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À Montpellier Danse, le corps nous dit tant…

Montpellier Danse est une manifestation culturelle unique. Pour s’en convaincre, il fallait voir mercredi dernier, les visages rayonnants des chorégraphes venus de Turquie et d’Israël, heureux d’être produit par ce festival. J’étais content d’être français et européen au moment où les lois Sarkosy font honte  « au pays des droits de l’homme ».
Au théâtre du Hangar, il fait une chaleur étouffante (« notre mission n’est pas de payer la climatisation de ce théâtre » dixit la Surveillante Générale de Montpellier Danse…consternant). Ces mauvaises conditions ne facilitent pas la concentration du spectateur alors que Filiz Sizanli et Mustapha Kaplan venus d’Istanbul, nous présentent une œuvre exigeante (« Graf »). Ils sont deux, architecte et ingénieur de formation, à vouloir conceptualiser un « espace machine » qui « transforme l’énergie du corps en énergie électrique…le corps est ainsi travaillé soit comme une statue en mouvement, soit comme un objet plastique ». Vous l’aurez compris, ce duo nous propose une danse expérimentale où le corps sert de matériau vivant pour se métamorphoser dans un espace lui aussi en mouvement. Pour cela, le dispositif scénique fait avec trois fois rien est tout simplement majestueux : une ficelle avec des poulies permet de créer des espaces où les danseurs évoluent ; une caisse en plexiglas facilite le jeu avec la lumière et donne au corps des formes différentes ; des néons permettent aux danseurs de s’y balancer comme un trapéziste. Il y a dans ce travail un désir de créer du sens (quel corps pour quelle société ?), de rechercher l’énergie pour la traduire en chorégraphie. Je n’ai pas perçu de réponse toute faite, mais plutôt une mise en scène qui permet au spectateur d’élaborer sa vision. À la robotisation du corps dicté par les lois du commerce mondial, Filiz Sizanli et Mustapha Kaplan, répondent par la nécessité de se réapproprier des espaces, d’en créer d’autres afin que le corps devienne source d’énergie créative au moment où certains fondamentalistes religieux voudraient l’enfermer. Cet engagement, dans un contexte turc pour le moins défavorable à la danse, est tout à la fois une prouesse artistique et un acte politique. Chapeau bas.

Après la Turquie, rendez-vous est donné à 22h30 au Théâtre de Grammont par la chorégraphe israélienne Tal Beit-Halachmi pour son « Dahlia bleu ». Ils sont cinq sur scène dont une chanteuse pour évoquer Modelet, le pays natal de la chorégraphe. De cet infiniment petit sur la carte, Tal Beit-Halachmi nous propose pendant plus d’une heure vingt un voyage global ! Ces quatre danseurs, tous magnifiques, me font ressentir la complexité du lien entre territoire (au sens de terroir), l’histoire intime et le destin national d’un pays dans un monde globalisé. Tal Beit-Halachmi provoque d’incessants allers – retours entre l’intime et le global qui parfois nous perdent lors de quelques scènes très conceptuelles. Mais l’ensemble a de la hauteur, une tenue. Les corps expriment tout à la fois Moledet, territoire de montagne, l’histoire douloureuse d’Israël, et le contexte actuel. Je suis ému par ce quatuor qui métaphorise à ce point cette triple articulation. Comme beaucoup de français, je connais Israël à travers le prisme du conflit avec les Palestiniens. Je quitte le Théâtre avec un autre regard, plus humain, plus proche. Je pars avec l’émotion de Tal Beit-Halachmi pour qui jouer le « Dalhia Bleu » à Montpellier Danse semble être plus qu’un acte créatif, comme un devoir de mémoire pour repenser l’avenir. Chapeau bas.

 

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A Montpellier Danse, Emio Greco est infernal.

