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LA VIE DU BLOG OEUVRES MAJEURES

En 2011, 20 mises en scène essentielles.

1- «Sur le concept du visage du fils de dieu» – Roméo Castellucci – Festival d’Avignon.

2- «Au moins, j’aurais laissé un beau cadavre» – Vincent Macaigne – Festival d’Avignon.

3-«Jan Karski (mon nom est une fiction)» – Arthur Nauzyciel – Festival d’Avignon.

4-“Brume de Dieu Claude Régy – Festival d’Automne – Paris.

5-«On ne sait comment» – Marie-José Malis – Théâtre des Bernardines (Marseille).

6- «Les rêves» – François Bergoin – Théâtre Alibi, Bastia.

7- «Tartuffe» – Gwenaël Morin-  Théâtre d’Arles.

8- «Habit(u)ation» – Anne Cecile Vandalen – KunstenFestivalDesArts – Bruxelles.

9- «Christine, d’après Mademoiselle Julie»- Katie Mitchell et Leo Warner– Festival d’Avignon.

10-«Life : Reset / chronique d’une ville épuisée» – Fabrice Murgia – KunstenFestivalDesArts – Bruxelles.

11- «Les enfants se sont endormis» – Daniel Veronese – Festival d’Automne- Paris.

12- «La Omisión de la familia Coleman»- Claudio Tolcachir – La Criée, Marseille.

13- «Choeur de femmes» – Marta Gornicka- Festival « Sens Interdits » – Lyon

14- «Il n’y a pas de coeur étanche»- Julie Rey / Arnaud Cathrine– La Criée, Marseille.

15- «Insultes au public»- Compagnie Akté –  Le Volcan, Le Havre.

16-«Yahia Yaïch, Amnesia»- Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi– Festival d’Avignon.

17-«Scratching on things I could disavow: a history of art in the arab world» – Walid Raad – KunstenFestivalDesArts, Bruxelles.

18-«Sometimes I think, I can see you» – Mariano Pensotti – KunstenFestivalDesArts, Bruxelles

19- «Bramborry» – De Spiegel – Festival «Petits et grands», Nantes.

20-«The Indian Queen» – Jan Decorte – KunstenFestivalDesArts, Bruxelles.

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En 2011, j’ai beaucoup voyagé. Au total, plus d’une centaine de pièces de théâtre dont la grande majorité n’a pas soulevé mon enthousiasme. Beaucoup d’ennui et pour tout dire, pas mal de découragement (notamment dans ma région, mais j’y reviendrai dans un prochain article). Reste vingt mises en scène, essentielles, parce qu’elles m’ont perturbé, immergé dans un ailleurs pas toujours reluisant, mais où je me suis senti profondément «sujet». C’est-à-dire en devenir…

Pour commencer, il y a ce théâtre des limites. Avec «Sur le concept du visage du fils de Dieu», Roméo Castellucci m’a totalement sidéré à vouloir interroger ma manière de regarder le monde. Je me souviens d’avoir tremblé d’effroi et de froid. Son oeuvre a mis nos corps à corps en jeu. Il y aurait presque une filiation avec le jeune Vincent Macaigne qui a fait vibrer le cloître des Carmes d’Avignon. Avec «Au moins j’aurais laissé un beau cadavre», j’ai eu l’impression de co-inventer un théâtre de corps et de sang, à la limite de la performance et des arts visuels. Macaigne est le metteur en scène d’un art total.  De son côté, Arthur Nauzyciel n’a pas hésité à nous pousser dans nos retranchements pour entendre la parole de Jan Karsky, résistant polonais qui fut le témoin de la plus grande tragédie de l’humanité. Il nous a lentement guidés vers son corps, interprété par le magistral Laurent Poitrenaux. Ce fut un moment théâtral parfois éprouvant pour réveiller le sempiternel «devoir de mémoire» qui finit par nous infantiliser.Sur un tout autre registre, la compagnie Akté a revisité «Insultes au public» de Peter Handke. Cette oeuvre qui date de 1967 n’a rien perdu de son actualité dans un contexte où la place du public s’est peu à peu marchandisé grâce à un marketing truffé de slogans imaginatifs, mais creux. Or, être spectateur est un positionnement complexe où la quest
ion du «sujet» est centrale, génialement traitée par cette compagnie qui devrait faire parler d’elle dans les années qui viennent.

À côté de ce théâtre engagé et engageant reviennent quatre noms, souvent évoqués sur ce blog : Claude Régy, Marie-José Malis, Gwenaël Morin, François Bergoin. À quatre, ils sont mes balises pour naviguer en eaux troubles, amarré à leur navire d’artisan bâtisseur.

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Plus prés de nous, je me souviens d’un théâtre sur la crise. Il m’a aidé à ressentir les effets dévastateurs d’une société consumériste en perte de valeurs. Les metteurs en scène français sont plutôt absents sur ce registre tandis que les belges Anne-Cécile Vandalen, Fabrice Murgia m’ont sidéré par leur façon de théâtraliser la solitude et le chaos qui traversent la famille. Ce dernier thème faisant les beaux jours des Argentins Daniel Veronese et Claudio Tolcachir. Je n’ai pas oublié les prémices de la révolution tunisienne, magnifiquement théâtralisé par les chorégraphies de Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi.

