Il a un visage d’ange, à moins que ce ne soit celui d’un démon. Lui, c’est Geronimo Pascagna (Guillaume Cantillon), voleur, assassin, doux dingue emprisonné. Dies Irae est son chant, celui de la liberté, de l’errance, de la reconstruction des vies après un cataclysme. Il me le déclame tel un prédicateur, me le récite tel un prophète et me le glisse à l’oreille tel un humain. La scénographie temporalise les tableaux et les différents chants de cette ode.
Guillaume Cantillon frappe notre conscience avec les mots de Leonid Andreïev. Il porte son chant tel un gourou. Il est lien qui nous unit à lui, au plateau, à la pensée. Il est le texte, le texte est lui, ils ne font qu’un. Je bois ses paroles. Je me sens comme ce paysage chaotique qu’il décrit, je deviens ruines et fumée. La reconstruction est-elle possible après un tel effondrement ? Si oui, la rédemption fait-elle partie de ce Nouveau Monde ?
Dans cette nouvelle vie désirée par Geronimo Pascagna, la question cristallise tous les espoirs . Il a tué, oui; il a volé, aussi, mais il est libre après que la porte de sa prison se soit ouverte. Mais la société sera-t-elle prête à «pardonner» les erreurs afin de reconstruire un monde nouveau? Avec ses amis de fortune, ils vont tenter de trouver une nouvelle voie, de saisir cette «seconde chance» pour rattraper les erreurs de jeunesse. Rattrapés, ils le sont par les gardes nationaux. Fusillés, aussi. Lui seul, Geronimo Pascagna, en échappera et terminera sa quête de liberté là où elle a commencé, derrière les murs de sa prison, reconstruite avant même que les traces du chaos ne se soient résorbées.
Dies Irae a le souffle de “Surveiller et punir” de Michel Foucault. Derrière ses murs, Geronimo Pascagna revit en pensée l’odeur, la route, les couleurs de l’extérieur et tente de trouver la réponse à son questionnement: l’humain a-t-il la capacité de construire une société nouvelle après que celle-ci ait subi les pires assauts ?
Je pense alors à l’embrasement des pays qui ont vécu les printemps arabes, à la Syrie, à ceux sous le joug de dictateurs. Qu’advient-il lorsque l’être humain est face à la reconstruction? Quelle voie choisit-il ?
Je deviens Geronimo Pascagna, à la seule différence d’être libre dans un monde où le chaos règne.
La porte s’ouvre.
Mon errance ne fait que commencer.
Laurent Bourbousson, Le Tadorne.
«Dies Irae», au Théâtre des halles, par la compagnie Le Cabinet des curiosités. Jusqu’au 28 juillet à 14h00.
Après avoir appelé mes amis pour leur transmettre le choc que j’ai reçu hier, j’envoie au plus vite ce témoignage pour inviter encore de potentiels spectateurs à se déplacer jusqu’au samedi 28 juillet au Festival d’Avignon, à faire le pied de grue, à racheter des places, à faire la démarche difficile de se rendre à 22h à la Cour d’honneur, pour voir “La Mouette” de Tchekhov dans une adaptation d’Arthur Nauzyciel durant quatre heures, valant tous ces efforts et toutes ces contraintes: une presse critique, paresseuse et vindicative, une retransmission télévisée ayant remporté la plus faible audience de l’année. Le théâtre n’est décidément pas fait pour l’écran. C’est pour cela que l’on a donné un autre nom que «théâtre filmé» au septième art, le cinéma.
Le premier film, réalisé par les frères lumières «Arrivée d’un train à la Ciotat», qui est diffusé sur une immense tôle, miroitante et marbrée, figurant les falaises côtières fréquentées par l’oiseau marin, peut nous sembler incongrue, hors de propos; et pourtant, ce premier décalage est savamment pensé, comme un message visuel, discret, qui va traverser notre inconscient durant la pièce, indiquant les aller-retour de la «famille» d’artistes russes entre campagne et ville, entre l’art du passé et la modernité qui pointe. Arthur Nauzyciel, ses comédiens et ses musiciens vont d’ailleurs procéder à une sorte de pont entre l’écriture de Tchekhov, son introspection poétique sur le sacrifice que nécessite la pratique de l’art et le drame qu’elle subit aujourd’hui, l’adversité qu’elle connaît sous le joug de l’uniformisation, de l’audimat. Ironie du sort, cette interprétation de la pièce que certains journalistes (Télérama, Figaro) considèrent comme éculée et emphatique, est d’une extraordinaire vigueur, fait montre de toutes les libertés que s’offrait l’expressionnisme au début du XXème siècle, au cinéma comme au théâtre (Meyerhold, Murnau, Wiene), et permet de percer la profondeur spirituelle travaillant ce huis clos, en exposant son énigme comme une chanson de geste. Pas de récompense sans effort, fut-elle indicible, et ceci, tout autant pour l’artiste que pour le spectateur.
