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L'IMAGINAIRE AU POUVOIR LES EXPOSITIONS LES JOURNALISTES! Marseille Provence 2013 OEUVRES MAJEURES Vidéos

Deux Tadornes au Week-end d’ouverture de Marseille Provence 2013.

Au lendemain du week-end d’ouverture de Marseille Provence 2013, le journal de 7h30 de France Inter fait le bilan. Après une semaine de grève, l’envoyé spécial de la station semble bien bien mal diposé pour oser faire un tel bilan (à écouter, en bas de cet article).  Notre réponse à ce reportage baclé…

Nous débutons ce week-end d’ouverture par l’exposition «Ici, ailleurs » à la Friche Belle de Mai. Ce choix n’a rien du hasard. C’est un lieu brut où tout se reconstruit, à l’image d’une ville en chantier, en métamorphose. À peine entré, notre regard sur l’art est partout: les murs investis par les grapheurs, le bleu de l’escalier, l’ouverture des fenêtres sur le dehors, les œuvres plastiques sur la terrasse…Nous désirons découvrir autrement la ville et nous reviennent ces habitants d’Istanbul, emmenés par la plasticienne Sophie Calle, qui voyaient la mer pour la première fois. Nous  avons peut-être le même regard qu’eux…

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Il y a foule, celle des grands jours. Nous semblons tous assoiffés d’art comme si nous étions privés depuis trop longtemps de ces rassemblements qui font l’âme d’une ville. Nous sommes excités d’être là : nous avons tant attendu!

«Ici, ailleurs» est un chemin qui, d’étage en étage, nous conduit  sur une terrasse, espace de reliance entre la mer et l’art. L’exposition nous immerge dans la pensée méditerranéenne, celle qui autorise tous les liens pour appréhender autrement le monde. Elle est composée d’archipels où nous accostons. À l’entrée, les aquarelles sur papier d’Etel Adnan, de Bouland al-Haidari et d’Issam Mahfouz accueillentdes poèmes arabes qui, telles des partitions de musique, invitent à relier tous les arts…

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Les boules de verre soufflées de Mona Hatoum séduisent les enfants qui osent les toucher. Le rouge de ces cœurs palpitants et légers  déborde des cages d’où ils refusent d’être enfermés. La case de la norme est refoulée, tel un appel du large,  à l’image de l’exceptionnelle vidéo d’Ange Leccia  («Traversée»). Du bateau qui relie le continent à la Corse, nous longeons les côtes pour entrer dans les terres brûlées de la Syrie, pour écouter la profondeur de la voie démocratique des chanteurs corses…Cette traversée nous trouble tandis qu’apparaissent des images de femme – madones, conférant à ce voyage un caractère quasi spirituel : la méditerranée se rêve, se défend, se prie,…

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Elle est une pensée qui accouche, à l’image de la «Virgo Mater» de Javier Pérez, l’une des œuvres les plus fortes de cette exposition. Composée de résine et de boyaux de porc séchés, elle vient vers nous, prête à se dévoiler. L’espoir est là : nos conquêtes laïques, sociales et culturelles ont métamorphosé le religieux. Comment ne pas voir dans ces tissus de porcs, le biologique prêt se fondre dans la culture ? Oui, au mariage pour tous…!

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Oui, à la jeune démocratie tunisienne ! Même si sa force révèle une fragilité qui fait frémir. Le cube de confettis de l’Italienne Lara Favaretto peut à tout moment s’effondrer. Hommage à la Tunisie, cette œuvre côtoie les glaçantes chaises de Jannis Kounellis. Certains visiteurs passent à côté d’elles,  fascinés par le cube. Pourtant, la nuit des longs couteaux menace…

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Le même effroi nous saisit tandis que nous approchons de «la Mer échevelée» d’Annette Messager où un bateau prêt à échouer s’engouffre dans cette étendue menaçante. Des ventilateurs provoquent les vagues, à moins qu’ils n’animent les cœurs essoufflés de Nona Hatoum. Cette œuvre forcément vivante évoque la mort de ceux qui ne sont pas revenus des voyages entre les rives. Bouleversant…

À la sortie, nous voilà penseurs méditerranéens ! Mais il nous faut maintenant partir. Une course commence pour rejoindre le centre-ville et ses clameurs de 19h. Tels des lapins blancs de Lewis Carroll, nous ne cessons de scruter notre montre. Stratégie oblige, nous abandonnons la voiture pour nous engouffrer dans les tunnels du métro pour respirer ensuite sous le ciel noir de l’hiver. L’air frais glisse sous nos joues rosies par l’excitation. Des panneaux roses  parsèment notre trajet. L’humain est partout ! Ponctuellement nous échangeons avec des personnes au gilet rouge qui nous donnent des programmes et des explications ; le public venu d’ici, ailleurs côtoie des gendarmes presque  souriants, habillés comme des Robocops.

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Nous longeons la côte, comme si c’était la première fois, fascinés comme des enfants par ces bâtiments éclairés (La cathédrale de la Major, la Villa Méditerranée, le musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée –Mucem-,…). Les grues nous tirent, le paquebot nous embarque, les nouvelles constructions nous invitent et l’espace piétonnier  nous englobe tous dans une même dynamique : un vivre ensemble joyeux.

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Le MUCEM dessiné par l’architecte Rudy Riccioti nous évoque le cube de confettis de Lara Favaretto…À moins qu’il ne soit le cœur battant de Mona Hattoum sous la mer échevelée d’Annette Messager. Il englobe déjà le propos artistique de la Friche ! Sa dentelle de béton prête à fondre se pare de lumières et nous laisse entrevoir qu’il sera l’un des plus beaux musées du monde. La mer est d’art et l’œuvre est mer tandis que les bateaux semblent hésiter entre accostage et traversées. Ange Leccia est du voyage…

Nous poursuivons. L’air est léger et nous décidons d’accoster, dans le Panier, pour y écouter la clameur des minots. Car ici et comme dans de nombreux quartiers, artistes et habitants se sont préparés pendant de longs mois pour que leur clameur fasse disjoncter la ville ! Accoudés à un mur, nous attendons ce que ces enfants ont à nous envoyer comme signal…À 19h, de leur mégaphone de papier roulé en cône symbolisant différents animaux, ils hurlent en suivant les indications de leur chef d’orchestre, Miss Paillette. Mais on aurait pu créer d’autres musicalités nées de l’imaginaire des enfants.  Le black-out de la ville prévu par les organisateurs est amoindri, mais les claquements des feux d’artifice illuminent le ciel de part et d’autre. Les pieds ancrés dans le sol, nous sommes aspirés vers le ciel où les étoiles sont autant de rêves pour le futur.