Cela commence par une mauvaise plaisanterie. Il est 20h20. Dans l'attente de voir la dernière création du chorégraphe italien Emio Greco, « Hell » (l'enfer en français), le public de Montpellier Danse installé dans le beau Corum, a droit à un amuse-bouche. Ils sont six à danser sur des tubes pop-rock. C'est plaisant cinq minutes. Mais il est 20h45 et l'enfer a déjà commencé. Pas de doute, ce sont les danseurs de Greco qui nous offrent cette chorégraphie vulgaire et insipide. Est-ce une provocation ? Toujours est-il qu'un bruit violent vient signer la fin de la partie et revoilà nos danseurs de cabaret transformés en?piètres danseurs d'un ballet contemporain.

Je vis l'enfer in situ : endormissement progressif suivi d'une colère intérieure (« mais à quoi rime cette chorégraphie ? ») puis d'un stress de plus en plus fort (« je veux partir. Mais quand ? Comment ? »). L'évolution de ces ressentis n'est pas sans me rappeler les quelques colères dont je suis capable d'avoir au cours d’un spectacle. Elles ont souvent les mêmes origines : la forme prime sur le fond, le geste annule le sens, la case empêche le tout et je me sens exclu de la danse (ce qui n'est pas sa finalité me concernant !).
« Hell » est donc un cauchemar artistique. Mais revenons aux intentions de ce chorégraphe prétentieux : « Nous n'avons rien contre la virtuosité, au contraire, nous aimons la danse, alors il faut la dépenser pour mieux la faire partager. La vitesse est très importante pour moi, parce que quand je danse, je suis toujours porté vers l'avant, je sens que des choses en avant sont disponibles, après lesquelles je dois courir. J'ai toujours la sensation que si je n'y vais pas le plus vite possible, elles vont s'effacer. La vitesse est une nécessité, nos interprètes et moi devons en passer par là, c'est une question de vérité ». Face au vide abyssal du propos, j'aurais dû me méfier. En tout cas, Emio Greco me permettra de douter de son amour de la danse. Il s'en sert comme un outil pour soutenir son propos fumeux.
Au mieux, je n'ai rien compris. Au pire, cette danse est le joujou d'un nouveau riche venant de découvrir que tout lui est acquis. Il ferait mieux d'arrêter de courir après le vide, de se poser avec ses danseurs pour remettre du sens, et rechercher la vérité ailleurs que dans une course de fond. Après quoi, il pourra revenir à Montpellier Danse avec moins de prétentions et donner à ce public de connaisseurs ce qu'il est en droit d'attendre : ni l'enfer, ni le paradis, mais la scène.

Crédit photo : Barbara Meneses et Guiterrez Basil Childers.

 

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A Montpellier Danse, Bouchra Ouizguen s’isole.

Après « Letters from Tentland Return to sender » joué au Théâtre de Grammont, me voici au Théâtre du Hangar, au c?ur de Montpellier pour assister à « Mort et moi » de la chorégraphe marocaine Bouchra Ouizguen, installée à Marrachech. C'est un solo pour le moins étrange, entre Orient et Occident, entre danse et non-danse, entre désirs d'ouverture et « une éducation forte qui maintient à l'état de virginité ». Couchée à terre, elle danse avec une table, tour à tour prison, meuble pour s'élever, se cacher. Les gestes sont précis et parfois cassants. Debout, elle nous propose une magnifique danse du ventre , qu'une lumière éclaire. Ce ventre m'évoque la Méditerranée. Je le ressens comme un lien entre elle et nous.
Troublant.


S'opère alors une brutale rupture. Bouchra Ouizguen danse avec une ceinture dorée ramassée par terre. Elle s'enlace, court, joue avec elle : tout à la fois libérateurs et cloisonnés, les mouvements perdent peu à peu de leur beauté originelle et deviennent presque mécaniques. Des chaussures sont posées au fond de la scène. Elle les essaye, une par une. Elle semble chercher celle qui pourrait lui convenir, compte tenu de sa culture. Le solo perd de sa puissance à mesure que le monde s'ouvre. Je ressens son isolement. L'occident, métaphorisé par ces chaussures, l'enferme d'autant plus qu'elles sont rangées en ligne droite, empêchant toute forme de créativité, toute mise en mouvement. Elle perd le spectateur : il ne comprend plus ses contradictions. À la limite, il en est presque responsable.
Malaise.
Au final, ce solo contraste avec le précédent spectacle. Là où, avec leur tente, les six femmes iraniennes créent une passerelle, Boucha Ouizguen a du mal à bâtir un pont. Rien n'exclut que nous y arrivions un jour. Montpellier Danse n'a pas fini de nous faire sa danse du ventre?

