Montpellier. Ville inaccessible en cette journée de départ en vacances. Il nous a fallu trois heures pour atteindre la cité Gély où une chapelle trône au coeur de ce quartier populaire. Le contraste entre le centre ancien flamboyant, les nouveaux immeubles surgissant de terre pour accueillir les arrivants et cet îlot est saisissant. Tel un sanctuaire de la danse, nous entrons pour découvrir la dernière création de Mathilde Monnier, « City Maquette », interprétée par 60 amateurs répartis en plusieurs groupes (enfants de sept à huit ans, adolescents en cours de formation au conservatoire de danse, adultes pratiquant les arts martiaux, seniors). Cette diversité donne l’opportunité à Mathilde Monnier de nous délivrer sa vision du corps social comme moteur de la dynamique de l’espace urbain. La musique d’Heiner Goebbels (extraits de l’opéra « Surrogate cities ») et la scénographie d’Anne Tolleter accompagnent cet opus souvent lent, rigide et sans perspectives notables.
Pourtant, tout commence par un délicieux maillage. Alors que les adultes, tels des professeurs, dessinent sur le sol noir des lignes brisées, les enfants débarquent et font avec leur craie de bien jolis tourbillons. Le territoire, ainsi fluidifié, aurait pu accueillir une danse de courbes et de liens, de traversées chaotiques articulées à des lignes droites. Mais rien de tout cela.
Nos enfants (quasiment tous blancs !) reviennent avec un nouveau matériel, composé de boîtes et de cartons empruntés à notre société de consommation. Ils les posent, les rangent puis les déposent à nouveau. Certes, c’est une maquette, mais encore ? C’est de la scénographie et rien de plus à l’image des architectes de nos villes qui plantent leurs bâtiments déjà vieux, sans place, ni fontaine, mais avec des cases bien gardées. Nous les reverrons à plusieurs reprises, danser par petits groupes devant un écran vidéo. Leur chorégraphie est un langage d’adultes plaqué, projection de metteurs en scène et chorégraphes qui font jouer aux enfants ce qu’ils ne peuvent pas dire. Le procédé est contestable. Décidément, nos villes ne sont pas pensées pour les enfants. Était-ce dans l’intention de Mathilde Monnier de nous proposer un tel aveu d’échec jusqu’à provoquer l’assoupissement des quelques gosses présent dans le public ?
Pendant plus d’une heure, nous passons de génération en génération comme si l’humain dans toute sa complexité se réduisait à son âge, à une pratique (ici, d’ennuyeux mouvements d’arts martiaux, là une danse de salon avec des séniors). Comme si le corps social pouvait se résumer à ce qu’il produit (ah, le fameux modèle producteur – consommateur si cher à notre époque moderne !) et non à ce qu’il relie (approche du développement durable). Mathilde Monnier reproduit la vision véhiculée par les centres sociaux. Soit. Sauf qu’ici, la ville ainsi représentée, n’est qu’une succession d’approches verticales descendantes. « City maquette » est déjà usée. Pourtant, un moment majestueux est prometteur : des jeunes danseurs, à terre sur une grande feuille blanche, en duo, dessinent des courbes au crayon noir qu’ils enroulent par la suite pour danser tout autour. La vision est fluide à l’image d’un lien social qui se co-construit. Une très belle respiration.
Le final, censé offrir une abstraction décloisonnée, tourne en rond : le lien a besoin d’un espace circulaire que la scénographie empêche. À quelques minutes de la fin, alors que la porte de la Chapelle Gély s’ouvre, une odeur de barbecue nous stimule. J’ai rêvé de voir débarquer les habitants du quartier pour nous sortir de notre léthargie. Même pas. À la sortie, profitant de l’opportunité, quelques-uns nous proposent, pour trois euros, des merguez.
Producteur- consommateur.
Eux-nous.
Cette danse, au coeur de cette cité, n’y change rien.
Pascal Bély- Le Tadorne
“City maquette” de Mathilde Monnier a été joué les 27 et 28 juin dans le cadre du Festival Montpellier Danse.
Photo: Marc Coudrais.