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EN COURS DE REFORMATAGE

La jolie cachette de Dansem.

Chaque mois d’octobre à Marseille se déroule un festival pour le moins atypique. «Dansem» diffuse des créations au croisement de la danse et de la performance du bassin méditérannéen dans des lieux parfois improbables. Ce soir, le nom de code du rendez-vous («Les bancs publics») sonne comme une invitation alléchante! J’ignore cette salle et pour cause. Nichée au cœur du quartier de la Belle de Mai, elle est une scène d’expérimentations culturelles. Ce festival se positionne donc clairement sur la recherche artistique ; comme le souligne un spectateur fumant sa cigarette sur le trottoir : «c’est sûr, ici, ce n’est pas le Zénith».
La première pièce, «Poussée» du chorégraphe tunisien Nejib Ben Khalfallah surprend par sa sincérité dans un milieu (la danse) peu enclin à nous montrer l’envers du décor. Deux musiciens, un danseur (en kilt, un Ipod à la taille et un masque sur le visage !) et Nejib Ben Khalfallah lui-même sont réunis au cours d’un processus de création en proie aux doutes du chorégraphe. A terre, un sac de voyage vidé progressivement de ses fragiles matériaux (magnétophone, photo, bouteille d’alcool,…). Nous sommes bien en Tunisie, pays riche sur les dépliants touristiques, mais pauvre en moyens alloués à la danse. Sur scène, ce milieu masculin (quoique très ambiguë!) se fragilise dès que les tâtonnements du chorégraphe émergent. À la danse quelque peu «stéréotypée » et provocante du danseur, répond la recherche du chorégraphe dont les mouvements empruntent des chemins chaotiques émouvants, mais jamais brouillons. L’écoute de l’enregistrement d’une conférence « occidentale » sur la danse perd le créateur, mais lui donne la force de s’affranchir des concepts fumeux et foireux. Le chorégraphe semble bien plus libre que son danseur, à moins que cela ne soit l’inverse ! Ce  danseur en kilt est-il l’inconscient du chorégraphe ? Metaphorise-t-il le désir d’émancipation du Maghreb? C’est au spectateur de dénouer les fils d’un processus qui s’éloigne d’une linéarité enfermante : qui domine qui, qui s’émancipe de qui et de quoi ? Cette création rend possible tous les angles de vue comme si Nejib Ben Khalfallah cherchait toujours, loin des certitudes. Ces messages paradoxaux, voir confus, servent de fil rouge et confèrent à cette «Poussée» de bien jolies naissances créatives comme en témoigne la dernière scène où la transe solitaire du chorégraphe émeut jusqu’aux frissons.
La deuxième proposition, « Toy Toy » de Sabine de Viviès, jouée à 22 heures, nous replonge dans une œuvre très conceptuelle. Elle a le mérite de défricher de nouveaux territoires autour des articulations entre la danse et la vidéo comme une métaphore du « dedans – dehors ». Je suis convié au coeur d’un voyage intérieur, comme une immersion dans un univers féminin, non violent, très doux. Je ressens de l’apaisement à regarder ces deux femmes se chercher l’une et l’autre. C’est une création qui explore les possibles, ouvre quand tout est fermé, projette, élève quand l’attention est clouée au sol. C’est la danse d’un regard qui s’ouvre de soi vers l’autre, du vertical à l’horizontal. J’aime ce moment de création : j’y décéle l’obstination de ces femmes à nous proposer cette ouverture de la relation.


Pour une soirée, l’avenir de la création est passé par Tunis et Marseille. « En se fouettant pas mal du regard oblique », ces bancs publics avaient ce soir des petites gueules bien sympathiques.

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A la Criée, une cure de jouvance théâtrale avec Piotr Fomenko.

