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EN COURS DE REFORMATAGE

Au Pavillon Noir, le temps d’’une soirée, Les Ballets Preljocaj mélangent les genres.

 

 

 

Ce mercredi 20 décembre, le Pavillon Noir d'Aix en Provence accueille deux créations des Ballets Preljocaj : « Empty Moves (part I) » et « Noces ». Je me sens prêt pour cette soirée tant attendue : je n'ai jamais eu l'occasion de voir ces ?uvres en tournée en France. Toutefois, rien ne se passe agréablement dès que j'entre dans cet illustre bâtiment ! Prévu à 20h30, « Empty moves » débute à 21h15. Au préalable, nous avons droit à un discours humanitaire à la sauce culturelle de l'artiste plasticien Jean-Michel Bruyère, accompagné d'Angelin Preljocaj, qui prend son temps pour nous expliquer les missions de la Maison ? clinique ? école, « Man ? Keneen ? Ki ». Des photos d'enfants abandonnés dans les rues de Dakar sont projetées. Les recettes ou bénéfices de la soirée (on ne sait plus) sont reversés à cette association. À mesure que l'exposé confus de Bruyère avance, deux niveaux se mélangent : le projet humanitaire et l'?uvre culturelle. Qui finance qui ? Pour avoir vu l'exposition de Bruyère lors du Festival d'Avignon en 2005, je me pose légitimement la question sur ses intentions. On apprend que la banque BNP ? PARIBAS est sur le coup, mais pas un mot sur la société TOTAL, pourtant présente au Sénégal et qui entretient la misère de ces enfants. Je m'éloigne de la danse, mais le Pavillon Noir a décidé de nous imposer cette confusion, sans distance, avec complaisance et qui entretient le regard misérabiliste français à l'égard de l'Afrique.
empty.jpg« Empty moves (part I) » commence.
Je suis un peu tendu, mais pas pour longtemps : cette chorégraphie de vingt-huit minutes atteint le sublime. C'est sans aucun doute la plus belle ?uvre d'Angelin Preljocaj. Quatre danseurs s'articulent au rythme des paroles et phonèmes lus par John Cage au Teatro Lirico de Milan enregistrés en décembre 2007. Le contexte chaotique de son intervention (on entend le public italien manifester tout à la fois sa colère et sa joie) est traduit à partir des mouvements du quatuor. On frôle la pureté tant cela devient indescriptible. Je me sens touché physiquement : mon corps tremble comme si la proximité du sublime reliait à toute allure tous mes organes vitaux. Le chaos prend sens sous nos yeux : loin d'être réduit au désordre, Angelin Preljocaj réussit la prouesse de chorégraphier l'intention artistique de John Cage. L'art se danse et c'est majestueux : tout est articulé avec délicatesse, légèreté, créativité. Ils sourient parfois, se perdent, se retrouvent pour nous aider à approcher ce sublime que nous cherchons souvent sans jamais l'atteindre. « Empty Moves » est un chef-d'?uvre. Je vibre encore.


image.jpgL'entracte de quinze minutes n'y fait rien. Je me sens sonné par ce que je viens de voir. Il devient alors difficile d'écrire sur « Noces », la deuxième proposition indigeste d'Angelin Preljocaj, créée en 1989. Dix danseurs sont à la fête sur la musique envahissante d'Igor Stravinski. Nous sommes dans les Balkans : tout est joyeux, en apparence. Pourtant, le mariage évoque cet acte tragique qui fait de la mariée (symbolisée par des poupées) une monnaie d'échange. Mais pourquoi tout ce vacarme ? Pourquoi cette chorégraphie approximative réduite la plupart du temps à du mime ? Le sens est noyé dans ces gesticulations caricaturales qui enferment les danseurs dans des rôles réducteurs. Où est la danse ? Pourquoi cette pièce est-elle accolée à « Empty Moves »? Que peuvent vouloir dire les applaudissements enflammés pour cette ?uvre qui sent la naphtaline et leur réserve pour le moins surprenante à la fin d' « Empty Moves »? Mais quel est donc ce nouveau public, qu'il me semble n'avoir jamais rencontré, même au temps du feu Festival « Danse à Aix » ? Je n'attends plus la fin de ces applaudissements. Seul dans l'allée, je pense aux enfants de Dakar, aux femmes mariées soumises, et à ce quatuor sublime. Le marketing humanitaire et culturel a encore frappé. Le public de danse est-il lui aussi une monnaie d'échange. À la recherche d'une cohérence, je ne ressens que du désordre.
À mesure que je marche, j'entends la voix de John Cage. Le quatuor m'ouvre la voie.