Sur le port, la foule nous emporte, puis nous fait très vite barrage.  Nous trouvons un havre pour nous  restaurer, chez Annie. Plat unique: la pizza. Le patron est soutenu derrière le zinc de son bar. Le pastis semble avoir eu raison de lui. L’œil brillant, il nous dit oui à tout. Et nous attendons nos boissons….une demi-heure…Puis la faim se fait sentir. L’allégresse de la fête est plus forte et nous engageons de joyeux échanges avec nos voisins, jusqu’à toucher tous les clients  du restaurant. Rassemblés dans cette attente, nous patientons en dynamique…Nous sommes bien à MarseillEU, où on prend le temps…1h30 après, la pizza arrive, arrosée d’applaudissements et de rires.

La griserie du vin nous porte ensuite vers la place du cours d’Étienne d’Orves, où des anges de la compagnie Studios de Cirque nous guettent du haut de leur mat…Ils glissent le long de filins et nous déversent copieusement des plumes blanches. Les Tadornes ont le cou tendu, vers ces aiguilleurs de projets, reliants, fédérateurs… Dans notre Europe en crise, dans la ville phocéenne, le temps se suspend, en levant tous les soucis. Cette place se transforme,  dans un lent processus, en parc immaculé. Les lumières nous éclairent, tout comme la villa Méditerranée. Sommes-nous à Marseille, Istanbul, Rome, ou Lisbonne? Nous voilà immergés dans une Méditerranée universelle. L’ange Bibendum flotte, comme pour nous protéger et absorber nos craintes.

Du sol, du ciel, la profusion des duvets explose, autant que les fusées des feux d’artifice ; autant que nos désirs…Nous sommes recouverts de blanc, tels de jeunes volatiles, près pour les premiers battements d’ailes;  la légèreté nous épouse et pousse nos corps à bouger dans un bal collectif. Au son de la musique, nous ondulons ensemble et dansons sans fin.

Le cap de l’année culturelle est lancé: soyons libres et légers, vers des vols nouveaux ! Marseille, port de tous les voyages. Ici, ailleurs…

Sylvie Lefrere – Pascal Bély – Tadornes.

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“Ici, ailleurs”, Exposition inaugurale de la Tour-Panorama et l’année Capitale à la Friche Belle de Mai, du 12 janvier au 31 mars 2013

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ETRE SPECTATEUR LA VIE DU BLOG Marseille Provence 2013 Vidéos

Migration de Tadornes vers Marseille Provence 2013.

Depuis 2008, le projet de la capitale culturelle pour Marseille et son agglomération a nourri ma vision de spectateur et de consultant. Je savais profondément que cet événement était une opportunité pour les services publics de placer l’art au-dessus des cases ; qu’il pouvait être un puissant facteur de décloisonnement, de promotion de valeurs renouvelées, d’innovations transversales. Je savais que je pouvais m’appuyer sur la visée d’une capitale culturelle pour aller à la rencontre d’acteurs pour qui l’art se résumait bien souvent à un divertissement, à une occupation.

Dès 2009, avec l’aide de Julie Kretzschmar, directrice artistique des Bancs Publics à Marseille, je proposais à la ville d’Aubenas, une formation-action pour les travailleurs sociaux afin de les accompagner à mieux articuler travail social et programmation artistique.

Dès 2010, je rencontrais la ville de Fuveau et le Théâtre Massalia à Marseille pour penser une formation autour de l’art et les tout-petits à destination des professionnels de la petite enfance. Certes, Marseille Provence 2013 n’a pas intégré ce public dans sa programmation. Mais qu’importe. La dynamique se déploie. À ce jour, secteur associatif et public co-construisent un projet territorial pour introduire l’art dans les crèches.

En 2011, j’ai également accompagné l’Union Diaconale du Var pour leur projet culturel dans le cadre de MP 2013. Le retrait de Toulon n’a pas entamé la détermination des travailleurs sociaux et de leur direction : il y aura bien une proposition artistique en juin 2013, élaborée par ce réseau.

Dès 2012, j’incitais la Caisse d’Allocations des Bouches du Rhône à intégrer la question culturelle dans son projet global. Aujourd’hui, tout un collectif est mobilisé pour qu’en 2013, l’art relie familles, professionnels et partenaires.

Tout au long de ces quatre années, j’ai promu cet événement, contre vents et marrées. J’ai même osé déposer un projet en 2010 («  Pour des migrations de spectateurs Tadorne sur le territoire et la toile de Marseille Provence 2013»). Il n’a certes pas été retenu. Mais en 2012, Pascal Raoust, chef de projet à  MP13 et Delphine Bazin Cabrillac du Conseil Général me confiaient l’animation de quatre journées de mobilisation des travailleurs sociaux sur les territoires de Salon, Vitrolles, Miramas et Martigues. Tout ce que j’avais élaboré théoriquement et méthodologiquement autour de l’art et du social prenait tout son sens.

Aujourd’hui, samedi 12 janvier 2012, la capitale culturelle démarre. C’est un événement d’importance pour un territoire en panne de projet, qui peine à penser son développement. Je suis prêt pour parcourir les expositions, m’intéresser au cirque, découvrir mon département grâce au GR2013, vivre un instant poétique avec la Transhumance. Je suis donc prêt à être un spectateur Tadorne, celui qui relie, tisse sa toile à partir des différents fils tendus par les artistes. Ce sera ma capitale.

Il fallait pour cela un nouveau site. Je le désirais plus clair, plus dynamique, plus en lien avec les réseaux sociaux (page Facebook du Tadorne et groupe des « Offinités de spectateurs »). Merci à Yann Maitre-Jean, lecteur fidèle du Tadorne et médiateur culturel, d’avoir entendu et élaboré cette architecture. Je lui suis infiniment reconnaissant pour son engagement créatif.

J’imaginais un nouveau logo, plus en phase avec l’idée que je me fais du spectateur Tadorne. Merci à Maxime Doucet d’avoir entendu pour le créer.

Tadorne, oiseau de bon augure…

Pascal Bély – Le Tadorne

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L'IMAGINAIRE AU POUVOIR OEUVRES MAJEURES PETITE ENFANCE Vidéos

En 2012, l’enfant phare.

En 2012, les plateaux m’ont offert de multiples opportunités  pour questionner  mon rapport à l’enfance et faire confiance au sensible pour ouvrir ma relation à l’art.

En premier lieu, je dois ce travail à Christiane Véricel et sa compagnie Image Aigüe. Avec sa dernière création, «La morale du ventre», adultes et enfants y incarnaient la mondialisation sur le plateau. À l’hyper globalisation qui dilue tout, elle a joué de sa focale pour ressentir dans le regard joyeux des enfants, la gravité du propos: en 2012, la faim a été un fléau. La libéralisation du commerce n’y a rien fait. Alors, elle a dénoncé en énonçant son art théâtral global: la musique pour border les corps dans les pas de danse, le silence pour ourler les ombres, les mouvements pour nourrir la fluidité de la mise en scène et créer des espaces de liberté. La création sera en tournée en 2013. C’est un moment précieux à ne pas laisser passer.

