ? Vous rappelez-vous de l’émotion qui vous a submergé à l’idée de transgresser la règle qui veut que le jeune enfant ne fouille pas dans les secrets de famille ? Plus de quarante après, me voilà à tirer de nouveau le rideau. Le Théâtre Massalia invite petits et grands à franchir la ligne où nous découvrons éberlué «le cabinet des curiosités» aménagé par le Théâtre «Tête de Pioche». À partir de vieux matériaux agricoles, Christine de Saint-André assemble différents outils pour créer des personnages et des marionnettes qui ne tiennent qu’à un fil. Par un subtil alliage de bois, de tissus et de fonte, nous voilà immergé dans un grenier qui pourrait être celui d’un théâtre où l’on aurait entreposé des décors, des projets de créations enterrés et oubliés, des idées de scénario. Mon regard se pose alors sur une statue de danseuse où sa robe de fonte, si légère, pourrait se soulever. Émouvant. Le lieu nous enveloppe parce qu’il amplifie notre tendresse.
Mais nous n’avons encore rien vu. Après un petit rituel de métal et de son (!), nos pieds déchaussés foulent un sol de sable qui caresse nos voûtes plantaires. Envoûtant. Alors que les enfants s’assoient en cercle avec leurs parents, tout un monde se dévoile peu à peu autour d’eux, tels des «fragments de vie» qui, à chaque apparition, provoque étonnement, stupeurs et tremblements. Des marionnettes, dont le corps de fonte fait de divers outils d’antan, reproduisent une vie sociale où des travailleurs à la tâche côtoient un coeur d’opéra, tandis qu’un petit train, tel un transport amoureux, encercle les enfants. L’Histoire est en marche ! Tout semble vain à l’image de ces objets fabriqués par ces drôles d’homme-serpent et pourtant, que la mécanique est belle ! On ne sait plus où donner de la tête tandis que la musique accentue notre descente dans cet enfer-paradis.
Cette « installation spectacle » d’où nous tirons les fils de nos racines, est un cri d’amour pour l’humanité. Peu à peu, me voilà fait de cette fonte là, de celle qui ne rouille jamais parce que des artistes se chargent de la polir.
Pascal Bély – www.festivalier.net
« Fragments de vie » par le Théâtre Tête de Pioche au Théâtre Massalia (Marseille) du 19 au 22 février 2011.
En 2011, alors que tout bascule et se bouscule à la vitesse d’un battement d’ailes de papillon, que pouvons-nous attendre du spectacle vivant ? Un propos ? Encore faudrait-il qu’il soit «ré(é)volutionnaire», qu’il cesse de s’agripper à des paradigmes usés. Trop de propositions n’ont «rien à nous dire». Qu’importe, la démarche, le processus artistique sont souvent intéressants et nous permettent de penser autrement ce que nous figeons par incompétence, impuissance et paresse ! Mais qu’écrire à partir d’un propos appauvri, d’un processus qui lasse?
«Questcequetudeveins?» d’Aurélien Bory pour Stéphanie Fuster est un exercice de style, certes sincère, mais qui ne «transporte» pas. Stéphanie Fuster métamorphose sa danse de flamenco. Vêtue d’une longue robe rouge, elle s’en détache pour la faire danser. Cet autre “marionnette” n’est plus elle. Ce détachement fut souvent le manifeste de danseurs issus du classique qui s’émancipaient de la barre parallèle. Le processus n’a donc rien de nouveau si ce n’est le désir d’inclure le flamenco dans le sillon de la danse contemporaine. On utilise alors «l’installation» (à savoir poursuivre sa mue dans une baraque de chantier, où derrière une vitre embrumée, Stéphanie Fuster change de «peau») pour «performativer» (être enfermée) et finir “transformée” sur une scène où le liquide remplace le sol en dur. À défaut de faire des ronds dans l’eau, la danse jaillit, produit des effets «spectaculaires». Les éclaboussures habitent le mouvement. Dépendante d’une vision classique du flamenco, Stéphanie Fuster se soumet à une forme qui dénature le fond. Tout change parce que rien ne change !
Avec «Flux» du Théâtre du Centaure, la déception est à la hauteur de l’enjeu : habiter du dedans et du dehors, l’imposant Théâtre des Salins de Martigues, à partir d’une «installation» itinérante où des êtres hybrides (mi-humains, mi-chevaux) poétisent la rencontre. Tout commence par une vidéo spectaculaire où l’homme et le cheval galopent sur la plage tandis que nous sommes debout sur la scène. Totalement enivrant, d’autant plus que les casques audio sensualisent le son. Puis, des coulisses, elle arrive sur son cheval. Débute alors un parcours qui nous mène au dehors, où des poésies caressent les murs, où installés sur des bancs dans la cour, un cheval blanc surgit du hall d’accueil pour une «danse» érotique avec l’homme.