 
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EN COURS DE REFORMATAGE

L’’humeur vagabonde de François Morel.

Les comiques sont partout. La chorégraphe Maguy Marin s'en était émue avec « Ha !Ha ! » , sa création  qui a fait scandale lors du dernier Festival Montpellier Danse. Elle fustigeait cette France qui rit de tout pour préparer l'arrivée du fascisme. «Ne pas se prendre la tête » semble être le slogan de nombreux cons qui, ici ou là, diffusent l'idéologie d'une société de consommation, modèle par excellence du bien-être. Malgré tout, je pars au Théâtre des Salins de Martigues pour le spectacle « comique » de François Morel, « Bien des Choses ».
Le public est là, prêt à se payer une bonne tranche de rigolade. Je me sens un peu décalé, mais je m'accroche.
Le décor est minimaliste : deux tables de bistrot, une moquette. Derrière un rideau quasi transparent, Olivier Saladin prépare son autruche de compagnie pour le départ. Elle résiste, lui donne des coups de bec, mais l'homme ne se laisse pas impressionner par la marionnette. Elle doit partir en allant « toujours tout droit » pour éviter de finir comme sa cousine, dans un réacteur. Fin de cet épilogue poétique qui pose le voyage comme symbole de l'ouverture.
François Morel et Olivier Saladin débarquent ensuite, munis de leur boîte en fer remplie d'une pile de cartes postales. Roger et Madeleine Rouchon partent souvent en voyage et ne manquent jamais une occasion d'écrire à leurs amis Robert et Janine Brochon. Ces derniers ne sont jamais en reste pour leur répondre. Pendant plus d'une heure, les deux hommes dialoguent à partir de ces échanges épistolaires.
Une évidence s'impose : chez eux ou en voyage, les Français véhiculent les clichés qui ont porté Le Pen au second tour d'une élection présidentielle pour transformer cinq ans plus tard Sarkosy en « futur homme d'État ». Le public rit souvent, car les dialogues sont réalistes, piquants. Mais je reste à distance : la France des Rouchon et des Brochon m'exaspère. Elle ne me fait plus rire, car elle me semble omniprésente dans les médias et dans la politique. Loin d'être minoritaire, elle est majoritaire (vote de 2002, référendum en 2005, élection en 2007 ?). Le talent de François Morel est de mettre en scène symboliquement cette France-là, à partir de l'écrit, du voyage, symboles de l'ouverture. Tout en dénonçant les enfermements de la pensée réductrice, François Morel nous invite à la poésie à travers la figure de l’autruche. La dernière scène la montre prendre de la hauteur, celle qui nous fait tant défaut.
« Bien des choses » n'est pas un spectacle comique : juste un propos politique en phase avec son époque. Ecrit comme cela, c’est beaucoup moins drôle!

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THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN

Hamlet par Hubert Colas : le théâtre réinventé.

Il est minuit et l’orage gronde au moment où je quitte le Théâtre de la Criée de Marseille. « Hamlet » de Shakespeare mis en scène par Hubert Colas fait l’effet d’un tonnerre dans le paysage paisible du théâtre français. Je ne ressens ni joie, ni colère après ces quatre heures quarante de spectacle, mais plutôt un état d’apesanteur comme si je regardais le théâtre avec un autre point de vue. Rarement mon attention a été à ce point infaillible ; j’ai scruté avec minutie le moindre changement scénique, observé avec curiosité le positionnement des acteurs.
Hubert Colas a fait le choix d’une mise en scène complexe où plusieurs tableaux se jouent en même temps. On est loin des partis pris de Frédéric Fisbach avec la pièce « Gens de Séoul » présentée en Avignon l’été dernier qui multipliait les scènes tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du plateau pour produire au final un langage théâtral compliqué. Avec Hubert Colas, chaque dialogue s’inscrit dans un contexte appuyé par des effets scéniques impressionnants : il y a toujours trois scènes en interaction. Au centre, elle est mouvante comme le sont les relations entre les protagonistes. Les jeux de pouvoir peuvent s’y exercer et le sol (en mousse ?) se métamorphose au gré des alliances et des coalitions. Imposant.