Dans «When the mountain change dits clothing» d’Heiner Goebbels, elles étaient quarante adolescentes à la voix de cristal (toutes appartenaient au Vocal Theatre Carmina Slovenica). Elles ont occupé toute la scène pour la métamorphoser à l’image de ce passage escarpé de l’adolescence au monde adulte. Heiner Goebbels leur a offert l’espace dont nous rêvions à leur âge: tout peut se dire tant que l’écoute est là; tout peut se jouer pourvu que la liberté soit célébrée; tout peut changer parce que rien n’est inéluctable. «When the mountain change its clothing» est une œuvre délicate, envoutante, émouvante et pour tout dire, utile.

Dans «Jours étranges», sous la direction de Catherine Legrand et d’Anne-Karine Lescop, ils étaient neuf adolescents à reprendre l’une des œuvres majeures de Dominique Bagouet. Avec une présence étonnante, un doux mélange de respect et d’affranchissement, ils ont démontré qu’une transmission pouvait être joyeuse et généreuse.

«L’alphabet des oubliés» de Florence Lloret fut une œuvre d’une belle texture. Son univers onirique a permis aux petits et grands d’écrire des poèmes dans une relation éducative bienveillante, accueillante, formatrice, ferme et ouverte sous la plume protectrice du poète de Patrick Laupin.

Certes, ce n’étaient pas des enfants, mais des acteurs handicapés mentaux. Pourquoi penser à l’enfance avec «Disabled Theater» de Jérôme Bel ? Peut-être parce qu’elle permet de  réduire la distance pour que la danse aille au-delà des codes usés de la représentation.

Avec «Conte d’amour», le suédois Markus Öhrn a bouleversé lui aussi les schémas classiques du théâtre. Il nous a donné rendez-vous au sous-sol pour y vivre, par caméra interposée, l’effroi de l’amour incestueux. Rarement je n’ai senti un public aussi présent face à une bâche de plastique qui nous séparait des acteurs. Nous sommes redevenus spectateurs aimants de cet art qui prend tous les risques, sans tabou et nous émancipe de la religion d’un théâtre français décidément trop conservateur pour descendre dans nos cavernes coulées dans le béton.

Comment ne pas rapproche ce conte du troublant «Chagrin des Ogres» de Fabrice Murgia. Telle une descente aux enfers dans les rêves volés de l’enfance, je me souviens encore de mon trouble. Tétanisé, j’ai compris que le théâtre avait cette force inouïe de réveiller le trauma pour le sublimer et faire de moi, un enfant qui a juste un peu grandi.

Pour ce couple Hollandais Wiersma & Smeets, l’imagination est une voute céleste ! «Lampje, lampje» est probablement l’une des propositions les plus enthousiasmantes de mon vécu de spectateur en compagnie des tout-petits! Avec deux rétroprojecteurs et divers ustensiles qui se projettent, ils ont créé la scène où l’infiniment petit devient gigantesque pour un univers de rencontres improbables teinté de lumières fugitives et multicolores. Peu à peu émerge un espace capable d’accueillir tous les imaginaires, où l’art contemporain fait dialoguer le sens de l’observation et le plaisir de la divagation. «Lampje, lampje» est un conte des cavernes pour lutins affamés d’histoires féériques.

«Azuki» d’Athénor par Aurélie Maisonneuve et Léonard Mischler fut une perle posée sur un écrin théâtral pour un opéra miniature en plusieurs dimensions picturales pour tout-petits et grands! De leurs voix profondes et accueillantes, ils ont dessiné un paysage de sables colorés et de galets. Peu à peu, on s’est laissé aller à ressentir le chant comme une matière à explorer à moins qui sonde nos contrées enfouies. Ces deux beaux acteurs aux gestes délicats ont délié et relié les matières, les sons et les corps à partir d’un fil qui, en toile de fond, traverse ce qui sépare le beau de l’Œuvre….Petits et grands, à l’unisson, avons lu sur la toile : «le fil se détend…maintenant le cerf-volant…est une portion de ciel». J’étais  aux anges…
Tout comme ce matin-là, au festival Off d’Avignon, où, avec des professionnels de la toute petite enfance, assistions à «Un papillon dans la neige» de la Compagnie O’Navio. Elles écrivirent : «D’une feuille blanche apparait en deux traits de crayon un papillon qui nous transporte sur un nuage de coton et nous fait planer au fil des saisons. Tout en musicalité, nous voyageons à travers les mers, l’espace et le temps. Au seul regret de n’avoir pu partager son instant gourmand… Feuilles, vent, mouvements, doux méli-mélo d’un spectacle pour enfants».
Doux méli-mélo d’une année 2012 d’une enfance, phare…

1- Christiane Véricel – « La morale du Ventre » – Espace Tonkin, Villeurbanne.

2- Jérôme Bel – «Disabled Theater»- Festival d’Avignon.

3- Markus Öhrn – “Conte d’amour” – Festival d’Avignon.

4- Fabrice Murgia –  « Le chagrin des Ogres » – Amis du Théâtre Populaire, Aix en Provence

5- Heiner Goebbels – «When the mountain change dits clothing» – Festival d’Automne, Paris.

6- Florence Lloret – “L’alphabet des oubliés” – La Cité, Maison de Théâtre, Marseille.

7-  Dominique Bagouet – «Jours étranges» – Klap, Marseille.

8-   Wiersma & Smeets – «Lampje, lampje” – Festival de la Montagne Magique – Bruxelles.

9- Aurélie Maisonneuve et Léonard Mischler  – «Azuki» – Festival de la Montagne Magique – Bruxelles.

10- Compagnie O’Navio – «Un papillon dans la neige » –  Festival Off d’Avignon.

Pascal Bély – Le Tadorne

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2012, ma panne de danse.

Être spectateur de danse a été particulièrement difficile en 2012. Je ne reviens pas sur la disparition de l’art chorégraphique dans les théâtres de mon territoire (Aix – Marseille- Martigues), ni sur les deux festivals qui atomisent la danse, faute de projet de développement. Seule la création de Klap à Marseille sous l’impulsion de son directeur, Michel Kelemenis, a donné l’outil de travail dont les artistes avaient besoin. Peu à peu, Klap s’impose comme un lieu incontournable. Nul doute que les chorégraphes reviendront à Marseille. Mais il faudra du temps et un changement radical à la tête des établissements culturels  pour que la danse retrouve un public.

Chaque année, le Festival d’Avignon réussissait à combler le marasme marseillais. En 2012, il l’a accentué. Le bilan chorégraphique du festival a été mauvais (à l’exception notable de «Tragédie» d’Olivier Dubois): une danse cérébrale, célébrant les bons sentiments, s’enfermant dans une esthétique  influencée par les arts «plastiques» où le corps n’est que matière…Pour la première fois cette année, la danse ne m’a pas permis de penser la complexité.

