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EN COURS DE REFORMATAGE

Avec Galotta, le Tadorne survole le Pavillon Noir.

Je l’attendais depuis si longtemps. Me voilà enfin au pied du Pavillon Noir, le Centre Chorégraphique National des Ballets Preljocaj d’Aix en Provence qui a ouvert ses portes en octobre. Je rêvais d’un lieu dédié à la danse depuis le jour où, en 1998, je découvrais mon premier spectacle au Festival d’Avignon. C’était avec Angelin Preljocaj et je commençais  une belle aventure qui me conduit ce soir à entrer dans ce bâtiment pour la dernière création de Jean-Claude Galotta, « Des gens qui dansent ». J’ai encore vingt minutes pour faire le tour de l’édifice et en ressentir toute la complexité voulue par l’architecte Rudy Ricciotti. J’ai envie d’être aixois, car depuis 1997 j’ai l’impression de ne pas habiter cette ville. Je scrute ce bâtiment et pourtant, je suis ailleurs. Je prépare actuellement une conférence pour mon travail et je n’arrive pas à me sentir dans un théâtre.
J’entre. Le noir m’accueille et m’enveloppe. Je suis surpris de la petite taille de la scène, décalée par rapport à l’idée que je m’en faisais. Le spectacle commence. Deux rangées de chaises se font face. Ils sont onze, dont le chorégraphe lui-même. Ils sont de plusieurs générations, venues de différents pays. Des professionnels côtoient des amateurs. Ils ont tous une histoire singulière. Démarre alors un travail de tissage, de liens, par le corps, le texte et le chant. Je pense à Pina Bauch avec son chef d’œuvre « Kontakthof » vu en avril dernier; je repense au fabuleux « Trois Générations » de Gallotta présenté en 2004. Je revois la si mauvaise pièce « After / Before » de Pascal Rambert. Mes références acquises depuis huit ans se bousculent. Je n’arrive pas à entrer ; des images se télescopent. Je compare. Je hiérarchise. Je m’enferme. Ils dansent et moi je réfléchis à toute autre chose. Je ne vois rien comme si j’étais à côté alors que je suis installé au centre ! Je suis dans une telle position d’observateur qu’il m’est impossible de laisser venir mes sensations. "Tout cela, c’est du déjà vu", me dis-je.
Malgré tout, Jean-Claude Gallotta arrive à m’énerver avec ses gestes, sa voix posée sur une excellente musique rock, son bonnet sur la tête, comme si je ne supportais pas son intrusion dans l’espace des danseurs. Il y a deux moments qui vont m’aider à lâcher : une vidéo où l’on voit Henry Miller sur son lit de mort en train de nous parler de la vie puis une danse à quatre où un homme et trois femmes tissent de tels liens que la forme de leur quatuor touche le sublime. Mais je ne tiens pas sur la durée. Je m’enferme à nouveau et l’ovation du public me laisse cloué, presque tétanisé par les cris de fans venus du fond de la salle. Mon voisin de droite qui n’a cessé de regarder sa montre par ennui se lève pour manifester sa joie.

Je quitte le théâtre, dépité. Je n’ai pas trouvé ma place de spectateur – blogueur dans ce lieu institutionnalisé (le centre chorégraphique national d’Aix en Provence recevait ce soir celui de Grenoble). J’ai touché mes limites et « Des gens qui dansent » n’ont rien pu faire.

Avec le Pavillon Noir, on nous promet « un lieu pour la danse ». Il serait peut-être temps que j’y entre.


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CONCERTS

Avec Jean-Louis Murat, la musique est un échappatoire à la douleur.

