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EN COURS DE REFORMATAGE

Au Festival d’Avignon, « Battuta » de Bartabas tourne joyeusement en rond.

  En 2003 au Festival d’Avignon, Bartabas avait choqué de nombreux professionnels et spectateurs au sujet de la crise des intermittents. Replié dans son Théâtre Équestre, il était apparu méprisant, autoritaire et loin des réalités économiques et sociales. Sa création d'alors « Loungta, les chevaux de vent » ne fut jamais montrée. J'en garde envers l'homme un ressentiment. Seul l'artiste peut me faire oublier ses paroles.
Trois ans plus tard, je me rends au Domaine de Roberty, près d'Avignon, pour « Battuta » . Le chapiteau est bondé ; le public survolté applaudit à tout rompre. Le dispositif scénique est de toute beauté : au centre, un puits de lumière d'eau descend. Sur chaque côté de la piste, un orchestre : l'un joue une musique classique, presque mélancolique ; l'autre est une fanfare venue de Moldavie. Pendant tout le spectacle, ils se répondent comme dans un dialogue où le blanc et le noir, la vie et la mort s’affronteraient!  Bartabas nous invite au voyage: une population nomade va d'un territoire à l'autre. Elle emmène avec elle roulottes, chevaux et des familles en complète recomposition. Le mariage modifie les équilibres et nous voyons sous nos yeux comment les liens entre individus peuvent changer la donne. J'assiste à une course poursuite entre le père, ses amis et l'homme qui épouse sa fille.
Finalement, tout le monde se court après ! Je souris à certaines scènes (le défilé de quinze roulottes, toutes extravagantes les unes des autres), alors que certaines sont déplacées (le nomade qui vole le sac d’une femme, les jeux virils des hommes). Je m’interroge sur l’omniprésence des policiers sur scène (message subliminal pour soutenir la politique de Sarkosy envers ces populations?).

Malgré tout, je finis par m'ennuyer de ce jeu répétitif. Il n'y a aucun temps mort pour respirer comme si Bartabas évitait le sens. Que veut-il nous dire ? Où est la réflexion que procurent la plupart du temps ses ?uvres ? Bartabas plonge dans le divertissement le plus total alors qu'il est programmé dans un Festival de création. Je ne doute pas qu'il assure la billetterie, mais cela justifie-t-il tout ? Se poser la question du sens n'empêche pas le divertissement. Bartabas en fait l'économie dans un département, le Vaucluse, qui rejette massivement les populations nomades, vote à 40 % pour le Front National. Je sais, j'extrapole, j'en fais un peu trop, ?Mais ce serait tout de même intéressant d'interpeller Bartabas, lui qui ne s'est pas gêné il y a trois ans de donner des leçons de théâtre et de démocratie?

Pascal Bély
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Au Festival d’Avignon, « Mnemopark » devrait inquiéter…


Derrière ce titre, une inquiétude, des questionnements, une réflexion. Existe-t-il beaucoup d'?uvres qui autorisent une telle cogitation ? Cela dit, « Mnemoark » du Suisse Stefan Kaegi n'est pas  la « révélation » du Festival, comme le laisse entendre la rumeur. Il faudrait pour cela que l'art transcende les clivages. C'est loin d'être le cas avec cette oeuvre réductrice.
Ils sont cinq, âgés de plus de soixante ans, passionnés de modélisme. Ils ont reproduit la ligne de chemin de fer de leur canton, en Suisse. Ils sont accompagnés d'une comédienne et d'un autre passionné, français celui-là, originaire d'Avignon. Ils nous proposent pendant plus d'une heure trente un voyage dans leur région, à l'heure de la mondialisation. J'ai parfois l'impression d'assister à un film documentaire (le petit train dispose d'une minuscule caméra, les passionnés n'hésitent pas à prendre le caméscope pour nous offrir sur un écran géant des panoramas saisissants !). La comédienne, avec son sifflet, est la chef de gare. Elle ordonne les arrêts et les départs pour permettre à chaque passionné d'expliquer, à leur échelle (réduite), les effets de la mondialisation. Si la France s'inquiète de la Chine et des musulmans, la Suisse est préoccupée par l'Inde qui déstabilise tout à la fois le marché de la viande bovine et la culture en imposant ses choix cinématographiques bolywoodiens ! Parfois, avec la comédienne, nos amis modélistes s'amusent à un jeu : celui qui gagne a le droit de revenir dans le temps et d'être un personnage de modèle réduit.