La traversée se poursuit pour nous perdre définitivement dans la grande salle du théâtre où une longue vidéo nous immerge dans les turpitudes du désir sexuel entre l’homme et le centaure avant que les protagonistes ne l’incarnent en réel sur le plateau. Le travail avec les chevaux est indéniable, mais quel sens peut avoir le moment où on les fait asseoir dans un fauteuil? Quel est le processus qui nous guide de la vidéo vers la scène ? Suffit-il de multiplier les formes pour créer du fond ? Ici aussi, l’acte performatif (produire du mouvement par la fusion des «corps») masque plus qu’il ne révèle et ne touche pas, ne traverse pas. La «fusion» avec le Théâtre des Salins était probablement le «niveau» à travailler pour y puiser les processus qui auraient permis l’articulation entre le fond et la forme. Mais à prendre le bâtiment comme une «surface», le Théâtre du Centaure n’a pas habité l’espace : il l’a juste occupé.
Pourtant le centaure est une bête de scène. Pascal Bély – www.festivalier.net «Questcequetudeveins ?» d’Aurélien Bory pour Stéphanie Fuster à la Scène Nationale de Cavaillon des 17 et 18 février 2011. « Flux » du Théâtre du Centaure au Théâtre des Salins de Martigues les 18 et 19 février 2011.
Le public prend la direction du vieux Palais des Sports de Lyon, proche du Stade de Gerland. L’architecture respire le bon vieux temps où la France affichait sa puissance par ses ponts et ses tours. Mais en 2011, tout paraît décrépi. Comme au parc des expositions de Château Blanc lors du Festival d’Avignon en 2007, Ariane Mnouchkine et le Théâtre du Soleil savent vous accueillir et redonner vie à notre béton d’antan. On y retrouve les caisses en bois, les loges visibles par les spectateurs, la musique d’ambiance des troubadours et la soupe chaude. La pièce se joue déjà. C’est si bon. Le Théâtre du Soleil sait cultiver le mythe du théâtre populaire.
A la première réplique donnée dans «les naufragés du fol espoir», la troupe fouille dans son histoire, chine dans le grenier de ses décors de théâtre, et nous en restitue une allégorie, comme au bon vieux temps des films que l’on projetait dans les salles d’avant guerre pour informer le peuple sur la grandeur du pays. Nous voilà donc propulsés en 1914, dans la guinguette «le fol espoir» tenue de main de maître par monsieur Félix Courage (étonnante Eve Doe-Bruce). Un passionné de cinéma, Jean Lapalette, et les employés y tournent un film muet, inspiré d’un récit de Jules Verne. Des passagers d’un bateau échouent au Cap Horn, caressant l’espoir d’y fonder une société libre et juste où le triptyque «liberté, égalité, fraternité» pendrait tout son sens. L’enchevêtrement des trois histoires (la guinguette, le cinéaste et son assistante, la fiction) nous plonge dans une machinerie théâtrale incroyable, où les spectateurs s’émerveillent de l’énergie déployée pour que le film prenne forme sur un plateau de théâtre. La générosité, l’abnégation de soi, l’engagement sacrificiel transpirent à chaque scène. Jusqu’à lasser. Car la mécanique de ce manège d’antan, finit par tourner sur elle-même : elle est un déni de complexité.
Cette mise en abyme ne permet pas de repérer des niveaux de sens qui régénérerait le regard et éviterait d’être un spectateur seulement contemplatif. On ne différencie pas les trois histoires comme si tout se valait : la fonction de l’art, n’est-elle pourtant pas de transcender? Le politique n’est-il pas dans la différenciation entre le faire du projet ? Le groupe fusionne ses membres sans que l’on ne puisse les distinguer : l’unisson est le mot d’ordre au détriment du relief, de la diversité. Cette dynamique finit par devenir effrayante. Les rares moments où l’on s’attarde sur la psychologie des personnages sont affligeants: la fragilité de Jean Lapalette se résume à ses pulsions sexuelles ; le conflit entre deux hommes à une bagarre virile. Il y a pourtant un instant de grâce : une des employées semble paumée, sans rôle attitré (probablement métaphorique du positionnement de certains spectateurs laissés au bord de la route). Elle veut jouer. C’est alors que Félix Courage la perd dans les détails pour rendre impossible son entrée dans le film. Étouffant.
Quid du climat de 1914 ? Il est malheureusement réduit à un vendeur de journaux qui fait office de liant entre les scènes de tournage et la vie des salariés. Enfermé dans son mythe, le Théâtre du Soleil s’affranchit du contexte. Tout comme fait-il trop souvent l’impasse sur le jeu d’acteur. Ceux-ci semblent d’ailleurs plus à l’aise dans le muet? Malgré leur formidable énergie à en découdre, ces «naufragés du fol espoir» ne permettent pas d’interroger la fonction politique de cette proposition (un quatrième niveau en quelque sorte ). Ariane Mnouchkine s’est rependue dans les médias sur l’importance de résister, de proposer une alternative. Mais serions-nous à ce point si effrayés par la société globalisée pour nous laisser embarquer dans un émerveillement qui aveugle sur la nécessité de régénérer nos valeurs? Suffit-il de réaffirmer «Liberté, Égalité, Fraternité», de faire l’apologie du progrès à travers une mécanique magnifiée, de solenniser le collectif unitaire, pour faire «politique» ?