Je suis à côté d'une vieille dame, debout, pour applaudir à tout rompre : elle sourit, moi aussi ; elle crie «bravo», je tape des pieds. En sortant de La Criée, nous sommes côte à côte pour remonter le quai du Vieux Port de Marseille. Comme si nous étions d'anciennes connaissances, nous nous remémorons « Guerre et Paix » de Léon Tolstoï créée par Piotr Fomenko. Cette mise en scène rend heureux : elle semble avoir été imaginé pour cela.
Pourtant, le contexte est tragique. Nous sommes en 1805 et Napoléon dirige d'une main de fer presque toute l'Europe sauf la Russie, qui résiste. Sur scène, une carte ? rideau de l'Europe s'ouvre et se ferme au rythme des trois actes. De chaque côté, deux portraits inachevés de Napoléon et d'Alexandre 1er accrochés à deux piliers. Ils soutiennent un décor d'un étage fait d'armatures en fer où échelles et cadres en bois pivotants font office d'escaliers et de portes. Ce décor dit tout : entre la France et la Russie, une famille se déchire à coup d'héritage, de trahisons bonapartistes et de fidélité à la mère patrie. Entre le contexte international et la complexité des liens familiaux, Piotr Fomenko réussit à animer cette carte au gré des alliances et coalitions des acteurs. Le mobilier en bois donne à l'ensemble un aspect vivant et fragile ; le jeu balance entre insouciance et gravité à l'image de l'encadrement des portes avec lequel les comédiens s'amusent pour entrer et s'en libérer. Lorsqu'ils marchent en apesanteur sur des chaises ou des marches d'escalier, la mise en scène joue sur l'équilibre des forces entre français et Russes, entre la mort et la vie.  
Je pourrais recenser à l'infini les subtilités de cette mise en scène de l'équilibre : quand le rez-de-chaussée joue, le premier étage éclaire sur l'enjeu ; les mots en français sont disséminés dans le texte comme autant de notes de musiques qui allègent le jeu. Le plaisir de jouer des comédiens devient le plaisir d'être spectateur comme si le lien de l'époque entre la France et la Russie se créait dans la salle. Troublant?
Sans complexe, Piotr Fomenko s'amuse avec les mots et les corps et s'anticipe du poids d'un texte et des traditions. Ce théâtre là fait du bien au moment où nous cherchons en France les voies qui mèneraient vers une culture populaire, de qualité et ouverte sur le monde. Une chose paraît certaine : ni Nicolas Sarkosy, ni Vladimir Poutine ne sont à la hauteur de ce bel enjeu démocratique. Anna Politkovskaïa le savait trop.


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Boulimique Giogio Rossi.

Il me faut tenir jusqu’au bout. Je suis fatigué après cette journée de travail intense : accompagner le changement en ces temps de repli sécuritaire n’a rien d’évident dans des institutions en quête de projet. Partir d’Aix pour le Théâtre d’Arles relève d’un exploit physique et intellectuel. Et pourtant, je file droit pour assister à «La Favola Esplosa» du chorégraphe italien Giogio Rossi dans le cadre du Festival de Danse, Dansem. Miossec avec son magnifique dernier album me tient éveillé…
Sur scène, un petit théâtre avec de jolis rideaux rouges, posé sur des tréteaux, celui-là même qui nous faisait rêver enfant lorsqu’on s’interrogeait sur l’origine des ficelles des marionnettes ! Une jeune fille en sort, perruquée en blonde platine, manteau en peau de bête. Elle se déhanche maladroitement pour nous guider dans ce monde imaginaire. Le conte peut bien commencer, je m’écroule dans le fauteuil. Le début semble laborieux : ces personnages mi — homme, mi — bête  rampent à partir d’une chorégraphie qui hésite entre langages prétentieux ou ridicules. Il faut attendre le deuxième tableau pour réveiller ma fatigue ! Le conte trouve enfin le ton juste : la métamorphose sert alors de fil conducteur, le corps est au centre d’un propos  tendre et amusant. Ces cinq personnages créent leur univers burlesque avec des objets que rien ne relie a priori (une échelle, des guirlandes de roses électriques, un parapluie vert). Par magie, les danseurs jouent  les métamorphoses que nous orchestrions enfant, quand nous élaborions dans des endroits incroyables des cachettes transformées en petite maison !
Mais le conte bute sur des choix de mise en scène contestables: le burlesque, omniprésent, laisse peu de place à la fragilité (une jeune adolescente apeurée se fait voler la vedette par un homme gros qui se jette à corps perdu sur des matelas). En multipliant les tableaux tel un boulimique entrant dans une pâtisserie, Giogio Rossi perd le langage chorégraphique. En a-t-il conscience lorsqu’il nous offre à la fin des applaudissements un « bonus » dansé hésitant? Décidement, à vouloir trop en faire, Giogio Rossi s’épuise à montrer les limites de son art et finit par grossir tous les traits.

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Le Cartoun Sardines fait du théâtre: tragique.