Avec mes yeux de professionnel, je reconnais dans ce dispositif la notion d'objet flottant développé par le psychiatre Philippe Caillé à travers l'outil du « jeu de l'oie » qui permet d'aider les familles et les équipes à sortir des situations bloquées :« Les “objets flottants” développés par Philippe CAILLÉ et Yveline Rey consistent en stratégies, techniques, outils qui, au sein de la relation d’aide, favorisent l’établissement d’une zone neutre. Cet espace intermédiaire de liberté garantit la possibilité d’un dialogue innovant. Le jeu de l’oie systémique est un des “objets flottants” médiateur de la communication. Il dérive du jeu de l’oie traditionnel mais n’en conserve que l’idée d’un parcours semé d’embûches, matérialisé par un tableau très simplifié ». « Mnemopark » est donc un jeu de l'oie avec ses cases (les arrêts des gares) et médiatise la communication entre les personnes âgées, leur région, la globalisation et les spectateurs. « Ce parcours, qui se déploie dans plusieurs directions, permet à la fois de réinformer les consultants ( couple, famille, institution…) sur eux-mêmes et de complexifier la vision parfois réductrice de l’intervenant sur le problème. En substance, ce jeu de l’oie (Loi) systémique aboutit à une “co-construction” qui favorise un élargissement du champ. En ” dépliant” les strates successives de la structure qui relie les événements historiques, les valeurs, les sentiments et les jeux interactionnels de l’ici et maintenant, il contribue à modifier les regards et en conséquence les attitudes de chacun. ». Stefan Kaegi sait-il qu'il a transposé le « jeu de l'oie » sur la scène? Quand « Mnemopark » prend cette dimension thérapeutique, l'émotion est palpable surtout lors du jeu où les passionnés remontent leur passé. Mais cette dimension est noyée dans le dispositif, dans le jeu du jeu.

Avec mes yeux d'occidental curieux de tout, ouvert aux articulations complexes, la vision de la globalisation à travers ces personnes âgées est passéiste, égocentrique. Elles sont ridicules à s'amuser ainsi devant nous et le public l'est tout autant d'assister à ce petit jeu. Il n'hésite d'ailleurs pas à se marrer lorsque le provençal prend la parole. On rit de lui comme s'il était une bête de foire. Je me surprends à me moquer d'eux. J'ai honte.
Avec un regard d'indien, cette pièce est raciste. Elle ridiculise leur culture, positionne l’étranger comme un terroriste qui fait exploser les gares Suisses (si, si je vous assure?c'est le même amalgame que musulman = poseur de bombe). Surtout, elle voit l'Inde comme un peuple sous-développé qui envahit la Suisse avec ses tournages de films depuis qu’elle est en guerre avec le Cachemire. Que n'aurait-on pas dit et écrit si des passionnés de modélisme étaient de la  Creuse ? Mais voilà, la Suisse n'est pas dans l'Europe?
Finalement, aucune vision ne me satisfait, que je sois occidental ou indien. « Mnemopark » pour expliquer la mondialisation à l'échelle du territoire, se base sur un modèle binaire. L'utilisation du modèle réduit aurait pu faciliter une méta ? vision. On ne me propose qu'une vision réductrice, collée à la voie de chemin de fer. Stephan Kaegi ne voit pas la mondialisation comme un processus qui ouvre, diffuse la démocratie,  crée ce qui n'existe pas encore,  réduit ce qui perd du sens, menace en l'absence de projet global. Si tel était le cas, il aurait conçu une ?uvre d'art profondément innovante qui transcende les clivages, loin des idéologies. En se calquant sur les théories de José Bové (cité à plusieurs reprises), il charme le public français qui pousse rarement la réflexion plus loin que son pré-carré, vote « non » à la constitution, facilite Le Pen au deuxième tour d'une élection présidentielle et se prépare de nouveau à voter pour des candidats contestataires.  
« Mnemopark » révèle notre réduction. Je tente d'ouvrir en écrivant ce modeste papier. C'est ma seule réponse pour refuser que l'on transforme la scène de théâtre en modèle réduit. J'ai tant besoin d'ouverture?

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Le palmarés du Tadorne du Festival d’Avignon:



“VSPRS”
d’Alain Platel.
“Paso Doble” de Josef Nadj et Miquel Barcelo.
“Combat de nègre et de chiens” de Koltès par Arthur Nauzyciel.
“Au monde” de Joël Pommerat.
“Human” de Christophe Huysman.
“Rouge décanté” de Guy Cassiers.

“Faut qu’on parle!” d’Hamid Ben Mahi et Guy Alloucherie, “Sizwe Banzi est mort” de Peter Brook, “Récits de juin” de Pippo Delbono et “Pour tout l’or du monde” d’Olivier Dubois.

“La tour de la défense” et “Les poulets n’ont pas de chaises” de Copi par Marcial Di Fonzo Bo.
“Les marchands” de Joël Pommerat.

“Chaise”, “Si ce n’est toi” et “Le numéro d’équilibre” d’Edward Bond.
“Les barbares” d’Eric Lacascade.
“Pluie d’été à Hiroschima” d’Eric Vigner.

“Asobu” de Josef Nadj.
“Mnemopark” de Stefan Kaegi.
“La poursuite du vent” par Jan Lauwers.
“Battuta” de Bartabas.
“Mondes, Monde” de Frank Micheletti.
“Journal d’inquiétude” de Thierry Baë.
“Depuis hier. 4 habitants” de Michel Laubu.

“La course au désastre” de Christophe Huysman.
“Gens de Séoul” de Frédéric Fisbach.


En bons derniers…
“Sans retour”
de François Verret
“Mozart et Salieri”
et “Iliade Chant XXIII” par Anatoli Vassiliev.
“Ecrits de Jean Vilar” par Olivier Py.

“Le bazar du Homard”
par Jan Lauwers.

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FESTIVAL D'AVIGNON OEUVRES MAJEURES THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN THEATRE MODERNE Vidéos

Au Festival d’’Avignon, « Combat de nègre et de chiens » résonne.