Mais au-delà de la crise, il y a des thèmes universels abordés de front, avec force et courage, où la forme épouse le fond. Les voix des femmes orchestrées par la Polonaise Marta Gornicka résonnent encore pour dénoncer la domination masculine qui ne connaît décidément aucun répit. Tout comme le sort que nous réservons aux fous, délicatement traité par Julie Rey et Arnaud Cathrine.

Et puis, il y a ces formes théâtrales hybrides, objet de bien des rencontres mémorables. Walid Raad et sa déambulation dans les chemins de traverse de l’art. L’opéra d’Henry Purcell par Jan Decorte a enthousiasmé parce qu’il a ouvert le théâtre vers une discipline peu réceptive à la pluridisciplinarité tandis que Mariano Pensotti convoquait le public dans le métro de Bruxelles pour le socialiser en créant des dialogues poétiques. «Christine, d’après Mademoiselle Julie» librement adapté d’August Strindberg par Katie Mitchell et Leo Warner de la Schaubüne de Berlin fut d’une telle virtuosité qu’elle m’a entraîné aux frontières du cinéma, du théâtre et de la danse. Et puis il y eut «Bramborry» de la compagnie «De Spiegel», moment théâtral sublime où tout-petits et grands plongèrent dans un univers onirique fait de sons, de sable et d’eau…

Vingt mises en scène essentielles, pour traverser la crise sans perdre pied vers nos corps mouvementés.

Pascal Bély – Le Tadorne.

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En 2011, 20 oeuvres chorégraphiques essentielles.

Mes trois chefs d’oeuvre de l’année 2011.

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OEUVRES MAJEURES

Fracassante Maguy Marin.

« Salves» de Maguy Marin fut l’événement de la Biennale de la Danse de Lyon en 2010. Dès janvier 2012, sa compagnie part en tournée dans toute la France. Je publie à nouveau l’article que j’avais écrit en 2010 et les dates de ce long voyage qu’entreprennent Maguy Marin et ses danseurs. Ils vont passer près de chez vous.

Sonné. Immobilisé. Traumatisé. Elle ne nous a pas lâchés un instant. Même pas une seconde. Car ce n’est plus le moment de se divertir à partir des ficelles du marketing spectaculaire et faire semblant. Il est temps de recoller les morceaux d’une époque fracassante qui, à force de tordre le sens de l’Histoire, fait de nous des êtres «décivilisés», capables parfois de se laisser séduire par des visions réductrices au mépris de tous ceux qui ont oeuvré pour notre émancipation. La chorégraphe Maguy Marin n’a donc plus rien à perdre. Avec “Salves” sa dernière création présentée à la Biennale de la danse de Lyon, elle trace, car il faut l’énergie du chaos pour continuer sa quête de sens au coeur d’une société où poser LA question vous catalogue rapidement dans le clan des intransigeants. Maguy Marin ne transige pas. Elle occupe le terrain en préférant une scène en travaux aux plateaux dorés qui ensommeillent.

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Dès les premiers instants, les interprètes viennent délicatement nous chercher, comme si nous étions terrés, apeurés, ayant perdu le fil de l’Histoire. Cinq minutes d’une poésie à vous couper le souffle. Avec un fil transparent, ils nous relient et permettent à Maguy Marin de poser son paradigme (une bonne fois pour toute ?): tout est lié, l’art est total et il est grand temps de résister contre celles et ceux qui séparent au nom d’une rationalité abrutissante qui fait mal à l’humanité. Sur le fil, elle provoque le chaos le plus sublime qu’il m’ait été donné de voir afin de (tout) remettre à plat, en hauteur, en diagonale. En nous? Pour cela, elle transforme la scène en territoire pour chorégraphier le théâtre, nous inclure dans la danse, réveiller notre sens de l’Histoire qu’elle projette, comme une cinéaste d’une Nouvelle Vague, sur la toile de nos parois  cérébrales devenues soudainement amovibles! Aux traumatismes provoqués par la folie du monde, Maguy Marin répond en créant un langage «traumatique artistique» qui se passe des mots pour susciter un choc « psychologique ». Pour cela, le son s’approche du vacarme entêtant d’un « cauchemar de folie » ; pour cela, la lumière n’éclaire plus, elle projette.

Les danseurs arpentent donc, torche à la main, ce que nous avons fait là…C’est pire que ce que nous pensions. Mais ne croyez pas à une dénonciation, une de plus, auxquelles nous sommes habitués sur bien des plateaux. Ici, Maguy Marin inclut le spectateur dans la folie du monde. Par touches successives, elle réveille nos peurs enfouies qui font qu’aujourd’hui nous laissons faire, parce qu’enfant, nous avons découvert ce qu’il ne fallait pas voir. Elle va chercher ce qui fait Histoire dans notre histoire. Inutile de préciser que c’est saisissant. Elle interpelle notre lien à la culture qui, censé nous «civiliser», nous assujetti aux modes et fait de nous des consommateurs clonés qui empilent les oeuvres d’art comme nous rangeons la vaisselle dans le placard.

La force de « Salves» est bien là : elle métamorphose notre lien à la scène, seul ressort qu’elle peut actionner pour changer notre rapport au monde et nous montrer ce que notre société du spectacle, plongée dans le consumérisme le plus abject, nous empêche de voir. L’époque est folle parce que nous ne sommes reliés à rien. Même pas à l’art dont nous baladons les symboles, détournons les oeuvres à des fins marchandes où la vitesse de consommation des biens culturels prime au-delà du sens qu’ils incarnent. Pendant ce temps, les corps souffrent, les victimes disparaissent de notre champ de vision. Pendant ce temps, l’événementiel chasse l’Histoire et nous voilà immergés dans le groupe anonyme prêt à nous foutre sur la gueule en attendant qu’un dieu suprême vienne nous sortir de ce merdier.