Tragedy ou la nécessité des clowns dans l’humanité“: joli titre pour cette pièce présentée par la troupe marseillaise du Cartoun Sardines au Théâtre du Gymnase. Son origine tient en une idée (il n’y en aura pas d’autres…): “pourquoi et comment l’homme en est-il arrivé à inventer le théâtre?” Pour répondre à cette question d’une brûlante actualité, le metteur en scène Philippe Car nous propose deux pièces en une: devant le rideau, des conférenciers nous expliquent l’origine du théâtre; derrière le rideau, “La Malédiction des Atrides“, jouée en quatre épisodes pour illustrer ce besoin vital qu’on eu les hommes de se “raconter des histoires“. Le tout s’anime sous forme de farce clownesque et finit par devenir totalement indigeste. Si le texte joue un rôle mineur (à croire que les adaptateurs Philippe Car et Fabrice Raina l’ont écrit en écoutant “Les grosses têtes” de Philippe Bouvard), les décors prennent toute leur place: en carton-pâte, ils n’en demeurent pas moins imposants et vous obligent à lever la tête une bonne partie de la soirée. Leur lourdeur est à l’image de l’humour de cette pièce: gras. Les numéros d’acteurs empruntent les rictus verbaux et gestuels des comiques télévisés. Désesperant.
Pourtant, jouer un des mythes fondateurs de la tragédie aurait pu s’inscrire dans un désir d’expliquer le “pour quoi” du spectacle vivant. Or, en ridiculisant l’histoire, il range le théâtre dans l’art du pur divertissement et le positionne au même titre que l’émission de TF1 , “Vidéo gag”. C’est un kidnapping!

En finissant la pièce par un joli m
oment de poésie (sur le sens du jeu), le Cartoun s’en tire à bon compte: après nous avoir présenté du mauvais théâtre, il veut nous faire croire que tout n’était que farce. La piètre mise en scène fait partie du jeu. Cette manipulation provoque bien sûr les applaudissements chaleureux d’un public incapable d’avoir un esprit critique. J’y vois l’emprise totale d’une société du divertissement où la télévision  façonne le regard d’un public qui ne fait plus la différence entre la forme et le fond. Prêt à tout avaler, même les arrêtes de cette sardine avariée.





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LECTURE

Tous les articles des Correspondances de Manosque 2006.

Fragiles Correspondances à Manosque.


Il est 22 heures. J’arrive sur la pointe des pieds dans le hall du Théâtre Jean le Bleu à Manosque alors que le public écoute une lecture de Jean-Louis Trintignant. J’ai préféré faire le déplacement d’Aix en Provence pour le concert de 22h30 où la chanteuse Claire Diterzi et l’écrivain Arnaud Cathrine nous présentent « Vos omoplates se déboîtent, ô mes amours », joli titre emprunté à Rimbaud. La petite salle de la MJC se prête à cet exercice délicat, intimiste et toujours surprenant. Le concert littéraire invite les artistes à dépasser leurs frontières et les spectateurs à écouter et voir autrement. L’an dernier, Florent Marchet avait produit avec Arnaud Cathrine un magnifique concert. Il y a donc une continuité avec la venue cette année de jeunes chanteurs aux voix atypiques, loin des standards de la Star Académy (Claire Diterzi, Arman Mélies et Joseph d’Anvers). Ainsi, d’année en année, les Correspondances de Manosque se positionnent clairement sur un champ pluridisciplinaire avec une nouvelle génération d’artistes décomplexés soutenue par un public toujours respectueux et attentif.

Ils sont deux ce soir pour un dialogue où les rôles sont inversés : elle lit les pensées d’un homme, il lit les paroles d’une femme.
Les textes sont d’Arnaud, la musique est de Claire. Ils invoquent le désir, ce processus secret et pourtant si parlant lorsqu’ils évoquent quelques scènes du couple au réveil ! Claire Diterzi, guitare électrique en bandoulière, paraît fragile au cours de ce concert : menue, pieds nus, voix cristalline, elle fixe le texte, regarde rarement le public et son compagnon. Elle semble ailleurs, perdue dans les méandres du solfège et de la technique. Les textes de Cathrine se noient parfois dans cette musique sophistiquée et décapante pour nos oreilles. La chanteuse disparaît au profit de l’écrivain. Ils sont côte à côte et j’attends une étincelle.
De désir ?
A lire, l’article sur Claire Diterzi dans Le Figaro
A voir, le site d’Arnaud Cathrine.


Aux Correspondances de Manosque, Ariane Ascaride fait un beau devoir de mémoire.