Festival d’Avignon, le 13 juillet 2006,

Au Gymnase Aubanel, le metteur en scène Arthur Nauzyciel présente « Combat de nègre et de chiens » de Bernard- Marie Koltès. Assis au dernier rang, je suis surpris par cette scène très profonde et ce voile très fin qui la sépare du public. Nous sommes en Afrique sur un chantier de construction qui emploie de la main-d’oeuvre locale. Horn, le patron, est l’ami-amant de Léone. Ils arrivent d’un long séjour à Paris. Alboury cherche le corps de son frère mort mystérieusement sous les yeux du contremaître Cal. Pendant deux heures trente, j’assiste, médusé, à la confrontation de deux mondes (L’Afrique et l’Occident), à la violence des rapports amoureux hors norme (Léone et Alboury finissent par s’aimer) et au racisme le plus ordinaire. Ce sont tous des acteurs américains magnifiques. À quatre, ils tissent patiemment la trame dramatique de cette histoire qui résonne pour tous les peuples colonisateurs, dont les Français.

Le début surprend certains spectateurs qui n’hésitent pas, au bout d’une heure, à quitter la salle. Mon corps est lourd et je lutte : vais-je tenir tant cela me paraît long ? La mise en scène entretient cette lourdeur: lumière tamisée, lenteur des déplacements, dialogues sur mesure pour signifier le poids du passé et des clichés. Elle suggère par petite touche la montée en puissance de ce combat: Alboury qui parlemente derrière le voile, Cal qui prend sa douche pour se laver de la (sa) boue, Léone et Horn qui échangent leurs lointaines impressions. Cette distance, voulue par le metteur en scène, se réduit au fur et à mesure de l’intensité des relations. Et puis, tout se craquelle : Cal devient de plus en plus violent, Alboury qui ne peut aimer Léone sans trahir les siens, Horn qui trompe la confiance d’Alboury. On s’attache à chacun de ces personnages, car rien n’est survolé. Le langage analogique est puissant (le sol qui devient boueux alors que tout s’écroule pour Leone, le décor qui s’embellit à mesure que l’histoire d’amour se construit, le son qui nous plonge dans la nuit africaine). Rien n’est totalement dévoilé pour laisser au spectateur la possibilité d’interagir avec chacun des protagonistes.

J’ai l’impression de voir un film de cinéma, d’assister à une chorégraphie, de ressentir la profondeur du décor comme du texte, tant cette mise en scène est intelligente. Elle ne fait pas appel à la compassion du spectateur, mais elle lui permet d’avoir la bonne distance émotionnelle pour l’inviter à réfléchir, à faire les liens avec le contexte français. Car le racisme est un processus complexe qui ne peut-être réduit à des jugements à l’emporte-pièce. Nauzyciel rend profond ce qui ne l’est pas à première vue. Son travail de l’espace scénique suggère le dedans- le dehors, seule posture capable d’appréhender le racisme.

Arthur Nauzyciel m’a offert un très beau moment de théâtre. Il l’a rendu possible alors que mon corps s’apprêtait à flancher. Je n’ai pas abandonné la partie. Les menaces qui pèsent sur notre société et le monde ne le permettent pas.

 Pascal Bély, Le Tadorne.

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En Avignon, Marcial Di Fonzo Bo et Copi font leur festival.

La présence de Marcial Di Fonzo Bo au Festival d’Avignon est en soi un événement. C’est un grand acteur, aujourd’hui metteur en scène et membre du collectif « Le théâtre des Lucioles ». Mais surtout, il affirme son positionnement en programmant trois œuvres de Copi, « La Tour de la Défense », « Les poulets n’ont pas de chaises » et « Loretta strong ». Il rend ainsi hommage à cet auteur et dessinateur du Nouvel Observateur, décédé en 1987. Pour cela, Martial Di Fonzo Bo investit le Lycée Mistral. Comme pour Olivier Py l’an dernier, je retrouve l’ambiance de la troupe de théâtre installée dans la durée : les enfants qui courent, le public au bar, et un magnifique chapiteau crée par le Théâtre Dromesko. Cette atmosphère contribue à soutenir l’œuvre de Copi.

« La tour de la Défense » se joue dans le gymnase du lycée. Le dispositif bi-frontal met l’appartement au centre et permet de l’apprécier dans toute sa complexité à partir du regard horizontal. Luc et Jean vivent ensemble dans cet appartement avec vue panoramique sur la capitale. Tout paraît transparent (leur mode de vie gay et les excentricités qui vont avec) mais leur solitude individuelle ne fait aucun doute. Ils semblent vivre l’un à côté de l’autre. Daphnée, leur voisine de palier, leur rend régulièrement visite. Sous acide en permanence, elle n’assume plus son rôle de mère à l’égard de sa petite fille, âgée de 3 ans. Micheline, travestie la nuit, est invitée pour ce réveillon du jour de l’an. Elle est là par hasard, mais rien n’est moins sûr. Ahmed fait irruption comme amant présumé de Daphnée et « arabe » de son état. Il s’engage avec courage et détermination à préparer ce réveillon de folie. Entre un énorme serpent qui sort des toilettes (il finit au four farci avec un rat), les évanouissements répétés de Daphnée, les engueulades du couple, et la découverte macabre de la petite fille dans une valise, rien ne nous est épargné. L’absurdité des situations est portée par une mise en scène exceptionnelle. Elle repose sur le jeu des acteurs (cela peut paraître évident, mais méfions-nous des évidences !) : Marina Foïs est sublime, touchante et Pierre Maillet est criant de vérité en travelo. L’ensemble de la troupe porte l’œuvre de Copi comme un défi qu’il faut relever dans ce Festival. Je le vois, je le sens. Aucun ne se positionne en meneur du jeu parce que l’enjeu n’est pas là : ce qui est central, c’est leur isolement, leur solitude affective et la fonction de la provocation comme seul mode d’expression de leur sentiment. Le rire du public traduit la tension souterraine de l’histoire, mais aussi la gêne que provoque le comportement déviant. Pourtant, Martial Di Fonzo Bo arrive à jouer l’homosexuel comme vous et moi ! Une performance d’acteur ! Au final, « La tour de la Défense » est un beau moment de théâtre qui positionne Copi comme un auteur d’Avignon. Le Festival finira bien par lui faire la cour.

