À la sortie, Éric, spectateur, s’exclame : « il se passe enfin quelque chose au off ! ». Le débat s’engage sur le trottoir du Théâtre des Hivernales. Manifestement, le chorégraphe Christophe Haleb avec « Domestic Flight » remplit sa fonction, celle d’interpeller chacun d’entre nous sur sa posture, son identité. Ce soir, la distinction entre « off » et « in » éclate tant le travail de ce collectif est remarquable.
Ils sont cinq à déambuler sur cette scène chaotique, sorte de foutoir de nos représentations sur le « genre ». À peine arrivé, l’un des acteurs regarde le spectateur retardataire d’un air réprobateur. Il enlève son jeans, marche en caleçon avec ses talons aiguilles puis enfile une robe. En quelques minutes, il s’est transformé en Émeline, pressant délicatement quelques oranges. Le ton est donné : prière d’être à l’heure et de laisser à l’entrée ses clichés !
Ils sont cinq à déambuler sur cette scène chaotique, sorte de foutoir de nos représentations sur le « genre ». À peine arrivé, l’un des acteurs regarde le spectateur retardataire d’un air réprobateur. Il enlève son jeans, marche en caleçon avec ses talons aiguilles puis enfile une robe. En quelques minutes, il s’est transformé en Émeline, pressant délicatement quelques oranges. Le ton est donné : prière d’être à l’heure et de laisser à l’entrée ses clichés !
Comment s’y retrouver, en 2008, sur les codes qui définissent l’homme et la femme ? Les clivages et les cases ne résistent plus à la complexité des situations individuelles et collectives. Rien de tel qu’une conférence pour accompagner dans un premier temps le spectateur à y voir plus clair avec gros feutres de couleurs pour appuyer là où ça titille, immense tableau blanc, pour professeur d’un « genre » particulier, incarné par Arnaud Saury, acteur magnifique. A l’issue de cette explication magistrale, drôle, juste, convaincante, plus rien du « sexe bon », « pas bien », « acceptable », « pas acceptable », du «moins », au « plus », ne vous est étranger. Cette introduction déconstruit d’autant plus nos schémas, que la scène fait l’objet d’étranges mouvements humains : nos clichés circulent, notre animalité, nos fantômes, et nos peurs aussi.
Des mots au corps, il n’y a qu’une frontière poreuse que Christophe Haleb et sa troupe franchissent avec brio pour nous aider à sortir du clivage masculin – féminin et entrevoir le « genre » dans toute sa complexité, à partir d’un intérieur domestique où nous exprimons (le plus souvent à l’abri des regards), nos pratiques culturelles et sociales, celles qui transcendent les identités sexuelles. Les danseurs font alors corps avec le décor pour s’offrir différents espaces sociaux où le corps « traversé » peut communiquer. Ils jouent avec les gestes de la « mère » pour les réintroduire dans le quotidien ; ils zooment, telle une focale, sur un mouvement, une posture prise ici et là dans le champ social pour lui donner un sens plus large que leur seule acceptation féminine ou masculine. «Domestic Flight» s’attaque à notre société marketée qui manie les identités pour mieux les enfermer dans des codes publicitaires censés faire sens politiquement.
Quand Christophe Haleb joue avec le travestissement, il s’amuse de nous et je finis par comprendre que c’est notre regard qui travestit.
Quand il provoque un rapprochement des corps (touchante séance où trois hommes se massent), je comprends que ce n’est ni masculin, ni féminin : juste humain, tendre et beau alors que notre société transforme notre peau en carapace.
Quand il génère la confusion entre nudité et vêtements, c’est pour mieux nous interpeller sur la proximité de plus en forte entre sphères intime et publique (il n’y a qu’à voir les jeunes hommes et femmes arborer des sous-vêtements débordant du privé vers le sociétal).
Je pourrais expliquer encore et encore les richesses de ce spectacle atypique quitte à faire une conférence pour programmateurs culturels souvent frileux dès que l’on aborde le « genre » !
« Domestic flight » est un théâtre politique à l’articulation de l’intime et du sociétal (à l’image du “Faune(s)” d’Olivier Dubois présenté au « In »). C’est une scène où chacun peut se projeter pour porter dans l’espace public certaines questions qui ne trouvent toujours pas d’écho dans une société de plus en plus puritaine.
Avec Christophe Haleb, non seulement nous sommes un peu plus intelligents, mais nous progressons à nous voir moins clivés.
Et l’on finit par trouver que, sur le trottoir, nous ne sommes pas mal dans le genre.
Des mots au corps, il n’y a qu’une frontière poreuse que Christophe Haleb et sa troupe franchissent avec brio pour nous aider à sortir du clivage masculin – féminin et entrevoir le « genre » dans toute sa complexité, à partir d’un intérieur domestique où nous exprimons (le plus souvent à l’abri des regards), nos pratiques culturelles et sociales, celles qui transcendent les identités sexuelles. Les danseurs font alors corps avec le décor pour s’offrir différents espaces sociaux où le corps « traversé » peut communiquer. Ils jouent avec les gestes de la « mère » pour les réintroduire dans le quotidien ; ils zooment, telle une focale, sur un mouvement, une posture prise ici et là dans le champ social pour lui donner un sens plus large que leur seule acceptation féminine ou masculine. «Domestic Flight» s’attaque à notre société marketée qui manie les identités pour mieux les enfermer dans des codes publicitaires censés faire sens politiquement.
Quand Christophe Haleb joue avec le travestissement, il s’amuse de nous et je finis par comprendre que c’est notre regard qui travestit.
Quand il provoque un rapprochement des corps (touchante séance où trois hommes se massent), je comprends que ce n’est ni masculin, ni féminin : juste humain, tendre et beau alors que notre société transforme notre peau en carapace.
Quand il génère la confusion entre nudité et vêtements, c’est pour mieux nous interpeller sur la proximité de plus en forte entre sphères intime et publique (il n’y a qu’à voir les jeunes hommes et femmes arborer des sous-vêtements débordant du privé vers le sociétal).
Je pourrais expliquer encore et encore les richesses de ce spectacle atypique quitte à faire une conférence pour programmateurs culturels souvent frileux dès que l’on aborde le « genre » !
« Domestic flight » est un théâtre politique à l’articulation de l’intime et du sociétal (à l’image du “Faune(s)” d’Olivier Dubois présenté au « In »). C’est une scène où chacun peut se projeter pour porter dans l’espace public certaines questions qui ne trouvent toujours pas d’écho dans une société de plus en plus puritaine.
Avec Christophe Haleb, non seulement nous sommes un peu plus intelligents, mais nous progressons à nous voir moins clivés.
Et l’on finit par trouver que, sur le trottoir, nous ne sommes pas mal dans le genre.
Pascal Bély
www.festivalier.net
« Domestic Flight» de la Zouze, compagnie Chistophe Haleb est joué jusqu’au 26 juillet au Théâtre des Hivernales d’Avignon.
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« Domestic Flight» de la Zouze, compagnie Chistophe Haleb est joué jusqu’au 26 juillet au Théâtre des Hivernales d’Avignon.