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LA VIE DU BLOG

En 2010, des artistes contre. Tout contre.

2010, année troublée, troublante: crise sociale, perte des valeurs, corruption au plus haut niveau de l’État, imbécillité médiatique. La liste est trop longue pour énumérer ce qui nous a plongés dans un abîme de médiocrité. Les artistes ont répondu présents pour décrire, dénoncer, parfois proposer. Ils ont mis en scène notre décadence, celle d’une civilisation qui maltraite. Petite sélection sur  les 140 spectacles vus en 2010…

Maguy Marin /  “Salves / Biennale de la danse de Lyon  
Hofesh Shechter / “Political Mother” / Biennale de la danse de Lyon 
Alain Buffard / « Tout va bien »/ Théâtre de Nîmes. 
Julie Kretzschmar et Guillaume Quiquerez / “Terra Cognita” /Bancs Publics à Marseille. 
Viviana Moin, Arnaud Saury et Laure Mathis/ “Espiral“/ Festival Dansem. 
Thierry Bordereau / « La grammaire des mammifères » / Théâtre des Ateliers à Lyon. 
Grand Magasin / « Les déplacements du problème » / Scène Nationale de Cavaillon. 
Ivana MüllerWhile we were holding it together » / Festival Actoral avec Marseille Objectif Danse. 
Franz Xaver Kroetz / “Negerin” / Théâtre de la Ville à Valence.
Daniel Veronese / “El desarrollo de la civilizacion venidera” / KunstenfestivaldesArts de Bruxelles.
Claudio Tolcachir / « El Viento en un violin » / Festival d’Automne, Paris
La chorégraphe Maguy Marin est toujours là, constante dans sa démarche sans rien concéder pour guider notre réflexion: avec «Salves», c’est bien notre lien à la culture qui se distant à force de consumérisme et de négationnisme. Comme si ces deux mots finissaient par se lier. Il y a donc urgence à faire oeuvre de pédagogie quitte à se répéter. Qu’importe.  Il faut continuer à démontrer les processus d’embrigadement et d’asservissement du pouvoir: les chorégraphes Hofesh Shechter  avec “Political Mother” et Alain Buffard avec «Tout va bien» s’y sont essayés avec succès à partir du « corps » groupal qui maltraite le corps intime.
Dans «La grammaire des mammifères», Thierry Bordereau a dénoncé, non sans humour, qu’à force de traiter collectivement l’humain avec désinvolture, nous finirons par nous rapprocher du porc. Est-ce donc cela, notre «identité», promue avec tant de cynisme par la classe politique dirigeante? Elle est bien plus complexe comme l’a démontré avec talent le duo Julie Kretzschmar et Guillaume Quiquerez  dans “Terra Cognita”. Programmée à Marseille (et pourquoi pas ailleurs?), cette oeuvre  a interrogé  l’identité à partir du «et» et non du «ou». Percutant.
Mais l’identité, se nourrit aussi du sens des mots, profondément maltraité par la société consumériste relayée par le pouvoir Sarkozyste toujours aussi talentueux pour insulter l’intelligence. Avec «Les déplacements du problème»,  le collectif Grand Magasin a démontré avec créativité que les stratégies de communication sont des armes de destruction massive de la pensée. Face au désastre, Viviana Moin, Arnaud Saury et Laure Mathis dans «Espiral» en ont appelé au mythe pour que le processus de création ait encore une fonction dans un environnement où le temps de l’immédiateté prend le pouvoir. La chorégraphe Ivana Müller avec «While we were holding it together» a  préféré de son côté déconstruire les codes de la danse contemporaine pour mettre le spectateur en situation de créer le mouvement, donc du sens.
Mais cette crise es
t aussi et surtout sociale. Il n’y a que les Belges et les Argentins pour savoir porter sur scène ce que les Français conceptualisent!  Dans “Negerin“, Franz Xaver Kroetz a planté le décor d ‘un couple qui « sauvageonne » le corps pour se sortir de là. Dans “El desarrollo de la civilizacion venideraDaniel Veronese a remis au goût du jour,  “la maison de poupée» d’Henrk Ibsen: le pouvoir bancaire y casse le lien social et amoureux.Dans «El Viento en un violin», Claudio Tolcachir a mis en scène la perte totale des valeurs qui engendre celle des statuts.
Merci donc à ces artistes clairvoyants et courageux. Leur créativité, donc la nôtre, sera notre ressource pour nous sortir de là et les faire partir.  Nous avons 2011 pour nous y préparer.
Pascal Bély, www.festivalier.net.