C’est beaucoup d’estime que de nous considérer d’abord comme des hommes et non comme des variables de plaisir, non comme des spectateurs, cuillère à la bouche, bons à juger, à mettre des notes. Le don de ces comédiens vibrant, tremblant, nous hisse jusqu’à cette réalité, si souvent étouffée, nous donnant l’occasion de rejoindre notre dignité, trop souvent perdue. Il n’y a qu’un art sérieux, avec des idées claires, répètent les personnages d’Anton Tchekhov. La difficulté est de poursuivre, de s’organiser et de ne pas céder à la gloriole, à l’illusion du succès et de la cour. Quand l’art atteint à cette patience, à la mesure de ses silences, de ses absences, c’est une leçon d’histoire renouvelée. Arthur Nauzyciel est l’investigateur d’une mémoire précieuse, fragile, on ne mesure pas notre chance, il nous ramène de cette époque quelque chose de non enregistré, de non filmé, un travail sonore perturbant, évident pour les oreilles inquiètes, ouvertes, qui cherchent la musique que demande la poésie, quand les dictions deviennent antiques et dérangeantes comme sonnaient les voix de Malraux, d’Apollinaire, comme devaient émettre les comédiens de Stanislavski, comme s’essayent maintenant les porte-voix de Claude Régy, rythme lancinant, «spoken words», enquête, expérimentale, gourmande, sur le conduit auditif. Ici, corps et cris de mouettes.
Sidérant cri du comédien Xavier Gallais, transformant le prénom de Nina en un «Vous!» sur-aiguë, déchirant la cour d’honneur, annonçant déjà sa chute. Yeux révulsés de la jeune Adèle Haenel. Enfin, bouleversante confession de Marie-Sophie Ferdane sur le métier d’artiste, jalousé, décrié, sacralisé, moqué, jugé, incompris, polémiqué, acclamé, instant passionnel qui, hier soir, m’a recentré, changeant ma vie un peu plus, celles de mes voisins sans doute, tant leur émotion était palpable, dure à contenir, tant la troupe autour d’elle («La mouette») s’unissait dans cette déclaration de guerre et d’amour mélangé. Sensation suffocante, et gênante devant la parole qui vous délivre? Je savais que je voyais et entendais quelque chose qu’il ne me faudra pas oublier, qu’il me faudra entretenir, peut-être même, mériter.
Il n’y a plus d’avant-garde. Les artistes du XXIème siècle, même s’ils tentent de nouvelles formes sont obligés de se pencher sur leur passé proche ou lointain. C’est être prétentieux ou fou de faire l’impasse sur le déchainement créatif et destructif du siècle dernier. Il fut une réserve d’objets, d’expériences ultimes de la représentation, de partage du savoir, d’éclatements de la narration, de tous les codes scéniques et musicaux. Il y a donc, à cause de ce tournant, de cette accélération de notre temps, un travail de conscience ou de réitération nécessaire à la digestion et à la préparation de notre futur. Choisir de montrer les débuts de cette révolte indépendantiste et artistique, presque planétaire, avec le «hit» de Tchekhov est un acte bien plus téméraire qu’on ne le pense. Qu’il créé désaccord et polémique, c’est un travail de «reliance», d’enracinement frais et difficile?
Le festival est dans sa dernière semaine. La programmation de cette année m’a permis d’y découvrir multiples propositions dans le Off et le IN, où les femmes comédiennes et metteuses en scène se distinguent. Des représentations de caractères où elles sortent des schémas habituels.
On plonge dans une grande mer(e), comme celle où Sophie Calle nous a emmenés tout au long de ce festival lors de son exposition à l’Église des Célestins («Rachel, Monique»). Avec elle, nous évoluons dans un espace du beau, au “choeur” d’un monument spirituel, comme pour élever notre regard et notre pensée sur ce qui nous entoure (“Au Festival d’Avignon, Sophie Calle: la traversée d’un continent intérieur“)
À la Manufacture, Pauline Sales dans “En travaux“, met en scène Hélène Viviès, comédienne engagée jusqu’au bout des ongles. Elle incarne ce rôle avec passion et son plaisir est palpable sur le plateau. Notre c?ur bat sous son bleu de travail, et va jusqu’à bleuir nos âmes (“Avignon Off 2012: Les beaux travaux de Pauline Sales et Thierry Baë“) .
Dans “Occident“, notre monde capitaliste s’oppose aux minorités…La femme y est sujet, objet, sur lequel l’homme peut se défouler en l’insultant, la méprisant, la frappant encore trop souvent…Stéphanie Marc, inonde la scène de sa présence sensuelle et prend le pouvoir en retournant son mari, fort grossier personnage, en bête implorante. Sur ce plateau exigu, comme un ruisseau de montagne, elle véhicule un courant de paroles calmes et pertinentes, au milieu des failles. De sa fraîcheur, elle glace et noie cet homme pour le réduire en poussières.