Crédit photo : Nour Eddine Tilsaghani

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A Montpellier Danse, Helena Waldmann provoque un séisme.

Pouvais-je m’attendre à cela ? Je pressentais que la chorégraphie d’Héléna Waldmann (« Letters from Tentland Return to sender ») dansée par six femmes sous une tente (métaphore du tchador) pouvait me surprendre. Je ne pensais pas que la danse pouvait être à ce point un acte politique, une démarche quasi psychanalytique.
« Letters from Tentland » était à l’origine jouée par des Iraniennes, mais le gouvernement ayant eu vent des critiques véhiculées par le spectacle, a ordonné le retour des danseuses. Pour ne pas abdiquer face à ce pouvoir totalitaire, Hélèna Waldman a continué avec six femmes iraniennes exilées en Europe. « Letters from Tentland Return to sender » est donc proposée ce soir à Montpellier avec le même dispositif (six tentes) accompagné d’un écran où sont projetées les lettres envoyées à celles restées en Iran.
Cette œuvre est majestueuse à plus d’un titre. Alors que l’on ne voit jamais leur corps, celui-ci est omniprésent. On ne voit que lui, on ne pense qu’à lui. Les tentes font corps et c’est bouleversant. Elles se débattent, crient, abdiquent en s’effondrant. Les tentes se plient, se déplient comme la douleur, comme un secret trop lourd à porter. Les lettres projetées sur l’écran informent sur le contexte en Iran, mais nous interpellent aussi. À quoi joue l’Europe ? Pourquoi la bureaucratie fait-elle vivre aux femmes iraniennes en exil un enfer quotidien ? Je me cramponne à mon fauteuil quand la folie s’immisce dans ce collectif sur fond de rock. Je m’émeus de leur solidarité quand une crie : « j’ai besoin d’être soutenu ». Je repense aux féministes des années 70. Le combat pour la dignité des femmes est actuel, universel. 

J’ai peur pour elles alors qu’une tente s’effondre pour se transformer en linceul. Elles tourbillonnent comme un vent de folie, comme un enfermement en mouvement. Des photos de famille sont projetées à l’image du tchador qui se transmet de génération en génération. C’est alors que les quatre femmes de Michel Kélémenis dans les «Aphorismes géométriques » traversent ma pensée. Ce sont les mêmes femmes. De France et d’Iran, elles dansent les mêmes mouvements, ceux de la complexité des sentiments dans un monde pensé par les hommes. Je suis ému, impuissant comme un occidental et pourtant, ces femmes en exil sont à Montpellier Danse. C’est sûr, cela va s’ouvrir, c’est inéluctable. La danse est là pour pousser les frontières.
Au dernier moment, elles sortent de leur tente. Le public, debout, ovationne…
Cela ne dure pas. Elles demandent le silence. Le public n’aura plus l’occasion d’applaudir; elles souhaitent autre chose. Elles demandent aux spectateurs masculins de rejoindre la scène pour aller derrière le rideau. J’ai peur de ce clivage homme – femme. Mais j’assume. Mes doutes pèsent peu face à l’enjeu de cette création. Je suis derrière l’écran, assis sur un coussin, en rond avec d’autres hommes. On nous porte un thé. Une des danseuses souhaite échanger avec nous sur la situation en Iran. Elle parle anglais. C’est presque un monologue tant le désir de parler est fort. Elle continue de sortir de sa tente. Elle fait ce que les femmes en Iran ne peuvent pas faire : parler aux hommes, les positionner autrement. Nous devenons des hommes « transférentiels ». C’est ainsi que le spectacle trouve un prolongement naturel : ces femmes en exil changent la place des hommes occidentaux.  Ovationner ne suffit plus. Elles nous aident à penser autrement notre statut de spectateur. C’est violent, intrusif, à l’image de ce que les hommes font vivre aux femmes en Iran. Et puis, alors que nous sommes derrière le rideau, je perçois le bruit des femmes
qui attendent dans la salle. Elles derrière, nous assis…
Je suis parti, presque comme un voleur, pour assister à l’autre bout de la ville au solo de la chorégraphe marocaine Bouchra Ouizguen.
Je suis parti avec mon sac à dos, sans tente pour mieux compter dans le ciel de Montpellier les six étoiles filantes d’Iran.