Assis dans la salle bien peu accueillante de l’Espace Julien de Marseille, nous voyons arriver sur scène un homme fermé, dont on ne voit pas les yeux, replié sur lui-même. Il prend sa guitare, que son corps entoure, et qui lui donnera sens, énergie. Dès les premières notes, nous le reconnaissons ; mais nous ne le rencontrons pas encore. Nous commençons à entrer dans son univers musical. Puis sa voix, sensuelle, chaleureuse, en totale dissonance avec son physique. Je tente de prendre mes marques, sous le choc encore de ce mal-être. Je ne sens pas le public, très statique, qui ne se permet rien, respectueux de sa réclusion. Murat n’est pas avec nous, il ne donne pas de vie à la salle, il ne semble rien attendre de nous, je me demande ce que cela signifie de venir le voir en concert. Pourtant, il nous donne beaucoup de poésie, emplie de douleur. Ses textes sont forts, ils nous parlent de son rapport à la nature, de ses rapports avec ceux qu’il aime : ses sensations, ses émotions liées à son environnement sont constamment mises en parallèle avec ses relations avec les autres, il aime, il souffre d’aimer, la nature l’apaise ou traduit ses émotions.
Murat ne retrouvera de l’énergie et fera lien avec nous qu’après quelques chansons : son monde est posé, il peut regarder au-delà. Il le partagera.
Sa fragilité est sa force musicale. Petit à petit sa voix se dégage, son visage s’ouvre, la musique le porte, mais nous recevons sa douleur dont nous ne savons que faire, si ce n’est en le saluant chaleureusement.
                                                                                                                         
Clotilde.

Tadornette de Marseille.

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CONCERTS

Dominique A. Chanteur transe – musical.

 

[youtube http://www.youtube.com/watch?v=WJYg04-goLs]

 

Le Théâtre des Salins de Martigues donne rendez-vous ce soir au public du chanteur Dominique A. Il vient rarement en Provence et nous sommes nombreux à l'attendre. Pour ma part, il a changé radicalement ma façon d'écouter et de ressentir le rock. J'ai tous ses albums comme autant de livres que je rangerais dans une bibliothèque pour les transmettre aux générations futures. Dominique A est un artiste essentiel : il symbolise bien plus qu'un style ; il est le courant du « rock littéraire ».
Sur la scène, ils sont quatre : clavier, guitare, deux aux cuivres dont un qui est également percussionniste ! Derrière eux, une rangée de petits néons ; aux quatre coins de la scène et entre les musiciens, des longues antennes comme autant de mats d'un bateau. Ils sont des repères pour délimiter l'espace musical de ce chanteur au territoire si mouvant. Tout au long du concert, ils donnent à la lumière des projecteurs les formes d'un décor surréaliste, entre terre et mer, conscience et inconscience, rock et littérature. C'est donc un concert lumineux, dans tous les sens du terme, qui nous est proposé ce soir. J'ai la douce impression d'être immergé dans une ambiance maritime, où la brume s'évapore à mesure que la musique électrise l'air. Cet équipage traverse l'?uvre de Dominique A : le bateau tangue souvent pris dans un chaos qui laisse peu de place à la respiration. Les murs du théâtre tremblent comme si cette musique voulait pousser les frontières, les cloisons. Je sens une énergie communicative, mais aussi un choix radical : en choisissant ce collectif, Dominique A met en tension son ?uvre pour presque la transformer. Son corps danse comme pour mieux traduire la transe que produit une telle démarche. À mesure que le concert avance, je ressens Dominique A prendre de la hauteur, de la force, comme s'il dirigeait un orchestre symphonique. Je ne tiens plus, coincé dans ce fauteuil de velours rouge. Je rêve de me lever, d'être pour ce groupe un signal venu de la terre.
Cet artiste touche le sublime. Forcément.

Pascal Bély -Le Tadorne

P

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Une recommandationTadornesque: la Compagnie des Transe-mutants

Cher Tadorne,

Je t’écris pour te recommander laCompagnie des Transe-mutants que j’ai récemment vu danser au Théâtre de Saint Malo.
En collaboration avec l’association de musiciens « Un bruit qui court », la Compagnie a interprété « Le Sacre du Printemps », un difficile ballet du répertoire classique (ou déjà contemporain ?).
Lors d’une répétition publique au Centre National de la Danse de Pantin, Tristan Edelman, le chorégraphe, avait expliqué qu’il s’était attaché à faire abstraction des nombreuses mises en scènes précédentes.
Il en résulte un travail original, calqué avec précision sur la partition de Stravinsky.

Tadorne, je te conseille cette Compagnie car je sais que tu aimes découvrir de nouvelles formes artistiques.
En étant à la fois accessible par la drôlerie de certaines situations –le techno-man hystérique qui fit rire les enfants-, et provocante -l’orgie géante de tous les danseurs-, la danse transe-mutante est différente.
Avec une énergie brutale, proche des arts martiaux et des danses tribales, les transe-mutants explorent une forme chorégraphique peu présente en danse contemporaine.
Pour autant, le travail sur le ressenti, la pantomime qui traverse les danseurs, ne se retrouvent pas non plus en danse modern jazz.
Aller voir les Transe-mutants c’est donc accepter de changer le regard que l’on porte habituellement sur la danse.
C’est aussi prendre plaisir à voir danser Johanna Classe, dont la présence est telle que l’on s’étonne parfois de ne regarder qu’elle.