Les tourbillons nous propulsent à l’intérieur des terres, dans un milieu artistique “bohème”, autour de «Piscine (pas d’eau)». Cécile Auxire-Marmouget, metteuse en scène et comédienne nous invite dans ce groupe de privilégiés à découvrir tous leurs petits jeux amicaux pervers et intéressés. Le vide de la piscine devient réceptacle de fiel, de rancoeurs, de jugements…L’envie dévore. Cécile se transforme en comédienne italienne du cinéma néo-réaliste des années soixante. C’est une sorte de “monstre”…Les dents de loups rayent le carrelage. Ses amis bienveillants me font penser à des traders qui calculent en permanence, sans scrupule dans un contexte de crise.
Dans “Bonheur titre provisoire“, oeuvre théâtrale et picturale d’Alain Timar, Pauline Méreuze nous questionne de ses grands yeux rieurs. Dans sa recherche de l’équilibre, elle exulte entre joie et désespoir. Son énergie l’emporte vers le bas et son nez coule sans fin. Avec l’aide de Paul Camus, elle raccroche petit à petit les pièces du puzzle et, plus sereine, ouvre une boite à outils: l’Utopie.
Près du bar du in, où tous les noctambules se retrouvent, toutes castes confondues, le fantôme de Françoise Sagan plane sur “Toxique“. Un binôme de femmes représente ce corps d’artiste qui a brûlé sa vie dans un plaisir certain. Anne-Sophie Pauchet met en scène Valerie Diome qui compose une Françoise qui, dans sa chambre d’hôpital, nous ouvre sa fenêtre de réflexions de patiente immobilisée. La souffrance physique s’efface à travers les sédatifs, pour laisser libre cours à la douceur de l’accompagnement vocal et musical de Juliette Richard. N’est-ce pas la mère avec sa fille, tellement leur douce complicité est belle à voir ?
La Belgique m’appelle vers le Théâtre des Doms pour “La nostalgie de l’avenir“. Avec cette version de «La mouette» de Tchekhov par la metteuse en scène Myriam Saduis, un corps de femmes plane. Leurs silhouettes se dessinent, s’éclairent derrière des panneaux de papier calque. Elles sont une métaphore de sentiments, qui passe de l’ombre à l’explosion, sur un champ de fleurs. Les relations d’amour envahissent la scène, face à sa mère, sa soeur, son compagnon, son art, son égo…Toutes générations, elles apparaissent et disparaissent dans des jeux de plaids qui virevoltent comme les tourbillons de la vie.
C’est ainsi qu’au Festival Off, femmes et hommes sont égaux (enfin quasiment!): c’est tellement bon de les saisir, de les respirer…On en sort imprégné de leur parfum.
Cette liste de femmes n’est qu’une petite introduction, et je remercie tous ces artistes, tous genres confondus.
Je pars mouette, mer, utopie, libre…Heureuse.
Sylvie Lefrere ? Le Tadorne
« Rachel, Monique » de Sophie Calle ? Église des Célestins.
« La nostalgie de l’avenir, compagnie Défilé. Théâtre des Doms à 11h.
« Bonheur titre provisoire », Alain Timar, Théâtre des Halles à 16h30
Trois années après la crise des subprimes, trois artistes du Festival d’Avignon s’emparent du sujet pour en restituer leur vision: Nicolas Stemann («Les contrats du commerçant, une comédie économique»), Thomas Ostermeier («Un ennemi du peuple») et Bruno Meyssat («15%»).
Premier épisode avec Nicolas Stemann pour la représentation la plus chère après celles de la Cour d’honneur (entre 29 et 36 €; à ce prix-là, il reste encore des places). Il s’avance sur la scène pour nous prévenir: la pièce est longue (un compteur de pages trône sur le plateau, bloqué à 99) et il n’est pas nécessaire de lire en continu les surtitres (effectivement, le texte d‘Elfriede Jelinek est une interminable logorrhée verbale à propos des conséquences de la spéculation financière sur l’économie réelle). Nicolas Stemann précise que nous pouvons quitter les gradins de la cour du Lycée Saint-Joseph pour nous désaltérer au bar et visionner “les contrats”. Manière élégante pour définir ce spectacle comme une installation.