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Alors Maguy Marin repart au combat et nous enrôle en repassant la bande-son et les images d’un vieux film, connues de tous, celui de la Résistance ; celui de ces petits gestes intimes du quotidien dont la portée politique est immense. N’attendez pas un bouquet final heureux. On n’est pas au spectacle ici ! Bombez le torse, accueillez ces salves. Elles vont vous transpercer et vous donner la force de tendre le fil qui vous relie à l’Histoire et «civiliser»votre regard posé sur le corps.

Car le corps est politique. Il est notre statue de la liberté.

La torche vivante de la fraternité.

Pascal Bély – Le Tadorne.

“Salves” de Maguy Marin à Biennale de la Danse de Lyon du 13 au 19 septembre 2010.

Crédit photo: Christian Ganet.

 

Les dates de la tournée:  

6 janvier 2012 au Théâtre la Passerelle – Gap
10 janvier 2012 au Théâtre de l’Archipel – Perpignan
12, 13 et 14 janvier 2012 au CCN de Aix-en-Provence / Ballet Preljocaj – Aix-en-Provence
17 janvier 2012 au Cratère, scène nationale – Alès
20 et 21 jan
vier 2012 au Merlan scène nationale – Marseille

24 janvier 2012 à La scène nationale de Cavaillon – Cavaillon
31 janvier 2012 au Théâtres en Dracénie – Draguignan

3 et 4 février 2012 au CNCDC de Châteauvallon – Ollioules 

7 février 2012 au Centre Culturel Agora – Boulazac
9, 10 et 11 février 2012 au Théâtre de l’Union – Limoges
14 février 2012 au Théâtre Le Liburnia – Libourne
17 et 18 février 2012 au Manège de Reims, scène nationale – Reims
21 et 22 février 2012 au Théâtre d’Orléans, scène nationale – Orléans
24 février 2012 à La Faïencerie, scène conventionnée – Creil

2 mars 2012 à La Passerelle, scène nationale – Saint Brieuc
6, 7 et 8 mars 2012 au Lieu unique, scène nationale – Nantes
14 mars 2012 à L’Arsenal – Metz
16 et 17 mars 2012 au Maillon / Théâtre de Strasbourg,scène européenne – Strasbourg

21, 22 et 23 mars 2012 au Théâtre National de Bretagne – Rennes
27 mars 2012 à l’Hippodrome, scène nationale – Douai
30-31 mars et 1er avril 2012 à l’Opéra de Lille – Lille

3, 4 et 5 avril 2012 Le Toboggan en partenariat avec la Maison de la danse de Lyon – Décines
10 avril 2012 à L’apostrophe scène nationale de Cergy-Pontoise et du Val-d’Oise – Cergy
13 et 14 avril 2012 au Théâtre Auditorium de Poitiers, dans le cadre du Festival [à corps] – Poitiers
17 et 18 avril 2012 à la Scène nationale Petit-Quevilly/Mont-Saint-Aignan – Le Petit-Quevilly
20 avril 2012 à Dieppe, scène nationale – Dieppe
24, 25 et 26 avril 2012 à La Comédie de Valence, centre dramatique national Drôme-Ardèche – Valence
30 avril 2012 à L’estive, scène nationale de Foix et de l’Ariège – Foix

6, 7, 8 et 9 juin 2012 au Théâtre Garonne – Toulouse

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PETITE ENFANCE

«Voyages en villes invisibles» d’Hervé Lelardoux : Rendez-vous à l’enfant!

Le froid vient de tomber, il est encore tôt, la ville se voile tout juste à peine de pénombre, les «lampions de Noël» s’allument pour conduire mes pas vers les retrouvailles avec «L’Arpenteur»*.

Par petites «grappes», nous entrons dans la salle. Les «vrais enfants» ont une enveloppe à la main où ils ont inscrit leurs noms et adresses; ils la déposeront «à la boite» avant de prendre place. Auparavant, nous emprunterons tous, qu’on soit petits ou un peu plus grands, la même rue, miniature de lumières, pour arriver au plateau boite à lettres.

J’éprouvais le besoin d’être entouré d’enfance pour rencontrer ces «Villes Invisibles». D’un côté une petite fille remuante et toussante,  de l’autre, une «grande vraie jeune fille» appariée, ce soir là, à une «petite fille sage». Je pouvais donc me «lover» dans mon enfant à moi, bonbons compris.

Levée de la boite à lettres, les prénoms s’égrainent. Et, les mots de Louis-Basile, qui a voyagé «toute sa vie» avant que de «revenir» dans «sa» ville, se donnent à l’adresse des petits spectateurs.

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Ben, Aicha, François, Nouna, Karl, Helena, Kevin…Ensemble, ils commencent à tisser la toile de nos galaxies espérées. Nos fenêtres espaces se font ciels étoilés et notre «village» se fait Monde par les souvenirs du «Voyageur».

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La nuit se fait jours…comme dans nos «imageries désirs» d’un aujourd’hui vers un demain en fenêtres touchées/aperçues.