Que nous disent l’unanimité de la critique et le succès public sur une des ?uvres les plus faibles du Théâtre du Soleil ? Je formule une hypothèse : perdus, nous célébrons le mythe de l’ère moderne (incarné par le Théâtre du Soleil), celle où tout était permis, possible, grâce aux ouvertures promises par le progrès. Nous entrons durablement dans une période nostalgique, où l’on s’indigne avec Stéphane Hessel mais où l’on fait encore l’impasse de lire «la voie» d’Edgar Morin pour la traduire dans les faits. C’est ainsi que ces «naufragés» donnent l’énergie de l’instant, mais nous isolent un peu plus dans une lecture du futur à partir du passé. C’est sans avenir. Sans espoir. Et pourtant, l’improbable est arrivé. Notre «Cap Horn» est du côté des pays arabes.
Côte à côte avec eux, acceptons de ne rien savoir. Ils pourraient nous apprendre le quatrième mot qui nous manque pour éclairer de sa reliance le fronton de nos écoles et de nos mairies. Pascal Bély – www.festivalier.net
“Les naufragés du Fol Espoir (Aurores)”, une création collective du Théâtre du Soleil du 18 janvier au 20 février 2011 au Théâtre des Celestins de Lyon.
«Tartuffe», “Bérénice“, «Hamlet» et «Antigone», quatre «cadeaux», offerts, sur quatre semaines par Gwenaël Morin et le Théâtre Universitaire de Nantes. Comment débuter ce texte ? Remercier peut-être ? Oui, c’est ça…, écrire… Merci.
« Pom, pom, pom, pom, pom, pom, pom,… Pom, pom,pom ! » : Pour leur Talent, leur Générosité, leur Plaisir à Jouer, leur Humilité, leur Proximité : Renaud Bécher, Virginie Colemyn, Julian Eggerickx, Barbara Jung, Grégoire Monsaingeon, Gwenaël Morin, Ulysse Pujo.
Pour les regards, les sourires, les mots échangés/partagés : les spectateurs croisés à ces soirées.
Pour nous avoir proposé ce Voyage, pour leur accueil : l’équipe du Théâtre Universitaire de Nantes.
Acte 2 : Des adolescents et de jeunes adultes présents en grand nombre, prouvant que le théâtre n’est pas une affaire de «bobos» comme on tend à nous le faire «avaler». Chaque soir, salle comble, grâce à, et par la parole (voir par sms, mais là, je suis pour!) qui circule; l’intelligence de l’esprit et du coeur, quand ils offrent cette qualité, trouvent toujours leurs messagers. Du Théâtre étincelant, fait avec des ficelles, du carton, des planches, des tréteaux…On est loin ici des millions étalés sur scène, qui plus est, utilisés, par certains, pour «dénoncer» la «Crise»
Et pourtant? ! Ces Dames et Messieurs de moins de quarante ans (là j’extrapole, pour le “style” , je n’ai pas vu leurs papiers..) nous offrent un «Kontakthof» théâtral majestueux, on est comme dans un «Café Muller» où les «Nelken» fleuriraient des ronces du passé.
De l’essence de la Tragédie ; ils nous permettent de sourire (voir même, sans sacrilège, de rire) pour mieux nous amener à rebondir sur le présent de son actualité. Ils nous font entrer «dans le texte» et nous permettent, par cette même invite, de mieux regarder, après «distance» de plaisir, ce qui nous agite, aujourd’hui encore. C’est ici véritablement de Théâtre Vivant dont il s’agit. Ce théâtre qui n’est, ni pour tous, ni pour chacun, mais qui…tout simplement, et c’est ça qui fait s/Sens ; c’est ça qui résonne et traverse chaque être pour le faire travailler à définir ce qu’il cherche, ce qu’il ressent et ce qu’il trouve là.
Ce Théâtre là nous ramène à l’enfance, ce temps de «Liberté» où nous n’avions besoin que de «bouts de cartons» pour mettre en Vie le Monde et y voir toutes les richesses d’un devenir. Gwenaël Morin et ses compagnons font Advenir le Théâtre de nos chimères, celui là même qui nous poussait à courir vers un demain meilleur, Forcément Meilleur, puisqu’on serait plus «grands» et plus «libres . Et, ce théâtre là, nous re-fait advenir, car il nous susurre le «petit» qui «savait, peut-être», mieux lire les «travers du monde» parce qu’il avait alors le «pouvoir, sans doute», d’en tordre les ressors…«Mémoire?»
La lecture offerte, de ces textes d’hier, calque, à merveille, les images que l’on se créait, pour faire «entrer» ce passé lointain dans notre quotidien «enfantin».
