Je me lève pour ovationner cette belle œuvre et clore ainsi mon périple festivalier en Avignon…Je suis ému, comme à chaque fois, prêt à recommencer…
Pascal Bély – Le Tadorne.
Je me lève pour ovationner cette belle œuvre et clore ainsi mon périple festivalier en Avignon…Je suis ému, comme à chaque fois, prêt à recommencer…
Pascal Bély – Le Tadorne.
Elle a pour elle la Cour d’Honneur, une excellente réputation de chorégraphe et un public à priori acquis ! Mais voilà, tout s’effondre avec « Frères et sœurs » dans un contexte de défiance à l’égard de la Direction du Festival d’Avignon.
Ce dimanche soir est morose ; la cour n’est pas au complet et je sens un public démotivé à l’égard d’une création tant décriée par la presse. Il y a de quoi…Le thème de la fratrie est complexe pour chacun d’entre nous ; Mathilde Monnier aurait pu nous parler, nous émouvoir. Or, elle s’enferme dans une vision violente articulée autour du pôle amour – haine. Tout au long du spectacle, je cherche une émotion (je suis d’une famille de 7 enfants) ; mon corps est statique et je m’étonne d’être aussi absent. Les danseurs se donnent mais semblent en dehors du message (énigmatique) de Mathilde Monnier.
Je quitte la Cour…Karolina, Peggy, Eric et Mathilde venus motivés sont dépités. Le débat s’engage avec d’autres spectateurs mais la fatigue s’installe…
Une soirée où notre groupe cherchera une dynamique à l’image de la fratrie de Mathilde Monnier. Tout est vraiment lié !
Pascal Bély, Le Tadorne
Joseph Nadj se produit à minuit…J’ai faim…de tout…Je me sens dans une forme olympique anglaise et je m’offre goulument un Kebab…J’ai rendez-vous avec l’un des plus grands chorégraphes du monde ! « Last Landscape » est sa dernière création crée en duo avec le percussionniste Vladimir Tarasov. Joseph Nadj définit Last Landscape comme un « autoportrait face au paysage ». J’ai beaucoup aimé ce moment de magie où le jazz rencontre la grâce de Joseph Nadj. Plusieurs images me sont venues : celle de l’enfance à l’image de Pinocchio, des premiers apprentissages de la musique et de la danse, de la guerre dans les Balkans (pourquoi une telle association…Mon inconscient a remonté à la surface de ma conscience, l’ex guerre en Yougoslavie), de la transformation malheureuse des paysages par la main de l’homme. L’esthétique du spectacle est magnifique et le sens qui émerge du lien entre le Nadj et Tarasov m’émeut. Le public semble partagé mais globalement heureux de cette 25eme heure.
Je quitte Avignon comme Andréa dans « La vie de Galilée » : léger, souriant et porteur de beaux messages universels…
A lire le bilan du Tadorne sur le festival d’Avignon 2005.
Les dates de la tournée:
14, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 23, 24, 25, 26 mars 2006 : Paris Théâtre de la Ville, France (Théâtre de la Cité Internationale) | ||
11 avril 2006: Blois, France (Halle aux Grains) | ||
19, 20 avril 2006 : Annecy, France (Bonlieu) | ||
9 mai 2006 : Théâtre de Cavaillon, France |
Il y a eux, lui, moi. Leurs visions du spectacle, son avis sur la prestation, mon regard sur ce que Jan Fabre nous offrait ce soir là au Théâtre Municipal d'Avignon. On ne se lasse pas de mettre en perspective L'Empereur de la Perte et, comme pour toute pièce, les niveaux de discussions sont pluriels. Certains entreront dans le théâtre pétris d'a priori, d'autres moins disponibles, l'esprit ailleurs, pour d'autres encore c'est une première à Avignon. Et pourtant nous nous accordons tous pour dire que Dirk Roofthooft est L'empereur de la Perte, qu'il transcende l'espace, les mots et son personnage.