A voir un extrait vidéo du spectacle.

Créditphoto :<!–

H Cybulska H Cybulska H Cybulska H Cybulska

–> Bettina Stöb

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Montpellier Danse décomplexe avec Boris Charmatz.

Il est 17h30 au Studio Bagouet. Assis à une table dans l'attente de mon premier spectacle dans le cadre de Montpellier Danse, je feuillette “Les Inrocks” (bel article sur le journal Libération?je lis donc Libé dans les Inrocks !). Arrive un homme qui entreprend la conversation : « N'êtes-vous pas fasciné par le corps de ces danseurs ? Leurs prouesses physiques ne sont-elles pas étonnantes ? ». Certes, mais la danse se distancie de plus en plus de cela, lui répondis-je, quelque peu lassé par ce type de débat. Il revient à la charge et me décrit le Ballet de l'Opéra de Paris. En réponse, j'évoque une danse qui s'éloigne de la performance sportive pour se rapprocher du théâtre, les danseurs étant aussi comédiens. Peine perdue, il recommence?

J'entre dans le studio. Il est complet pour la dernière création de Boris Charmatz, « Quintette Cercle ». Sur le papier, je reconnais deux noms : Julia Cima vue aux Hivernales d'Avignon et Benoît Lachambre, vieille connaissance du KunstenFestivaldesArts ! Si vous êtes fidèle du Tadorne, vous avez pu constater comment la folie et la déconstruction traversent la plupart des ?uvres chorégraphiques. Depuis le Festival d'Avignon 2005 et le Kunsten de mai 2006, je ne vois plus les propositions avec le même ?il, le même positionnement. J'ai l'impression d'avoir lâché quelque chose, d'être beaucoup plus ouvert au chaos, à la créativité brute, au déconstructivisme. Avec Boris Charmatz et son « Quintette Cercle », autant être prêt : « Certains gestes ne passent pas. Pour s'en débarrasser, on fait des pièces. Une brassée de ces gestes est mise dans un téléviseur, le conteneur fuit, les gesticulations remontent, les têtes ressortent. Quoiqu'on veuille, la danse du rictus asymétrique avec son point latéral rejaillit régulièrement » (Boris Charmatz). Ils sont donc cinq sur scène avec leur tenue moulante d’un bleu pétard. Ils vont se prêter devant nous à une danse décomplexée où le corps et les mots d'entrechoquent en un tout chaotique, créatif qui me tient en haleine pendant plus de trente minutes. Dans cette boîte carrée comme un téléviseur, ils sont parqués (magnifique métaphore de l'enfermement des temps modernes). Les corps se contorsionnent, la langue est pendante et j'ai pourtant l'impression que tout est figé, immuable. Difficile d'en sortir sauf à vouloir changer de cadre pour modifier le regard.
Réunis cette fois-ci dans un décor plus grand, fait de lumières et de néons, ils reconstruisent le groupe. J'assiste alors à d'incroyables mouvements du corps ponctués de mots et de bruits déconstruits accompagnés d'une musique pour le moins complexe. Ils crient, se jettent dessus, se couchent, se caressent, s'isolent. La confiance entre eux n'a pas de limite. Leur corps n'est pas celui d'un danseur, mais d'un créateur (comment une telle image m'est-elle venue ?). A l’issue du spectacle, j’imagine un groupe d’artistes créant un nouveau courant à l’image des surréalistes! A les voir danser de la sorte, je ne suis pas gêné. Au contraire, je suis heureux de les voir se libérer, de sortir du moule. Il me renvoie à ma propre condition : celle d'un spectateur qui se débarrasse petit à petit de ses carcans. Ils m'éclairent sur ce qui est possible en danse et ailleurs. Alors bien sûr, rien de révolutionnaire dans cette ?uvre, mais jouée dans le contexte actuel, « Quintette Cercle » est une ode au plaisir, à la liberté loin des conventions académiques, du prêt-à-penser médiatique et de la performance sportive. Il libère le regard du spectateur. Rien de tel pour commencer un festival et prendre confiance en soi.
Nous sommes six maintenant?