La Biennale de la Danse de Lyon, originale à plus d’un titre sous la direction de Guy Darmet, ne m’a pas convaincu avec sa nouvelle directrice, Dominique Hervieu. Elle fut globalement sans surprise avec l’étrange sensation que la danse n’est qu’un produit de communication courante…Quant à Montpellier Danse, une santé défaillante ne m’a pas permis de suivre les spectacles que j’avais programmés. Me reste le merveilleux culot artistique de Radhouane El Medeb et de Thomas Lebrun ainsi que le parti pris plastique assumé de Mathilde Monnier.

C’est ainsi que j’ai parcouru les théâtres, parfois découragé, à la recherche de cet art qui nourrit le projet de ce blog depuis 2005.

2012 a été l’année d’Olivier Dubois. Il m’a tenu éveillé. Il a nourri ma relation à la danse. Il l’a fait par une approche de l’humain englobé dans une humanité célébrée et éprouvée par les danseurs et le spectateur. Pour lui, interprètes et publics forment un tout: scène et salle se répondent en continu. «Révolution», «Rouge» et «Tragédie», trois chorégraphies liées par une quête absolue de l’émancipation. Le corps est une conquête; la danse d’Olivier Dubois est sa révolution.

Avec «Mahalli», la chorégraphe libanaise Danya Hammoud m’est apparue comme une «sœur» d’Olivier Dubois. Ces deux-là ont
d’étranges “matières”: une chair politique pour une révolution sociale. Danya et Olivier sont probablement habités par une vision commune: le travail sur soi est politique.

Autre introspection réussie, celle d’Israel Galván qui a affronté le flamenco traditionnel. Avec «La curva», à partir de ses racines et de ses rites, il l’a fait trembler sur ses bases jusqu’à ouvrir ses entrailles et accueillir la modernité. Ce fut exceptionnel d’assister à la décomposition d’une partition qui se consume pour inventer l’Autre musique, celle d’un flamenco théâtral.

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Autres métamorphoses sidérantes. Au Festival d’Avignon, sous le plateau de la Cour d’Honneur, le performeur sud-africain Steven Cohen a fait du corps intime un territoire de la Shoah. Exceptionnel. Quant à Mitia Fedotenko dans le «Sujet à vif», il a réussi son pari artistique avec François Tanguy: celui d’oser chorégraphier un Hamlet déchiré entre le Danemark et la Russie de Poutine.

En 2012, il y a bien sûr eu le rendez-vous incontournable avec Maguy Marin et Denis Mariotte. «Nocturnes» fut dans la continuité des œuvres précédentes. Là où j’attendais une rupture esthétique, Maguy Marin ne m’a probablement pas surpris. Seulement accueilli par un propos assumé sur la fragmentation barbare du sens, sur l’éclatement d’une humanité piétinée.

Après «Un peu de tendresse, bordel de merde !» présenté à Avignon en 2009, nous étions nombreux à scruter sa nouvelle création à la Biennale de Lyon. «Foudres» de Dave St Pierre m’a une fois de plus enchanté sans que je sois surpris. Devenus de grands malades de l’amour consumériste, il nous faut réapprendre à danser, à nous habiller de nos costumes de bal pour nous entrainer à nous lâcher au bon moment, à nous reprendre quand le rythme l’impose. Beau propos, certes convenu, mais si vivifiant !

Avec «Brilliant corners», Emanuel Gat m’a littéralement subjugué par sa visée du groupe. Rarement, je n’ai ressenti, avec une telle
précision, la complexité des mouvements vers le collectif où, à l’image des communautés sur internet, le groupe se déplace pour amplifier la relation horizontale et s’approprier de nouveaux territoires. Le collectif relie les fragments et avance jusqu’à produire la lumière du spectacle. Magnifique !

Combien de chorégraphes considèrent la musique comme fond sonore pour chasser un silence pourtant vecteur de sens ?  Avec Maud le Pladec et l’ensemble musical Ictus, je me souviens avoir vécu cinquante minutes euphorisantes, énergisantes, palpitantes où mon corps a eu quelques difficultés à contrôler mes pulsationsrock’embolesques. «Professor/Live» a  vu trois danseurs virtuoses restituer avec humour et présence, le rock électronique et symphonique du compositeur Fausto Romitelli. Inoubliable.

Il me plaît de terminer ce bilan 2012, par une rencontre. Celle avec  Alexandre de la Caffinière qui lors de «Questions de danse» nous a présenté un extrait de «Sens fiction» (œuvre à voir les 16 et 17 février au Théâtre des Pratiques Amateurs de Paris). Avec deux danseurs (troublants Anaïs Lheureux et Julien Gaillac), il a composé une œuvre délicate au croisement de la musique électronique et d’une scénographie numérique. Tandis que le paysage chorégraphique est saturé de musiques chaotiques et de vidéos conceptuelles, Alexandre de la Caffinière a fait un tout autre pari: celui d’un environnement numérique au service de la danse, pour des corps en mutation, vers la métamorphose d’une relation duelle. Chapeau, à suivre…

Je vous propose de continuer la route en 2013, année où Marseille sera capitale européenne de la culture. La danse y occupera une place scandaleusement faible. Il va falloir chercher, voyager, se déplacer. Putain de danse !

Pascal Bély – Le Tadorne.

1- Olivier Dubois; “Rouge” – Festival Uzès Danse. /  “Révolution”- Le 104, Paris. / “Tragédie” – Festival
d’Avignon.

2- Radhouane El Medeb, Thomas Lebrun; “Sous leurs pieds, le paradis” – Festival Montpellier Danse.

3- Israel Galvan; “La curva”- Théâtre de Nîmes.

4- Emanuel Gat; “«Brilliant Corners» – Pavillon Noir d’Aix en Provence.

5- Mathilde Monnier; “Twin paradox” – Festival Montpellier Danse.

6- Maguy Marin – “Nocturne” – Biennale de la Danse de Lyon.

7- Maud le Pladec – “Proffesor / Live” – Festival « Les musiques », Marseille.

8- Danya Hammoud – « Mahalli » – Festival Montpellier Danse.

9- Mitia Fedotenko – « Sonata Hamlet » – «Sujet à vif », Festival d’Avignon.

10- Dave St Pierre – Création Biennale de la Danse de Lyon.

11- Alexandre de la Cafinière – « Sens fiction » – « Question de Danse » à Klap, Maison pour la Danse, Marseille.

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ETRE SPECTATEUR LA VIE DU BLOG OEUVRES MAJEURES

Dix oeuvres majeures en 2012.