Ces principes de précaution étant posés, la pièce peut débuter. Feuillets à la main, les acteurs égrènent le texte tout en le ponctuant de différentes performances. Le mistral s’invite pour faire voler ce texte soporifique en éclats de papier. Les corps des acteurs en disent bien plus que les mots qui défilent tels des cours de la bourse sur les chaines d’information. La succession de performances met en scène les ravages d’un système financier hors de contrôle sur la vie d’un couple de retraités. Je m’ennuie très vite comme si ces images, même métaphoriques, m’étaient familières. En effet, la danse contemporaine et les arts plastiques véhiculent les symboles du corps «marchand» depuis longtemps sans faire explicitement référence à la crise financière. À cet instant, ce théâtre-là n’invente rien. Tout au plus recycle-t-il des procédés scéniques au profit d’un texte bien heureux d’être ainsi valorisé! L’absence de dramaturgie provoque la farce, malgré de «belles images» de corps ensanglantés, de corps crucifiés à la dérive et de scènes de boulimie de billets de banque qui tournent au vomi…
Lassé, je prends la tangente vers le bar où le prix des consommations n’a rien à envier à ceux pratiqués sur la Place de l’Horloge. On y discute, mais de quoi? Des spectateurs naufragés (couverture sur les épaules) errent dans le jardin, mais vers où? Étrange image que ces attroupements comme si le besoin de lien social prenait le pas sur les performances! Est-ce une métaphore de notre (in)conscience face à la crise? Je décide de ne pas regagner ma place. Je me positionne à l’entrée du couloir entre scène et jardin, tel un observateur attentif pour ne rien perdre de mon regard critique. Situation totalement inédite en vingt ans de fréquentation du Festival! Je savoure cette liberté…
C’est alors que Vincent Macaigne (metteur en scène d’un Hamlet décapant lors de l’édition de 2011 du Festival) s’insurge dans les gradins. Il veut stopper la pièce. De ma place, je comprends très vite que c’est un jeu de rôles calculé. Il finit par monter sur le plateau. La scène est assez pathétique: désinvolte, il semble découvrir le texte. Mon attention est détournée par un enfant «comédien» (précédemment déguisé en superman) qui quitte le plateau par les coulisses. C’est la fille de Vincent Baudriller, directeur du Festival d’Avignon. Ainsi, la farce tourne vite à la mise en scène d’un milieu qui jouit du désordre généré par la crise (ici symbolisé par l’éclatement de la représentation où la performance et les arts plastiques prennent le pouvoir sur la dramaturgie). Aucun système de pensée n’émerge de ce théâtre, tout au plus une amusante dynamique d’un «jeu de rôles» où le spectateur non averti ignore des enjeux (par quel processus cet enfant est-il arrivé sur scène? Que se joue-t-il entre Vincent Macaigne, Nicolas Stemann et la Direction sachant que le lendemain, on me dit que Stanislas Nordey, artiste associé en 2013 du Festival, endossera le rôle?). Il y a dans ces «contrats» bien d’autres «transactions» et d’autres «comédies économiques» où le public n’est finalement qu’une variable d’ajustement: ses déplacements sont même orchestrés à des fins de mise en scène (fuite au-dehors ou vers le bar; qu’importe !).
Au Théâtre des Idées, événement programmé au sein du Festival, Clémence Hérout rapporte dans son blog l’intervention d’Alain Badiou: «Le théâtre représenterait ainsi la tension entre transcendance et immanence de l’idée». Ce soir, nous en sommes très loin. Infiniment loin. Comme si la crise de 2008 avait réussi à faire plonger certains artistes joliment subventionnés dans la mise en scène du cynisme avec une esthétique irréprochable pour amuser le bourgeois à défaut d’inviter le peuple à réfléchir sur son avenir.
Pascal Bély, Le Tadorne.
«Les contrats du commerçant, une comédie économique» de Nicolas Stemann au Festival d’Avignon du 21 au 26 juillet 2012.
Il ne reste que quelques jours pour venir au Festival Off d’Avignon. En quelques lignes, les spectacles que nous avons aimés et qui sont toujours à l’affiche jusqu’au samedi 28 (avec liens vers nos articles).
1- La nostalgie de l’avenir, compagnie Défilé. Théâtre des Doms à 11h.
Lors des «Offinités» organisées sous le chapiteau du Village off par les Tadornes, la question de l’engagement du corps dans les propositions donne lieu à de véritables échanges. Que ce soit en matière de théâtre, de danse ou de formes hybrides, la présence du corps doit être entière pour raconter et émouvoir. Il est le lien qui nous unit au plateau. Cet engagement doit être fécond, apporter une lisibilité au propos et le servir sans faille. La compagnie Gazoline, qui présente «Piscine (Pas d’eau)» à l’Entrepôt, est la démonstration même que le corps peut être est un langage global.
Par sa forme alambiquée sous forme de flash-back, le texte de Mark Ravenhill, prend corps dans le jeu des comédiens. Les mots, portés avec une énergie débordante, soulignent le danger à mettre en scène un tel texte. Les comédiens n’ont pas droit à l’erreur au risque de faire retomber la tension et l’attention du spectateur dans les échanges qui sont d’une cruauté et d’une méchanceté sans pareil.
La mise en scène de Cécile Auxire-Marmouget est jubilatoire. Elle nous entraîne dans cette histoire d’amitié et de jalousie avec une réelle aisance, sans faire de surenchère. Par une analyse sociologique de la notion d’appartenance au groupe, «Piscine (pas d’eau)» explore les relations amicales. Chacun à un rôle à jouer, bien défini, pour la survie du collectif. Une hiérarchie s’impose d’elle-même. On y retrouve le meneur, le rigolo, le ringard, le laisser pour compte, le looser. L’étiquette avec laquelle l’individu évolue lui colle à la peau, crispant les relations. La cruauté, la jalousie et l’envie agissent alors comme un miroir déformant de notre relation à l’autre.