Elsa Gomis – Paris.

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Le Tadorne en novembre.

C’est le mois des valeurs sûres. Tout commence par deux grands artistes qui, comme par hasard, se produisent le 8 pour Jean-Louis Murat à l’Espace Julien de Marseille et le 9 pour Dominique A au Théâtre des Salins de Martigues. Reliés par le calendrier, ils le sont aussi par leur rôle déterminant dans la chanson française.

Le chorégraphe Jean-Claude Galotta ouvrira la saison du Tadorne au Pavillon Noir d’Aix en Provence le 11 novembre avec "Des gens qui dansent" tandis que le metteur en scène italien Pipo Delbono troublera une fois de plus le public si "sage" du Théâtre des Salins de Martigues!
Deux ouvertures prometteuses: une vers le théâtre venu de Riga, "Long Life" le 18 novembre à Martigues, l’autre vers le métissage chorégraphique d’Héla Fatoumi et d‘Eric Lamoureux pour "Wasla – Entrelacs" en Arles le 24 novembre.

Mention photos Dominique A :E. Bacquet

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Dansem se hasarde avec Nacera Belaza.

Au Théâtre du Gyptis de Marseille, ce n’est pas la foule des grands jours pour le spectacle de Nacera Belaza, « Le pur hasard » qui clôture la 9e édition du festival Dansem. On pourrait s’interroger sur ce choix de programmation très pointu qui éloigne un peu plus le public habitué des festivals de l’été.
Il faut avoir le goût du risq
ue pour s’aventurer sur le terrain de cette chorégraphe. Lors du dernier Festival Montpellier Danse, sa création «Un an après »,  m’avait laissé perplexe. Et pourtant, je suis là ce soir avec le désir de rencontrer de nouveau Nacera Belaza, conscient que cette artiste atypique a quelque chose à nous dire…

Vingt minutes de retard. 

C’est lent, très lent. Je n’abandonne pas. Je fixe cette silhouette qui s’avance vers nous. Je m’obstine à vouloir comprendre son propos alors qu’elle tourne autour de cette chaise en ouvrant et fermant ses bras. Je m’accroche pour saisir le lien avec l’écran vidéo où un homme cherche à sortir d’un enfermement. Je suis prêt à m’abandonner. D’autres images m’envahissent : « demain, ah oui, demain…faudra pas se rater…journée importante »… « En sortant, ne pas oublier… ». Je pars, c’est plus fort que tout. Une minute peut-être. Le noir. Le blanc.
Je reviens. Ce n’est plus la même. Une autre femme apparaît. Et toujours ces mêmes gestes de rondeur et de précision. L’éclairage tamisé de la scène hypnotise, une douce musique orientale berce…Ils sont trois : deux femmes et lui, en vidéo. Ils se cherchent.
J’abandonne. Le noir. Je pars, loin, trop loin… « Tout à l’heure, en partant, ne pas oublier » …
Je reviens. Elles sont là. Où suis-je ? Entre rêve et réalité, mon corps ne sait plus très bien comment se tenir. Je souffre de me sentir à l’extérieur de ce langage. C’est fermé, presque enfermant. Elles cherchent. Quoi ? Qui ? Pour quoi ? Rien n’y fait. Cette danse-là n’est pas pour moi. J’abandonne.
Soudain, « My way » en fond musical.
Elles s’approchent en venant vers nous, l’une à côté de l’autre. Elles sont de dos.
Surgit alors une image fulgurante.
Dix secondes.
Sublime.  
« En partant, ne pas oublier… »

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Held me.