Dix œuvres majeures ont jalonné l’année 2012. Quasiment aucune n’est venue à moi. J’y suis allé, au prix de nombreux déplacements et de temps passé à arracher une place. Dix œuvres de l’humain vers l’humanité, de soi vers nous. Dix œuvres pour hurler, se faire entendre au moment où l’Europe s’effondre. Dix oeuvres pour trouver l’embarcation qui ne promet rien, mais qui rêve du tout.

«La Mouette» mise en scène par Arthur Nauzyciel a divisé la critique lors du festival d’Avignon. Rarement, je n’ai ressenti une telle humanité en jeu: les artistes ont accueilli mes fragilités pour me restituer une vision sur la place de l’art dans une société en crise. J’en suis sorti plus fort, plus habité. Mouette.

«Dopo la Battaglia» est une autre victoire. Celle de Pippo Delbono. Son Théâtre n’a pas abdiqué. À corps et à cris, il a dénoncé, en célébrant la danse: l’incurie médiatique, la lâcheté du politique, l’inculture triomphante des communicants qui torturent le sens des mots pour tordre les corps épuisés par la crise. «Dopo la Battaglia» a été un moment généreux: par vagues successives de tableaux vivants, ce théâtre-là a porté haut «l’être» l’humain, et posé son écume sur nos corps desséchés. Pippo Delbono est l’héritier de Pina Bausch et poursuit son œuvre: faire confiance en l’intime pour questionner la folie du monde.

Avec «Tragédie», Olivier Dubois a frappé fort avec efficacité. Avec 18 femmes et hommes nus, il a créé «l’image», celle qui pourrait faire «humanité» pour chacun d’entre nous. Il a réussi à sculpter le groupe pour qu’émerge un tout: celui qui nous sauvera de notre tragédie de n’être qu’homme, entité sociale et sexuée. «Tragédie» m’a offert une vision éclairée de notre destin commun.

Sophie Calle n’est pas une artiste de théâtre. Elle expose. Et pourtant, elle a créé la scène autour de sa mère, décédée en 2006, jusqu’à lire quotidiennement son journal intime. «Rachel, Monique» était à l’Église des Célestins. Tel un rendez-vous avec une chanson de Barbara, nous y sommes revenus plusieurs fois comme un besoin vital de ressentir une nostalgie créative. Le 28 juillet 2012 à 17h, nous étions présents alors qu’elle lisait les dernières pages. Sophie Calle a créé le rituel pour nous rassembler, celui qui nous a tant manqué pendant le festival.

«Salle d’attente» de Krystian Lupa a été un choc théâtral en deux actes, porté par une troupe de quinze jeunes comédiens. Ils ont incarné avec force la vision d’un idéal européen en miettes à l’heure où la Grèce s’accroche vaille que vaille. Tandis que le deuxième acte nous incluait dans une «renaissance», le premier nous plongeait dans nos «inexistences». Choc frontal et bilatéral.

«Mesure pour mesure» de William Shakespeare par Thomas Ostermeier m’avait impressionné. Sur scène, j’y ai vu le jeu d’une civilisation épuisée par un système démocratique où le pouvoir pulsionnel transforme la raison d’État en déraison psychique. Un  cochon pendu métaphorisait notre piètre condition humaine prise en tenaille entre le religieux et la finance toute puissante. Ne reste que la justice pour décrocher ou choisir le croc le plus adapté…

Le collectif flamand tg STAN est moderne: son interprétation des«Estivants» de Maxime Gorki m’a littéralement emporté dans un système de pensée revigorant. Cette œuvre du début du 20ème siècle décrit un groupe en vacances d’été dans une datcha et qui «s’occupe» pour ne pas sombrer. Ici, les conflits entre amis masquent finalement un accord souterrain pour que rien ne change entre le marteau ou l’enclume, entre penser ou subir…

Le collectif berlinois She She Pop est culotté: avec leurs pères, trois actrices ont interprété «Testament», écriture théâtrale en deux dimensions (le texte du «Roi Lear» de William Shakespeare enchevêtrés dans des dialogues percutants entre pères et filles). C’est ainsi que fut abordée la délicate question de la transmission et de la prise en charge de la vieillesse par une génération frappée par la récession économique. Avec She She Pop, le testament a perdu sa valeur juridique, mais a gagné en altérité métamorphosant le théâtre de Shakespeare en un dialogue social régénérant.

Autre transmission avec Radhouane El Meddeb et Thomas Lebrun qui avec «Sous leurs pieds, le paradis», m’ont offert l’une des chorégraphies les plus sensibles de l’année. J’y ai vu Radhouane El Meddeb entrer dans la danse pour peu à peu se féminiser, embrasser la peau musicale d’Oum Kalthoum et y recevoir la force du baiser de la résistance. J’y ai vu une mer de courants artistiques où l’art chorégraphique a rencontré le chant. Sous leurs pieds, le théâtre a mis les voiles vers des contrées où la danse est un chant de la démocratie.

Autre voile, avec «La barque le soir» de Tarjei Vesaas, mise en scène par Claude Régy. À aucun moment l’embarcation n’est figurée: elle est bien là, au plus profond de notre imaginaire, en dialogue continu avec le corps qui danse (magnifique Yann Boudaud), avec le chaos de la scène vers la sérénité du tableau. Claude Régy sait créer l’espace où se rencontre le poète, l’acteur et le spectateur. Nous sommes liés, dans la même embarcation, celle qui nous guide vers un au-delà.

Entre les deux rives, notre unique bien-être: l’art comme embarcadère vers ces dix œuvres majeures.

1- “La mouette” par Arthur Nauzyciel (Festival d’Avignon)
2- “Dopo la Battaglia” par Pippo Delbono (Comédie de Valence).
3- “Tragédie» d’Olivier Dubois (Festival d’Avignon).
4- «Rachel, Monique» de Sophie Calle (Festival d’Avignon).
5- «Salle d’attente» par Krystian Lupa (Sortie Ouest -Béziers).
6- «Mesure pour mesure» par Thomas Ostermeier (Théâtre de l’Odéon, Paris).
7- «Les estivants» par la tg STAN (Festival d’ Automne de Paris).
8- ” La barque le soir” par Claude Régy (Festival d’Automne de Paris).
9- «Sous leurs pieds, le paradis» de Thomas Lebrun etRadhouane El Meddeb (Montpellier Danse)
10- «Testament» par She She Pop et leurs pères (Festival d’Automne de Paris).

Pascal Bély – Le Tadorne.

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ACCUEIL DES LIEUX CULTURELS

Page Facebook des théâtres: ça sent le sapin!

Si vous êtes sur Facebook, vous aurez peut-être constaté une invasion de sapins de Noël sur votre page, le tout accompagné de formules pour le moins dérangées: «Odéon : c’est bientôt Nawel» ou «le petit sapin de l’Odéon…avant le grand!» (voir la photo ci-dessous). Mieux encore, en plus chic, «comme un parfum de Noël au Théâtre de la Ville…il semblerait que le Père Noël ait pris un peu d’avance sur sa distribution» (notez le joli jeu de mots théâtral…). La région n’est pas en reste puisque le TNP de Villeurbanne nous gratifie de sept photos avec en légende, une formule sobre qui sent la guirlande : «le sapin de Noël est installé!»