Le dispositif scénique de Pierre Mélé rend compte de l’atmosphère du texte. Il n’est pas si facile de faire rentrer une piscine sur un plateau; de convier le public à un vernissage d’exposition; de prendre l’avion pour rejoindre l’amie de toujours qui a réussi là où les autres se sont contentés de vivre un simulacre de réussite; de nous emmener dans le service des urgences d’un hôpital. Et pourtant, toutes ces situations se télescopent sur le plateau sans s’empiler.
Les mots de Ravenhill tourbillonnent, explosent dans une énergie que la compagnie Gazoline déploie à merveille. Comédie méchante, voire très méchante, sur nos amitiés perdues et factices de notre société d’aujourd’hui.
Laurent Bourbousson – Le Tadorne.
Piscine (Pas d’eau), compagnie Gazoline, au Théâtre de l’Entrepôt, tous les jours à 17h30, jusqu’au 28 juillet 2012.
Il est vain de vouloir comprendre la feuille de salle écrite pour le Festival d’Avignon sur le nouveau spectacle de Roméo Castellucci, «The Four Seasons Restaurant». C’est totalement illisible. Un verbiage comme on n’en fait plus. Est-ce calculé? L’interview qui suit reste plus accessible, mais je lâche très vite tandis que l’on me tend une paire de boules Quies. Sylvie Lefrere, contributrice pour le Tadorne, est à mes côtés. Deux Tadornes pour une expérience hors du commun?
Pendant plus d’une heure, je perds tout, progressivement. Mon corps et mon intellect ne vont plus communiquer. Dès les cinq premières minutes, je suis plongé dans le noir pour entendre le bruit du trou noir dans le cosmos. Belle entrée en matière. Arrivent dix femmes qui, une à une, se coupe la langue. Je ferme les yeux. Autre trou noir, mais moins vertigineux. Elles entament alors un long poème, “La mort d’Empédocle” de Hölderlin, évoquant le suicide «esthétique» du philosophe grec. Le passage est interminable. Mon corps va lâcher. Il lâche. L’espace d’une seconde, je tombe dans un trou noir, un rêve éveillé. Un visage. Mais lequel? Je me redresse, apeuré, le c?ur survolté. Au bord du malaise. Ces femmes produisent une étrange image entre portraits photographiques, prière dansée, sculpture groupale. Leurs mouvements paraissent naïfs comme pour m’inviter à retrouver la grâce. Je ne saisis rien de ce qu’elles disent. Elles semblent vouloir communiquer avec l’absent. Avec nous. Avec moi. C’est plus qu’une distance entre une scène et des gradins. Il y a un Monde. Une galaxie de comètes égarées, de corps disparus, d’âmes envolées. Je voudrais attraper au vol ce qu’elles envoient, mais plus rien ne vient. Mon désarroi est indéfinissable.
Sylvie ??
En regardant ces jeunes filles se mutiler, je me remémore Pasolini dans “Salo ou les 120 jours de Sodom”. Privées de parole, elles dégagent un collectif qui se rassemble en une ronde. Elles forment une étoile avec leur sarrau d’écolière des années quarante qui me renvoie les images des camps de la mort. Elles nous attachent à notre patrimoine historique et religieux au moment où nos croyances se perdent et suscitent conflits et souffrances. Nous sommes des naïfs dans cette société où le pouvoir écrase tous les systèmes, et nous laisse en quête d’un guide, d’un Dieu. Se trouverait-il dans une nouvelle gouvernance, dans la relation autour de valeurs et de force pour se rassembler? Elles se passent de tête en tête une couronne dorée de César pour symboliser le passage du pouvoir, générateurs de heurts et destructions. Il tue. Les armes sont là, mais semblent inutiles. Elles peuvent peindre le colt en or, mais il reste déposé à terre. Le poids de la défense est ailleurs…
Après qu’elles aient rendu les armes de la persuasion, de la dissuasion, surgit une scène, difficilement descriptible. Le groupe se resserre pour chorégraphier la chrysalide: une à une, elles émergent du coeur, du trou noir pour ressortir nue et quitter le plateau. Est-ce là, l’au-delà? Est-ce ici qu’il faut tout abandonner pour renaître? Est-ce la forme du changement de civilisation évoqué à longueur d’émissions et de colloques? Est-ce là-bas la nouvelle espèce, l’Homme féminin? L’Autre image? Le noir total revient. C’est là que je disparais. Le rideau du théâtre avance et recule accompagné du son du trou noir. Éclairs. Vrombissements. Tout tremble. Je perds l’image. Des éclairs. Plus que des éclairs. Une apocalypse. Un cheval mort apparaît puis disparait. L’animal comme unique relation à l’humain. Je perds tout ce qui fait lien entre le spectateur et la scène. Je ne suis plus au théâtre. Cela en est fini. Je suis aspiré dans ce trou noir qui n’a plus rien de circulaire. Je ne comprends plus rien. Je vois au-delà de mon corps. Au-delà de l’inconscient vers une autre conscience. Je perçois l’âme qui vole, tandis que les corps nus des femmes apparaissent.