C’est une chorégraphie venue d’ailleurs, de l’autre bout de la planète, d’un pays dont je ne connais pas les habitants. Ce soir, le Théâtre des Salins de Martigues projette d’ouvrir notre regard sur la danse : l’ « Australian Dance Theatre » dirigé par Garry Stewart présente «Held».
En arrivant, je suis interpellé par le dispositif scénique : quatre danseurs (punk ? mauvais garçons et filles d’un quartier underground?) posent pour une photographe dont les clichés sont diffusés sur deux grands écrans amovibles. On se croirait dans une publicité pour l’Oréal.
Ce n’est qu’une apparence. Il faut abandonner de nombreux à priori pour s’autoriser à voir cette chorégraphie aux antipodes de notre culture. « Held » joue précisément sur l’apparence (belle au demeurant), pour nous inviter à passer de l’autre côté. Car tout laisse à penser que cette troupe de onze danseurs nous fait un numéro de voltige censé célébrer le culte du corps, à l’image de ces photos de mode qui polluent nos villes. Or, leur beauté est loin d’être plastique : elle est à chercher dans le regard de la photographe (Loïs Greenfield, superbe par sa présence), médiatrice entre elle et nous, qui nous aide à capter tout au long du spectacle la grâce de leurs gestes aériens (sans elle, que verrions-nous ?).
La beauté se veut complexe quand les danseurs sculptent lentement le groupe:ainsi prend forme un tableau de la renaissance italienne (superbe moment suspendu).
Cette beauté est fragile quand elle s’exprime à partir de mouvements dont on croirait qu’ils émergent d’un jeu vidéo. Ils transforment notre vision pour nous permettre de créer les passerelles entre le son, l’image virtuelle et réelle. En effet, c’est la multiplication de tous ces cadres (photo, peinture, écran vidéo) qui permet au groupe de décupler sa créativité au service du public : « nous vous offrons ces angles de vue, à vous d’en faire ce que vous pouvez » semble dire le collectif !
À l’issue d’une heure palpitante, l’esthétique du corps prend sens parce que loin d’être un spectateur passif, j’ai la sensation d’avoir créé ma vision, ma photo, ma peinture. « Held » est une chorégraphie sans prétention : juste celle d’offrir une magnifique performance quasi futuriste pour spectateurs endurants.


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Dansem, alléluia !

Elle nous regarde, prend une carabine, prête à la diriger vers nous. D’un mouvement gracieux, elle pointe son engin vers le plafond et tire. Une statuette religieuse tombe à terre. Ouf, nous sommes sauvés. Sofia Asensio, danseuse venue de Barcelone, peut commencer à « étudier les mystères de la sainteté » à partir d’un personnage ignorant, qu’elle incarne, « c’est-à-dire quelqu’un qui croit encore aux mystères ».
« Santa Sofia, el solo d’una ignorant » est un ovni chorégraphique, proposé dans le cadre du festival Dansem à Marseille. Sofia Asencio est une chorégraphe engagée qui n’hésite pas à jouer avec ses symboles pour mieux « titiller » les nôtres, avec bienveillance. C’est un spectacle où les objets de l’enfance, les rites religieux, les références cinématographiques (« la passion selon Saint Matthieu » de Pier Paolo Pasolini) s’articulent pour explorer les chemins de l’inconscient « tracés » par le catholicisme.
Avec deux portraits photographiés, elle "statufie" père et mère au fond de la scène en les posant à terre. Ainsi, elle peut s’abandonner à comprendre le mystère de la sainteté avec lequel nous avons tous « joué » un jour ou l’autre. C’est souvent drôle, parfois émouvant, toujours intéressant. Elle joue tout au long du spectacle sur les notions de proximité (elle est née en Espagne comme inhibée par le catholicisme) et de distance (elle se sent ignorante). Ce désir de déchiffrer la conduit à nous parler, à nous inclure dans sa recherche comme si pour percer le mystère, nous devions l’accompagner, être là ! Je suis athé et pourtant je me suis ressenti intégré dans sa création comme si je la coconstruisais avec elle. Étrange sensation. Sofia Asensio ne sait rien: elle a abandonné ses certitudes pour être capable d’endosser l’habit de la sainte et revenir une séquence plus loin dans la peau d’un primate, d’un singe dansant.
Plus qu’une leçon d’humilité, « Santa sofia, el solo d’una ignorant » est une ôde à l’ouverture, à la recherche, à l’ignorance créative. Un vrai miracle !


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CONCERTS

Manu Katché, nouvelle star auThéâtre du Jeu de Paume.