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On pourrait trouver ces messages sympathiques (ils le sont probablement), en phase avec le mois, mais aussi avec l’époque: l’important n’est pas le fond de ce qui est communiqué, mais l’acte de communiquer. Facebook est à ce titre, un outil idéal. Ainsi, les salariés des théâtres ressentent le besoin de se relier autrement avec le public tant leurs marges de manœuvre semblent étroites.

Les places (rares) sont achetées sur internet et les travailleurs culturels font l’objet d’agressions surtout quand la pénurie s’installe. Le «chacun-pour-soi» de la part de certains spectateurs est un rouleau compresseur au détriment de la qualité de la relation. Les médiations autour du spectacle vivant offrent bien peu d’opportunités de renouveler le genre même si fleurissent, ici ou là, des ateliers créatifs. Ce sapin est donc le symbole d’une certaine solitude de ce personnel souvent invisible, caché derrière les égos démesurés de leur direction.

Posté ainsi sur Facebook, le sapin fait misérabiliste: isolées, les équipes communiquent sur ce rituel comme si nous appartenions à la même famille. Cette «proximité» démontre à quel point les structures culturelles peinent à sortir d’un lien factice avec les spectateurs: leur page Facebook informe la plupart du temps sur l’envers du décor (ici le sapin, là les peintures que l’on refait, ailleurs le camion de la troupe stationné dans la rue) pour mieux masquer l’impossibilité de changer la relation. Le milieu du spectacle vivant est englué dans les codes de la communication consumériste qui entretiennent le lien consommateur-producteur. Si bien qu’aucune page Facebook ne fait mention des enjeux politiques de l’art; aucune n’est conjointement gérée par les spectateurs; aucune n’est un espace démocratique pour interroger les choix de programmation. Aucune n’est en phase avec l’esprit d’un réseau social: elles ne sont qu’un fichier amélioré pour diffuser de l’information.

Facebook n’est donc qu’une vitrine. Le sapin donne une piètre image de ce que sont les théâtres aujourd’hui: des lieux où à la solitude des uns fait écho à la perte du sens des autres tandis que quelques-uns osent poser la question, quitte à passer pour de méchants empêcheurs de guirlander en rond: pour quoi ce sapin?

Pascal Bély – Le Tadorne.

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DANSE CULTE KLAP, MARSEILLE LE GROUPE EN DANSE OEUVRES MAJEURES

Dominique Bagouet, génération Strange.

Je connais trop peu la danse de Dominique Bagouet. Depuis sa disparition il y a vingt ans, je  n’ai approché que deux œuvres. C’était lors d’une très belle soirée à Montpellier Danse en 2007 où «Une danse blanche avec Éliane» et «F et Stein – réinterprétation» m’avait totalement sidéré. Ce soir, un ancien danseur de Bagouet et directeur artistique de Klap, Maison pour la Danse, s’avance vers nous, en confiance: Michel Kelemenisprésente «+ de danse à Marseille»,  un manifeste où pendant une semaine, tout un programme est proposé pour entrer dans l’univers de ce chorégraphe d’exception. Ce soir, «Jours étranges» est repris sous la direction de Catherine Legrand etAnne-Karine Lescop pour neuf adolescents de Rennes. J’ai décidé de m’asseoir à côté des enfants: c’est un bain de jouvence, un geste à la mémoire de Dominique Bagouet, car je pressens que sa danse reliera petits et grands.

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Je ne suis pas déçu. Ces neuf adolescents sur scène dégagent une présence étonnante, un doux mélange de respect et d’affranchissement. Avec la danse de Dominique Bagouet, leur jeunesse est un bel affront; elle est une invitation généreuse à ceux qui connaissent peu l’art chorégraphique; elle est une énergie pour encourager les spectateurs engagés.

Le décor est loin, mais il en impose: de grosses enceintes musicales laissent entrevoir un filet de lumière, un tunnel entre ici et là-bas, d’où l’on entend l’album mythique des Doors, «Strange Days». D’où nous viennent-ils? Est-ce notre jeunesse qui défile ainsi? Probablement. Mais pas que…Il y a autre chose dans «Jours étranges», comme un système d’équations à multiples inconnues entre le désir de vivre et une solitude qui conduirait vers la disparition. Étrange…

Il faut imaginer ces quarante-cinq minutes comme un paysage (le groupe) où les éléments naturels (le rock, le silence) créent un climat (la danse) pour régénérer la nature (notre changement de regard par cette chorégraphie de l’introspection). C’est ainsi que le collectif est plaine, à moins qu’il ne soit terrain caillouteux pour propulser les corps dans le chaos de la métamorphose. Chacun cherche la meilleure façon de danser, d’avancer, de devancer pour créer sa trajectoire dans un paysage qui contient parfois, retient souvent. La danse autorise et empêche en même temps et fait face au désir de liberté de chacun contenu dans la solitude de l’adolescence.

La danse de Dominique Bagouet magnifie l’impuissance d’être «(seul)ement» libre dans son groupe d’appartenance. Il y a ceux qui n’ont peur de rien, dont le corps offre tout ce qu’il est possible de mouvementer. Puis, il y a l’Autre. Comment s’en affranchir tout en ne perdant pas de l’idée que sans lien, aucune liberté n’est à conquérir? C’est dans cet interstice que les gestes de Bagouet s’engouffrent et offrent des moments virtuoses où la danse d’un couple s’évanouit dans la brume d’un amour évanescent. A moins que d’autres corps puisent dans l’énergie de la musique, le désir de s’émanciper pour vivre la solitude comme une l’expérience d’un au-delà.

Je me prends au jeu d’entrer en relation avec chacun, sans perdre le collectif: à quelque endroit que je sois, Dominique Bagouet ne me laisse jamais seul. Ils sont fleuve, je suis de rock tendre.

Alors qu’ils rejoignent le fond de scène, le bruit de leurs pas est battements de cœur à l’approche d’une frontière où le paysage se mue en constellation planétaire.

Celle de nos rêves d’enfance égarés où Dominique Bagouet les éclaire de ses danseurs étoiles.

Pascal Bély – Le Tadorne

«Jours étranges» de Dominique Bagouet. Reprise sous la direction de Catherine Legrand et Anne-Marie Lescop pour 9 adolescents de Rennes. À Klap, Maison pour la Danse à Marseille, le 10 décembre 2012.

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FESTIVAL D'AVIGNON PAS CONTENT THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN Vidéos

Stanislas Nordey plaqué.

