Les liens entre notre humanité et de nos modèles de (sur)vie tissés par « Simples mortels », roman de Philippe de la Genardière et titre de la dernière création d’Alain Timar, n’est pas un simple catalogue des catastrophes, mais un constat sur nos histoires intimes et collectives dans un monde globalisé.
Des années 80 à nos jours, Alain Timar brosse des portraits féroces de capitalistes consuméristes hédonistes (hédoniste au sens contemporain, à savoir le plaisir égoïste). Dans le no man’s land où se trouvent nos cinq formidables interprètes (Paul Camus en jeune homme sorti de l’adolescence, Yaël Elhadad onirique femme fatale, Nicolas Gèmy en trader, Roland Pichaud en costume pour poursuivre la fête (sic), Claire Ruppli en bourgeoise proche de la crise de nerfs), tout est chaos, poussière et délabrement à l’image de leurs pensées et de leurs corps. Bien qu’en façade, tous soient proprets, la montée du consumérisme et du capitalisme sauvage en a fait des êtres avides du néant.
Ici, la complaisance se réduit au décor apocalyptique. Seul dans un même et unique paysage, chacun trouve sa force pour continuer à avancer. Il faut du courage pour tomber amoureux de la femme en rouge malgré les années SIDA, pour échapper de son bureau et voir s’effondrer les tours du World Trade Center, pour s’apercevoir du vide de son existence et se frayer un chemin dans ce monde globalisant.
Adoptant des postures tragédiennes, le jeu des comédiens déroute et nous met en touche. Il paraît dépassé, voire « ampoulé », mais illustre notre tragédie contemporaine, celle de ne plus savoir donner de sens aux actes et d’être perdus en chemin. La perpétuelle gestuelle finit par étinceler et éclairer la mise en scène. Elle accompagne les mots à leur juste valeur.
Depuis, je ne cesse de penser à ces belles images offertes. Me voilà coquelicot à l’image de l’affiche du spectacle : un être fragile au milieu des décombres de notre société, mais prêt à créer un monde nouveau.
Laurent Bourbousson – www.festivalier.net
« Simples mortels » création 2010 – Alain TIMAR a été joué au Théâtre des Halles, du 8 au 27 juillet, à 14h00.
Crédit photo: Manuel Pascual