Une heure quinze durant, le «vieux» baroudeur arpenteur souffle toujours tendrement, quand bien même quelques maladresses, une Belle vie à l’Enfance et à ses Fenêtres promesses. Unique, en singulier pluriel, un ciel aux étoiles se dessine. La petite fille a cessé de remuer, je me suis « invité/oublié » vers l’enfant que j’étais, que je suis. Mes «Villes Invisibles» se sont (r)allumées? !

Il fait encore un peu plus froid. Mes pas du soir vont me conduire vers ma Maison. Aujourd’hui, ma tête voyage, au gré de mes fenêtres d’Hier. Une ritournelle m’approche….«J’ai une maison pleine de Fenêtres?»… Hervé Lelardoux m’a «reconduit» à la part douce de mon enfance vitalisée en Aujourd’hui…

Rentré dans mon chez moi, la lecture de la feuille de salle me «rassure». Les «petits» aux enveloppes recevront bien une lettre de Louis-Basile, ils n’auront pas «figurés» pour rien !

Les villes existent dedans/dehors, visibles ou invisibles; explorons-nous «simplement», en corps vitraux, pour les allumer et les vivre en pluriel. Par les nuits étoilées ou voilées, nos enfants à la fenêtre nous guident, quelques étroites soient parfois les ouvertures et faibles les lumières. Il y a toujours, quelque part, une boite à lettres.

Bernard Gaurier, Le Tadorne

« Voyages en villes invisibles » d’Hervé Lelardoux au TNB Rennes du 6 au 16 décembre 2011.

*Hervé Lelardoux dirige depuis 1985 le Théâtre de l’Arpenteur avec Chantal Gresset, ils nous ont plusieurs fois invités à marcher dans la ville?

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LA VIE DU BLOG OEUVRES MAJEURES

En 2011, 20 oeuvres chorégraphiques essentielles.

1- “This situation” –  Tino Sehgal – Festival d’Avignon.

2- «Low pieces» – Xavier Le Roy – Festival d’Avignon.

3- «Cesena» – Anne Teresa de Keersmaeker – Festival d’Avignon.

4-«Cendrillon, ballet recyclable» – Philippe Lafeuille– Maison de la Danse de Lyon.

5-«Asphalte» – Pierre Rigal – Théâtre de la Passerelle, Gap.

6-“Enfant”- Boris Charmatz – Festival d’Avignon.

7-«Du Printemps» – Thierry Thieû Niang – Festival d’Avignon.

8-«L’après-midi d’un Foëhn» – Phia Menard – Festival Montpellier Danse.

9-«Parades and changes» – Anne Collot– Montpellier Danse.

10-«Pudique Acide  – Extasis» – Mathilde Monnier / Jean-François Duroure – Théâtre de l’Olivier, Istres.

11-«Fase, four mouvements» – Anne Teresa de Keersmaeker – Festival d’Avignon.

12-«Uprising» et «The Art of not looking back» – Hofesh Shechter– Théâtre des Salins de Martigues.

13-«Le baiser de la fée» – Michel Kelemenis- Opéra National du Rhin, Strasbourg.

14-«Fauves» – Michel Scchweizer – Les Subsistances, Lyon.

15-«Life and times» –Nature Theater of Oklahoma,  Festival d’Avignon.

16-«Ce que nous sommes» – Radhouane El Medeb, Festival les Hivernales, Avignon.

17-«Pléiades» – Alban Richard– Festival Montpellier Danse.

18-«Les 20 ans de la compagnie Grenade» – Josette Baïz – Grand Théâtre de Provence, Aix en Provence.

19-«Je cherchai dans mes poches» – Thierry Baë -Théâtre Durance, Château-Arnoux.

20-«Violet» – Meg Stuart– Festival d’Avignon.

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En 2011, la danse s’est largement ouverte à d’autres langages: s’est-elle pour autant régénérée? Incontestablement, elle s’interroge. Elle a puisé dans sa riche histoire pour y chercher la force de nous interpeller sur la place du corps dans la société. Mathilde Monnier et Jean-François Duroure, Anne Teresa de Keersmaeker, Josette Baïz, Anne Collot ont fait salle comble avec des oeuvres mythiques qui ont joué leur fonction: celle de nous transmettre l’énergie d’avancer et de ne pas renoncer.

Trente ans après, c’est une performance interprétée dans un festival de théâtre (Avignon), qui a créé l’événement. Avec un langage chorégraphique inattendu, Tino Sehgal a osé pendant trois semaines, mettre en mouvement la pensée de huit jeunes chercheurs et doctorants. Dans «This situation», rarement le «corps» et la «tête» ne me sont apparus aussi connectés pour interroger la place du spectateur, metteur en scène «involontaire» d’une oeuvre dynamique et bienfaitrice. Ce processus s’est prolongé avec «Low Pieces» de Xavier Leroy qui a intégré et questionné le lien entre public, danseurs et chorégraphe pour déstabiliser notre regard et ouvrir nos perceptions. Expérience inoubliable. D’autant plus que le mouvement est aussi et surtout dans nos têtes comme dans «Cendrillon, ballet recyclable» de Philippe Lafeuille. Il a recyclé un ballet pour chorégraphier le plastique, matière de la métamorphose. Ce soir-là, mon imaginaire a pris le pouvoir. Le plastique fut décidément présent en 2011: Phia Menard créa un ballet époustouflant à partir de six petits sacs pour que le fragile soit vecteur de sens. Un grand moment de danse.