Sylvie ?…
Des bras de ces jeunes filles émerge la force du groupe, tous genres confondus, où une succession de naissances apparait sous nos yeux. Le sujet sort habillé, puis mis à nu par les autres, offrant à chacun la liberté de reconstruire. Tout est à faire. La page du plateau redevient blanche. Roméo Castellucci nous projette alors dans le cosmos et nous rend sourds et aveugles, comme pour nous interpeller, nous rendre plus réactifs, nous réveiller. Je repense au film de Lars Von Trier, “Mélancholia”. La fin inexorable de notre monde est proche, mais le lien humain semble plus clairvoyant et renforcé. Qui a dit que le chaos était nécessaire?
Après le martèlement dans nos oreilles, des explosions blanches éclatent et nous surprennent par ses salves. Aveuglés, nous sommes forcés à fermer nos yeux.Nous restons impuissants face à ces déchaînements de l’espace complètement inexploré.Puis le noir réapparaît, apaise notre regard et les explosions s’éloignent comme les éclairs d’un orage. Les grands rideaux s’éclaircissent et glissent d’avant en arrière, comme le ressac de la mer. Les vagues de tissu brillant rejoignent celles du bateau de Fellini et nous convient au grand voyage. Un cheval est à terre, le ventre tendu et rond, sur le point de mettre à bas. L’animal, ami de l’homme, sans sa fougue habituelle, semble anéanti…Des boulets noirs lui succèdent. Déchets, fruits, armes?..C’est alors que les jeunes filles, nues, se précipitent toutes contre les lèvres de cette mère symbolique. La confiance en la parole est attendue et pe
ut renaitre pour un retour au sens. Malgré un film protecteur qui nous sépare, tout semble à notre portée.
La clôture du spectacle est fascinante: un tourbillon d’éléments naturels, une vaste tempête venteuse emportant tout sur son passage. Quel avenir nous attend?
Pascal ?
… ?. ? ? ?. ?.
Sylvie Lefrere, Pascal Bély, Tadornes.
« The four seasons Restaurant » de Roméo Castellucci au Festival d’Avignon du 17 au 25 juillet 2012.
C’est déjà la dernière représentation pour découvrir le travail de Chantal Loïal à la Chapelle du Verbe Incarné. Au Festival Off d’Avignon, une vigilance s’impose, car certaines compagnies ne se produisent pas pendant toute la durée du festival.
Je me souviens de l’histoire de Vénus. C’était au cinéma; à cette époque, les débats provquaient la controverse. Chantal Loïal, nous offre sa version, dans une représentation chorégraphique généreuse de Philippe Lafeuille. Je la découvre avec un grand plaisir. Elle est là, dressée devant nous. Tout simplement belle. La musique classique semble glisser sur les courbes de son corps. Dés les premières minutes, elle se révèle dans ces traits. Face au souvenir du travail de Nacera Belaza au Festival “In” qui m’avait écrasé dans l’obscurité quasi totale et la linéarité, je retrouve ici la lumière et l’empathie.
Le visage de Chantal est lumineux, ovale lissé, entouré d’un turban blanc, comme une madone. Elle nous livre la représentation de la beauté de la femme dans son origine. Le don de soi transpire dans ses mouvements de port. Enveloppée de coton, elle porte, conduit, nourrit, englobe ceux qui l’entourent de ses grands bras. Elle fait glisser ses volutes charnelles et se transforme en paysage, en vallées et en montagnes puissantes, que nous allons parcourir, de long en large, comme dans une belle randonnée. La fluidité s’installe. Traversée de rivières, difficultés suivant la qualité des pentes. Mais à son sommet, on y respire, libéré. Chantal nous fait vibrer dans ses émotions, ses chemins, ses rencontres douces ou violentes…ses guerres aussi qui l’ont conduite aujourd’hui à incarner la Vénus Hottentote.
Un gant rouge, gainé à son bras et la grâce apparaît; mais nous sommes vite rattrapés par la violence de l’Histoire qui envahit le plateau. La montagne devient alors un lieu de danger et de souffrance. La chevelure se dévoile, et les fines nattes jaillissent, dans des sursauts pour survivre. Un crane magnifié dans son cercueil de verre lumineux, nous rappelle la mort des populations, le pays dévasté. Je repense à la collection de crânes de François Pineau vue à Venise. De main en main, cette précieuse boite se transporte dans le public et nous fait toucher du doigt notre conscience de passeurs. Telle une luciole dans la nuit des gradins, l’Afrique, lieu de transmission orale, chemine sur nos genoux. Mais c’est aussi le berceau de l’humanité, à travers l’image de cette “Vénus Lucy“, métamorphosée en crâne brillant.
La lumière s’abaisse, et nous fait rentrer dans une nuit claire, comme un soleil de minuit. Très pudiquement, la danseuse nous laisse entrevoir le bas de ses reins; sa pleine lune apparait, nous invitant à la méditation sur ce que nous venons de partager à travers elle.