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Le Pavillon Noir à Aix en Provence et le Théâtre d’Arles ouvrent les territoires du Tadorne.

A l’heure où les festivals de l’été commencent à peine, Le Tadorne doit prévoir ses futures migrations pour la saison 2006 – 2007. Les plans de vol arrivent progressivement et quelques choix s’imposent. Petit tour d’horizon de quelques réjouissances à venir en plusieurs chapitres…Pour débuter, deux nouvelles escales font leur apparition dans le paysage du Tadorne.

Les Aixois l’attendaient. Le public du feu festival « Danse à Aix » aussi (avec peut-être moins de bienveillance !). Le Pavillon Noir, lieu dédié à la danse et géré par Les Ballets Preljocaj ouvre ses portes le 20 octobre 2006. C’est une saison sans prise de risque et dont le projet vise à positionner le Pavillon dans le paysage institutionnel. Soit. Les Aixois pourront ainsi voir les créations d’Angelin Preljocaj dans de bonnes conditions. La plupart d’entre elles ont été vues à Paris, mais sont quasi inconnues à Aix. Citons les jolies « Quatre Saisons », le troublant « N » et le magnifique « Empty moves ». Nous devrions rattraper notre retard (du moins sur ce point!). Pour le reste de la programmation, Jean-Claude Galotta devrait nous enchanter avec « Des gens qui dansent », Frederic Flamand nous revenir avec « Metapolis II » présenté actuellement au Festival de Marseille (critique dans les prochains jours). Quant à Maguy Marin, elle devrait continuer à nous énerver avec « Umwelt ».
Quelques curiosités au milieu de ces grands noms…Thierry Baë, présent au Festival d’Avignon avec son « Journal d’inquiétude » crée à « Danse à Aix » en 2005, devrait poursuivre sur sa lancée avec « Et maintenant il colle son oreille au sol ». La présence de la vidéo dans son spectacle m’inquiète une fois de plus…L’incontournable Josette Baiz revient avec « Duplex ». Emilio Calcagno poursuit ses articulations entre la BD et la danse avec « Peter Pan ». Espérons que projet soit plus abouti qu’ "En Sourdine" présenté au printemps dernier. Enfin, quatre chorégraphes seront pour Le Tadorne une découverte : Pascal Montrouge, Christian Ubl, Richard Siegal et Philippe Combes. Au final, ne boudons pas notre plaisir : nous avons une saison de danse à Aix en Provence. Même si l’on ne comprend pas très bien ce que fait Jean-Charles Gil et sa danse approximative avec « One More time – Un rêve » dans cette programmation.
Au final, avec Le Pavillon Noir, Dansem en septembre, Marseille Objectif Danse toute l’année, et deux Centres Chorégraphiques Nationaux, la Danse devient l’un des arts majeurs du département.
Une deuxième escale n’était pas prévue pour Le Tadorne. Et pourtant, quelle surprise en parcourant la saison du Théâtre d’Arles! Leur site internet est de toute beauté; la programmation est une véritable prise de risques en ces temps de restriction des subventions publiques. Jugez plutôt…Pipo Delbono avec « Guerra » (vu en Avignon en 2002…magnifique), Catherine Marnas en résidence et Jean-Luc Lagarce avec « La cantatrice chauve ». A noter la venue du Théâtre Flamand qui a tant enchanté le public parisien avec « My dinner with André » et « Regarde Maman, je danse ». Côté danse, ce théâtre programme de jolies rencontres : « La favola esplosa » du chorégraphe italien Giogio Rossi, « Wasla – Entrelacs » d’Héla Fattoumi et d’Eric Lamoureux, « A quoi tu penses ? » de Dominique Boivin. A noter, le week-end de duos en mai 2007 avec Joseph Nadj en tête d’affiche ! Au final, une très belle programmation, toute en finesse. Même si l’on ne comprend pas très bien ce que fait Jean-Charles Gil et son Ballet d’Europe au milieu de tant de beauté…
 

