Vous souvenez-vous du jour où vous avez osé pousser LA porte, celle qui mène vers l’antichambre soigneusement cachée ? Vous rappelez-vous de l’émotion qui vous a submergé à l’idée de transgresser la règle qui veut que le jeune enfant ne fouille pas dans les secrets de famille ? Plus de quarante après, me voilà à tirer de nouveau le rideau. Le Théâtre Massalia invite petits et grands à franchir la ligne où nous découvrons éberlué «le cabinet des curiosités» aménagé par le Théâtre «Tête de Pioche». À partir de vieux matériaux agricoles, Christine de Saint-André assemble différents outils pour créer des personnages et des marionnettes qui ne tiennent qu’à un fil. Par un subtil alliage de bois, de tissus et de fonte, nous voilà immergé dans un grenier qui pourrait être celui d’un théâtre où l’on aurait entreposé des décors, des projets de créations enterrés et oubliés, des idées de scénario. Mon regard se pose alors sur une statue de danseuse où sa robe de fonte, si légère, pourrait se soulever. Émouvant. Le lieu nous enveloppe parce qu’il amplifie notre tendresse.
Mais nous n’avons encore rien vu. Après un petit rituel de métal et de son (!), nos pieds déchaussés foulent un sol de sable qui caresse nos voûtes plantaires. Envoûtant. Alors que les enfants s’assoient en cercle avec leurs parents, tout un monde se dévoile peu à peu autour d’eux, tels des «fragments de vie» qui, à chaque apparition, provoque étonnement, stupeurs et tremblements. Des marionnettes, dont le corps de fonte fait de divers outils d’antan, reproduisent une vie sociale où des travailleurs à la tâche côtoient un coeur d’opéra, tandis qu’un petit train, tel un transport amoureux, encercle les enfants. L’Histoire est en marche ! Tout semble vain à l’image de ces objets fabriqués par ces drôles d’homme-serpent et pourtant, que la mécanique est belle ! On ne sait plus où donner de la tête tandis que la musique accentue notre descente dans cet enfer-paradis.
Cette « installation spectacle » d’où nous tirons les fils de nos racines, est un cri d’amour pour l’humanité. Peu à peu, me voilà fait de cette fonte là, de celle qui ne rouille jamais parce que des artistes se chargent de la polir.
Pascal Bély – www.festivalier.net
« Fragments de vie » par le Théâtre Tête de Pioche au Théâtre Massalia (Marseille) du 19 au 22 février 2011.