Sur chaque côté, l’ensemble des acteurs peut s’asseoir et observer le jeu. Ces postures contiennent le jeu, à l’image d’un inconscient collectif qui enverrait ses informations. Mais il arrive aussi que l’on doive lever les yeux. Hubert Colas envisage le ciel sur scène, symbole rouge du spectre pesant sur nos têtes. Avec une telle scénographie, mon regard ne cesse d’être circulaire et je fais toujours référence au tout dès que je me centre sur un seul personnage. Quelle belle leçon de complexité et de modernité !

Malgré tout, je me sens très à distance. Rien ne vient toucher mon affect comme si tout n’était que jeu dans lequel le spectateur serait hors du coup. D’ailleurs, alors que le public prend place au début du spectacle, les comédiens se préparent en s’injectant un liquide dans les yeux pour s’aider à pleurer. Je comprends après coup le sens de cette scène anodine. L’affect est ainsi caricaturé, mis de côté, comme si nous devions le laisser alors que nous nous installons. C’est sûrement ce que mon inconscient a fait. Mais alors, quel est donc ce théâtre ? Je n’ai toujours pas trouvé la réponse et mes affects semblent ne pas vouloir m’aider.

Pascal Bély – Le Tadorne

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EN COURS DE REFORMATAGE

Christian Ubl.

Comment le public du Pavillon Noir d'Aix en Provence peut-il applaudir à tout rompre une ?uvre aussi vide de sens ? Cela ressemble à un soutien amical envers un danseur longtemps collaborateur du chorégraphe marseillais Michel Kelemenis et qui était en résidence de création au 3bisF d'Aix en 2004/2005. Je ne fais donc pas partie du cercle.
Christian Ubl, avec « ErsatZtrip » me plonge dans un gouffre : comment écrire sur une esthétique qui ne veut rien dire ? Pour me sortir de cette impasse, je préfère revenir aux  intentions de l'auteur: « ErsatZtrip est la première pièce de groupe de Christian Ubl, inventée avec ses collaborateurs. Elle rassemble danseurs et non-danseurs, sans hiérarchie des corps, ni jugement ou interrogation sur leur présence. Pour le chorégraphe, la représentation vivante est perçue comme un ersatz de la réalité, c’est-à-dire un espace de remplacement d’une certaine esthétique vivante, où l’interprète agit comme un filtre. L’artiste analyse ainsi sa propre expérience, sachant que, par définition, l’ersatz renvoie à l’idée de copie de moindre qualité, mais comporte également des notions fortes de progrès ou d’invention. Pour cette création, l’esthétique recherchée est à la fois plastique et énergétique, et de cet amalgame se dégage parfois un personnage qui interroge la figure d’un héros que nous avons tous aspiré à être un jour ».
La scène n'est pas la réalité : soit.
L'interprète, interprète. Soit.
La réalité n'existe pas : c'est le regard que l'on porte sur elle qui fait sens. Soit.
Quant au héros imaginaire, le réduire à une figure plastique et énergétique est quelque peu réducteur si l'on en croit la psychanalyse.
Christian Ubl enfile donc de jolies perles pour masquer l'absence d'un propos intelligible et intelligent. Pendant une heure trente, j'observe un ersatz d'?uvre chorégraphique. Les symboles envahissent le plateau sans qu'ils fassent pour autant sens. Les objets sont instrumentalisés mais ne sont jamais en lien, juste posés côte à côte. La danse n'apporte jamais une métavision de la réalité : les chorégraphies s'empilent les unes sur les autres, comme plaquées. En prime à ce folklore de « la branchitude », un danseur se met à chanter et s'affranchit de trouver la note juste (pour l'esthétique, je suppose !). Les scènes métaphoriques se succèdent sans aucune articulation entre elles. Un danseur tente bien d'accompagner le propos en le reliant à notre dure réalité: les slogans scandés pendant dix minutes n'ajoutent qu'une confusion bien peu créative (« trop de consommation »  et autre « trop.. » comme autant de slogans politiques révolutionnaires). « ErsatZtrip » croit pouvoir emprunter certains symboles de la danse contemporaine issus des univers de Jan Fabre, de Jan Lauwers voire même de Roméo Castellucci. Ces « copiés- collés » font sourire : ils semblent posés par Christian Ubl pour ne produire que des effets esthétiques.
Au final, « ErsatZtrip » donne l'étrange impression de condenser, d'accumuler, de superposer, tout ce que la danse propose actuellement. Cela ne fait pas une ?uvre chorégraphique : tout au plus un joli zapping dont j'aurais perdu la télécommande.