Les musiciens ont occupé une place importante pour régénérer le langage chorégraphique jusqu’à parfois les confondre avec les danseurs. Au Palais des Papes d’Avignon, au petit matin, le groupe «Graindelavoix» a accompagné les mouvements majestueux d’Anne Teresa de Keersmaeker pour des corps musicaux franchissant les frontières imposées par les disciplines. «Cesena» restera pour longtemps un moment inoubliable. Sur un autre registre, Alban Richard et les percussions de Strasbourg ont avec «Pléiades», crées la tresse entre la musique contemporaine de Iannis Xénakis et la danse pour des corps instruments. Jouissif. Dans «Asphalte» de Pierre Rigal, la musique de Julien Lepreux orchestra des corps dansant dans la ville pour imaginaires engagés dans la métamorphose. Explosif ! Dans «Violet» de Meg Stuart, la musique jouée en direct par Brendan Dougherty impulsa l’énergie de la transe. Percutant. Dans «Uprising» et «The Art of not looking back», Hofesh Shechter propulsa le groupe dans les entrailles de la musique pour y puiser la force de combattre et d’imposer le sens.

Dans «Le baiser de la fée», Michel Kelemenis osa le ballet contemporain sur une musique de Stravinsky, lui-même inspiré par Tchaïkovski. Quand la narration soutient cet exploit, la danse est une partition! Majestueux. Dans «Ce que nous sommes», Radhouane El Medeb chorégraphia le lien sur la musique engageante de Sir Alice pour ne plus se perdre dans le regard de l’autre. Fascinant. Dans «Je cherchai dans mes poches», Thierry Baë orchestra des trajectoires de vie, pensées comme une musique en quête de sens et de vérité.

Décidément, la musique fut omniprésente sur les plateaux de danse, même pour évoquer les âges de la vie! «Enfant de Boris Charmatz au Palais des Papes répondait à “Du Printemps» de Thierry Thieû Niang qui vit des séniors rajeunir notre regard porté sur la vieillesse. L’adolescence vue par le Nature Theater of Oklahoma dans «Life and times» fut plus sage que les «Fauves» de Michel Scchweizer. Mais pour ces quatre oeuvres, un même fil conducteur : la danse par la musique, théâtralise les métamorphoses d’un corps biologique, vues comme politiques.

En 2011, la danse fut l’une de mes plus belles partitions. C’est un art total, en résonance avec mes désirs de frontières étanches. Pour que s’ouvre mon imaginaire trop longtemps formaté par des savoirs casaniers.

Pascal Bély – Le Tadorne.

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LA VIE DU BLOG OEUVRES MAJEURES

Mes trois chefs d’oeuvre de l’année 2011.

2011 s’achève et comme chaque année, vient l’heure du repérage des traces indélébiles, des oeuvres qui ont fait leur chemin en traversée pour se nouer à des points de contact insoupçonnés.

En 2011, sur 139 spectacles vus, trois oeuvres m’ont durablement marqué. A priori, elles n’ont aucun lien entre elles, mais elles sont à l’image d’une année 2011 débutée sous le signe des révolutions durables (politique et écologique). Entre l’invocation et la convocation, elles ont interrogé mes systèmes de représentation, interpellés ma posture de spectateur, positionné le corps intime comme langage de la souffrance universelle.

Avec «Sur le concept du visage du fils de Dieu» de Roméo Castellucci, la scène fut un miroir inversé pour interroger ma façon de regarder le monde. J’en suis sorti vidé d’avoir tant écouté, relié, éprouvé, sous l’oeil impassible du visage de Jésus. Athée, ma religiosité fut une révélation.

En interprétant à sa «façon» «Hamlet», Vincent Macaigne m’a bouleversé. «Au moins j’aurai laissé un beau cadavre» n’a rien dit sur cette tragédie que je ne savais déjà. Sauf qu’il a changé la focale, décalé ce qui était figé dans mes représentations sur le pouvoir et métamorphosé la scène en espace quasi liquide capable d’accueillir les corps institués en mal d’amour. Un travail exceptionnel pour des spectateurs désireux de ne plus se laisser manipuler par des esthétiques sans fond.

Israel Galvan est le plus grand danseur de flamenco. Avec «La edad de Oro», je n’en suis toujours pas revenu.  Il célèbre le Flamenco comme Anne Teresa de Keersmaeker épure la danse contemporaine. Son corps est une terre humide qui capte l’énergie pour nous la restituer. Il est entré en moi pour abattre toutes mes barrières de défense. En juin 2011, j’écrivais : «Sa féminité est une rose qu’il vous tend tout en se piquant les doigts. Il saigne, mais sa rage d’en découdre est son pansement. On le croirait trembler de la tête aux pieds, mais ce n’est que le bruit de ses ailes d’anges, comme un claquement de dents. La musique est une onde qu’il attrape au vol pour se laisser traverser et terrasser. Il se relève : l’art n’abdique jamais. Sa danse est un rapport de force pour imposer la paix des braves ; la musique et le chant, un hymne à la terrible beauté.

2011, l’année du corps.

Corps et âmes.

Pascal Bély, Le Tadorne

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En 2011, 20 oeuvres chorégraphiques essentielles.

En 2011, 20 mises en scène essentielles.

« Sur le concept du visage du fils de Dieu » de Roméo Castellucci, Festival d’Avignon. Sur le Tadorne:  Pour Roméo Castellucci, contre la censure des malades de Dieu.

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 « La edad de Oro » – Israel Galvan -Festival Montpellier Danse. Sur le Tadorne: Galvánisé.

