Ils se sont donc emparés de notre époque pour nous en offrir une lecture décalée, parfois drôle, souvent émouvante.
Ariane Mouchnkine a fait l'événement l'été dernier au Festival d'Avignon, avec « Les éphémères ». Plus de six heures trente d'un voyage au c?ur d'un lien social, de plus en plus invisible médiatiquement, mais mis en lumière par le Théâtre du Soleil avec poésie. Sans aucun doute, le spectacle le plus authentique, car le plus résonant. Inoubliable (voir photo).
D'autres créateurs ont décrit notre époque avec des angles inattendus, telle Éléonore Weber qui s'est penché avec tact sur les sombres humeurs des trentenaires avec « Rendre une vie vivable n'a rien d'une question vaine » ou Galin Stoev avec « Genèse nº 2 » posant la question du religieux avec une belle insolence. Quant au chorégraphe Alain Buffard, « Not a love song » résonne particulièrement en ces temps de peopolisation de la vie publique. Bien vu ! Quant à Aurélien Bory et Pierre Rigal, ils nous ont offert un regard décalé et intelligent sur le football, sport omniprésent médiatiquement, mais subitement vulnérable avec « Arrêts de jeu ». Bien joué !
Notre époque invente peu dès qu'il s'agit des jeux de pouvoir. François Rancillac l'a subtilement restitué avec la pièce de Jean-Luc Lagarce, « Retour à la citadelle ». Moments inoubliables où fonctionnaires et politiques jouent les mêmes jeux, mais dans une « cour » différente ! Le pouvoir fut d'ailleurs au c?ur de « l'acte inconnu » de Valère Novarina joué dans le Cour d'Honneur au Festival d'Avignon. Scènes d'anthologie où les mots déconstruits célèbrent le pouvoir du théâtre sur l'éphémère rationalité de la culture médiatique. Jubilatoire !
Les mots peuvent tuer surtout s'ils sont mis en mouvement par les chorégraphes et performeuses Brigitte Seth et Roser Montllo ! En s'inspirant des textes de Max Aub sur le crime dans « Epilogos, confessions sans importance » , elles ont traduit le climat quelque peu délétère d'une époque ou tuer serait peut-être l'une des activités les plus répandues?Le metteur en scène allemand Thomas Ostermeier avec « Hedda Galbler », roman du norvégien Henrik Isben écrit en 1870, a subtilement adapté cette tragédie où la concurrence entre les acteurs trouve une résonance particulière dans nos sociétés où le culte du chacun-pour-soi envahit la sphère politique, économique et sociale.
Mais la chorégraphe sud-africaine Robyn Orlin est revenue en France pour nous rappeler la fragilité de nos sociétés tant que le sida continuera à décimer l'Afrique. Lors de Montpellier Danse, elle engagea avec le public, un marathon chorégraphique pour réveiller notre attention sur l'épidémie. Sid'amour à mort.
Pascal Bély
www.festivalier.net
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1- Théâtre du Soleil. “Les Ephémères“. Festival d’Avignon. France / Théâtre.
2- Alain Buffard. «Not a love song ». Montpellier Danse. France / Théâtre ? Danse.
3- François Rancillac. « Retour à la citadelle ». Théâtre de Cavaillon. France / Théâtre.
4- Thomas Ostermeier. « Hedda Gabler ». Théâtre de la Criée de Marseille. Allemagne / Théâtre.
5- Valère Novarina. « L'acte inconnu ». Festival d’Avignon. France/ Théâtre.
6- Brigitte Seth et Roser Montllo. « Epilogos, confessions sans importance ». Festival Faits d'Hiver. France / Théâtre ? Danse.
7- Robyn Orlin. « We must eat our suckers with the wrappers on? ». Montpellier Danse. Afrique du Sud / Théâtre ? Danse.
8- Pierre Rigal et Aurélien Bory. « Arrêts de jeu ». Festival de Marseille. France / Danse.
9- Galin Stoev. « Genèse n°2 ». Festival d'Avignon. Belgique / Théâtre.
10- Eléonore Weber. « Rendre une vie vivable n'a rien d'une question vaine ». Festival d'Avignon. France / Théâtre.