Pascal Bély


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Christian Ubl sur le Tadorne:
Le très beau “
Klap! Klap!” présenté ne mai 2008 au 3bisF d’Aix en Provence.


 

 

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Richard Siegal, chorégraphe virtuose.

La danse me répare. Elle crée du sens, du lien. Elle me donne la force de regarder le monde à partir du mouvement et de la relation. Ce désir de danse me conduit à 19h30 au Pavillon Noir d’Aix en Provence pour assister à la chorégraphie de Richard Siegal. Pendant trente minutes, « First Draft / Opus 8 » va m’envelopper, me protéger et me suspendre. Et pourtant, je suis contraint de voir le spectacle debout, au fond du studio, car la désinvolture du Centre Chorégraphique fait asseoir les spectateurs sur des « malabars » en mousse.  En l’absence de gradins, je ne vois rien. Un dispositif bifrontal aurait été adapté, mais le personnel guindé et toujours agité se soucie-t-il du public ?
Richard Siegal est là, accompagné d’un violoncelliste (Eric-Maria Couturier, puissant par sa présence) sur une musique de Zoltan Kodaly. Le corps habite l’espace, s’incruste dans la musique, et guide les gestes du musicien. La musique devient écriture chorégraphique et Richard Siegal fait corps avec le violoncelliste. Il s’en dégage des liens rarement vus sur scène et la curiosité du public  semble ne jamais faiblir. Je découvre qu’un violoncelliste peut aussi danser, qu’un danseur peut-être envahi par une sonate. J’entends Richard Siegal prendre plaisir à ce qu’il fait (« Et hop »dit-il avec amusement) et je me surprends à le suivre comme si je ne voulais perdre aucun de ses gestes.
Je tiens toujours debout: ce fil entre eux et moi relie mon imaginaire et leur projet. Sublime.


Crédit photo: Eric Boudet. Retrouvez-le sur son site, www.eric-boudet.com

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La Lettonie bouscule nos vieilles habitudes.

J'aime quand le théâtre nous positionne autrement qu'en spectateurs passifs et qu'il bouscule notre rôle et notre regard. En attendant d'entrer dans la grande salle du Théâtre des Salins de Martigues pour « Long Life » d'Alvis Hermanis, j'ai la douce sensation que nous allons vivre un moment particulier. En effet, pour accéder à nos places, nous devons passer sur la scène et avancer dans le décor. Nous sommes dans le couloir d'un immeuble où traînent des objets d'une époque révolue, où des affiches nostalgiques décorent des murs délavés.  Je marche à pas feutrés et l'odeur d'enfermement pose le contexte d'un pays de l'Est (La Letonie) sous la tutelle de son puissant voisin russe. À la fin du parcours, sur la gauche, apparaît la salle. Je m'installe au premier rang, sur la droite. Face à moi, trois appartements qui ne sont séparés d'aucune cloison. Au spectateur d'éviter d'en mettre !
Nous sommes chez les vieux, ceux que l'on ne voit pas beaucoup, encore moins quand ils sont lettons. Ils s'éveillent, un par un. Deux couples, un célibataire. Nous allons passer une journée particulière comme dirait Ettorre Scola. Tout est suggéré, seuls les gestes parlent : la performance est extraordinaire quand on connaît la jeunesse des comédiens ! Le public affronte ces corps et aucun texte ne sert de refuge : nous n'entendrons quasiment jamais un mot de letton.

Pendant une heure trente, ces vieux nous font rire avec leurs obsessions, leurs maladresses, leur tendresse maladroite. Ils n'ont pas d'argent, mais leur créativité est leur richesse. Comment ne pas être époustouflé quand ils créent de la musique électronique avec presque rien ? Comment ne pas être subjugué de les voir créer des bougeoirs avec du plâtre et des préservatifs ? Nous rions, mais le malaise est palpable dans la salle : assistons-nous à un « loft story » théâtral ? Qui regardons-nous ? À mesure que les scènes se succèdent, je ne peux m'empêcher de me voir changer de regard sur eux : de l'indifférence, à la moquerie, à la compassion, à l'admiration face à la force vitale qu'ils dégagent. La mise en scène m'accompagne dans ce changement :   du voyeur au moqueur, de l'étonné à la colère quand arrive les images de la guerre en Irak sur leur chaîne de télévision. Et oui, nous sommes en 2006, dans un pays européen. Nous apprendrons que les retraites de ces vieux ont servi à financer l'entrée de la Lettonie dans l'Union. Alvis Hermanis nous positionne au centre, avec ces vieux, comme s'il opérait un lien de filiation. C'est ainsi que « Long Life » se niche dans nos consciences : nous serons vieux. Quel système alimentons-nous qui exclut petit à petit ce qui n'est plus productif pour répondre à notre soif de consommation ?
Je quitte le Théâtre un peu abasourdi mais heureux d'avoir rajeuni intelligemment.

