Le KunstenFestivalDesArts offre à Aydin Teker, chorégraphe d’Istanbul, l’un des plus beaux lieux culturels de Bruxelles, « Les Brigittines », vieille église transformée en salle de spectacle. Mais cet espace surprenant où passé et présent s’accolent ne peut sauver « Hars », rencontre entre une harpe et une danseuse, pièce décidément trop décalée avec le projet du Festival « au sein duquel des artistes partagent leur vision personnelle du monde avec des spectateurs prêts à remettre en question et élargir leur champ de perspectives ».
Il faut attendre les dernières minutes pour ressentir la poésie d’une telle union (prévisible), lorsque l’artiste entre dans l’instrument. La voilà sirène et nous naviguons avec elle en mer instable. Tout aurait pu d’ailleurs commencer ainsi. Mais pour en arriver là, la danseuse (et harpiste) Ayse Orhon prend possession de l’objet, non pour y créer un espace de créativité, mais pour s’y imposer par la force. Elle en oublie qu’elle danse avec un instrument jusqu’à jouer quelques games approximatives qui se noient dans une partition non écrite pour elles. Etonant. C’est conceptuel, dénudé, froid et pour dire dépassé alors qu’à notre époque, les objets perdent dans l’espace artistique, leurs propriétés fonctionnelles. Ce n’est pas tant le lien mécanique entre la harpe et l’artiste qui nous intéresserait que la compréhension d’un tel processus. Que se joue-t-il quand l’homme entre en symbiose avec l’objet ? Et si la harpe était métaphore du portable, de l’Ipod, autant d’objets « fusionnels » ? À aucun moment, « Hars » ne donne des clefs, mais se contente d’un espace où le vivant domine la matière.
À l’heure où l’objet s’inscrit dans des interstices dématérialisées, le Kunsten aurait pu nous offrir un spectacle pour comprendre les ressorts de ces nouveaux attachements. Au lieu de cela, nous en sommes restés à la femme – objet.
Déroutant.
Pascal Bély – www.festivalier.net
?????? “Hars” de Haydin Teker a été joué le 11 mai dans le cadre du KunstenFestivalDesArts de Bruxelles.