A lire:

Le Pavillon Noir s’ouvre en pièces détachées.

La Saison 2006 – 2007 du Tadorne.

Les Théâtres du Jeu de Paume et du Gymnase casent le public.

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Au Festival de Marseille, Le Ballet Royal de Flandre : passons?

Ce devait être une soirée entre amis au Festival de Marseille. Ce devait être émouvant, surprenant, dans la continuité des trois précédents spectacles programmés depuis le 8 juin. Mais d'édition en édition, le Festival de Marseille poursuit ses mauvaises habitudes. À vouloir transformer le Parc Henri Fabre en lieu de mondanités pour public d'entreprises, le Festival s'éloigne de sa mission de guidance vers des territoires inconnus. En programmant « Perfect Gems » par le Ballet Royal de Flandre, la soirée frôle la caricature, avec ce questionnement qui ne me quitte pas : « comment ont-ils pu oser ? ».
Ce devait être une jolie succession de trois chorégraphies, ou comment la danse classique s'articule à la danse contemporaine.
Passons sur les mauvaises conditions visuelles : rang W, cela limite la vision quand une grosse tête dépasse.
Passons sur le bruit de l'appareil à photo de mon voisin et ses commentaires avisés.
Passons sur la soif : rien à boire, buvette fermée, avant et après le spectacle.
Passons sur les entractes qui durent vingt minutes entre deux courtes créations: porté par les mouvements complexes des cinq danseurs lors de la chorégraphie de David Dawson (« The Grey Area »), je perds le fil à attendre que les spectateurs se désaltèrent tout en flânant dans les jardins de la Duchesse. Ce long intermède se répète entre le 2e et 3e spectacle. Où suis-je ? Où est le respect d'une partie du public des hauts gradins venu pour voir de la danse ?
Passons sur ces trois moments choisis qui n'ont ni queue ni tête. Quelle cohérence entre l'étonnant « In the Middle, Somewhat Elevated » de William Forsythe et le consternant « In the Night » de Jerôme Robbins ? Comment cette chorégraphie peut-elle être programmée en 2006 au c?ur d'un Festival qui prône la transdisciplinarité ? Imaginez trois couples niais qui dansent avec leurs pointes le rapport amoureux où les femmes sont à terre devant leur joli prince charmant ! C’est consternant de bêtise. C'est ce type de chorégraphie qui fait plaisir aux mondains et fait régresser l'ensemble.
Les applaudissements des premiers rangs masqueront les fous rires venus des hauts gradins.
Passons sur ce ballet, froid comme la glace, qui ne porte même pas l'énergie créative de William Forsythe. Ils sont pourtant neuf mais rien n'y fait. Leurs corps, façonnés par la danse classique, n’expriment aucune émotion. Ils dansent mécaniquement sous l'?il sûrement expert de leur Direction Artistique.
Passons sur cette soirée inutile qui ne fait rien bouger, où vous avez le sentiment de vous être fait piéger par une affiche alléchante. À voir le public regagner presque en courant leur véhicule, on se prend à rêver d'une autre programmation où les spectateurs échangeraient leurs impressions comme lors d'un débat politique passionné ! Je ne supporte plus que l'on utilise l'Art comme produit d'appel?
Je passe.
Dimanche, je m'arrête à Montpellier Danse.