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Héla Fattoumi et Eric Lamoureux enlacent.

« Superbe ! ». En quittant le Théâtre d'Arles, je ne peux contenir ma joie en adressant ce compliment au personnel d'accueil . Deux chorégraphes sont entrés dans ma vie de spectateur: Héla Fattoumi et Eric Lamoureux du Centre Chorégraphique National de Caen. Leurs noms portent la musique du métissage, du lien : « hélamoureux »?Je le suis ce soir. Sincèrement. Je viens d'assister à une heure trente d'une danse virtuose, intelligente, raffinée. Je découvre un nouveau langage et les images de leurs corps défilent dans ma tête comme une musique libératoire.
Tout commence par « Entrelacs ». Ils sont quatre danseurs et un accordéoniste. Mes jambes sont lourdes après une semaine de travail épuisante. Je doute de pouvoir tenir. Les premiers instants m'emportent et je sens qu'ils ne pourront rien y faire. Je fais un rêve éveillé. Entre conscience et apesanteur, je ne sais plus où je suis. L'accordéoniste tourne autour d'eux, eux vers lui. C'est enivrant de les voir s'articuler, se fragiliser, danser avec leur bras, oser bouger leurs doigts comme s'ils faisaient des pointes. De quatre, elles ne sont plus que deux à former des figures géométriques que la danse va arrondir. Elles sont remplacées par les deux hommes : à ce moment, l'émotion me gagne. Le danseur s'approche de l'accordéoniste pour l'enlacer : il est son instrument. Les corps deviennent les notes que la musique de leurs liens met en mouvement. Sublime.
L'entracte me permet d'apprécier le Théâtre d'Arles : c'est un havre de paix. Même le violent vent du sud de l'extérieur y trouve refuge en jouant une mélodie enveloppante qui accueille Hélà Fattoumi pour son solo, « Wasla ». Il restera dans les annales du Tadorne (et de la danse contemporaine !). Au commencement, il y a une minuscule alcôve orangée qu'un rayon de lumière fragmente. Elle danse dans ces quelques mètres carrés pour se fondre dans le décor.  Cette femme cherche la lueur émancipatrice pour échapper au pouvoir aliénant des hommes et des religions. Pas à pas, elle s'affranchit de cet espace pour venir vers nous. C'est un hymne à la liberté que seule la danse peut à ce point métaphoriser. Sa fragilité devient sa force ; la musique l'accompagne pour mieux s'effacer au moment où le corps, prêt à flancher, se remet dans un mouvement libératoire. Elle retourne dans son alcôve : elle vient de là. Un instant voilée, elle s'en libère puis, avec ses doigts, elle entame une chorégraphie sur son ventre. On imagine, on entend les griffures. Elles ouvrent enfin la voie.
La danse fera toujours trembler. Même les dictatures.


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OEUVRES MAJEURES

Pippo Delbono, metteur en scène inconscient.