La salle du Théâtre Jean le Bleu de Manosque est comble ce soir. En voisine, Ariane Ascaride s’empare des lettres d’Ilo de Franceschi écrites à Madeleine Allain entre 1939 – 1940. Passionné de littérature, cet italien d’origine (parlant l’allemand, le français et un dialecte Kanak !) s’engage dans la Légion où près de la chaîne de l’Atlas dans le Maroc, il ressent l’isolement par l’absence de livres. Il prend l’initiative d’écrire au philosophe Alain pour qu’il lui envoie trois ouvrages. Par erreur, cette lettre atterrit chez Madeleine Allain. Commence alors une histoire d’amitié, presque amoureuse.
Leurs correspondances vont remplir les vides : l’éloignement de la littérature pour l’un, la solitude affective pour l’autre. Les lettres d’Ilo sont d’une force incroyable quand il soutient Madeleine dans sa dépression : « 
Bien chère Madeleine,
Deux lettres, ce soir, douces et amies comme tout est doux ce qui me vient de vous. Et, ce matin, une de moi est partie vers votre adresse de Paris. À cette heure, étouffée dans un espace trop petit pour le tant d’affection qu’elle enferme, elle est quelque part dans le bled en train de songer à l’accueil que rue Saint-Sulpice va lui réserver ».
Dans ce duo, Ariane Ascaride joue à merveille la médiatrice entre eux et nous. Assise à table à droite de la scène, elle lit pendant quatre-vingt-dix minutes cette correspondance de haut niveau, jamais ennuyeuse. Elle y met une empathie joyeuse, une conviction sincère portée par son humanisme connu de tous. À gauche de la scène, la chambre d’Ilo est reconstituée avec des objets d’époque : ils donnent à la lecture d’Ariane Ascaride des accents de vérité comme s’ils parlaient eux aussi !
J’écoute avec passion ces textes : c’est un beau français que l’on n’entend presque plus dans les médias. J’ai la douce sensation de me relier autrement à ma langue, de ressentir la puissance de l’écriture épistolaire.
Nul doute qu’avec les blogs et les mails, deux personnes aux extrémités de la planète s’écrivent. Leurs correspondances enchanteront les générations futures. Est-ce vous?

"Ecrivez-moi Madeleine" d’Ilo de Francheschi est publié aux Editions de l’Aube (disponible sur Fnac.com).


Aux Correspondances de Manosque, Dieu merci, Patrice Chéreau s’impose.
Dans la région, c’est la deuxième lecture de l’année pour Patrice Chéreau. Après Hervé Guibert au printemps dernier au Théâtre des Salins de Martigues avec Philippe Calvario, c’est Fedor Dostoïevsky l’hôte de la soirée pour « Les Frères Karamazov ». L’extrait choisi est un dialogue imaginé entre le Christ en visite dans la Séville du XVe siècle en pleine inquisition et un vieillard, incarnation des dérives de l’Église de Rome. Ce texte n’est pas d’une qualité littéraire transcendante, mais il entre en résonance avec le contexte actuel où le religieux s’immisce dans le débat politique national et international. Je me sens à distance de ce réquisitoire ; seuls le charisme de Chéreau et un dispositif scénique minimaliste, mais efficace (une table, trois chaises) me sortent de ma torpeur. Chéreau tourne autour de ces chaises pour mieux accentuer la charge du propos.
Je m’interroge sur la pertinence d’un tel choix littéraire : ne serait-il pas temps de nous éclairer sur l’évolution du monde. Pourquoi les oeuvres lumineuses d’Edgar Morin et d’Albert Jacquard ne trouvent-elles pas leur place dans ces lectures plutôt que de nous proposer des textes connus sur des conclusions qui n’étonnent plus personne. Un déplacement du regard ne permettrait-il pas d’ouvrir des pistes non encore explorées ? N’est-ce pas finalement la finalité de ces Correspondances qui donnent à l’écrit une force qui dépasse parfois le théâtre ?

Délicat Arman Méliès pour brutales Correspondances à Manosque.