Le texte pourra vous laisser sceptique, ou au contraire vous y trouverez un vivier de métaphores?Mais qu'importe au fond puisque Dirk Roofthooft est le mot, le texte, la métaphore. Quand votre oreille se perd au détour d'une phase (là haut, alors que vous êtes perchés sur le 2ème balcon), votre regard hypnotisé suit forcément le comédien dans ses tribulations d'artiste raté en mal de reconnaissance. Le pantin affalé dans un coin de la scène vient nous rappeler que l'époque des faux semblants est bel et bien révolue. Le comédien est-il mort ? Le spectacle ne peut plus désormais se faire sans nous, L'Empereur de la Perte brise la glace en douceur, il fait fi de la presse et de l'ambiance houleuse qui règne cette année à Avignon. Son rôle lui en donne les moyens, en clown il peut se permettre des interactions avec le public. Dirk use a merveille de cette flexibilité et improvise des scènes qui le conduisent par exemple à commenter le départ de l'un dans la salle, ou la surprise d'une autre qui manque de se faire crever un ?il tandis que l'Empereur jongle avec des assiettes. Car il jongle ou tente avec enthousiasme d'autres numéros?
Autant d'échecs qui le font entrer dans des colères noires. Son buste dénudés rougit sous la pression de l'élastique, il frappe son corps avec frénésie. L'Empereur de la Perte souffre et suscite la compassion. Dirk Roofthooft exploite élégamment le filon, nous cédons à l'admiration.
Peggy Corlin – Pascal Bély – Le Tadorne
“L’empereur de la perte” de Jan Fabre au Festival d’Avignon, juillet 2005.
Il est 22h et le public se presse lentement au Cloître des Célestins pour assister au spectacle de Christian Rizzo « Soit le puits était profond, soit ils tombaient très lentement, car ils eurent le temps de regarder tout autour ». La rumeur fait état d’une violent colère du public ! Je me sens prêt à accueillir un spectacle conceptuel, sans texte, à peine dansé.
Et puis…Un miracle…une création devant mes yeux accompagnée d’une musique rock – jazz, d’une danse qui soutient les modifications de l’espace. D’un monde linéaire symbolisé par la scène carrée, Rizzo modifie l’espace scénique en un nouveau monde où tout disparaît pour réapparaître ; tout est horizontal, en lien, quand un bouge, tout bouge. Même les objets ont une âme. Comme chez Castellucci, les forces du mal sont symbolisées par des danseurs dont on ne voit plus les visages et qui enterrent des corps dans des petites fosses. Une toute petite partie du public se lève…
Mon corps ne tient plus en place tant je suis happé par cette création. Un clown arrive (le même que chez Jan Fabre ?!) et j’assiste au nouveau monde…J’ai envie de descendre sur scène…Je frissonne, je me tord…et ce matin, je n’arrive plus à écrire…Cela ne s’explique plus.
En ce dimanche matinal, je me sens si différent, prêt pour de nouvelles expériences. Avec l’espoir que du puits naîtra le fleuve…
Date à venir:
A lire le bilan du Tadorne sur le festival d’Avignon 2005.
Il faut voir la Cour d’Honneur ce vendredi 22 juillet : pleine à craquer ! Et que du beau monde : personnel politique, femmes du monde, homme d’affaires…Quelques festivaliers perdus ici ou là (j’en reconnais quelques uns !). L’ambiance est locale et légèrement décalée par rapport à l’atmosphère sulfureuse des autres spectacles. Le décor de « Frères et sœurs » de Mathilde Monnier occupe le plateau ; au centre, une table pour Jean-Louis Trintignant (il n’en bougera d’ailleurs pas) et un espace pour deux musiciens. La poésie à La Cour d’Honneur se résume donc à cette recette : un artiste local, célèbre, dans l’actualité people, pour une soirée unique, dans un lieu mythique et le tour est joué !
Le public finit debout, ovationne l’acteur devant un ministre de la culture rassuré (pensez-vous donc, le festival ne doit-il pas s’arrêter d’après l’organe officiel de l’UMP, Le Figaro).
Que dire ce cette lecture…Ennuyeuse à mourir…Ton monocorde, choix musical funeste et éclairages plateau minimalistes. Certains poèmes sont choisis pour être lu à Marie Trintignant…Malaise…La poésie d’Apollinaire mériterait du mouvement, voir une chorégraphie (Mathilde Monnier aurait pu, par solidarité régionale, prêter main forte !). Au lieu de cela, j’ai droit à une cérémonie funeste.
Je quitte La Cour d’Honneur désabusé et ce ne sont pas les quelques apartés avec des spectateurs conquis qui m’aideront ! Heureusement, Peggy, Karolina et Eric m’attendent au restaurant. Ils écouteront mon dépit avec tendresse, amusement et respect.