Il règne une ambiance presque festive dans le Hall du Théâtre des Salins de Martigues comme si le public avait conscience d’avoir un rendez-vous amical avec le plus grand metteur en scène italien d’aujourd’hui, Pippo Delbono. Le théâtre est complet pour « Gente Di Plastica »; prêt à exploser. Moi aussi. J’ai envie ce soir de me laisser transporter, de quitter un espace pour en investir un autre, car j’ai confiance en Pippo Delbono. Je vais me lâcher tel un Tadorne posé sur un banc de sable mouvant.
Pippo est là, derrière la vitre, dans une cabine radiophonique. Son micro est rouge comme le nez d’un clown ; il tient ses papiers tel un journaliste qui hurlerait à la face du monde les nouvelles de l’humanité. Sur scène, défile la condition humaine qu’il ancre dans différents contextes (la famille normée à l’américaine, le collectif en quête d’idéaux, la société anglaise
en recherche de liens sociaux). Deux artistes habitent la pièce : Sarah Kane, écrivain britannique (qui s’est suicidée à l’âge de 28 ans) et le guitariste rock contestataire Franck Zappa. À aucun moment, nous n’entendons leurs oeuvres (les descendants de Sarah Kane l’ont interdit). La contrainte est alors une ressource : tout est métaphore, suggéré (les comédiens ne parlent pas) comme si nous devions faire nous-mêmes le lien avec ces deux artistes. Je suis alors un spectateur dont le regard devient kaléidoscopique : il y a la scène, la cabine, et Sarah Kane – Franck Zappa en metteurs en scène. Pippo Delbono nous propose son « tableau » théâtral : tout est en place pour que plusieurs niveaux s’emboîtent.
Sa palette est riche : dénoncer l’époque de l’après-guerre où la croissance économique a modélisé la famille telle une mécanique bien huilée, formaté les relations amicales à partir de faux-semblants suicidaires, marginalisé ceux qui sont différents. La succession des tableaux fait mal (à plusieurs reprises, mon coeur bat comme si j’avais peur) ; la présence du plastique (canapés et ballons) évoque l’enveloppe fragile et décomposable de l’humain. Mais au milieu de ce chaos vient se nicher quelques moments de poésie à partir d’un plastique gonflé à bloc à l’image de  ces  ballons posés sur la tête d’un anglais servant le thé pour un public hilare ; comme ce ballon dans les mains d’un homme trisomique qui joue avec le public où encore cette poupée à l’abandon, jetée à terre par un travesti exorcisant son enfance

Après une heure quarante de rêveries et de cauchemars, Pippo Delbono réussit à incarner le destin tragique de Sarah Kane et insuffler l’énergie de Franck Zappa. Il en fait des figures mythiques (quelle performance !) censées résonner dans nos histoires personnelles et collectives. J’en sors sonné, conscient d’avoir vécu en apesanteur, mais confiant dans ma capacité pour écrire sur le blog («l’inconscient fera son oeuvre »).
Ces modestes lignes visent à remercier Pipo Delbono et le public du Théâtre des Salins d’avoir fait de “ces gens de plastique” des ballons coloriés qui voyagent dans mon inconscient pour finir par se poser sur un banc de sable mouvant.

Pascal Bély – Le Tadorne

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LES EXPOSITIONS

Eric Boudet photographie la danse de l’humanité.

Eric Boudet chorégraphie la photo de danse. Au fil de ses prises de vues, cette affirmation ne se dément pas : l'exposition « Danseurs noirs contemporains » impulse un regard circulaire entre le sens et nos sens. Loin de se centrer sur une partie, il nous aide à percevoir le tout au gré de nos résonances, de notre mémoire de spectateur, de notre sentiment d'appartenance à « la terre patrie ». Plutôt que de cliver les couleurs, Éric Boudet les différencie pour mieux les relier. C'est un photographe de l'alliage. Avec lui, le blanc et le noir n'ont plus la même fonction : l'un recentre dans le cadre tel un aimant tandis que l'autre donne la force de l'envol.
Cette proposition audacieuse autorise les alchimies entre modernité et tradition, individuel et collectif, liberté et oppression, verticalité et horizontalité, corps noir et regard blanc. Éric Boudet capte tout autant le propos du chorégraphe, que le regard du spectateur : il nous les restitue comme un patrimoine de l'humanité.

A voir à Caen, du 6 au 9 décembre 2006 au Centre national chorégraphique dans le cadre du festival “Danse d’ailleurs” dédié cette année à la danse contemporaine africaine.
A voir à Paris, dans le cadre du Festival « Faits d'Hiver »
au Théâtre Artistic Athévains du 10 janvier au 8 février.

Le site d’Eric Boudet, à voir absolument!
L’article du Tadorne en mars 2006.

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Swan Lake à Mogador : les cygnes font plouf.

Aller voir Swan Lake chorégraphié par Matthew Bourne ? Avec un cygne dansé par une dizaine d’hommes ? La proposition était engageante.
Révéler son homosexualité à un jeune homme puissant et respecté par l’entremise d’un séduisant oiseau : l’interprétation du ballet classique était audacieuse.
Alors pourquoi tout gâcher en y intercalant des tableaux mimés convenus, où l’imagerie de l’Amérique des années cinquante est comme plaquée sur la musique de Tchaïkovski ?
Sans doute, pour en négatif, mettre en valeur le trouble et la beauté de ces moments où le ballet d’hommes-oiseaux vient tenter le jeune homme.
Sauf qu’on finit par attendre la venue des cygnes pour être transporté et par considérer que le reste du spectacle n’est que remplissage. Dommage que Matthew Bourne ne soit pas allé au bout de ses audaces.

Elsa Gomis.
Paris

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