Hamid Ben Mahi est un danseur de hip – hop. Né en 1973, il a vécu pendant dix ans dans la cité des Aubiers à Bordeaux. Associé au metteur en scène Guy Alloucherie, il nous propose, à partir de sa vie, une tranche d’histoire contemporaine. Sur la petite scène de la Chapelle des Pénitents Blancs, un écran vidéo trône au milieu d’un mobilier des années soixante-dix. Je reconnais certains meubles de mon enfance et je ressens d’emblée une proximité avec cet artiste issu de la classe ouvrière. Il nous parle de sa vie, de son voyage en Algérie avec Guy Alloucherie pour revoir son père qu’il n’a pas vu depuis plus de vingt ans. Il danse sa rage, sa soif de rechercher le fin mot de l’histoire (pourquoi ses parents sont-ils venus en France ?). Il ponctue son cheminement de faits racistes dont sa famille et lui-même ont été les victimes. « Faut qu’on parle !» entre de plein fouet avec le contexte actuel, où la France a l’image d’un pays raciste, bien loin de la patrie des droits de l’homme qu’elle s’évertue encore à faire croire.
C’est une pièce émouvante car je connais la valeur d’une parole qui se libère. Pour toute une génération d’enfants d’immigrés, cette parole résonne peu ou violemment et nous avons du mal à reconnaître notre rôle dans cette histoire complexe. On sous-estime dans ce pays les pathologies issues de ce déni (Ben Mahi les évoque dans son spectacle). Il nous donne une leçon de psychologie clinique : nier l’autre dans son existence revient à le positionner comme un objet. En reliant sa danse au théâtre, Hamid Bel Mahi devient sujet. Il s’expose. Être danseur de hip – hop ne suffisait peut-être plus. Face à nous, le comédien naît au même titre que le sujet.
En s’associant avec Guy Alloucherie, cette démarche artistique dépasse le témoignage : en effet, il s’agit de nous interpeller, de nous toucher. Cette parole libère tout autant le danseur que nous-mêmes. De l’entendre, je me sens dégagé d’un poids, prêt à écouter l’Histoire, leurs histoires. Malgré tout, le fait que cette pièce soit jouée dans le plus petit lieu du Festival n’est pas sans poser question : cela ne métaphorise-t-il pas la place du Hip – Hop dans la culture Française, l’enfermement du théâtre social qui dénonce plus qu’il ne propose, et la timidité d’un Festival qui a du mal à introspecter la société Française ?
Magré tout, je quitte la Chapelle des Penitents blancs, ému, touché. Je sais que nos histoires sont liées, que cet homme a de l’avenir. « Faut qu’on parle ! » crée du lien. Ce n’est pas si mal dans une société que certains voudraient cloisonnée pour mieux la contrôler.
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"Rouge décanté" de Guy Cassiers.
"Faut qu’on parle!" d’Hamid Ben Mahi et Guy Alloucherie, "Sizwe Banzi est mort" de Peter Brook, "Récits de juin" de Pippo Delbono et "Pour tout l’or du monde" d’Olivier Dubois.
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"Les marchands" de Joël Pommerat.
"Chaise", "Si ce n’est toi" et "Le numéro d’équilibre" d’Edward Bond.
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