 «Au moins j’aurai laissé un beau cadavre» de Vincent Macaigne – Festival d’Avignon. Sur le Tadorne:  Le Prince Vincent Macaigne vous attend.

 

 

 

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FESTIVAL ACTORAL PAS CONTENT

À Marseille : Montévidéo fermé, Tadornes déplumés?

À Marseille, rares sont les lieux dédiés à la création contemporaine. Montévidéo fait partie du paysage culturel de ce blog : j’y ai vu des oeuvres intéressantes qui m’ont permis de me forger un regard plus ouvert sur les formes théâtrales. Depuis quelques mois, le lieu est fermé sans que le public en connaisse précisément les raisons. Très concrètement, cela a des répercussions pour la vie de ce blog: la fermeture de Montévidéo m’a un peu plus éloigné de Marseille, de la création contemporaine et des artistes émergents.

Je publie un appel de l’association « les amis de Montévidéo ». Je vous invite à signer la pétition.

Pour eux. Pour nous.

Pascal Bély, Le Tadorne

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Nous, public, artistes, amis de Montévidéo, nous nous inquiétons de l’avenir et du développement de ce lieu qui nous est cher. Par sa singularité et sa liberté artistique Montévidéo, centre de création contemporaine et de résidence d’artistes à Marseille, a su prendre une place tout à fait particulière dans le paysage de la culture, que nous souhaitons voir perdurer. Nous nous inquiétons du temps qui passe et de constater qu’à ce jour Montévidéo ne puisse pas réouvrir pleinement ses portes. Nous sommes informés que Montévidéo traverse depuis quelques mois de grandes difficultés qui l’empêchent de fonctionner comme le lieu de découvertes et de création artistique qu’il est depuis dix ans, favorisant l’émergence de nouvelles formes.

Or, si nous savons que Montévidéo continue d’accueillir régulièrement des résidences d’artistes, les limitations d’ouverture dont il fait l’objet sont pour nous, amis de Montévidéo, très préjudiciables : c’est un espace rare d’expression artistique qui risque de disparaître. Un réservoir de découvertes qui se tarit à Marseille. Depuis 10 ans, Hubert Colas et Jean-Marc Montera, ses deux directeurs, ont su décloisonner les formes consacrées du théâtre et de la musique. Ils ont su bousculer les paroles et les sons, éprouver les rythmes et les silences, les espaces et les signes. En accueillant des artistes français et étrangers, ce lieu de convivialité propice aux échanges artistiques et à la proximité avec son public, s’est forgé une identité singulière, reconnu en France et à l’étranger.

Montévidéo est également un lieu déterminant à Marseille pour l’accompagnement des projets d’artistes régionaux, nationaux et internationaux, un lieu qui ouvre des perspectives de travail, de recherche et d’expérimentations essentielles au développement des démarches artistiques. Nous savons que les mois qui viennent sont d’une importance capitale.

Nous savons que d’importantes décisions relatives à sa pérennité doivent être prises. Nous y serons vigilants et y apporterons notre plein soutien.

Nous, artistes et spectateurs, fidèles du lieu, nous sommes persuadés que Montévidéo doit être sauvé. Nous souhaitons que Montévidéo soit pérennisé.

Nous interpellons et attendons de toutes les collectivités territoriales, qu’elles fassent tout ce qui est en leur possible pour  garantir la reprise et la poursuite des activités de Montévidéo, et qu’elles permettent à ce lieu emblématique de la création et de la scène contemporaine d’occuper toute la place qui doit être la sienne lors de l’année Capitale en 2013, et bien au-delà.

Les amis de Montévidéo. Pétition: ici

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HIVERNALES D'AVIGNON

Ça balance pas mal.

Une onde. Celle du choc. Des chocs.

Mathieu Heyraud a bousculé le public du dernier «Lundi au soleil» de l’année 2011 des Hivernales d’Avignon, rendez-vous autour d’univers chorégraphiques.

Les balançoires, trilogie de l’intime…Chapitre un” est la dernière création de ce chorégraphe-danseur au parcours transdisciplinaire, qui oeuvre actuellement au sein de la compagnie de Jean-Claude Gallotta.

Sa recherche chorégraphique est centrée sur la gravité,sur l’intime (et non sur l’intimité). La polysémie des mots fait alors son ouvrage. Mathieu Heyraud a cette faculté de décortiquer, de pousser à l’extrême, de saisir cet entre-deux, dans lequel le geste parle, le corps agit. Avec son style épuré, sa scénographie calibrée, sa connaissance du monde du cinéma à partir de jeux de lumière, il symbolise cette nouvelle génération qui accepte le regard du public lors d’une étape de création.

Marie-Lise Naud, magnifique interprète, offre toute sa puissance à cette proposition en devenir, où la main tendue nous fait avancer sur le fil du sensible d’où nait une certaine émotion. L’énergie de cet opus repose sur la sensation et  l’empathie. «Nous aimons tous les histoires, à nous de nous les fabriquer» précise Mathieu Heyraud. Il ne nous raconte rien. Il nous invite à convier notre imaginaire, à nous glisser dans cet interstice où tout devient possible, où tout peut basculer.

La balançoire, objet de fantasme, oscille dans un va-et-vient incessant. Tout en mouvement, elle reste attachée à un point défini par un axe. Notre corps joue de cette bascule et nous confronte à l’axe de l’intime et du public, du dedans du dehors, de la légèreté, de la stabilité à celui de la gravité.