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Les Arts Sauts avec « Ola Kala ! » sautent dans le vide.

C'est un peu gênant. Des amis vous offrent une place pour la nouvelle production des Arts Sauts, « Ola Kala ! » et à la fin du spectacle, vous leur lancez : «Je suis consterné ». En écrivant cet article, j'ai bien conscience d'aller à contre-courant de mes amis et du public marseillais qui n'ont pas hésité à applaudir chaleureusement ces “Sauts” dont j’ai cherché le sens.

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=d6fQGwU8d-o&w=390&h=314]

« Ola Kala ! » est programmé dans le cadre du Théâtre du Gymnase. Je m'attends donc à voir une ?uvre artistique, ou du moins une rencontre entre la performance sportive et l'art (on peut toujours rêver?). Peine perdue. Tout commence par des trapézistes qui font d'interminables allers-retours à partir de quelques diagonales qui ravissent. Il y a bien quelques musiciens perchés avec leur violon et leur contrebasse, une chanteuse dont on dirait qu'elle murmure dans un mégaphone en panne de piles, une musique mi-techno ? mi-opéra, des costumes si laids qu'on les croirait tout droit sortis d'un magasin Gap. Cela donne un vernis culturel aux prouesses physiques, mais c'est insuffisant pour qualifier « Ola Kala ! » d'?uvre artistique. Les trapézistes de la troupe le souhaitent-ils ? D'ailleurs, que veulent-ils ? À compter le nombre de chutes volontaires et involontaires, on se met à douter de leur désir d'être en l'air et sur scène. L'accident grave d'un des leurs l'an dernier, pèse sur la dynamique de groupe à l'image de ce filet qui retient tout. Il y a pourtant une joli moment de poésie entre deux femmes, mais il est noyé au milieu des prouesses masculines répétitives, saluées en continu par le public. L'ensemble est lourd, lent, peu créatif et l'« ange bouffon » avec ses ailes en carton ne peut rien y faire (que fait-il là, d'ailleurs ?).
Au final, « Ola Kala » est un trompe-l’?il qui survole l'art du cirque. Ceci est ma chute et la leur.

Pascal Bély – www.festivalier.net

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Le Festival de Marseille dépoussière avec “A-Ronne II”

Il fallait quand même oser ! Programmer «A-Ronne II » au Gymnase, lieu du conformisme théâtral, a de quoi décoiffer même les perruques les mieux amarrées. Je n’aime pas ce lieu : on y est la plupart du temps mal assis et son public est l’un des plus impolis que je connaisse. Cela explique pourquoi je m’y sens si souvent oppressé. Le public du Festival de Marseille semble différent ce soir pour cette pièce crée en 1996 par Ingrid von Wantoch Rekowski basé sur l’œuvre "d’A-Ronne" du compositeur Luciano Berio. Ils sont cinq sur scène (sommes-nous au moyen âge ?) pour interpréter avec leur corps et leur voix cette œuvre « musicale ». Car l’univers vocal de Berio n’a pas grand-chose à voir avec l’opéra classique. "A-Ronne" c’est l’art du burlesque et de la  communication! On comprend à peine les mots qu’ils prononcent (à part peut-être « phallus » et « sexe », n’est-ce pas l’essentiel ??) mais tout est dit tant les corps et les sons expriment la musicalité des rapports humains et sociaux. Chaque onomatopée, chaque mouvement du corps (alors qu’ils sont assis) sont une note, si bien que je suis en train de lire une partition de solfège !
Or, à mesure qu’ "A-Ronne II" se déroule, je ressens une fatigue à maintenir une telle attention : la performance des acteurs est aussi celle du spectateur. On ne s’étonnera pas que la durée de l’œuvre (50 minutes) soit celle d’un spectacle de danse comme si Ingrid von Wantoch Rekowski avait chorégraphié une comédie humaine où nous serions pris au piège à force de la regarder. Décoiffant.