«Bérénice», «Antigone», «Tartuffe», «Hamlet» et, tant d’autres, ont portées, et portent encore les vêtements «emblématiques» des époques où de grands yeux singuliers dévorent leurs histoires de papier. On sait bien,…en ces temps là…, qu’ils «bougent» toujours.
Acte 3:
Dis, Monsieur Morin, avec tes copains, tu ne veux pas nous inviter Chimène, Don Juan, Don Quichotte, Phèdre, Arlequin, Cazanova, Sigismond, Eve, Adan qu’on fasse un peu les Poussières?
Dis pis, M’sieur Morin, avec tes copains,tu lâches pas, hein, dis, tu tombes pas sous les « dorures » et les « fanfreluches »?
Dis, t’as vu tous les jolis « gamins » qui ne vous font pas « clap, clap » mais « Bravo Merci », tu ne lâches pas « l’enfance », hein?!
Continuez à danser et offrez-nous encore, s’il vous plaît, les « Carmen » et les « Don Rosé » sortis de vos malles à Parfums d’Enfances… Dites-les TU (Théâtre Universitaire), tu nous/les invite encore demain à la Fête du Théâtre?
Dites les spectateurs, on se refait encore, même sans leur aide s’ils sont occupés ailleurs, les Bonheurs des Regards, des Sourires et des Mots?
Merci à Vous, Renaud, Virginie, Julian, Barbara, Grégoire, Gwenaël, Ulysse de m’avoir, de nous avoir, invités dans vos rêves.
Bernard Gaurier – www.festivalier.net
Les spectacles du répertoire de Gwenaël Morin: ici.
«Tartuffe», “Bérénice”, «Hamlet» et «Antigone» mise en scène par Gwenaël Morin au Théâtre Universitaire de Nantes du 17 janvier au 11 février 2011.
Où repérer la nouvelle vague chorégraphique ? J’apprécie particulièrement les espaces où je peux l’entendre m’approcher, la ressentir fouler mes pieds pour en recueillir l’écume. Depuis quelques temps, elle est rarement tempétueuse, quelquefois prometteuse, mais trop souvent silencieuse. Je repense encore à la portugaise Marlène Freitas, à La Vouivre découverts lors du Festival «Questions de Danse» à Marseille, de Yan Raballand au concours «(re)connaissance» à Décines. Ce soir, c’est Angelin Preljocaj, installé au Pavillon Noir d’Aix en Provence depuis six ans qui nous révèle les talents issus de son ballet. Au total, quatre créations qui ont fini par m’éloigner du rivage («So Mo» d‘Émilie Lalande, «XX.XY. (une histoire d’Eve et d’Adam)» de Sébastien Durand, «Parce que nous sommes aussi ce que nous avons perdu» de Lorena O’Neill et «Bonsoir Madame la Baronne» de Baptiste Coissieu). Reconnaissons que la tâche est particulièrement difficile. Ils sont membres du ballet, lui-même intégré dans un Centre Chorégraphique National. Le risque est important de générer une danse « consanguine»: comment écrire pour se différencier, tout en étant fidèle, voire reconnaissant? Ce soir, chaque oeuvre s’inscrit dans un même contexte institutionnel pesant, à l’image d’une fête de fin d’année d’une grande école. Elles sont une métaphore du positionnement de chacun au sein d’un ballet célébré dans le monde entier…Incontestablement, ces chorégraphes en herbe cherchent leur émancipation.
Au final, que retenir ? Chaque oeuvre évoque la transformation, mais le propos ne va pas jusqu’à chorégraphier la métamorphose. Probablement trop risqué. Dans «So Mo» et «XX.XY», on évoque la manipulation psychologique et génétique, soit pour la dénoncer ou la solenniser. Mais cela ne vient pas jusqu’à moi comme si j’assistais de loin à un exercice de style, de (re) production, mais qui n’est pas éprouvé. On noie le pois(s)on à partir d’une exposition performative, en interrogeant le mythe (d’Adam et Eve) mais sans vision politique (et pourtant, la question éthique autour des manipulations génétiques est d’actualité).
Avec Baptiste Coissieu, nous sommes témoin d’un total défoulement (convoquer une baronne déjantée qui s’amuse avec des spectateurs triés sur le volet comme dans un loft story). Plongé dans un cabaret gay, je me questionne sur le sens de la proposition. À part d’y voir le besoin de faire la fête au sein du Ballet pour s’en émanciper. Soit. Mais, c’est un peu court.
Seule Lorena O’Neill s’essaye dans un propos sensible, très personnel autour de la perte. En reconstituant ce processus bien connu de tous, notre empathie est rapidement mobilisée. Mais elle manque de temps pour laisser son empreinte, s’enfermant dans une vision trop linéaire (du poids du deuil à sa libération). La danse illustre un processus mais le corps reste à distance.
Finalement, je n’attendais pas de chorégraphes émergents mais un propos autour de l’émergence. Le poids de l’institution les conduit probablement à reproduire, là où je désirais une rencontre. La danse contemporaine requiert du métissage, de s’inclure dans des réseaux artistiques pour y croiser les esthétiques, de s’immerger dans le tissu social pour y poser sa poétique sur du politique.