Mathieu Heyraud nous habille d’une danse qui colle à la peau, de celle qui nous réchauffe seul dans le noir. Il nous offre un tour de balançoire qui bouscule notre entre-soi.

Laurent Bourbousson – Le Tadorne

Étape de création : Les balançoires, trilogie de l’intime, Chapitre un a été présenté dans le cadre des Lundis au soleil, Les Hivernales, Avignon, le lundi 12 décembre 2011.

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THEATRE MODERNE

Le théâtre argentin fait le boulot?

Crise de la dette (n’est-ce pas plutôt la fin d’un modèle ?) . Crise financière (avez-vous remarqué qu’elle s’est substituée à la «crise économique» ?). Crise sociale (cet adjectif a quasiment disparu). Crise des valeurs (elle n’est jamais évoquée). Éditorialistes, économistes, spécialistes et politiques s’emparent des mots, les réduisent et dissertent sans vision sur des réponses. Vous et moi sommes hors jeu…

Le théâtre français est-il aujourd’hui capable de relier toutes ces expressions que nous séparons pour servir les intérêts particuliers de quelques-uns ? J’en doute. La plupart de nos artistes sont ailleurs, égarés. Seuls les Argentins parviennent à personnifier ces crises alors qu’elles paraissent pour l’instant, totalement désincarnées dans les médias et sur les plateaux des théâtres français. Le metteur en scène Claudio Tolcachir est en tournée en France avec «La Omisión de la familia Coleman», créée en 2005. Ce soir, il est à la Criée de Marseille. C’est un choc auquel je ne m’habitue pas : pourtant, depuis 2006, de Paris à Bruxelles,  mes rencontres avec les  Argentins Ricardo Bartis, Daniel Veronese, Beatriz Catani auraient dû me préparer.

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Il y a toujours cette étrange impression : la scène est à l’image d’une pieuvre envahissante. Le décor d’appartement est en longueur, sans profondeur, comme si nous étions l’arrière-cour. Le désordre en dit long sur la vie de cette famille argentine depuis la faillite du pays en 2001 : l’atelier de couture de Gabi est posé au beau milieu du salon. À partir des vêtements qu’elle recycle, elle fabrique de nouveaux habits. Son frère, Marito, bonnet ouvert sur la tête comme pour mieux la maintenir vers un ailleurs de «folie», préfère garder son pantalon de pyjama quitte à se doucher avec. Tout est donc question d’espace vital pour ces trois enfants qui vivent sous le même toit avec leur mère (mémé) et la grand-mère. Une des filles, Véronica, a réussi à s’émanciper: mère de deux «petits» (appelé obsessionnellement «les nains» par Marito), elle vit confortablement jusqu’à payer les frais d’hospitalisation de la grand-mère. Quant à Damian, l’un des deux garçons, il vole et recycle aussi…

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Claudio Tolcachir met en scène une famille profondément mortifiée par les crises citées plus haut, mais qui mentalise sa créativité pour échapper à toutes les contraintes. Ce processus produit une énergie qui traverse le plateau jusqu’à m’embarquer dans cette tempête où le moindre fait et geste déclenche une crise systémique qui emporte tout sur son passage. Nul besoin d’être économiste pour comprendre ce que provoque la déclassification sociale. La folie de Marito n’est que le symptôme d’un système fait d’injonctions paradoxales où pour fuir la crise, il faut être en crise. Même la misère sexuelle entre en jeu : l’inceste n’est qu’une conséquence du rétrécissement de l’espace où, pour pousser les murs, on partage le lit et sa tendresse. Étrangement, il n’y pas de place au jugement de valeur. La caresse est aussi vitale que le repas que l’on commande à l’hôpital, profitant d’une visite à la grand-mère mourante. Tout se dérègle jusqu’aux pilules périmées, juste bonnes pour se transformer en contraceptif de substitution.

Véronica n’est pas  mieux lotie: elle a certes l’argent, mais sa souffrance est à fleur de peau et de mots, faute de pouvoir incarner un autre rôle d’épargné, mais épargnante. Chaque acteur est magnifique de sincérité. Lautaro Perotti (Marito) porte la pièce à s’en saigner les veines. Il est au croisement de toutes les histoires comme s’il détenait les cartes du jeu : sa folie pose la question du sens des mots, des gestes et des mouvements. Il est le metteur en scène, le seul à ne jamais fuir: la crise l’a probablement rendu fou, constamment «habité» par le désir de nouer les liens familiaux.

Tout au long, je ris. Comme un réflexe vital pour ne pas sombrer avec eux. Je suis profondément touché par l’énergie du désespoir qu’ils déploient pour tout reconstruire. Ils laissent Marito seul dans cet appartement où nos lâchetés individuelles et nos peurs  lui imposent le silence. Marito va mourir. Notre sortie de crise fera place nette. Les vieux, les fous et les prisonniers, après avoir été nos boucs émissaires, disparaîtrons de nos champs de vision, une fois le chaos terminé.

Je ris et un frisson me traverse.

Nous préparons une nouvelle extermination.

En sourdine.

Pascal Bély, Le Tadorne

«La Omisión de la familia Coleman» de Claudio Tolcachir au Théâtre de la Criée de Marseille du 6 au 10 décembre 2011.

En tournée : les dates ici.

