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Avant le Festival d’Avignon, Boris Charmatz prépare sa (ré)création.

Le danseur chorégraphe Boris Charmatz avait rêvé d’un spectacle qui n’en serait pas un, qui serait une sculpture, une pièce méditative. Pas d’heure de commencement à laquelle impérativement gagner son fauteuil, plutôt un «monstre», disponible au regard pendant une durée donnée. Une compagnie éphémère de 30 danseurs pour une forme inédite de «chorégraphie immobile». Le tout sous l’égide de Roland Barthes pour qui le neutre est vu comme le «désir de la levée des conflits».

Mais…, Jacques à dit : un…, deux…, trois…,  vingt quatre…, soleil…

C’est comme un grand jeu d’enfant pour nous dire seul et ensemble.
Comme un coloriage en 24 corps pour nous offrir un dessin vivant.
Comme un happening de créativités individuelles pour former un corps social.
Comme un idéal participatif où l’un plus les autres, en co-apprenant, constituent un tout et où, si l’un manque, le sens s’appauvrit.
Comme une utopie d’amour enfantine qui fait que l’on est prêt à aller jusqu’à l’épuisement pour être de la partie improvisée sur la cour…
Comme un « rêve » que l’on « oublie » en devenant « grand »…
Comme un peut être compatible avec deux et plus, sans combat, dans le projet d’une réalisation qui tient du désir à vouloir créer, co-créer, un espace collectif qui ne prend pleinement sens que dans l’addition.

Boris Charmatz et ses compagnons de jeu nous offrent, en ces temps de colère, une vision ouverte où se projeter dans un être ensemble créatif. On aimerait alors monter sur la scène pour participer au tableau hypnotique et caresser la confirmation que l’on est moins sans l’autre, et inversement.
S’il a créé, comme il le dit, un « trou de danse », ce serait pour y glisser nos imaginaires « utopistes » ; mais aussi pour y laisser entrer, par les courtes phrases que chacun amène, les univers de multiples chorégraphes habitant l’histoire individuelle des corps en mouvement. En ce sens, c’est autant  au Roland Barthes de «Fragments du discours amoureux» qu’à celui de «Le neutre» ou «Comment vivre ensemble» que le propos me renvoie .
Cette danse mouvante et fluide, ce kaléidoscope de grains de sable humains qui se resserrent et se déploient, se frottent ou s’éloignent, ouvrent en grand les fenêtres. Les grammaires qui composent nos liens à l’autre ( à côté, avec, contre, sans, qui), trouvent là un espace où se déployer.
Boris Charmatz n’a pas pu créer l’objet dont il avait rêvé, les danseurs, épuisés, ne pouvaient pas tenir les 4 heures imaginées et les contraintes à lever quant à la place du public n’ont pu être résolues. Qu’importe, il a réussi à écrire le beau songe d’une danse « méduse » partagée, il a ouvert un espace empli d’une vitalité salutaire.
Là où le sculpteur enlève de la matière pour faire apparaître l’oeuvre, il a, lui, ajouté de l’être pour faire advenir une belle création.
Bernard Gaurier – www.festivalier.net
« Levée des conflits » de Boris Charmatz au festival mettre en scène à Rennes du 4 au 6 novembre – Au théâtre de la ville à Paris du 26 au 28 novembre – A Bonlieu/scène nationale d’Annecy les 23 et 24 février 2011.