Clôture de l’amour” de Pascal Rambert part en tournée. Le rôle principal sera occupé par Stanislas Nordey,”acteur institutionnalisé” qui sera l’artiste associé du prochain Festival d’Avignon .
Indication pour la lecture de cet article : prière d’adopter un débit ferme et sans appel comme lors d’une rupture où il n’y aucune place à la négociation. Les mots en MAJUSCULE signent un haussement de ton. Cette critique est définitive.

De nouveau, un grand décor blanc.
Comme dans « Mademoiselle Julie» par Fréderic Fisbach avec Juliette Binoche.
Le blanc est tendance.
Chez l’un, c’est un loft. Ici, dans «Clôture de l’amour» de Pascal Rambert, c’est une salle des fêtes.
Les similitudes ne s’arrêtent pas là. MAIS JE N’AI PAS LE TEMPS D’Y REVENIR.
Audrey Bonnet et Stanislas Nordey forment un couple. Ils ont trois enfants. Ils travaillent ensemble («notre travail repose sur l’écoute, le regard actif». Probablement des pros de la communication culturelle…).
Ils sont en pleine crise.
Ils vont rompre.


Chacun se tient aux deux extrémités de la salle.
Nous sommes donc invités à la scène, pour deux heures.
C’est LONG.
INTERMINABLE.
Lui-même l’admet à plusieurs reprises. Car «Stan», le sait. Il nous SAOULE. Il devance la critique. Parfait. Car son monologue de quarante minutes est insupportable. Du Stanislas Nordey PUR JUS: avec des «che» dans la bouche, des bras tendus, un corps raide et des génuflexions, chacun reconnaît sa pâte. DU DÉJÀ VU. Mais qu’importe.
Je fais avec.
Au bout de vingt minutes, il joue même avec MES NERFS («je commence à peine»; rires dans le public. Si ce n’est pas DEMAGOGIQUE, cela y ressemble).
Le texte de Pascal Rambert est truffé de métaphores malines sur l’amour. Bien joué. Ça marche, car cela parle à tous.
Elle l’écoute.
Son corps bouge.
Texte et corps. On connaît LA CHANSON. Elle revient à chaque édition du festival d’Avignon par des critiques en mal d’inspiration pour se faire remarquer.
Notre regard va de gauche à droite. C’est nous qui faisons le mouvement. Bien vu. Cela va calmer Armelle Heliot du Figaro.
Pause.
Arrive un imprévu. Je ne raconte pas. Je FULMINE que l’on puisse DETOURNER de son sens un si beau texte.
On change maintenant de côté.

Audrey attaque.
Elle est MAGNIFIQUE.
Elle dit à Stanislas Nordey tout ce que JE PENSE DE LUI depuis des années.
Elle adopte ses postures, à croire que c’est LUI qui a fait la mise en scène.
«Une séparation, c’est un théâtre» lui balance-t-elle. Elle ne croit pas si bien dire.
Je l’encourage de toutes mes forces.
Elle poursuit jusqu’à lui jeter : «MAIS C’EST QUOI CE NOUVEAU LANGAGE?» faisant référence aux métaphores de la première partie.
Elle continue : «C’EST L’INTERIEUR QUE L’ON VOIT BOUGER SUR LA PEAU ».
Bien vu.
Elle attaque encore.
Il se décompose.
BIEN FAIT.
«Tu n’aimes que toi, Stan».
EXACT. Je l’ai toujours pensé notamment dans «Ciels» de Wajdi Mouawad où, en 2009 au Festival d’Avignon, il avait SACAGE cette pièce pourtant joliment écrite.
«BON COURAGE POUR TE RETROUVER», «L’IMAGINATION EST BORNEE A CE QUE L’ON VEUT CROIRE», poursuit-elle. Une vraie leçon d’acteur et d’humilité.

Et puis, l’estocade finale : «DANS UNE RUPTURE, ON NE S’ALIGNE PLUS SUR LA PAROLE DE L’AUTRE». Les différents partenaires au théâtre de Stanislas Nordey ont dû apprécier. Merci pour eux.
Arrivent les gosses. L’aîné leur demande : «mais de quoi avez-vous parlé?». La VERITE vient décidément toujours de la bouche des enfants.
Ouf, pour le final, on nous épargne les oreilles de lapin, mais pas le truc en plumes.
Je clos ici ma relation avec Stanislas Nordey. C’est TERMINÉ. Avec Pascal Rambert, probablement aussi tant qu’il sera AVEC LUI. Je suis assez exclusif dans mes relations.
Maintenant, il y a Audrey Bonnet. Mon héroïne.
Pascal Bély – Le Tadorne.
“Clôture de l’amour” de Pascal Rambert au Fesitval d’Avignon du 17 au 24 juillet 2011.

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DANSE CULTE PAS CONTENT

« Ten Chi » de Pina Bausch à Nîmes : hahahaha-rararara-kikikiki-riririri.

Les spectateurs sont quasiment tous debout. Je suis assis. Encerclé. Seul. Je veux quitter ce théâtre. Impossible. Il faut attendre que cela finisse. Le public délire. J’aurais pu être avec lui. Mais ce que je viens de voir est au-delà de moi. Ce n’est pas scandaleux sauf que je n’en suis plus là dans mon rapport à la danse.

Pina Bausch a disparu le 30 juin 2009. Ce fut un jour funeste. Depuis, j’ai croisé la compagnie à Monaco avec «Café Müller» et «Le sacre du printemps». Elle n’est plus là, mais sa troupe poursuit la route. Avec des hauts et des bas. Ce soir, à Nîmes, «Ten Chi», inspiré d’un voyage au Japon et écrit en 2004, est une œuvre mineure. Je m’interroge: pourquoi nous proposer une création dont on sait probablement qu’elle n’est pas la meilleure? Sauf qu’auréolé du mythe de la chorégraphe, «Ten Chi» fait un triomphe.