Alors que je me rends au concert littéraire du chanteur Arman Méliès dans le cadre des Correspondances de Manosque, j’ignore à quoi je peux m’attendre. Je ne connais pas ce chanteur : il a pourtant de belles références (Shannon Wright, Cat Power, Sufjan Stevens, …). Il a fait les premières parties des plus grands (Dominique A, Biolay,…) et Florent Marchet (présent l’an dernier au même endroit pour un concert mémorable !) est dans la salle ce soir ! Je lis Les Inrocks, j’écoute FIP et me voilà pris en flagrant délit d’ignorance : je n’ai jamais prêté l’oreille à Arman Méliès.
Le petit « Café provisoire » de la M.J.C de Manosque porte mal son nom : il n’y a rien à boire et la décoration fait penser à un vestiaire de piscine. Le public parsemé (trente, quarante ?) est plutôt « baba cool » et à dépassé majoritairement la quarantaine. Où sont donc passés les jeunes manosquins ? Au regard des FM captées dans la ville, j’ai bien peur qu’ils soient ailleurs. Quelque chose cloche ce soir : je me sens isolé, presque enfermé. Ce n’est pas la première fois qu’une telle sensation me prend dans ce département des Alpes de Haute Provence. Nous ne sommes pourtant qu’à 35 minutes d’Aix en Provence, ville dont les étudiants apprécieraient sûrement la performance de Méliès.
Justement, il arrive. À terre, de multiples pédales. Il est petit, presque frêle, et profondément touchant à nous proposer sa musique qu’il bidouille avec ses pieds tout en jouant de la guitare ! À peine chante-t-il que j’entends Jeff Buckley, chanteur génial américain décédé brutalement en 1997. À peine joue-t-il que je ressens Dominique A.
A mesure que le concert avance, j’ai une révélation (artistique !) : cet homme est un grand musicien et un parolier subtil. Deux écrivains (qui sont-ils ?) montent sur scène pour l’assister, mais ces textes n’apportent qu’une faible valeur ajoutée artistique: Arman Méliès est un écrivain du son. Sa musique, c’est du texte. Ses mots, sont des notes. Il est là lui seul le concert littéraire. Je suis bluffé même si le public semble vouloir autre chose si j’en juge par les sommeils prolongés et autres discrets applaudissements . Coûte que coûte, je le soutiens du regard tout au long de cette performance (à lui seul, il fait tous les instruments) et je m’isole avec lui dans son univers enivrant (tout à la fois mélancolique, envoûtant, enlevé, énergétique,..). Il ne réussit manifestement pas à soulever la salle comme si le concept de concert littéraire était trop étroit pour lui. Il est inutile de compter sur les écrivains : l’un d’eux n’hésite d’ailleurs pas à qualifier la prestation de « petit spectacle » pour justifier qu’on baisse les projecteurs sur scène! Le concert fini, les spectateurs quittent la salle pendant qu’il range son matériel. Je me retourne plusieurs fois pour immortaliser cette scène touchante.
 
De retour chez moi, je n’ai pu m’empêcher de télécharger sur ITunes son dernier album (« Les tortures volontaires »), de lire différents articles le concernant. C’est alors que ma chaîne Hi-fi a brutalement cessé de fonctionner (court circuit électrique).
Arman Méliès est décidément à contre – courant ce soir.

Le site d’Arman Méliès pour écouter ses chansons (rubrique Radio).


Les Correspondances de Manosque fêtent le nouveau monde.

Il est une heure du matin. Les mots se bousculent, les notes s’entrechoquent dans ma tête. C’est un joli chaos. La fête des Correspondances de Manosque vient de se dérouler au Café Provisoire en compagnie de musiciens et d’écrivains. J’ai reçu de l’énergie, de l’espoir alors que la France dans le monde semble se replier, maltraitée par le caniche de Bush qui n’hésite pas à pisser sur l’intelligence. D’entendre ces artistes lire leurs contributions pour « réveiller le monde » (thème proposé par les Correspondances) a quelque chose de réjouissant tel un acte de résistance créatif. Dix écrivains montent sur scène accompagnés de chansons de la «bande» à Florent Marchet (Arnaud Cathrine, Grégoire Louis, Arman Méliès, Joseph d’Anvers). Plus d’une heure trente de bonheur pour une centaine de privilégiés ! Tout commence par un texte d’Yves Pajeot lu par Arnaud Cathrine: pour réveiller le monde, il suffirait de changer de sexe régulièrement (se coucher homme et se lever femme!). Avec cette introduction, le ton est donné: place à la poésie, à la rencontre entre musiciens et écrivains. Le jeune chanteur Joseph d’Anvers est l’invité de la soirée: "Le courage des oiseaux", célèbre titre de Dominique A, ouvre la partie musicale comme une révérence à celui qui sait si bien articuler la musique et les mots. Suivent les beaux textes de François Begaudeau, l’hommage à Pascal par Sylvie Robic, l’émouvante Zahia Rahmani, la vivacité de Valérie Zenetti, le rêve lumineux d’Emmanuel Verret. Philippe Adam, Calude Bleton, Jacques Serana apportent leurs mots à nos maux. Loin de réveiller le monde, tous ces artistes nous invitent à le rêver, le penser autrement. Il évoluera parce qu’individuellement nous changerons de regard, collectivement nous chercherons des réponses créatives. L’écrivain Éric Meunié prend même le risque de lire la lettre d’une militante opposée au nucléaire et persécutée par Aréva dans sa région (en Normandie): elle nous interpelle sur notre responsabilité de citoyen face à cette énergie dangereuse pour l’avenir de la planète. Cette lecture sonne comme une provocation dans une ville, Manosque, située à vingt km du Centre d’Essais nucléaires de Cadarache et futur site d’ITER. Presque gênés, les Manosquins applaudissent timidement le courage de cette femme. Florent Marchet monte sur scène pour nous proposer une chanson de son dernier album à paraître en janvier 2007. Comme l’an dernier, humour et professionnalisme le caractérisent : j’aime cet artiste; il dégage une sincérité peu en vogue dans le milieu marchandisé de la chanson française. Il revient alors à Joseph d’Anvers de clôturer cette fête. Son premier album en 2005 m’avait enchanté ("Les choses en face"): sensible, il décline ses textes mélancoliques sur un rock doux, presque désabusé.
Je n’ai aucun doute sur la pertinence du concept de concert littéraire. Il revient aux Correspondances de voir plus grand: un lieu moins confidentiel, un collectif d’artistes à multiples facettes, une médiatisation plus importante. Il y a urgence alors que les médias standardisent la musique, marginalise la littérature. Plus que jamais, le spectacle vivant reste la meilleure réponse aux défis que nous pose le monde globalisé, car il permet de relier les arts, d’opérer des rencontres imprévisibles et d’inviter le public à se laisser surprendre, à ressentir de nouvelles émotions.
Le caniche peut toujours s’exciter, nous le tenons en laisse…