Le deuxième spectacle, « Les poulets n’ont pas de chaise » se joue un soir de finale de la coupe de monde de football. Décidément, tous les matchs de l’équipe de France m’ont poursuivi de Marseille à Montpellier, jusque dans la cour du Lycée Mistral ! Si la France a perdu ce soir-là son idole et son trophée (belle image que ce sale coup de tête qui finalement vaut de l’or…Futé ce Zidane !), Martial Di Fonzo Bo a gagné le public ! « Les poulets.. » est un bijou de créativité et de croisement des arts. Les dessins de Copi sont à la fois projetés sur un fin tissu blanc qui sépare la scène du public, mais joué par une troupe d’acteurs exceptionnels. Les dessins provocateurs de Copi, publiés la plupart par Le Nouvel Observateur dans les années 60 – 80, deviennent vivants ! L’alternance des saynètes, leur appui par la vidéo, l’orchestre musical en direct, donne au tout l’impression de voir un dessin animé, un film au ralenti. Martial Di Fonzo Bo est magistral et mène son groupe comme un coq dans un poulailler. C’est drôle, instructif pour qui ne connaît pas l’univers de Copi. Mais surtout, la mise en scène est d’une telle créativité qu’elle positionne Martial Di Fonzo Bo comme le crayon de Copi. Ces poulets ne sont décidément pas prêts de passer à la casserole !

L’entracte permet de se remettre de ces émotions et de goûter à l’ambiance si calme de la cour du Lycée (sic). Le dernier spectacle de cette soirée, « Loretta Strong » déçoit. C’est l’histoire du cosmonaute qui vient d’apprendre par la radio que la terre a explosé. Seule, elle se retrouve au milieu du chaos à devoir survivre, à devoir aimer (quitte à ce que cela soit avec un rat !). Martial Di Fonzo Bo est suspendu au dessus du public, à la mort. J’ai du mal à rire, à me laisser aller. Le texte est lourd comme Loretta au-dessus de ma tête. Je m’ennuie comme une farce un peu longue dont on attend la fin pour applaudir et dire merci, soulagé. C’est peut-être la pièce de trop, jouée sur un coup de tête. Sacré Zidane !

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Au Festival d’Avignon, le homard réchauffé de Jan Lauwers.

En 2004, au Festival d'Avignon, « La chambre d'Isabella » du metteur en scène Flamand et plasticien Jan Lauwers fut un triomphe. En 2005, « Needlapb 10 » était une série d'idées de spectacles qu'il souhaitait expérimenter avec les festivaliers. Ce fut un bide même si le concept de laboratoire était intéressant. En 2006, Jan Lauwers nous propose « Le bazard du Homard » dont nous avions pu voir un (mauvais) extrait l'an dernier. De 15 minutes de cuisson, nous en prenons pour 1h30. Au final, un plat indigeste, mal préparé. Ce sont les restes de la veille dont il faut bien se débarrasser pour ne pas gâcher la nourriture. En 2006, ayant encore le goût de « La chambre d'Isabella » dans la bouche, le public d'Avignon n'est pas très regardant sur le met. La malbouffe traverse aussi les arts vivants?