Son corps est comme un grand réceptacle d’émotions du souvenir. Au-delà de l’évocation des fesses volumineuses de la Vénus Hottentote, le continent africain se révèle dans tous ses reliefs géographiques, et humains…Cette réflexion est réveillée par un clin d’oeil d’expressions, jetées par un sourire en coin de Chantal, qui finit en pirouette.
Le voyage est terminé. Le jeu des mots emporte notre rêverie, autour du mont Vénus.
Sylvie Lefrere. Le Tadorne.
“On t’appelle Vénus «de Chantal Loïal, compagnie Difé Kako. Chapelle du verbe incarné au festival OFF d’Avignon du 13 au 16.07.12.
Renaud Cojo est un artiste singulier, différent. A côté mais «dans»… Il nous vient de la région de Bordeaux. De là-bas, mais surtout «d’ici et maintenant», dans un désir d’entrer autrement en relation avec le public. Depuis que nous avons rencontré son travail, nous apprenons à le connaître sur la scène et sur sa page Facebook, espace virtuel où il pose un regard décalé et bienveillant sur son environnement. En 2008, il nous avait agacés avec «Éléphant People», objet hybride mal positionné. En 2009, nous avons gardé une sincère admiration pour l’univers créatif qui se dégageait de «…Et puis j’ai demandé à Christian de jouer l’intro de Ziggy Stardust“. Pour le Festival Off d’Avignon, il nous revient avec un petit bijou d’inventions autour de la galaxie des réseaux sociaux sur internet («Plus tard, j’ai frémi au léger effet de reverbe sur I feel like a group of one (Suite Empire)». Nous ignorons de quoi était fait son biberon, mais il nous plait de penser qu’il garde de sa toute petite enfance, l’énergie pour créer un univers relationnel au profit du groupe.
Face à nous, une scène inclinée de verre recouvre des petites cases d’où regorgent des trésors. Métaphore du net? Romain Finart, artiste en fauteuil, peine à gravir cette pente. Est-il le seul? Qu’importe. Rien n’est insurmontable pour Renaud Cojo. Tel un cambrioleur avec sa ventouse, il ouvre petit à petit ces cases pour en extraire des objets prétextes à des histoires développées plus haut sur l’écran. La force de cette proposition est de nous inscrire en même temps, dans trois espaces. Le premier est vivant à travers trois comédiens sur le plateau (extraordinaires de vivacité). Le second est l’interview vidéo d’une «vieille» connaissance retrouvée grâce à Facebook qui sera recrutée par Renaud Cojo pour jouer sur scène (troublante Louise Rousseau). Le troisième est une série de reportages de recherches dans le cadre de sa création. À ces différentes mises en abyme, il convient d’ajouter une petite caméra qui circule dans les mains des comédiens, telle une webcam imaginaire pour capter ce que le cinéma ne peut pas (ne voudrait pas) filmer! Ainsi outillés, nos trois compères démontrent qu’il est possible d’humaniser les réseaux sociaux sur internet. Qu’il faut le goût de l’autre, un brin d’humour amoureux, la joie de jouer avec la puissance des mots et l’envie de prendre le risque de décaler toute situation! Pendant plus de soixante-quinze minutes, Suite Empire (avatar de Renaud Cojo) parcours un vrai marathon! Tel un bâtisseur, il reconstruit ce que nous abandonnons trop vite, par lassitude, par paresse. Il s’empare de l’internet pour se forger une image dans la relation avec les autres jusqu’à le conduire vers des projets somptueux pour une utopie joyeuse! Son spectacle est une «recette», une “méthode” offerte aux spectateurs pour ne plus s’enfermer dans une pratique égocentrée de Facebook. Peu à peu, c’est un «empire» relationnel qu’il élève, faisant sacrément concurrence à tous les créatifs qui ne savent plus quel outil technologique inventer pour contourner la complexité de la relation humaine. Il ose même créer une autre toile «identitaire» impliquant un groupe de couturières («qui ne peuvent rien lui refuser») créant un réseau sous la forme d’un patchwork avec une série de T-shirts siglés et colorés achetés lors de ses voyages! Par la magie des fées couturières, le vêtement est une mémoire de l’évolution de nos identités?
Il n’y a aucun temps mort sur le plateau comme s’il y avait urgence à occuper le terrain: point d’agitation, mais une détermination à coudre, à en découdre avec les fils que l’on veut bien se tendre et tisser. Le mouvement nous emporte comme dans un opéra magique où le décor se construit à mesure que l’imaginaire prend le pouvoir pour nous rendre notre puissance évocatrice trop souvent confisquée. Et quand Louise chante «je ne t’aime pas», nous sommes quelques-uns à vouloir actionner «Like» sur l’écran tactile qui nous relie à cet incroyable réseau social!
Sachez que dans notre Festival imaginaire de Tadornes, notre doigt a le pouvoir de faire glisser le bouton «Off» vers le «In» ?
Sylvie Lefrere, Pascal Bély. Tadornes.