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Les Correspondances de Manosque fêtent le nouveau monde.

Il est une heure du matin. Les mots se bousculent, les notes s’entrechoquent dans ma tête. C’est un joli chaos. La fête des Correspondances de Manosque vient de se dérouler au Café Provisoire en compagnie de musiciens et d’écrivains. J’ai reçu de l’énergie, de l’espoir alors que la France dans le monde semble se replier, maltraitée par le caniche de Bush qui n’hésite pas à pisser sur l’intelligence. D’entendre ces artistes lire leurs contributions pour « réveiller le monde » (thème proposé par les Correspondances) a quelque chose de réjouissant tel un acte de résistance créatif. Dix écrivains montent sur scène accompagnés de chansons de la «bande» à Florent Marchet (Arnaud Cathrine, Grégoire Louis, Arman Méliès, Joseph d’Anvers). Plus d’une heure trente de bonheur pour une centaine de privilégiés ! Tout commence par un texte d’Yves Pajeot lu par Arnaud Cathrine: pour réveiller le monde, il suffirait de changer de sexe régulièrement (se coucher homme et se lever femme!). Avec cette introduction, le ton est donné: place à la poésie, à la rencontre entre musiciens et écrivains. Le jeune chanteur Joseph d’Anvers est l’invité de la soirée: "Le courage des oiseaux", célèbre titre de Dominique A, ouvre la partie musicale comme une révérence à celui qui sait si bien articuler la musique et les mots. Suivent les beaux textes de François Begaudeau, l’hommage à Pascal par Sylvie Robic, l’émouvante Zahia Rahmani, la vivacité de Valérie Zenetti, le rêve lumineux d’Emmanuel Verret. Philippe Adam, Calude Bleton, Jacques Serana apportent leurs mots à nos maux. Loin de réveiller le monde, tous ces artistes nous invitent à le rêver, le penser autrement. Il évoluera parce qu’individuellement nous changerons de regard, collectivement nous chercherons des réponses créatives. L’écrivain Éric Meunié prend même le risque de lire la lettre d’une militante opposée au nucléaire et persécutée par Aréva dans sa région (en Normandie): elle nous interpelle sur notre responsabilité de citoyen face à cette énergie dangereuse pour l’avenir de la planète. Cette lecture sonne comme une provocation dans une ville, Manosque, située à vingt km du Centre d’Essais nucléaires de Cadarache et futur site d’ITER. Presque gênés, les Manosquins applaudissent timidement le courage de cette femme. Florent Marchet monte sur scène pour nous proposer une chanson de son dernier album à paraître en janvier 2007. Comme l’an dernier, humour et professionnalisme le caractérisent : j’aime cet artiste; il dégage une sincérité peu en vogue dans le milieu marchandisé de la chanson française. Il revient alors à Joseph d’Anvers de clôturer cette fête. Son premier album en 2005 m’avait enchanté ("Les choses en face"): sensible, il décline ses textes mélancoliques sur un rock doux, presque désabusé.
Je n’ai aucun doute sur la pertinence du concept de concert littéraire. Il revient aux Correspondances de voir plus grand: un lieu moins confidentiel, un collectif d’artistes à multiples facettes, une médiatisation plus importante. Il y a urgence alors que les médias standardisent la musique, marginalise la littérature. Plus que jamais, le spectacle vivant reste la meilleure réponse aux défis que nous pose le monde globalisé, car il permet de relier les arts, d’opérer des rencontres imprévisibles et d’inviter le public à se laisser surprendre, à ressentir de nouvelles émotions.

Le caniche peut toujours s’exciter, nous le tenons en laisse…


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CONCERTS

Délicat Arman Méliès pour brutales Correspondances à Manosque.