De quoi s'agit-il ? D'une histoire de homard décliné à toutes les sauces. Au commencement, un serveur dans un restaurant fait tomber le crustacé sur la veste blanche d'Axel. Celui-ci vient de perdre son fils, Jef, d'un arrêt cardiaque au bord de la mer (le homard, la mer?Vous suivez ?). Sa femme, Theresa, ne s'en remet pas. Axel est professeur de génétique. Il a du génie pour avoir créé deux clones : un ours (Sir John Ernest Saint James?Hilarant, non ?) et Salman (le premier clone humain). Très vite, il s'aperçoit que Salman ne pourra jamais remplacer son fils perdu. Pas plus que Mo, le réfugié. Quant à Nasty, la jeune fille à la beauté éphémère?J'arrête là. Écrire la suite de l'histoire nécessite l'assistance d'un psychiatre. Il est impossible de décerner le sens au premier, deuxième, troisième degré. Pour combler le vide abyssal, Jan Lauwers empile les métaphores les unes sur les autres en souhaitant que le spectateur fasse lui-même sa sauce. On lui raconte l'histoire de l'histoire, au cas où il ne comprendrait pas qu'il est au théâtre. L'imagination du public est tellement contrôlée que cela en devient autoritaire. On agrémente le tout de quelques chansons insipides (même la Star Academy renverrait ces chanteurs de pacotille à leurs charmantes études), de vidéos consternantes de prétention. Pour donner à ce homard un goût presque avarié, on l'embellit d'une danse déjà vue et revue dans les différentes ?uvres de Lauwers. La chorégraphie voudrait nous faire ressentir la vie dramatique de nos protagonistes : elle renforce surtout l'amateurisme ambiant et le bâclage du tout. Ce collectif nivelle toutes les disciplines vers le bas. Chaque acteur semble s'ennuyer ferme et se demande ce qu'il fait dans ce mauvais cauchemar.
Jan Lauwers utilise la trame qui avait fait le succès de la chambre d'Isabella : un savant mélange de danse, de chanson, de théâtre, et d'art contemporain articulé autour d'une magnifique histoire de vie qui faisait résonance avec le public. Avec ce bazar, Jan Lauwers brouille les cartes par orgueil, à partir d'une histoire à plusieurs entrées (se croit-il le David Lynch du théâtre ?). Au final, « Le bazar du homard » fait de la philosophie de comptoir.
Je conseille à Jan Lauwers de s'éloigner pendant quelque temps du Festival d'Avignon pour laisser la place à d'autres mets.  Ce homard est trop difficile à digérer. Isabella le renverrait sûrement en cuisine.

Crédit photo: Fred Nauczyciel.

?????? “Le bazard du Homard” de Jan Lauwers.

 

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Au Festival d’Avignon, « Mozart et Salieri » façon Poutine.

Je ne compte pas épiloguer très longuement sur cette pièce affligeante. « Mozart et Salieri. Requiem » mis en scène par Anatoli Vassiliev se joue dans le beau site de la Carrière de Boulbon. Un décor en carton pâte et une alcôve en plexiglas posent le cadre de cette pièce ringarde. Le spectacle est composé de deux parties. La première étant « la scène dramatique » Mozart et Salieri d’Alexandre Pouchkine où se joue la légende selon laquelle Saliéri empoisonne son concurrent. La deuxième est un Requiem de Vladimir Martynov. Ni l’une, ni l’autre ne donnent à l’ensemble une cohérence artistique.
La relation entre Mozart et Saliéri est réduite à sa plus simple expression : les acteurs déclament leur texte comme dans les années cinquante à la Comédie Française. Les costumes renforcent le côté kitch de cette mise en scène d’un autre âge. La chorégraphie des musiciens et du chœur des anges fait davantage référence à une danse folklorique qu’à un travail sur les corps. La relation complexe entre les deux compositeurs aurait pu inspirer. En outre, Anatoli Vassiliev fait le choix d’accompagner l’intensité dramatique par toute une série de rites religieux. J’ai l’étrange sensation d’être à la messe. Ce choix artistique est paresseux. Je ne tarde pas à prendre mon blog de papier pour écrire : « Rendez-nous Jan Fabre ! » pour le montrer à mes voisins de côté et de derrière ! L’arrivée d’un diable avec un sexe de bois en érection finit par provoquer l’hilarité générale quand j’évoque l’arrivée de Sarkosy.
Plus sérieusement, cette pièce dégage une atmosphère pesante, malsaine comme si la mise en scène était l’oeuvre d’un homme influencée par un contexte totalitaire en Russie. Mais je m’égare…

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"VSPRS"
d’Alain Platel.
"Paso Doble" de Josef Nadj et Miquel Barcelo.
"Combat de nègre et de chiens" de Koltès par Arthur Nauzyciel.
"Au monde" de Joël Pommerat.
"Human" de Christophe Huysman.
"Rouge décanté" de Guy Cassiers.

"Faut qu’on parle!" d’Hamid Ben Mahi et Guy Alloucherie, "Sizwe Banzi est mort" de Peter Brook, "Récits de juin" de Pippo Delbono et "Pour tout l’or du monde" d’Olivier Dubois.

"La tour de la défense" et "Les poulets n’ont pas de chaises" de Copi par Marcial Di Fonzo Bo.
"Les marchands" de Joël Pommerat.

"Chaise", "Si ce n’est toi" et "Le numéro d’équilibre" d’Edward Bond.
"Les barbares" d’Eric Lacascade.
"Pluie d’été à Hiroschima" d’Eric Vigner.

"Asobu" de Josef Nadj.
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"Battuta" de Bartabas.
"Mondes, Monde" de Frank Micheletti.
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"La course au désastre" de Christophe Huysman.
"Gens de Séoul" de Frédéric Fisbach.


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et "Iliade Chant XXIII" par Anatoli Vassiliev.
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Au Festival d’Avignon, «Faut qu’on parle!»…plus fort.