Il y a ce décor, impressionnant, qui vous happe à peine assis. Cette queue de baleine, animal mythique, m’invite au grand plongeon. Les danseuses et danseurs ne cessent de lui tourner autour, mais le célèbrent-ils pour autant ? Pourtant, tout débute par un solo époustouflant. Avec sa longue robe, elle est eau, poisson, vent, mer, soleil. Elle danse le fluide pour nous inviter dans cet environnement aquatique, là d’où nous venons, vers là où nous irons peut-être. Puis, cet univers onirique s’effondre peu à peu. Se succèdent des solos de cabaret où l’on entre et sort à la recherche d’une inspiration pour métaphoriser le contexte du pays. C’est parfois drôle, souvent lourd.
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Pendant 2h40, le procédé fatigue : solo, cabaret, duo, solo, cabaret, duo….C’est interminable. Le propos se répète sans que je ne sois invité au dépassement: tout s’additionne sans se relier. «Ten Chi» emprunte le cheminement classique du spectacle du divertissement: on rit, puis l’on est saisi par une danse virtuose, avant de plonger dans la beauté du décor (notamment quand des pétales de cerisiers tombent sur le plateau à la vitesse de l’intensité dramaturgique). Puis l’on recommence: on rit, …Peu à peu, la troupe réussit à produire l’illusion d’une œuvre majeure accentuée par de beaux écrins relationnels avec le public. Quand Dominique Mercy nous interpelle sur  la meilleure façon de ronfler, il salue notre  corps sifflotant et se veut complice de nos empêchements de dormir en rond. Quand elle s’avance du bord de scène pour compter sur ses doigts à partir des mains de spectateurs du premier rang, la danse est une poésie pour travaux manuels. Quand Dominique Mercy se fait déshabiller par un danseur, ses multiples peaux tombent à terre et la chenille devient papillon du soleil levant.
Pour le reste, je subis une bande-son dépassée, illustrative, sans profondeur. Je tremble lorsque Dominique Mercy danse en solo et semble au bord de l’épuisement. Je soupire de n’avoir pas saisit la beauté et la complexité du Japon, réduit à quelques scènes où la caricature l’emporte sur la compréhension d’une culture (moment pathétique lorsqu’est énuméré toutes les possibles onomatopées :kikikiki-momomo-nononono…,).
Je fulmine de voir s’éclater le groupe lors d’un final où l’on se croise sans jamais s’entrechoquer. J’attends un lien, une rencontre entre danseurs. Peine perdue: les hommes sont ridicules et les femmes sont égocentriques.
Je refuse d’aimer cette pièce parce que mes ressentis ne sont jamais factices, même s’il s’agit de Pina Bausch.
Je ne vais jamais au théâtre pour entrer dans un mausolée. Encore moins pour m’incliner.
Pascal Bély – Le Tadorne.
« Ten Chi » de Pina Bausch au Théâtre de Nîmes du 6 au 9 décembre 2012.
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FESTIVAL D'AUTOMNE DE PARIS THEATRE MODERNE

La fête des vieux au Festival d’Automne.

À peine entré dans le Théâtre des Abbesses à Paris, je suis surpris et rassuré: le décor hésite entre atelier de création et Palais Royal occupé. Le sensible, le geste va se mouler dans l’institué pour renouveler une fois de plus le genre théâtral, art ouvert aux quatre vents de la modernité.

Elles vivent à Berlin et constituent le collectif She She Pop. Ce soir, avec leurs pères, elles interprètent «Testament» pour une écriture théâtrale en trois dimensions. Il y a le texte du «Roi Lear» de William Shakespeare accroché à un paper-board, projeté sur grand écran, où chaque acteur peut raturer, écrire sa part de vérité, choisir la vitesse de défilement comme s’il feuilletait un album de famille. Il y a ces dialogues savoureux, poignants, percutants entre pères et filles qui, en écho à la tragédie shakespearienne, abordent la délicate question de la transmission et de la prise en charge de la vieillesse par une génération frappée par la récession économique et une crise de valeurs.

Il y a nous, spectateurs actifs, interpellés par cette mise en abyme où pour entrer dans l’Histoire, nous écoutons leurs trajectoires et nos vrombrissements intérieurs. Je suis en dialogue avec cette mise en scène cohérente où ces dimensions se relient dans un tout englobant qui respecte la spécificité de chacun. Cette articulation entre un texte mythique de Shakespeare, des «pères rois» déchus par la vieillesse, des  “filles reines” triomphantes, mais souvent impuissantes, et nos expériences, constitue une écriture théâtrale inédite. En effet, les dialogues, les corps et la salle métaphorisent ce rapport entre l’art et le social: mobiliser nos ressentis pour créer les liens; entrer en communication avec un texte classique par une résonance intérieure; se laisser guider par le jeu des acteurs au-delà de leur statut d’amateur et de professionnel. Ce soir, l’accompagnement de la vieillesse est sorti du trou noir dans lequel nous l’avions peut-être plongé pour l’éclairer avec humour, gravité, grâce et beauté. N’est-ce pas cela la «politique» quand le théâtre contemporain s’en mêle?

Pourtant, ce n’est pas facile d’entrer dans un tel dialogue. Orphelin depuis dix ans, la question de la prise en charge de mes parents ne s’est jamais posée. Jeune, ils étaient déjà âgés. Leur vieillesse a façonné ma jeunesse et orienté mon regard vers la toute petite enfance et les vieux, là où l’imaginaire peut circuler.

Avec She She Pop, cela va au-delà: ce n’est pas tant l’âge qui est mis en scène que le lien de transmission. La vieillesse n’existe pas en soi, sauf à vouloir la réduire à sa dimension physiologique. Elle prend sens dans une filiation dépendante d’un contexte politique et social. She She Pop va bien au-delà du drame du Roi Lear, car l’intime est ici dévoilé avec une telle force qu’il fait propos universel (au prix d’une esthétique théâtrale qui dégoûte l’un des pères!).

Parce que le lien entre générations ne peut plus être descendant et binaire, «Testament» met en scène sa  complexité et ses nombreux enchevêtrements. Le royaume de nos vieux a probablement existé (on le nomme joliment «les 30 glorieuses»), mais il ne peut s’annexer aussi facilement à nos territoires (moment hilarant où, dessin à l’appui, on constate le déménagement impossible de la bibliothèque d’un des pères vers le petit appartement de sa fille). Leur vision du pouvoir n’a plus rien à voir avec la nôtre: là où le statut et le savoir suffisaient, c’est le travail de nos liens horizontaux qui nous donnent aujourd’hui de la puissance. À l’obligation de prendre en charge nos aînés (parce que c’est naturel), répondent des nécessités économiques et l’inégalité croissante des revenus au sein même d’une fratrie (dialogues truculents où l’une des filles, célibataire, fait le calcul de ce que lui doit son père pour s’être occupé de ses nièces et neveux !).

http://youtu.be/PRFugziUdgc

Vous l’aurez compris, ces femmes et leurs géniteurs font les comptes et ne se soustraient à aucune question, aucune interpellation. Les filles ne visent le trône de leur père que pour le partager et s’écouter (métaphore d’une démocratie renouvelée ?). Leur royaume est celui du pardon, en musique (symbole d’un langage partagé), car on ne «testa(ment)e» pas sur le ressenti(ment) et le mensonge. Le drapeau de leur nouveau territoire sera blanc, car le temps de la guerre des tranchées est terminé à moins de vouloir y creuser une fosse commune.

Avec She She Pop, le testament perd sa valeur juridique, mais gagne en altérité tandis que ces actrices métamorphosent le théâtre de Shakespeare en un dialogue social régénérant.

Pascal Bély – Le Tadorne

«Testament» par She She Pop et leurs pères du 28 novembre au 2 décembre 2012 pendant le Festival d’Automne de Paris.