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EN COURS DE REFORMATAGE

Fraise déboire.

Cela n'aura duré que dix minutes. Un temps précieux volé au tumulte électoral. Une parenthèse avant la déferlante médiatique des journaux télévisés sur l'attaque sarkozyste portée à mai 68. C'est dans le quartier métissé de la Porte d'Aix à Marseille, en ce dimanche d'avril, au c?ur de l'après-midi. C'est une performance proposée par Paulo Guerreiro, comme une invitation à se laisser surprendre. « Peeping me » se joue à « la compagnie ». Dix minutes pour donner du sens à ce dimanche d'entre deux tours.

Un homme me fait asseoir dans une salle d'attente où neuf « spectateurs » comptent le temps. Certains parlent, d'autres baillent. Je pense, je réfléchis à mon pays, à la culture. Vingt minutes s'écoulent avant qu'une femme m'invite à entrer dans un couloir tapissé de rouge. À cet instant précis, je suis seul et je file droit pour me retrouver dans une autre pièce. Une spectatrice me guide pour revenir d'où je viens (« mais vous allez trop vite ! »). Me revoilà au point de départ. J'observe et je remarque une nouvelle entrée. J'y vais. Je plonge mes mains dans l'inconnu, comme si j'aidais l'enfant à (re)naître. J'ai peur, mais je me laisse aller. C'est beau, agréable, touchant, érotique, rugueux, lisse. Tout coule de source. Mes mains dansent. Je revis, je renais. J'oublie tout. Et puis, soudain : le vide. Je ne sens plus rien. Presque abandonné. Je n'ose plus bouger comme si j'étais dans l'incapacité d'impulser le mouvement. Ma conscience reprend l'avantage, ma rationalité aussi. Je me retire, apeuré. Tout cela va trop vite, je quitte la pièce, les mains rouges d'un lubrifiant au goût de fraise. Les premiers regrets m'envahissent (pourquoi suis-je parti si tôt ?) et mon corps devient lourd. J'arpente les rues animées de Marseille en pensant à celui qui a osé danser avec une partie de moi.. Trop fatigué, trop préoccupé, je n'ai pas pu devenir l'artiste de ce mouvement manquant. La performance était là, dans la création de ce lien, avec un artiste inconnu, si près, si loin. Dix minutes de fraternité, où l'art s'invite au plus profond de notre intimité. Dix minutes de communication qu'aucun dialogue social ne pourra remplacer. Dix minutes où nos mains tissent avec humilité ce lien que certains ne tarderont pas à vouloir nous enlever.

 

Paulo Guerreiro, revenez ! Nous allons avoir besoin de votre audace pour poser sur nos mains, le fluide apaisant vers nos pensées torturées.

Pascal Bély
www.festivalier.net

?????? “Peeping me” de Paulo Guerreiro a été joué le 29 avril 2007 à “la compagnie” (Marseille).

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