Hamid Ben Mahi est un danseur de hip – hop. Né en 1973, il a vécu pendant dix ans dans la cité des Aubiers à Bordeaux. Associé au metteur en scène Guy Alloucherie, il nous propose, à partir de sa vie, une tranche d’histoire contemporaine. Sur la petite scène de la Chapelle des Pénitents Blancs, un écran vidéo trône au milieu d’un mobilier des années soixante-dix. Je reconnais certains meubles de mon enfance et je ressens d’emblée une proximité avec cet artiste issu de la classe ouvrière. Il nous parle de sa vie, de son voyage en Algérie avec Guy Alloucherie pour revoir son père qu’il n’a pas vu depuis plus de vingt ans. Il danse sa rage, sa soif de rechercher le fin mot de l’histoire (pourquoi ses parents sont-ils venus en France ?). Il ponctue son cheminement de faits racistes dont sa famille et lui-même ont été les victimes. « Faut qu’on parle !» entre de plein fouet avec le contexte actuel, où la France a l’image d’un pays raciste, bien loin de la patrie des droits de l’homme qu’elle s’évertue encore à faire croire.
C’est une pièce émouvante car je connais la valeur d’une parole qui se libère. Pour toute une génération d’enfants d’immigrés, cette parole résonne peu ou violemment et nous avons du mal à reconnaître notre rôle dans cette histoire complexe. On sous-estime dans ce pays les pathologies issues de ce déni (Ben Mahi les évoque dans son spectacle). Il nous donne une leçon de psychologie clinique : nier l’autre dans son existence revient à le positionner comme un objet. En reliant sa danse au théâtre, Hamid Bel Mahi devient sujet. Il s’expose. Être danseur de hip – hop ne suffisait peut-être plus. Face à nous, le comédien naît au même titre que le sujet.
En s’associant avec Guy Alloucherie, cette démarche artistique dépasse le témoignage : en effet, il s’agit de nous interpeller, de nous toucher. Cette parole libère tout autant le danseur que nous-mêmes. De l’entendre, je me sens dégagé d’un poids, prêt à écouter l’Histoire, leurs histoires. Malgré tout, le fait que cette pièce soit jouée dans le plus petit lieu du Festival n’est pas sans poser question : cela ne métaphorise-t-il pas la place du Hip – Hop dans la culture Française, l’enfermement du théâtre social qui dénonce plus qu’il ne propose, et la timidité d’un Festival qui a du mal à introspecter la société Française ?
Magré tout, je quitte la Chapelle des Penitents blancs, ému, touché. Je sais que nos histoires sont liées, que cet homme a de l’avenir. « Faut qu’on parle ! » crée du lien. Ce n’est pas si mal dans une société que certains voudraient cloisonnée pour mieux la contrôler.

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"Chaise", "Si ce n’est toi" et "Le numéro d’équilibre" d’Edward Bond.
"Les barbares" d’Eric Lacascade.
"Pluie d’été à Hiroschima" d’Eric Vigner.

"Asobu" de Josef Nadj.
"Mnemopark" de Stefan Kaegi.
"La poursuite du vent" par Jan Lauwers.
"Battuta" de Bartabas.
"Mondes, Monde" de Frank Micheletti.
"Journal d’inquiétude" de Thierry Baë.
"Depuis hier. 4 habitants" de Michel Laubu.

"La course au désastre" de Christophe Huysman.
"Gens de Séoul" de Frédéric Fisbach.


En bons derniers…
"Sans retour"
de François Verret
"Mozart et Salieri"
et "Iliade Chant XXIII" par Anatoli Vassiliev.
"Ecrits de Jean Vilar" par Olivier Py.

"Le bazar du Homard"
par Jan Lauwers.

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EN COURS DE REFORMATAGE

Au Festival d’Avignon, « Asobu » de Josef Nadj m’’a perdu.

J'attendais ce rendez-vous depuis si longtemps. L'univers du chorégraphe Josef Nadj fut une découverte il y a quelques années au Festival d'Avignon. L'an dernier, « Last Lanscape » et « Comédia tempo » m'avaient transporté dans un autre monde. Il a le talent incroyable de déconstruire pour reconstruire une nouvelle réalité.
« Asobu » au Palais des Papes est donc l’un des événements de la 60ème édition du Festival d’Avignon.
À la sortie, je suis vide. Rien ne vient, aucune image en particulier. Je suis perdu, bloqué. Que s'est-il donc passé ?
En arrivant au Palais des Papes, je ne suis pas encore entré dans le Festival. Je sors de « La poursuite du vent » déboussolé ; je suis dans l'entre-deux : entre la fin du Festival « Montpellier Danse » et l'univers du théâtre. Je flotte et « Asobu » me coule?
Je suis au 5e rang ; sur la gauche. De biais. Je suis décentré, c'est le cas de le dire. Je perçois donc l'envers du décor. De l'imaginaire de Nadj, je ne vois que le réel pendant plus d'une heure (les danseurs qui se changent, qui préparent leur « coup », ?). Je cherche les enchaînements. Je veux comprendre l'univers d'Henri Michaux, poète inconnu pour moi, à qui est dédié le spectacle. En vain. Je cherche à décoder le langage métaphorique de Nadj ! Un comble alors que je suis capable de me laisser transporter dans des univers bien plus conceptuels ! Je vois un groupe se créer devant moi, où se croisent les arts, l'Occident et le Japon, l'individu et le collectif. Je ne suis pas du voyage. L'immensité de la Cour d'Honneur m'écrase, moi qui suis plus habitué à voir Nadj dans l'intimité des lieux.
Je me sens collé au réel. Comme le souligne fort justement René Solis dans sa critique du spectacle pour Libération : « On ne s’y perd pas, dès lors que l’on accepte de ne pas s’y reconnaître. Le titre signifie «jeu» en japonais ; un jeu du labyrinthe si l’on veut, où le besoin de trouver la sortie devient vite secondaire, tant la curiosité s’y conjugue au présent. »
Tout est dit.
« Je suis passé à côté » devient mon leitmotif.
Et si Nadj m'avait perdu ? Certes, mais je me sens bien seul dans le concert de louanges des critiques et du public. Alors ?
Alors, rien.
Voilà, c'est dit.
Écrit.
A digérer.