En 2005 sortait un album beau, sensible, intemporel : « Neighbourhood » de Manu Katché avec la présence prestigieuse de Jan Garbarek. Je l’ai longtemps écouté en boucle : le matin pour poser un pied à terre, le soir pour apaiser mes divagations ! Son concert à Aix en Provence ne pouvait échapper au Tadorne. Après coup, ce concert a glissé pour ne laisser que ces modestes lignes…
En arrivant, je ressens comme un décalage entre les dorures de ce théâtre à l’italienne et le jazz, entre ce public un peu « guindé » et l’énergie communicative de la musique de Manu Katché. Assis, je suis coincé entre deux aimables cadres cravatés et une barre en fer qui me coupe la vision de la scène. Je reste à l’étroit tout au long du concert comme s’il était impossible de s’affranchir de ce cadre.
Manu Katché est entouré de musiciens qui ne sont pas ceux de l’album. On reconnaît le spécialiste des jeunes pousses qui fait office de juré dans l’émission « La nouvelle Star » sur M6. Un ordinateur trône sur scène pour envoyer quelques sons mécaniques. Cette configuration positionne Katché comme le maître même si son groupe paraît ne pas être totalement formé. À mesure que le concert avance, la batterie de Manu Katché se fait plus imposante et je ne discerne plus la finesse de ce musicien hors pair. Tout me semble écrasant, bruyant comme s’il fallait compenser l’absence de Jan Garbarek. Les corps bougent peu, le tout est bien huilé, et manque cruellement de spontanéité. Le public reste assis sagement , l’air satisfait de cette prestation qui n’ébranle pas le savant équilibre entre passionnés de jazz (nous étions quelques-uns !) et cadres d’entreprises, mécènes de la soirée.

Cette culture sous vide m’éloigne peu à peu des concerts formatés et va me rapprocher inéluctablement de la scène jazz alternative.


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Dansem divague.

Il y a des soirées où Le Tadorne doit s’accrocher à son siège pour ne pas voler dans les plumes. Certains « chorégraphes » ont semblent-ils pris le parti de se faire plaisir au détriment de l’art qu’ils sont censés servir. « La surface de divagation » de Montaine Chevalier et d’Elodie Moirenc présentée dans le cadre du festival « Dansem » à Marseille est de ces oeuvres que je préfère enterrer au plus vite. Cinquante-cinq minutes de divagation artistique qui auraient pu être un beau spectacle si ses concepteurs n’en avaient oublié le sens. Pourtant, le premier tableau est de toute beauté : un homme joue de la guitare, une femme accroche des lambeaux de plastique sur fond de lumière bleue (hommage sincère à « VSPRS » d’Alain Platel  ou simple plagiat?). Cet instant en suspension est gâché par l’arrivée d’une « danseuse » déguisée ( ?) qui brise ce moment précieux. Tout le spectacle s’appuie sur cette mécanique huilée où rien n’est laissé au hasard, calculé au millimètre près pour que rien n’échappe à ce duo de danseuses prêtes à tout pour maîtriser l’émotion. Elles sont sur une « zone de composition, un simple territoire de jeux. Deux fines mouches y accomplissent sans hâte quelques tâches minimales : plier le plastique, disposer en rond les élastiques, ramper sous la bâche, mimer le corps de la poupée, accrocher au mur des couleurs….Un rien minimal, des liens animaux. Car c’est l’anima qui souffle sur ce désert fragile, l’esprit de la pampa-fantaisie, le vent des paroles intimes et des sensations partagées ». Avec un tel programme, on aurait pu s’attendre à de l’émotion, à de belles articulations entre la musique, l’art et la danse. Ce n’est qu’un laboratoire d’expérimentations artistiques où le public est cobaye. Les objets restent la plupart du temps inanimés malgré ce que leur font subir ces deux insectes gloutons. Le plastique, l’aluminium servent d’alibis pour faire joli, mais ils ne s’affranchissent jamais de leur fonction première. Avec le plastique, « La surface de divagation » emprunte à Philippe Genty (« La fin des terres ») quelques effets scéniques qui prêtent à sourire tant le plagiat est grossier. Malgré tout, il y a de la recherche dans ce spectacle : mais la créativité ne fait pas tout. Il ne suffit pas d’aligner des tableaux pour voir une exposition. Ces artistes se sont affranchis du sens comptant sur la docilité du public pour avaler la forme au détriment du fond.
La surface est posée. Encore faut-il savoir l’occuper.

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