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LE THEATRE BELGE! OEUVRES MAJEURES

Au Théâtre du Merlan, Vanessa Paradis…

Pour commencer la lecture de cet article, une vidéo et une chanson. Juste pour poser l’ambiance de ce spectacle magnifique actuellement à l’affiche du Théâtre du Merlan à Marseille jusqu’au 17 décembre 2011. Etes-vous prêt ?

Ce fut l’un des grands moments du  Festival d’Avignon et de la Biennale de la Danse de Lyon. Bouleversant à plus d’un titre. Du théâtre populaire comme on n’en fait presque plus. « Gardenia » du chorégraphe Alain Platel et du metteur en scène Frank Van Laecke prouve, une fois de plus, que le Théâtre flamand sait décaler notre regard vers les “angles morts” de notre société. L’actrice et scénariste Vanessa Van Durme que nous avions tant aimée ici lors de son dernier spectacle, leur a soufflé une idée de départ: réunir sur scène de « vieux travestis qui dansent gaiement sur une musique triste ! ». Quelque temps plus tard, ils sont sept sur scène autour de Vanessa et d’un jeune danseur pour faire revivre ce cabaret éphémère, pour que le rideau se lève enfin et dévoile un pan entier de l’histoire du spectacle vivant.

Autant enlever le masque. L’émotion ne m’a pas quitté tout au long de la représentation. De la première minute (si politique, tant attendu) à la dernière (si respectueuse de la part du public), j’ai baissé la garde . Car ces hommes et ces femmes ont été sur la route de jeunes adultes perdus, apeurés par le sid’amour, pour leur donner la force de s’affranchir des habits sur pièce confectionnés par des familles oppressantes et une société autoritaire. Alors qu’ils s’avancent vers nous, dans leurs vêtements de ville, sur ce sol en pente, je sens que les lumières et la scène vont les libérer de cette atmosphère de maison de retraite dans laquelle nous les avions oubliés. Mais Alain Platel et Franck Van Laecke n’éludent en rien notre responsabilité d’avoir fait basculer cette pente afin que  disparaissent peu à peu ces corps qui nous ont pourtant tant donnés. Pas plus qu’ils n’épargnent le milieu de la nuit sur la violence de ses rapports sociaux et amoureux.

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Mais ce soir, il est temps de nous rapprocher, de créer l’équilibre entre notre gradin en pente et leur scène verticale. C’est ainsi que « Gardenia » multiplie les points de rencontre pour que le «genre» ne soit plus une question, mais un corps en mouvement. Le résultat est magnifique, généreux, car la mise en scène épouse le processus du travestissement en évitant de tomber dans la gaudriole et la moquerie. La musique joue sa fonction mémorielle et pacificatrice : «Gigi», «comme ils disent», nous est revenu « d’Alexandrie, Alexandra » tandis que la longue dame brune veille sur le destin de chacun. La présence de ce jeune danseur majestueux au milieu de ces vieux travestis amplifie la tragédie, rend poreuse la frontière entre masculin et féminin, symbolise le commencement là où approche la fin et incarne pour toujours «l’objet de tous nos tourments». Les tableaux se succèdent et la scène bascule vers le conte, l’enfer pour n’être vers la fin qu’un pacte respectueux entre nous et ces artistes de l’âme. On prend conscience du rôle déterminant des acteurs travestis pour que le mouvement du corps incarne le désir refoulé (il est d’ailleurs troublant de constater le poids du travestissement dans certaines créations actuelles).

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« Gardenia » est situé sur la frontière entre la danse, le théâtre, le cabaret, la musique. Dans une explosion de joie, le public signifie une fois de plus qu’il est grand temps d’ouvrir les codes de la représentation. Il en va de notre désir d’être encore uni, divers et fraternel. 

Pascal Bély – Le Tadorne.

“Gardenia” par les Ballets C de la B jusqu’au 17 décembre 2011 au Théâtre du Merlan. Dates de tournée, ici.

Crédit photo: Michel Cavalca.

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LES FORMATIONS DU TADORNE

Travailleurs sociaux, éducateurs, médiateurs, chargés de développement des publics : une formation pour se relier autrement.

En mars 2012,  “La Cité,  Maison de Théâtre organise à Marseille la première Biennale des Écritures du Réel (théâtre, danse, cinéma, documentaire). En résonance avec les spectacles, cette manifestation sera également un espace de rencontres autour des nouveaux enjeux de la médiation.

En effet, à Marseille comme ailleurs, médiateurs, travailleurs sociaux, éducateurs, professionnels du développement des publics  proposent des actions innovantes qui permettent, sur un territoire, la rencontre entre artistes et habitants. Ainsi se créent des innovations qui malheureusement  ne s’écrivent pas et ne font pas patrimoine par manque d’espaces appropriés qui puissent les recevoir et les inscrire.

Fort de mon engagement de spectateur depuis 2005 et de mon expérience de consultant auprès des services sociaux et éducatifs depuis 1993, La Cité et mon cabinet (TRIGONE) ont souhaité proposer une formation transversale et décloisonnante capable d’accompagner les professionnels à s’inscrire dans un réseau de compétences.

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Cette action n’est pas une formation sur la médiation (il y en a d’excellentes) mais un espace pour relier les pratiques existantes à partir d’une approche systémique de l’interaction et du projet.

Le programme: formation médiation-copie-1 Formation Biennale.

La pré-inscription est en ligne.

À très bientôt,

Pascal Bély, Le Tadorne.

www.trigone.pro