Il faut imaginer la vie d'un festivalier?J'ai d'abord passé la journée à réfléchir au changement dans la Fonction Publique Territoriale. On y a parlé « articulation », de « reliance », et de « projet global ». Je n'ai cessé tout au long des échanges de penser au Festival d'Avignon : le lien qui se perd avec le public, le poids d'un contexte national et international anxiogène qui se juxtapose à une programmation « agressive » ; l'absence d'un accompagnement du public dans le rythme du changement qu'on lui impose (le passage du théâtre avec du texte aux créations métaphoriques?). Je prépare déjà dans ma tête le retour que je proposerais aux Directeurs du Festival. Car je dois bien vous faire une confidence : le festival est quasiment terminé pour moi. Je n'attends plus grand-chose du théâtre de Jan Fabre et des autres propositions ; les échos du public et de la presse ne sont pas très bons?
Je quitte donc Toulon à 16h afin être à l'heure au Gymnase du lycée René Char en Avignon pour 18h. Roméo Castellucci présente « BR.¹04 Bruxelles ». Il y a une semaine, je n'avais pas supporté « B. ¹03 Berlin ». J'arrive donc légèrement stressé après avoir écouté les nouvelles explosives de Londres. Soudain, j'aperçois Sylvie et Christian de Toulouse!! Je ne l'ai pas vu depuis 2001 et comme à Châteauvallon (où j'avais revu Béatrice), je suis très content de les sentir à côté de moi pour ce spectacle que j'appréhende ! Ils sont toujours aussi beaux et enthousiastes?C'est un couple qui donne de l'énergie créative?.
Le spectacle (sans texte) débute. Une femme de ménage nettoie le sol d'un lieu aseptisé, qui ressemble à un centre commercial ou à une institution (européenne ?). Les gestes se font précis, lents et puis s'arrêtent. La femme semble sidérée?Rideau?Un bébé est assis là, par terre. Il joue avec des jouets?Le public ri?Une figure à l'image d'une ?uvre d'art parle derrière lui?C'est léger, drôle, beau?Rideau?Un vieil homme barbu apparaît en maillot de bain féminin?Il s'habille lentement avec des vêtements religieux où sont inscrits des phrases en hébreu… Il rajoute par-dessus un uniforme de policier français. Arrivent alors d'autres policiers qui frappent un homme jusqu'au sang. La scène est d'une violence inouïe?Le sang est partout. Je me retiens de ne pas vomir mais Sylvie et Christian sont à côté?La violence dans ce spectacle n'est sûrement rien par rapport aux atrocités en cours dans de nombreux pays. Castelluci nous montre la fin d'un monde où les forces du mal sont toutes en action (les religions, le terrorisme, la réponse des Etats par la répression et le contrôle des citoyens,?). Un nouvel ordre mondial va émerger avec d'autres règles et un autre projet par l'action d'autres forces. Mais pour cela, il faut aller jusqu'au bout d'une logique de destruction.
Le propos est puissant, la mise en scène extraordinaire mais je n'arrive pas à saluer la performance. Je suis tétanisé. Je regarde le public (jeune) applaudir à tout rompre et je sens bien le clivage entre la génération «internet» et la génération « théâtre classique » qui semble déboussolée par une telle mise en scène.
A la sortie, Sylvie et Christian prennent du temps pour me donner leur regard. Ils m'aident à mettre des mots sur mon mal au ventre. Sans eux, j'aurai quitté le Festival d'Avignon sur le champ. Nous allons dîner en Avignon avant de nous séparer.
Le festival d’Avignon ballade son public…Le château de Saumane situé à 4 km de Fontaine de Vaucluse est un lieu magnifique. Perché, la vue sur le Vaucluse est époustouflante par pleine lune. C’est dans ce cadre que Jean Lambert – Wild et la coopérative 326 proposent « Mue – première Mélopée ». D’après « la bible » du spectacle, « Mue est un wana sonore et poétique pour neuf voix, une voix électronique, un percussionniste et une installation sonore ». J’ai bien essayé de me laisser aller…en vain ! Il m’en faut un peu plus pour que mes sens soient interpellés et que mon inconscient prenne le pas.
Jean Lambert – Wild produit un « spectacle » prétentieux où le public est « prié » de se prêter au jeu de la rêverie en s’installant sur des fauteuils inclinés et disposé de telle façon qu’il n’a qu’une vue circulaire partielle de la scène !
En un mot, le festivalier est fatigué des impostures proposées quotidiennement par le Festival d’Avignon. Il se demande s’il n’a pas à faire à une programmation autoritaire qui impose des choix artistiques identiques d’un spectacle à l’autre.
Malgré tout,j’ai passé la soirée en compagnie d’abonnés et de salariés de la Scène Nationale de Cavaillon (« Les pécous » comme on dit en langage provençal).
