CET ARTICLE A ETE ECRIT LE 10 AOÛT 2005.
Avec « Danse à Aix », j’ai une histoire quelque peu particulière. Je suis arrivé à Aix en Provence en 1997 et ce festival a été ma première immersion dans la vie culturelle de la ville. Je venais d’Orange, ville dirigée par le Front National, et les manifestations d’opéra et de danse de l’été 1997 étaient pour moi un bain de jouvence…démocratique ! C’est à « Danse à Aix » que je vis pour la première fois un spectacle de danse (Angelin Preljocaj puis Daniel Larrieu…excusez du peu !). C’est ce festival qui a fait ma culture chorégraphique pour me guider plus tard vers « Les Hivernales d’Avignon », vers « Montpellier Danse » et surtout vers les spectacles de danse du Festival d’Avignon. Ce rappel est important car il situe le contexte du bilan de l’édition 2005 dans une perspective historique.
Autant le dire tout net, l’édition 2005 est la plus mauvaise depuis 1997. L’esprit du Festival s’est éloigné ; le public a déserté de nombreuses soirées au Parc Jourdan et la qualité artistique des propositions a souvent fait défaut.
L’absence de projet global.
Je n’arrive pas à cerner la ligne directrice, le projet global de ce festival. Certains me rétorqueront que le principal est de présenter des spectacles variés, qui plaisent au plus grand nombre ! Sans cette ligne, sans le projet, le spectateur compare, oppose, là où il faudrait relier et mettre en perspectives. Le projet guide le spectateur ; il l’aide parfois à comprendre quand le propos est difficile ou quand les résonances personnelles sont fortes.
Comment comprendre le projet de « Danse à Aix » quand cohabite le raffiné « Steak House » de Gilles Jobin avec l’artillerie lourde de Josette Baiz et la vulgarité chorégraphique de Nathalie Pernette ? A elle seule, la différence ne fait pas lien ! Comment relier les belles « Aphorismes géométriques » de Michel Kelemenis avec l’affligeant spectacle de cabaret «Ca sent l’humain » de Roser Montlo Guberna et Brigitte Seth ? Comment relier quand, dans la même soirée, cohabite le bouleversant « Welcome to bienvenue » de Xavier Lot et « L’ADAMI Académy » ?Les slogans publicitaires vide de sens (« Savoir Danser Fort » pour l’édition 2005) ne sauraient masquer l’absence de projet global.
Un festival replié sur lui – même, enfermé dans des schémas répétitifs de programmation.
Peu de festivals sont aujourd’hui aux mains d’une seule personne. En effet, face à la complexité des propositions artistiques, seule une équipe est en capacité de travailler un projet dans sa globalité. « Avignon » est dirigé par un trio, « Les Hivernales » par une équipe inscrite en réseau dans un projet européen,…A Aix,
Patrice Poyet dirige seul et nous présente chaque année ses goûts personnels. Soit. Ainsi nous retrouvons depuis 2002 des chorégraphes sensibles à la culture gay (Horta cette année, Faizal Zeghoudi en 2004), à l’esprit « Cabaret » (Berrettini en 2004, Roser Montlo Gubernaen en 2005) ; nous retrouvons l’incontournable Josette BaÏz, et les chorégraphes régionaux amis du Directeur, souvent dépourvus d’un propos porteur de sens. En 2005, nous avons eu droit à deux spectacles à l’esprit identique et aux performances artistiques plus que douteuses (Nathalie Pernette et Roser Montlo Gubernaen). La danse "cabaret" est-elle à ce point en vogue pour qu’elle ait une telle place? Je ne reconnais pas dans cette programmation la vivacité de la création en France et en Europe (cf. la programmation des "Hivernanes" en Avignon et du "KunstenFESTIVALdesarts" à Bruxelles).
Au final, le festival semble replié sur lui-même, destiné aux amis des amis. Il suffisait de voir le public pour « Talents Danse » ou les « Aphorismes géométriques » de Michel Kéléménis: tout le monde semblait se connaître ! Dès lors, comment ne pas s’étonner de la désertion de la presse nationale qui a manifestement préféré aller voir ailleurs après les tous premiers spectacles (Robyn Orlin et Nadj chez Baë). Il faut ajouter que pour la première fois,
Patrice Poyet était présent dans une des créations (« Journal d’inquiétude » de Thierry Baë) ; il n’a jamais hésité chaque soir à monter sur scène pour nous présenter le programme de la veille, et du lendemain (quelle valeur ajoutée pouvait bien apporter ces informations si ce n’est de masquer l’absence d’un projet fort…il fallait bien occuper le terrain…)
Un festival à la pédagogie absente.
Pour la première fois, je n’ai pas pu conseiller à mes amis néophytes un spectacle de l’édition 2005. Cela me semblait révélateur d’une absence de projet pédagogique. Josette Baïz ne pouvait servir à elle seule d’alibi ! A titre d’exemple, j’ai pu faire découvrir la danse à un ami grâce à « La Chambre d’Isabella » de Jan Lauwers au Festival de Marseille.
Il faut retrouver ce lien pédagogique et sortir des effets de modes enfermants qui n’alimentent que leurs auteurs et leurs quelques admirateurs.
Un festival en baisse de moyens.
La baisse des moyens était palpable cette année. De trois représentations à l’Archevêché en 2004, nous n’avons eu droit en 2005 qu’au très consensuel « Ballet du Grand théâtre de Genève ». Deux jours plus tard, le Ballet Preljocaj s’isolait en programmant « Near Life Expérience » en dehors du Festival, alors que sa nouvelle création "Les 4 saisons" etait programmée à Châteauvallon et à "Montpellier Danse"…Cherchez la cohérence!
Le partenariat avec l’ADAMI a permis de maintenir, faute de moyens, une programmation sur le papier, bien pauvre en propositions innovantes quand elle n’a pas frôlée l’imposture.
En dernier lieu, il faut ajouter les conditions de confort déplorables du Parc Jourdan où le public a du s’asseoir sur de nombreuses chaises cassées, se contorsionner le cou au Château de Trets en l’absence de gradin et recevoir en prime au cours du spectacle, des charmants cailloux envoyés par les habitants de ce village (qui le restera pour longtemps!)
J’ai découvert grâce à « Danse à Aix » un beau chorégraphe (Michel Keleménis) et un etonnant danseur (Bienvenue Bazié). C’est insuffisant pour sauver l’ensemble de la programmation.
Une autre orientation devra être prise l’an prochain pour la 30ème édition en partenariat avec les Ballets Preljocaj et en réseau avec les compagnies et festivals européens.
Faute de quoi, les festivaliers pourraient faire quelques perturbations chorégraphiques.
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