Or, ce soir, rien que du trés « classique ».
Pascal Bély-www.festivalier.net
Créations des danseurs du Ballet Preljocaj , “Les Affluents” (Emilie Lalande, Lorena O’Neill, Sébastien Durand, Baptiste Coissieu) les 4 et 5 février au Pavillon Noir d’Aix en Provence.
Ces rencontres ont échoué. Parfois, quelques minutes ont suffi pour comprendre que cela n’irait pas plus loin qu’un salut poli. Dans ces quatre rendez-vous manqués, le flux d’images a pris le pas sur le langage du corps tandis que l’intention de la mise en scène visait l’adhésion anesthésiante.
Retour sur quatre processus régressifs.
J’attendais le metteur en scène belge Guy Cassiers avec impatience. Après les magnifiques “Rouge décanté” en 2006, “Mefisto for ever” en 2007 puis les impasses de «Wolfskers» et «Atropa, la vengeance de la paix» en 2008 et l’inaccessible “l’homme sans qualité” en 2010, “Sous le volcan” aurait pu sceller les retrouvailles. Mais l’adaptation du roman de Malcom Lowry s’est totalement noyée dans un dispositif vidéo qui règle la mise en scène au détriment d’acteurs qui se désincarnent peu à peu. Le décor, transformé en écran tactile, déverse un flot d’images où nous perdons notre temps à force de déjouer les procédés censés nous distraire. Pris à son propre jeu, Guy Cassiers fait enfiler à deux comédiens, des habits gorgés d’eaux après qu’ils se soient plongés dans la rivière de la vidéo. Ce niveau d’infantilisation du spectateur et des acteurs est sidérant.
La vidéo s’est également invité dans le spectacle “jeune public” “Les Ariels” de la compagnie Mediane. Ici aussi, le dispositif scénique se résume à des pans du décor transformés en écran d’images. Nous sommes le jour des noces d’une mariée pour le moins étrange. Ses rêves s’impriment sur son voile et sa robe alors qu’elle parcourt la scène montée sur des échasses en forme de jambe de cheval. Peu à peu, la vidéo créée le mouvement tandis que l’actrice semble courir après la scénographie où son propos se noie dans une approche psychanalytique qui nous échappe. La scène n’est qu’une aire de jeu où l’image joue sa fonction sidérante et place l’enfant et l’adulte dans une rupture permanente du sens.
“Oh Boy!“, d’après le roman de Marie-Aude Murail et mise en scène par Olivier Letellier a reçu le prix Molière du jeune public en 2010. Salué quasi unanimement par la presse et le public (même Bernard Gaurier sur le Tadorne y a succombé), je reste pour le moins perplexe face à ce déluge de bons sentiments. Tous les ingrédients d’une adhésion massive, d’un consensus “mou” sont réunis: un acteur seul en scène endosse le rôle d’un jeune homosexuel qui voit débarquer dans sa vie trois frères et s?urs dont l’un est atteint de leucémie. Olivier Letellier surjoue comme au café-théâtre et finit par tout saturer. Le spectateur n’a plus qu’à se laisser porter par cette mécanique théâtrale qui enferme le propos dans une vision normée de l’homosexualité. La dernière scène où le grand frère se fond dans le cadre familial en dit long sur les intentions. Mais fort heureusement, nous avons échappé à l’opération “pièces jaunes”.
“Phèdre” de Racine mise en scène de Renaud-Marie Leblanc a déçu ceux qui ont redécouvert la langue de Racine grâce à l’adaptation survoltée de Gwenaël Morin. Ici, point de vidéo pour se dérober. Le décor tout blanc fait penser à un caisson de décompression. Les costumes postmodernes sont beaucoup trop grands pour des acteurs trop “jeunes” qui peinent à endosser le rôle. Aucun n’émerge et le vaudeville effleure. La mise en scène déverse un flux de mots (ponctuées de virgules sonores proches du jingle) qui traverse peu les corps des acteurs pour ne pas nous éclabousser. Renaud-Marie Leblanc enferme Phèdre dans l’hystérie: il est en phase avec notre époque où le désir s’instrumentalise pour le faire entendre et accepter de la foule passive et silencieuse. Lors de la scène finale, il faudra le rire d’un groupe de spectateurs pour signifier que nous ne sommes pas nés de la dernière pluie. Pascal Bély – www.festivalier.net
“Sous le volcan”, mise en scène de Guy Cassiers au Théâtre des Salins de Martigues le 28 janvier 2011. “Oh Boy!” mise en scène d’Olivier Letellier à la Scène Nationale de Cavaillon le25 janvier 2011. “Phèdre” mise en scène de Renaud Marie-Leblanc à la Scène Nationale de CavaillonLes17 et 18 janvier 2011; “Les Ariels” de Catherine Sombsthay au Théâtre Massalia du 4 au 7 janvier 2011.