Crédit photo : © Christophe Raynaud de Lage.

 


Le  bilan du Festival d’Avignon 2006, c’est ici!

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EN COURS DE REFORMATAGE

Au Festival d’Avignon, le fantôme d’Isabella ressuscite Claire Goll dans «La poursuite du vent».

Ce samedi 8 juillet à 18h au Théâtre Municipal d’Avignon, je débute mon périple festivalier avec émotion, mais aussi avec une certaine appréhension : « Vais-je tenir la distance ? ». Pour me rassurer, j’ai rendez-vous avec Viviane de Muynck. J’ai souvent fait référence à « La chambre d’Isabella » sur ce blog ici et . Elle nous a manqué l’an dernier et ce n’est pas sa courte apparition en 2005 dans « Needlapb 10 » du metteur en scène flamand Jan Lauwers qui a pu calmer l’attente. Car Viviane De Muynck est une actrice exceptionnelle, au parcours atypique (elle était secrétaire de direction avant de tout lâcher pour devenir comédienne). Elle a bouleversé de nombreux spectateurs en incarnant Isabella, 104 ans, aveugle et pleine d’énergie
En solo, elle signe son retour en Avignon avec « La poursuite du vent ». Elle incarne Claire Goll. Née en 1910, après une enfance difficile, elle s’installe à Zurich où elle fréquente le mouvement pacifiste et les dadaïstes. C’est en 1917 qu’elle rencontre le poète français Yvan Goll et se lie aux artistes cubistes et surréalistes. Avec son mari, ils composent des recueils de poésie. Après son décès, Claire Goll poursuit son œuvre littéraire et publie en 1976 ses mémoires (« La poursuite du vent »). La révélation de ses amitiés, mais surtout de ses inimitiés choque et suscite la polémique.
C’est donc une femme à la vie chaotique qui se présente à nous. Avec Claire Goll, je parcours cette période créative où Picasso côtoie Malraux, où le dadaïsme traverse les arts. J’apprends la relation fusionnelle qu’elle entretient avec son mari. Mais surtout ses jugements à l’emporte-pièce ponctuent de nombreuses anecdotes sur les amis et ennemis qui fréquentent le couple. La mise en scène de Jan Lauwers joue sur l’ambiguïté. Ce n’est pas Isabella qui interprète Claire Goll. En effet, tout oppose les deux pièces : collectif contre solo, objets omniprésents sur le plateau de « La chambre d’Isabella », plateau dépouillé ici ; danse et théâtre en 2004, texte seul ici. Toutefois, l’histoire de Claire Goll est vue avec les yeux d’Isabella : empathie dans la mise en scène, jeu charismatique de Viviane De Muynck pour incarner Claire Goll, regard distancié porté sur sa vie et magnifique jeu de lumière. Mais à mesure que la pièce avance, je m’ennuie (à l’exception de la dernière scène où Claire Goll pleure son mari et qui sort le public de sa torpeur). J’attends Viviane De Muynck là où elle ne peut plus aller, mais elle ne va pas là où j’attends qu’elle me surprenne (vous suivez ?!). Jan Lauwers a donc pris peu de risques comme s’il hésitait à exposer Viviane de Muynck après le phénoménal succès de « La chambre d’Isabella ».
En quittant le théâtre, je ressens de la tristesse : l’histoire de Claire Goll m’a peu touché et j’ai perdu Isabella. Cela n’est pas sans résonance. Comme quoi, le théâtre entremêle les  histoires et tisse entre spectateurs et comédiens des liens indestructibles.

Crédit photo : © Christophe Raynaud de Lag

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Par thématiques, les articles du Festival d’Avignon:
"Les sublimes"
"Le théâtre des maux"
.
"Les mondes enfermants"
"Les hors-jeu"

Le palmarés du Tadorne du Festival d’Avignon:

"VSPRS"
d’Alain Platel.
"Paso Doble" de Josef Nadj et Miquel Barcelo.
"Combat de nègre et de chiens" de Koltès par Arthur Nauzyciel.
"Au monde" de Joël Pommerat.
"Human" de Christophe Huysman.
"Rouge décanté" de Guy Cassiers.

"Faut qu’on parle!" d’Hamid Ben Mahi et Guy Alloucherie, "Sizwe Banzi est mort" de Peter Brook, "Récits de juin" de Pippo Delbono et "Pour tout l’or du monde" d’Olivier Dubois.

"La tour de la défense" et "Les poulets n’ont pas de chaises" de Copi par Marcial Di Fonzo Bo.
"Les marchands" de Joël Pommerat.

"Chaise", "Si ce n’est toi" et "Le numéro d’équilibre" d’Edward Bond.
"Les barbares" d’Eric Lacascade.
"Pluie d’été à Hiroschima" d’Eric Vigner.