Alors que je me rends au concert littéraire du chanteur Arman Méliès dans le cadre des Correspondances de Manosque, j’ignore à quoi je peux m’attendre. Je ne connais pas ce chanteur : il a pourtant de belles références (Shannon Wright, Cat Power, Sufjan Stevens, …). Il a fait les premières parties des plus grands (Dominique A, Biolay,…) et Florent Marchet (présent l’an dernier au même endroit pour un concert mémorable !) est dans la salle ce soir ! Je lis Les Inrocks, j’écoute FIP et me voilà pris en flagrant délit d’ignorance : je n’ai jamais prêté l’oreille à Arman Méliès.
Le petit « Café provisoire » de la M.J.C de Manosque porte mal son nom : il n’y a rien à boire et la décoration fait penser à un vestiaire de piscine. Le public parsemé (trente, quarante ?) est plutôt « baba cool » et à dépassé majoritairement la quarantaine. Où sont donc passés les jeunes manosquins ? Au regard des FM captées dans la ville, j’ai bien peur qu’ils soient ailleurs. Quelque chose cloche ce soir : je me sens isolé, presque enfermé. Ce n’est pas la première fois qu’une telle sensation me prend dans ce département des Alpes de Haute Provence. Nous ne sommes pourtant qu’à 35 minutes d’Aix en Provence, ville dont les étudiants apprécieraient sûrement la performance de Méliès.
Justement, il arrive. À terre, de multiples pédales. Il est petit, presque frêle, et profondément touchant à nous proposer sa musique qu’il bidouille avec ses pieds tout en jouant de la guitare ! À peine chante-t-il que j’entends Jeff Buckley, chanteur génial américain décédé brutalement en 1997. À peine joue-t-il que je ressens Dominique A.
A mesure que le concert avance, j’ai une révélation (artistique !) : cet homme est un grand musicien et un parolier subtil. Deux écrivains (qui sont-ils ?) montent sur scène pour l’assister, mais ces textes n’apportent qu’une faible valeur ajoutée artistique: Arman Méliès est un écrivain du son. Sa musique, c’est du texte. Ses mots, sont des notes. Il est là lui seul le concert littéraire. Je suis bluffé même si le public semble vouloir autre chose si j’en juge par les sommeils prolongés et autres
discrets applaudissements . Coûte que coûte, je le soutiens du regard tout au long de cette performance (à lui seul, il fait tous les instruments) et je m’isole avec lui dans son univers enivrant (tout à la fois mélancolique, envoûtant, enlevé, énergétique,..). Il ne réussit manifestement pas à soulever la salle comme si le concept de concert littéraire était trop étroit pour lui. Il est inutile de compter sur les écrivains : l’un d’eux n’hésite d’ailleurs pas à qualifier la prestation de « petit spectacle » pour justifier qu’on baisse les projecteurs sur scène! Le concert fini, les spectateurs quittent la salle pendant qu’il range son matériel. Je me retourne plusieurs fois pour immortaliser cette scène touchante.
 
De retour chez moi, je n’ai pu m’empêcher de télécharger sur ITunes son dernier album (« Les tortures volontaires »), de lire différents articles le concernant. C’est alors que ma chaîne Hi-fi a brutalement cessé de fonctionner (court circuit électrique).
Arman Méliès est décidément à contre – courant ce soir.

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LECTURE

Aux Correspondances de Manosque, Dieu merci, Patrice Chéreau s’impose.

Dans la région, c’est la deuxième lecture de l’année pour Patrice Chéreau. Après Hervé Guibert au printemps dernier au Théâtre des Salins de Martigues avec Philippe Calvario, c’est Fedor Dostoïevsky l’hôte de la soirée pour « Les Frères Karamazov ». L’extrait choisi est un dialogue imaginé entre le Christ en visite dans la Séville du XVe siècle en pleine inquisition et un vieillard, incarnation des dérives de l’Église de Rome. Ce texte n’est pas d’une qualité littéraire transcendante, mais il entre en résonance avec le contexte actuel où le religieux s’immisce dans le débat politique national et international. Je me sens à distance de ce réquisitoire ; seuls le charisme de Chéreau et un dispositif scénique minimaliste, mais efficace (une table, trois chaises) me sortent de ma torpeur. Chéreau tourne autour de ces chaises pour mieux accentuer la charge du propos.
Je m’interroge sur la pertinence d’un tel choix littéraire : ne serait-il pas temps de nous éclairer sur l’évolution du monde. Pourquoi les oeuvres lumineuses d’Edgar Morin et d’Albert Jacquard ne trouvent-elles pas leur place dans ces lectures plutôt que de nous proposer des textes connus sur des conclusions qui n’étonnent plus personne. Un déplacement du regard ne permettrait-il pas d’ouvrir des pistes non encore explorées ? N’est-ce pas finalement la finalité de ces Correspondances qui donnent à l’écrit une force qui dépasse parfois le théâtre ?