Avant de prendre la parole face au public venu nombreux, le chorégraphe Boris Charmatz se tortille. Se prépare-t-il pour danser et se jeter dans la fosse aux lions? Probablement. Artiste associé de la 65e édition du Festival d’Avignon, il sait que le rôle l’expose jusqu’à nous confier plus tard que tout commence pour lui avec cette première rencontre. L’homme a de la ressource pour créer un climat de confiance, d’autant plus qu’Avignon n’est pas un festival de danse. Le public fait preuve ce soir d’une belle curiosité, démontrant une fois de plus qu’Avignon est un festival de création et de langages.
Boris Charmatz commence donc par poser un contexte historique. Le sien. Enfant, il passait ses vacances à Berlin, là où la création artistique était déjà le fruit de croisements et d’enchevêtrements. D’Avignon, il se souvient d’un spectacle en 1989 où Maguy Marin avec «Eh qu’est-ce-que ça m’fait à moi !?” se faisait conspuer. À partir de ces deux anecdotes, le message est explicite : vive la controverse, la diversité, et les nouveaux langages ! À une approche descendante du lien à l’art, Charmatz préfère les chemins de traverse : « Je suis resté un spectateur, car je ne pense pas les choses en terme d’échelon». A ceux qui attendraient de lui une vision bien précise de son rôle d’artiste associé, il répond modestement «qu’il est là aussi pour apprendre». S’ensuivent alors quelques extraits filmés de ses créations (aucune ne fait partie à proprement parler du «patrimoine» populaire de la danse). Nous découvrons, distanciés. Puis vient un joli moment d’émotions avec «une lente introduction» (2007), sculpture vivante de chairs et de mouvements. Manifestement, Boris Charmatz danse en inversant les prémices, dans des espaces particuliers pour un «spectacle mental».
«Et pour cet été?», s’impatientent (en silence) quelques spectateurs!
Il fait un détour par le «Musée de la danse» qu’il dirige depuis deux ans à Rennes. C’est un Centre Chorégraphique National, pensé comme un musée en mouvement, ouvert dans le temps. Je le relie à Marseille, où Michel Kelemenis prépare l’ouverture de «KLAP Maison pour la danse», espace à disposition des complémentarités avec les acteurs culturels, pour ouvrir la ville aux chorégraphes. Il y a chez ces deux artistes une vision moins descendante du positionnement institutionnel, plus rhizomique, plus créative.
Mais ce soir, le public souhaite savoir. Que veut Boris Charmatz pour Avignon ?
De l’ouverture, toujours de l’ouverture. A-t-il l’intuition que les Français sont à la peine pour penser les articulations créatives? «C’est le moment de s’ouvrir», précise-t-il, «il faut la perméabilité des corps, de la porosité, de ne plus être dans le regard qui juge». Tout un programme, qu’il va décliner à la Cour d’Honneur, avec dix adultes et trente enfants. Car «l’urgence, c’est la question de l’enfant. Nous faisons pression sur lui ; nos enfants portent nos angoisses et nos problématiques d’adulte. C’est donc politique». Mais à côté de la Cour, il désire nous faire vivre un moment particulier avec son dernier spectacle, « la levée des conflits», qu’il voudrait bien jouer dans un grand pré (et y retrouver l’esprit de Woodstock!). L’intention est palpable : Boris Charmatz pose la question de la place du collectif au festival d’Avignon (tant du côté des artistes que des spectateurs). Il compte donc investir l’École d’Art pour «soutenir le geste collectif» (à partir de créations au croisement de l’exposition, de la conférence et de la performance), car «l’expérimentation est la chose la plus solide que l’on ait». «J’ai envie que le festival résonne collectivement, qu’il soit un espace de perméabilité» finit-il par préciser.
«Oui, mais qu’avez-vous à dire au peuple tunisien ?»
Boris Charmatz reste sans voix.
«Quel message voulez-vous faire passer pendant le Festival ?»
Boris Charmatz pense avoir été explicite.
«Pourriez-vous nous faire une improvisation ?»
C’est alors qu’il invite le spectateur à monter sur scène. Deux minutes pour créer le lien, l’alchimie, le souffle. Suspendu, le moment est unique, car généreux.
Mais Boris Charmatz sait probablement que le public du Festival est prêt pour des ouvertures à condition qu’elles ne soient pas seulement des expérimentations esthétiques. Pressent-il que l’édition 2011 devra faire du bruit et non du tapage? On est un certain nombre ce soir à vouloir l’accompagner, car «la nouvelle voie», si chère à Edgar Morin, s’improvisera collectivement.
Pascal Bély – www.festivalier.net
Compte-rendu de la rencontre publique organisée par le Festival d’Avignon le 20 janvier 2011
Qu’avons-nous à faire pour résister et créer? Il faut traverser. Franchir quelques limites. Cap Corse, vers Bastia, au Théâtre Alibi, site européen de création. On y “fabrique” du théâtre. Ce soir, je m’y alimente, pour la chercher. Pour supporter. Et m’emporter. Le lieu a gardé l’esprit du chapiteau ambulant, pensé pour déambuler et nous donner cette dose sans laquelle, nous serions des barbares prêts à mater la révolution tunisienne.