«Plus tard, j’ai frémi au léger effet de reverbe sur I feel like a group of one (Suite Empire)» de Renaud Cojo à la Manufacture d’Aviignon jusqu’au 27 juillet 2012, les jours pairs.
Presque quinze jours de festival. Le corps est lourd. Sur Facebook, quelqu’un m’écrit: «les spectacles sont la nourriture de l’âme, mais il n’y a aucun plaisir à être en surpoids». Je souris. Comment m’alléger ? Il me faudrait un spectacle pour perdre le poids superflu. «Bonheur titre provisoire» d’Alain Timar va remplir cette délicate mission. Sans virgule dans le titre, comme sans respiration. C’est dire l’urgence à parler, à traiter en urgence de la question du bonheur, tout en connaissant la part d’incertitude qui en découle.
Un élément parait certain. Le théâtre peut procurer du bonheur quand le sens est «tricoté» de cette façon, sans amalgames, avec sérieux et dérision. Quand une actrice irradie la scène (magnifique Pauline Méreuze…elle m’avait subjugué en mars dernier dans «Visites» de John Fosse, mise en scène par Frédéric Garbe). Quand un acteur joue avec une si belle humilité (troublant Paul Camus). Quand Alain Timar, metteur en scène, veille, assis de côté avec son pinceau, avec empathie, pour se lever, peindre le décor blanc et se rasseoir. Quand le geste du peintre s’invite lorsque la parole trébuche, lorsqu’on n’en peut plus de crier, de pleurer. Pauline, Paul et Alain: on dirait presque le titre d’un film de Jacques Demy. Manque plus que la musique. Patience. Elle arrive. Un vrai bonheur. Des tubes de mon adolescence («Résiste» de France Gall, «Au bout de mes rêves» de Jean-Jacques Goldman) et du Bach (est-ce si sûr ? Qu’importe, j’ai entendu du Bach) pour raviver la mémoire du corps joyeux, créatif, amoureux. J’ai presque une envie de danser!
Cette pièce est un vrai bonheur. Parce qu’elle met en jeu la naïveté de se poser une telle question d’autant plus que le naïf est mis à mal dans une époque où le trait doit être droit. Parce qu’on y invite un penseur, un philosophe, Robert Misrahi. Il a consacré l’essentiel de son travail à traiter de la question du bonheur. Sa pensée traverse les dialogues, les corps et l’espace. Il faut toute l’ingéniosité d’Alain Timar pour nous inviter à entendre une telle musicalité dans les mots, à percevoir l’ampleur de la «tâche» quitte à glisser d’autres citations (celles de Stig Dagerman, Koltès, Claudel, Montaigne,…).
Qu’est-ce que le bonheur? Notre couple d’acteurs se réfugie dans le dictionnaire; celui-ci en donne une définition bien plate et rationnelle. Il passe alors aux travaux pratiques. En son temps, croquer la pomme avait changé le sort des humains vers les voies impénétrables du bonheur et du malheur. Mais en 2012? Tout au plus, ce fruit procure-t-il de la satisfaction! Alors, ils en remettent une couche. Celle du peintre qui se lève pour symboliser le bonheur avec son pinceau «fou chantant». Cela ne fait que raviver les plaies: Pauline craque. À genoux. À terre. Ses larmes sont la peinture qui dégouline de la toile lorsque l’art ne peut plus rien pour nous. Elle me fait trembler alors qu’elle déclame la liste des malheurs sur la terre, des maladies qui nous traversent (elle aurait pu citer les «mauvais spectacles» du festival!). Peut-on questionner le bonheur, connaissant tout ce qui nous empêche de le penser? Quel paradoxe! Pauline continue et bute sur ses neuf tentatives de suicide. Le bonheur n’est pas pour elle. Paul finit par la prendre aux maux. Mais chut….
Alors le peintre poursuit son oeuvre, coûte que coûte. Le plateau est toile parce que le bonheur est cette quête permanente de recherche sur soi à travers le geste qui nous redessine, nous montre à voir autrement, nous met dans l’action pour produire le sens?Pauline et Paul continuent à s’interroger, mais butent à chaque fois?ils ne trouvent pas. Définir le bonheur n’en procure-t-il pas déjà lorsque résonne dans le théâtre des captations sonores de «gens» qui cherchent aussi?leurs définitions toutes personnelles révèlent à quel point la question mobilise chez chacun d’entre nous l’imaginaire, la créativité, la pensée en mouvement. Mais cela ne suffit pas?La définition est si complexe que l’on n’en viendra jamais à bout.
Ne reste plus qu’à convoquer l’absurde: le rêve impossible, l’utopie. L’UTOPIE! Je jubile alors à l’idée de ce festin mondial, où le lapin serait plus consistant qu’une pomme, où nous pourrions tous ensemble…Tous ensemble?
Mais pourquoi ne peux-tu pas venir ?
Pascal Bély, Le Tadorne.
« Bonheur titre provisoire » d’Alain Timar au Théâtre des Halles jusqu’au 28 juillet 2012 à 16h30.