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Le Festival de Marseille fait tomber les murs de La Criée avec « Eraritjaritjaka, Musée des Phares »

« Que va-t-il encore m’arriver ce soir ? ». Telle est ma question alors que j’arpente le hall du Théâtre de la Criée pour le deuxième spectacle du Festival de Marseille. Le titre imprononçable de la pièce, le texte opaque de la bible brouille les pistes. Installé, je tente de me laisser aller. Un quatuor prend place sur scène, lumière blanche, sol noir et Bach en introduction. Un homme arrive en costume trois-pièces (sublime André Wilms) et le décor se transforme. La lumière bouge, le suit et l’éclaire comme s’il cherchait la voie, le chemin. Il joue des fragments de textes d’Elias Canetti (1905 – 1994), prix Nobel de littérature. La mise en scène d’Heiner Goebbels prend alors des allures féeriques : l’homme s’amuse avec des robots comme avec un animal de compagnie. Métaphore d’une société déshumanisée, les textes poétiques de Canetti frappent par leur justesse et leur résonance. Mais je me sens enfermé, comme s’il n’y avait plus d’échappatoire dans cette société en perte de sens. Où vais-je dans ce spectacle ? Je suis rapidement perdu comme si je n’arrivais plus à relier le texte, la musique et le jeu de l’acteur. Fatigue ? Incompréhension ? Un vacarme envahit la salle ; les lumières dessinent sur la scène par petits points une ville futuriste. Je perds définitivement pied.
Une maison en miniature arrive sur scène ; comme suite à un numéro de magie, elle se met à fumer et s’éclaire pour finalement finir en fond d’écran où va se projeter l’impensable ! L’homme quitte la scène, accompagné d’un caméraman. Nous suivons son périple sur la « maison- écran ». Une voiture l’attend devant le Théâtre de la Criée. Installé à l’arrière, il nous parle avec les mots de Canetti. Rêve ? Réalité ? Je ne sais plus où je suis: comment Goebbels peut-il oser cela, nous laisser converser avec ce quatuor dedans alors que le comédien est dehors. Arrivé  de l’autre côté du port, il sort de sa voiture et entre chez lui. Le journal « La Provence » daté d’aujourd’hui est à terre. Nous rions. Il est donc bien dehors. Le cameraman accompagne les mots avec brio. Pour la première fois de ma vie de spectateur, la vidéo est une oeuvre d’art à part entière tant les mouvements de la caméra sont poétiques (moment de pure beauté lorsque le vieil écrivain est filmé à travers les grilles de la planche à repasser !). Nous partageons son intimité alors qu’il se prépare une omelette (on sentirait presque l’odeur dans la salle). C’est bon, je suis avec lui. Comme devant un tour de magie, je suis émerveillé de la prouesse technique et artistique. Et puis, tout se brouille à nouveau comme un poème dont le livre se transformerait au fur et à mesure que vous le lisez : de papier, il devient écran puis partition de musique. Par quel miracle, retrouvons-nous le sur scène avec le quatuor ? Comment peut-il être ici et là ? Le lien avec ce vieil homme attaché à son écriture pour vivre, m’envahit. Je me sens dedans sa maison et dehors pour l’observer. Le metteur en scène Heiner Goebbels signe une pièce majestueuse, car il brouille nos repères et nous positionne comme acteur de ce que nous voyons. Cette posture du dedans – dehors est une réponse au texte pessimiste de Canetti pour qui la société perd le sens. Le fait même que je quitte ce spectacle heureux, curieux, ouvert prouve à quel point la mise en scène de Goebbels donne cet espoir dont nous avons besoin : un monde ouvert où la pluridisciplinarité, en abattant les cloisons de nos maisons, ouvre le plus beau des chantiers : reconstruire ce que l’on n’avait pas prévu.

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