"Asobu" de Josef Nadj.
"Mnemopark" de Stefan Kaegi.
"La poursuite du vent" par Jan Lauwers.
"Battuta" de Bartabas.
"Mondes, Monde" de Frank Micheletti.
"Journal d’inquiétude" de Thierry Baë.
"Depuis hier. 4 habitants" de Michel Laubu.

"La course au désastre" de Christophe Huysman.
"Gens de Séoul" de Frédéric Fisbach.


En bons derniers…
"Sans retour"
de François Verret
"Mozart et Salieri"
et "Iliade Chant XXIII" par Anatoli Vassiliev.
"Ecrits de Jean Vilar" par Olivier Py.

"Le bazar du Homard"
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EN COURS DE REFORMATAGE

« After / Before » au Festival de Marseille Company.

Le Festival de Marseille, installé au Parc Henri Fabre, donne l’impression d’un camp retranché dans ce quartier chic. En effet, depuis l’an dernier, la Vieille Charité au coeur du Vieux Panier, n’est plus son lieu névralgique. Ce transfert a certes permis au Festival de se rapprocher symboliquement du Ballet National de Marseille dont le bâtiment jouxte le parc. Pour le reste, ce lieu confirme une tendance lourde depuis onze ans : le festival se coupe de la ville, privilégie la classe bourgeoise et les salariés des entreprises. L’observation du Parc, lors de deux soirées, est riche d’enseignements.

En arrivant, quelques âmes perdues piquent — niquent avec les enfants. Ils ne sont pas nombreux, mais leur présence rassure sur l’aspect convivial du Festival (sic).
Juste après, sur la droite, trône l’accueil du Festival. De jolies hôtesses attendent comme lors d’un défilé de mode pour maison de haute couture. À l’heure où les institutions culturelles subissent la baisse des subventions, leur grand nombre contraste.
Sur ma droite, un restaurant installé provisoirement. Point d’étudiant (les prix sont élevés) mais plutôt une classe moyenne aisée. Il leur faut du courage pour supporter la longue file d’attente quand vient l’heure de payer.
Tout près, un jardin éphémère. Comme le fait remarquer un spectateur : « c’est le seul jardin que je connaisse où il n’y a rien à bouffer ». Certes, mais la question n’est peut-être pas là. Pourquoi un jardin aussi laid ?
Après ce jardin, deux hôtesses attendent, assises à une table. Au fond, des salariés d’entreprise dînent ou prennent l’apéritif (je ne vois pas bien). Evidement, je demande si je peux m’y rendre afin de pouvoir acheter une bouteille d’eau. « Vous n’êtes pas invité », me rétorque-t-on avec condescendance. Trop occupés à déguster leurs agapes, ces salariés voient-ils les perturbations chorégraphiques de Bernard Menaut (série d’improvisations où le public est souvent sollicité. Hilarant la plupart du temps !) Rien n’est sûr. Toujours est-il que le contraste est saisissant : Menaut, ses deux musiciens et une danseuse peinent à perturber cet agencement savamment élaboré. Autant leur chorégraphie trouve la poésie et leur dynamique dans les rues de la ville, autant elle tombe à plat dans cet environnement si policé.
Le clivage est tout autant observable le mardi 4 juillet. À 19h, Pierre Rigal pour « Érection » et The Guests Company pour « Popular Music » sont programmés, isolés, à l’écart, dans le Grand Studio du Ballet National de Marseille. J’en sors à 21h15. Je ne trouve ni de quoi boire, ni manger alors que les agapes pour les salariés des riches entreprises se tiennent au fond du Parc. A 22h, Fréderic Flamand propose « Metapolis II ». Il me reste peu de temps. Avec d’autres spectateurs, nous devons marcher jusqu’à la Plage du Prado pour pouvoir nous restaurer un peu. Je ressens ce moment comme une disqualification pour le public. Mais ce n’est rien à côté de la désinvolture affichée par le Festival lorsqu’il vend des places sur les marches à 10 euros, au mépris des règles élémentaires de sécurité.
Je pourrais évoquer ce public…majoritairement blanc alors que la ville de Marseille est de toutes les couleurs. Comment ne pas s’étonner de voir les salariés de ces entreprises suivre le match de foot sur leur téléphone portable pendant la si belle chorégraphie d’Emmanuel Gat. Dois-je évoquer les commentaires entendus lors de cette soirée à la fin du spectacle ? Pour « Métapolis II » le contraste est encore plus saisissant : la classe bourgeoise et politique aux premiers rangs, de prés le public d’entreprise, puis en hauteur et sur les marches le public des habitués et les moins fortunés.
À ma connaissance, Le Festival de Marseille est le seul, qui sépare autant les publics. Il y a comme un paradoxe à se réclamer « manifestation pluridisciplinaire » et faire en sorte que les publics ne se mixtent pas. Il y a comme un malaise à utiliser la culture comme produit d’appel auprès des entreprises alors que la mission de Service Public exigerait une ouverture vers la population de Marseille par des propositions artistiques plus en lien avec cette ville cosmopolite.
Au final, le Festival de Marseille ne peut accompagner dans la durée le public vers des œuvres pluridisciplinaires à l’instar d’Avignon, de Montpellier Danse ou du KunstenFestivaldesArts de Bruxelles. Pour cela, il faut une autre vision de la société. Une autre culture du lien.

Crédit photo: © Gérard Ceccaldi et Aurélie Martin.

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