Il marche dans le noir. On serait tenté de le suivre des yeux. Seulement trente secondes: c’est juste le temps qu’il nous faut pour passer de la lumière du jour au noir de l’incertitude et entrer dans “les rêves” d’Ivan Viripaev, mise en scène par François Bergoin. Celui-ci apparaît au fond du plateau, assis sur un canapé rouge. Il est seul, juste accompagné de quelques livres et d’un poste à musique d’où l’on entend un rock sensible et envoûtant (Janis Joplin, Kurt Cobain, Jim Morrison, Jimi Hendrix). Quelques secondes et nous avons déjà “pris” la porte, symbolisée par l’enseigne EXIT. Tout un programme. Il est l’acteur-metteur en scène de ce groupe de quatre artistes, incarnant chacun un toxicomane. Il les guide en tirant une à une des balles traçantes à blanc pour jalonner notre parcours de spectateur éberlué par cette rêverie hallucinogène.
Six tableaux, tels des coups de semonce pour éveiller nos sens et accueillir cette poésie envoûtante et si charnelle: la Beauté, la Libération, l’Amour, Dieu, le Nirvana et l’Enfer. N’est-ce pas finalement les étapes du chemin du spectateur de théâtre? François Bergoin s’appuie probablement sur cette hypothèse: il nous fait confiance pour entrer dans la poésie “irrationnelle” de Viripaev. Il est inutile de gueuler pour se faire entendre; point de vidéo pour nous distraire. Ici, il y a seulement eux et nous. Nous ne savons rien de leur condition sociale (François Bergoin nous épargne les clichés autour de la toxicomanie) mais la mise en scène nous tend un lien fraternel.
Magnifique Leila Anis: elle pourrait être notre petite soeur, égarée dans sa grossesse, dont elle serait le (de) nouveau-né. Épatante Catherine Graziani, en soeur aînée combattante et impuissante à la recherche d’une mère perdue. Troublant Karim Hammiche dont les mots du poète bégayent contre le mur où il fut probablement abandonné. Charismatique Xavier Tavera en enfant rési-liant. Épris de liberté sous l’emprise de leur toxicomanie, nous perdons connaissance grâce au travail remarquable de l’espace scénique: les projecteurs latéraux sculptent les silhouettes et invitent les fantômes. Le rêve de l’un traverse le corps des autres jusqu’à créer l’harmonie au coeur du chaos. La poétique des corps finit par chorégraphier leur descente aux enfers.
Leurs habits de poils et de lumière nous accueillent à nous y fourrer…et nous voilà ainsi à l’abri. Notre désir de théâtre se fond dans leur dose: cette mise en abyme provoque un silence quasi religieux dans la salle tandis qu’un magnifique chant russe nous guide vers l’enfer, vers l’apothéose.
Prises dans la brume, des volutes de fumée font disparaître la porte de sortie. Ils se volatilisent, car leur enfer n’est pas le nôtre. La musique de Rachmaninov nous sort peu à peu de l’abyme. Ce n’était qu’un rêve….Ce théâtre-là est une porte, mais surtout un pont pour traverser la poésie de Viripaev. Jusqu’à provoquer le désir d’y revenir.
Pour goûter encore à ce voyage au bout de la nuit.
Pascal Bély- Le Tadorne “Les rêves” d’Ivan Viripaev mis en scène de François Bergoin par la compagnie Alibi. Jusqu’au 30 janvier 2011.
L’âge minimum requis est de 18 mois. Le personnel de ce centre culturel nous accueille avec leurs gestes délicats comme si nous étions tous fragiles. L’accueil est un comportement. Il est ici exemplaire. Alors que nous prenons place,la comédienne Céline Garnavaults’approche. Elle passe d’un rang à l’autre. Vêtue d’un imperméable bleu qui la serre, elle semble se protéger. Elle en est presque inquiétante avec son petit panier à pois(ds?). «Où va l’eau?», mise en scène par Alban Coulaud a déjà commencé, et je ressens que ces vingt-cinq minutes de théâtre seront précieuses. Elle monte sur scène, l’air perdu, échappée d’un environnement social peu accueillant. Peut-être trop de règles, d’interdits, de non-écoute. Son corps droit comme les bâtons qui maintiennent son chignon ne demande qu’à se libérer pour jouer.