Je me suis mis à rêver de continuer la nuit avec eux, sous les pins, autour d’un verre.
Il est maintenant 16h30 en ce samedi 15 juillet et je ne me doute pas encore que je vais vivre un choc émotionnel intense. Je suis à l’Ecole des Beaux Arts pour l’exposition « Brutal Education » dont le commissaire de l’exposition n’est autre que Marina Abramovic ! Six jeunes artistes de quatre pays différents proposent 6 performances en continuité de 15h à 21h ; je voudrais relater trois performances qui resteront pour longtemps dans ma mémoire comme trois œuvres d’art qu’on aurait chez soi tous les jours !
– Doreen Uhlig, assistée d’un interprète, chante une chanson patriotique de son enfance de l’ex RDA. Cette jeune femme dégage une puissance dramatique incroyable ; je l’écoute chanter, puis relater son enfance à travers le modèle éducatif de la RDA, puis chanter, puis relater et ainsi de suite. Je n’arrive plus à quitter la salle. Je suis subjugué par cette performance. Je suis ému: je me retrouve dans l’histoire de cette jeune femme; comme elle, j’ai sans doute un modèle éducatif rigide auquel je suis inconsciement attaché…Ma psychanalyste a encore du travail pour le siècle à venir !
– Snezana Golubovic mesure l’énergie humaine contenu dans les cheveux. La performance consiste à compter un par un ses cheveux. C’est impressionnant et je fixe cette femme comme la métaphore de l’énergie créative féminine. Ma psychanalyste a encore du boulot pour les dix années à venir !
– Herma Auguste Wittstock est extraordinaire…Pendant six heures, elle doit suivre des instructions que six personnes lui auront données par écrit. Bien entendu, elle découvre ces instructions en direct ! La première est, à plat ventre, en descente sur les marches d’un escalier, d’émettre un son plaintif… Emouvant, surprenant…J’ai l’image d’une femme qui gémit après le passage d’une bombe…La deuxième, est, debout, sans bouger le corps, d’appuyer sur un interrupteur pour allumer et éteindre les néons d’un couloir. La répétition de ce geste et les changements de luminosité donnent l’impression que l’on peut devenir fou a scruter cette jeune fille…Et pourtant, je ne peux m’empêcher de lui sourire aussi mécaniquement qu’elle appuie sur ce bouton…Magie de la tendresse, de l’émotion…
Ma psychanalyste ne manquera pas de me questionner sur mon rapport étrange aux femmes !
Je quitte l’exposition sur un nuage ; je me sens heureux d’avoir vécu cette expérience ; de m’être ainsi ouvert à une discipline artistique (l’art performance). Marina Abromovic est une très grande artiste.
Il est 14h en ce samedi 15 juillet 2005 et les 37° degrés plombent la cité des Papes (même Benoît XVI??) ; je me dirige péniblement vers l’Eglise des Célestins pour l’exposition de Jean Michel Bruyère et LFK « L’insulte faite au paysage…Fioretti de l’errance et de l’extermination ».Qu’écrire ?…Bon…Euh…En fait…Il fait noir puis…Non, …Des vidéos…des hommes noirs vivants debout derrière…un homme tout nu…Une femme allongée dans un trou…Un chien méchant….Au fond, un homme chien mime un chef d’orchestre…Il y a des bancs et…je m’endors…Je me réveille… Où est le propos ? De quoi s’agit-il ? Où est la piscine ? …Non, ça c’était ce matin…Où se situe l’esthétique ? Comment peut-on réduire l’être humain à un objet d’exposition… ? Mais pourquoi donc le sens m’échappe-t-il ? Que m’arrive-t-il en cet été 2005 pour que le conceptuel me passe au dessus du tuba ?….Calmons-nous…Cette création est peut-être hors de ma portée…
Il est 16h en ce samedi 15 juillet et je me demande s’il ne serait pas mieux de louer une chambre d’hôtel et d’aller me coucher au frais…Je persiste à vouloir comprendre quelque chose…Direction le Cloître Saint Louis où un débat a lieu sur «Le spectacle vivant à la Télévision». Rien que le titre ferait mourir de rire notre ami Poutine…C’est pour dire…Le débat est d’un ennui…Cela ne m’étonne pas qu’il y ait si peu de spectacle vivant à la télévision avec de tels promoteurs…du spectacle mort – né !
Au bout de 20 minutes, je quitte le cloître avec l’impression de me noyer dans un océan de concepts et de bla – bla…
Pascal Bély – Le Tadorne