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Aux Correspondances de Manosque, Ariane Ascaride fait un beau devoir de mémoire.

La salle du Théâtre Jean le Bleu de Manosque est comble ce soir. En voisine, Ariane Ascaride s’empare des lettres d’Ilo de Franceschi écrites à Madeleine Allain entre 1939 – 1940. Passionné de littérature, cet italien d’origine (parlant l’allemand, le français et un dialecte Kanak !) s’engage dans la Légion où près de la chaîne de l’Atlas dans le Maroc, il ressent l’isolement par l’absence de livres. Il prend l’initiative d’écrire au philosophe Alain pour qu’il lui envoie trois ouvrages. Par erreur, cette lettre atterrit chez Madeleine Allain. Commence alors une histoire d’amitié, presque amoureuse.
Leurs correspondances vont remplir les vides : l’éloignement de la littérature pour l’un, la solitude affective pour l’autre. Les lettres d’Ilo sont d’une force incroyable quand il soutient Madeleine dans sa dépression : « 
Bien chère Madeleine,
Deux lettres, ce soir, douces et amies comme tout est doux ce qui me vient de vous. Et, ce matin, une de moi est partie vers votre adresse de Paris. À cette heure, étouffée dans un espace trop petit pour le tant d’affection qu’elle enferme, elle est quelque part dans le bled en train de songer à l’accueil que rue Saint-Sulpice va lui réserver ».

Dans ce duo, Ariane Ascaride joue à merveille la médiatrice entre eux et nous. Assise à table à droite de la scène, elle lit pendant quatre-vingt-dix minutes cette correspondance de haut niveau, jamais ennuyeuse. Elle y met une empathie joyeuse, une conviction sincère portée par son humanisme connu de tous. À gauche de la scène, la chambre d’Ilo est reconstituée avec des objets d’époque : ils donnent à la lecture d’Ariane Ascaride des accents de vérité comme s’ils parlaient eux aussi !
J’écoute avec passion ces textes : c’est un beau français que l’on n’entend presque plus dans les médias. J’ai la douce sensation de me relier autrement à ma langue, de ressentir la puissance de l’écriture épistolaire.
Nul doute qu’avec les blogs et les mails, deux personnes aux extrémités de la planète s’écrivent. Leurs correspondances enchanteront les générations futures. Est-ce vous ?

"Ecrivez-moi Madeleine" d’Ilo de Francheschi est publié aux Editions de l’Aube (disponible sur Fnac.com).

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Fragiles Correspondances à Manosque.

Il est 22 heures. J’arrive sur la pointe des pieds dans le hall du Théâtre Jean le Bleu à Manosque alors que le public écoute une lecture de Jean-Louis Trintignant. J’ai préféré faire le déplacement d’Aix en Provence pour le concert de 22h30 où la chanteuse Claire Diterzi et l’écrivain Arnaud Cathrine nous présentent « Vos omoplates se déboîtent, ô mes amours », joli titre emprunté à Rimbaud. La petite salle de la MJC se prête à cet exercice délicat, intimiste et toujours surprenant. Le concert littéraire invite les artistes à dépasser leurs frontières et les spectateurs à écouter et voir autrement. L’an dernier, Florent Marchet avait produit avec Arnaud Cathrine un magnifique concert. Il y a donc une continuité avec la venue cette année de jeunes chanteurs aux voix atypiques, loin des standards de la Star Académy (Claire Diterzi, Arman Mélies et Joseph d’Anvers). Ainsi, d’année en année, les Correspondances de Manosque se positionnent clairement sur un champ pluridisciplinaire avec une nouvelle génération d’artistes décomplexés soutenue par un public toujours respectueux et attentif.
Ils sont deux ce soir pour un dialogue où les rôles sont inversés : elle lit les pensées d’un homme, il lit les paroles d’une femme.
Les textes sont d’Arnaud, la musique est de Claire. Ils invoquent le désir, ce processus secret et pourtant si parlant lorsqu’ils évoquent quelques scènes du couple au réveil ! Claire Diterzi, guitare électrique en bandoulière, paraît fragile au cours de ce concert : menue, pieds nus, voix cristalline, elle fixe le texte, regarde rarement le public et son compagnon. Elle semble ailleurs, perdue dans les méandres du solfège et de la technique. Les textes de Cathrine se noient parfois dans cette musique sophistiquée et décapante pour nos oreilles.
La chanteuse disparaît au profit de l’écrivain. Ils sont côte à côte et j’attends une étincelle.
De désir ?


A lire, l’article sur Claire Diterzi dans Le Figaro
A voir, le site d’Arnaud Cathrine.

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