Sur cette scène minuscule, elle esquisse quelques pas de danse. Les enfants assis devant moi n’en croient pas leurs yeux d’être accueillis ainsi. Ils n’ont encore rien vu. Bien difficile de nommer l’endroit : est-ce une cabane, le jardin des délices, l’atelier du peintre ? Il est tout cela à la fois. Un tourne-disque, un poisson rouge, un petit mur et un placard sont les éléments du décor de notre caverne d’Ali Baba, où tout bascule par la force créatrice de l’eau et la puissance de nos imaginaires. La métamorphose peut donc s’opérer. Elle apparaît, puis disparaît, une jambe par ici, une tête par là. C’est gagné, le corps se libère ! Tout devient langage, tout se transforme tant que cela a du sens. Les petits canards, probablement échappés d’une baignoire, sont ici ses compagnons de route qu’elles posent délicatement sur la platine. Ainsi, la danse des canards se mue en air d’opéra… Jubilatoire ! Tel un fluide libérateur, l’eau relie le corps biologique et le désir de créer : c’est alors que le mouvement jaillit, que l’imagination prend le pouvoir sur les convenances, que le créateur dématérialise l’objet. C’est un détournement en fa mineur !
Céline Garnavault est étonnante, car elle joue de sa voix, de son corps, de ses grimaces pour restituer aux jeunes enfants ce qu’elle perçoit d’eux : elle leur rend leur puissance à réinventer le monde, et offre aux adultes l’opportunité de l’approcher autrement. Nous rions de bon coeur tandis que les enfants, l’air sérieux, s’étonnent que le théâtre puisse à ce point les respecter. Parce qu’il rejaillit sur nous tous, «Où va l’eau ?” est un spectacle qui coule de source.
Pascal Bély – Le Tadorne
« Où va l’eau » par la compagnie O’‘Navio, d’après Jeanne Ashbé, Adaptation et mise en scène Alban Coulaud Scénographie et costumes Isabelle Decoux Interprétation Marie Blondel, du 19 au 29 janvier dans le cadre de la saison jeune public de Scènes et Cines (Ouest Provence)
Les applaudissements de la salle ne trompent pas. Le public, composé d’enfants et d’adultes peine à quitter les gradins. Avec «Debout» de Nathalie Papin, mise en scène par Alexandra Tobelaim, on en reste assis. L’enfant s’était pourtant couché. Au fond du trou. Victor, le fossoyeur, le découvre. Commence alors un dialogue surréaliste, enlevé, et plein d’humour : «Qu’est-ce que tu fais là ? – J’essaye de mourir – Tu n’as pas l’air de bien y arriver». Ces deux marionnettes, magnifiquement interprétées par Sylvie Osman, semblent faites d’une matière minérale composée de nos chagrins d’enfant fossilisés par le temps qui passe. Le jeu des lumières laisse entrevoir le noir, le sable qui file entre les doigts comme si l’enfant n’avait plus prise sur son destin.
Car ce jeune garçon de dix ans, battu par sa mère, n’en peut plus. Il n’en veut plus. Victor l’encourage à se relever jusqu’à le prénommer «Debout» et le guide vers le cimetière des gitans d’où l’on peut rencontrer d’autres mères. À lui de faire ses recherches. Il a le choix. Il y croise Mère Verticale, droite dans sa botte, dont le seul sein va droit au coeur des papillons qui n’auraient pas dû passer par là ! Il y a Mère Jardin, qui enracine ceux dont la terre nourricière s’est dérobée. Plus tard, il tombe sous le charme de Mère Araignée (ma préférée !), celle qui tisse les liens pour se relier tout en se protégeant des petites bêtes rapaces ! Plus loin, il y a Décaèdre, la mère à dix mains, à tout faire et probablement à tout défaire ! Et puis, l’inoubliable «Mère des Mères», celle qui porte les valeurs, les principes démocratiques et éducatifs (certains reconnaîtront Françoise Dolto, d’autre Marcel Ruffo ou Sigmund Freud!). Par un jeu subtil de lumières, ces mères apparaissent et disparaissent comme dans le manège où nous attrapions le pompon. Ces «marionnettes – doudous», apprivoisent nos peurs d’enfant et symbolisent nos angoisses d’adultes dans notre lien à la mère. Avec une belle agilité, Sylvie Osman nous fait naviguer entre ces deux registres pour tisser le fil d’Ariane qui relie petits et grands. Je suis alors bercé tandis que mon siège bouge par les soubresauts d’une petite fille à côté de moi…
«Debout» a la force d’un conte moderne, à la recherche de nouveaux mythes pour éclairer la voie. Car le lien du sang est complexe : il ne peut se réduire à une approche binaire et seul le langage métaphorique permet d’en saisir les subtilités. Je comprends vite que les écritures scéniques et littéraires sont liées par une recherche sérieuse et créative : on ressent toutes les influences du travail des psychologues, des éducateurs et des professionnels de la petite enfance. Avec «Debout», le théâtre «jeune public» démontre une fois de plus son ancrage dans une société qu’il accompagne à se civiliser toujours un peu plus. Pour éviter de se coucher face à ceux qui ne l’entendent pas de cette oreille… Pascal Bély – www.festivalier.net « Debout » de Nathalie Papin, mise en scène d’Alexandra Tobelaim a été présenté au Théâtre Massalia (Marseille) du 11 au 14 janvier 2011.