“Les Petits mouchoirs“, le troisième et dernier film de Guillaume Canet va faire un carton.
Je ne suis ni Madame Irma ni Madame Soleil mais “Les Petits mouchoirs” sera un des grands succès public de cette année finissante. Pourquoi? Comme le dirait un intervenant du Centre de Formation et de Perfectionnement des Journalistes dont j’ai récemment reçu les préceptes : pour l’effet miroir. Parlez-moi de moi, il n’y a que ça qui m’intéresse!
La volonté de Guillaume Canet est de permettre au spectateur de se reconnaître parmi les personnages dotés de travers sensés être ceux de l’actuelle génération de trentenaires. Dans le même temps , le film doit délivrer un effet cathartique : « oui nous reconnaissons être individualistes et égoïstes, mais une fois les situations les plus graves arrivées, nous nous repentons de nos pêchés ». Allez pleurons tous ensemble un bon coup pour oublier nos nombrils, et félicitons-nous d’être aussi lucides!
Pour nous guider dans ce chemin vers l’absolution Guillaume Canet a la bienveillance de déclencher des signaux musicaux à chaque moment jugé clé pour que l’on sache bien quand rire ou s’émouvoir. L’autre effet bénéfique de cette bande-son omniprésente est de nous débarrasser de l’éventuelle culpabilité de voir un vulgaire film tel que “Camping” ou “Le coeur des hommes’. Ici nulle mauvaise conscience, les acteurs sont renommés voire oscarisés (Marion Cotillard pleure très bien) et la B.O. est branchée à souhait.
Pourquoi suis-je donc en colère? Je n’ai pas été jusqu’à pleurer comme mes compagnons de séance, mais je l’avoue ce film m’a parfois fait rire. Pour être exacte, il m’a fait ricaner. Dans “les Petits mouchoirs”, nous nous retrouvons pour ricaner ensemble des déboires des autres : de l’un qui est furieux, car des fouines l’empêchent de dormir, d’un autre qui demande sans cesse des conseils pour savoir quoi répondre aux textos de sa bien-aimée et d’une telle qui visionne des sites pornos pour évacuer sa frustration. Mais ricaner d’eux ce n’est pas mal puisque les autres c’est aussi nous-mêmes. La scène qui résume le mieux est celle des héros partis faire du ski nautiques qui hurlent de rire en voyant leur bonne copine pleurer de rage parce que le bateau la traîne trop vite. Ici mon « sens de l’humour » a manqué et je n’ai plus ri.
A cette scène métaphore je ne peux m’identifier : ricaner quand l’autre pleure de rage. Je peux d’autant moins quand je pense que les Français vont s’y ruer… Je me rappelle un exercice de portrait chinois fait dans le cadre de cette formation avec l’intervenant du CFPJ : « Si votre organisation était un animal, qu’est-ce que ce serait ? S’il était un personnage célèbre ?, etc. Donc d’après vous, votre organisation est éléphant, mais vous voulez qu’elle soit cheval. C’est ça ? ». Et si la France était un film, elle serait “Les petits mouchoirs“. C’est ça ?
Pourquoi ne pas s’identifier à des sans-abri congolais atteints de paraplégie qui espèrent s’en sortir grâce à la musique? Sans rire cette fois. Et pour de vrai puisque je parle de “Benda Bilili”! le documentaire de Renaud Barre et de Florent de La Tullaye sorti le 8 septembre sur le groupe éponyme qui a conquis le monde à partir des bidonvilles de Kinshasa. Filmés dès 2004 à l’occasion d’une rencontre inopinée dans la rue, ces damnés de la terre nourrissent un optimisme et une détermination sans faille pour parvenir à une vie meilleure. Comme Les petits mouchoirs, le film fait tour à tour rire et pleurer, mais sans misérabilisme ni aucune ficelle de mise en scène. Les Benda Bilili portent le film comme ils abordent la vie, avec espoir, gaîté et talent.
« Donc pour vous la France c’est Les petits mouchoirs mais vous voulez qu’elle soit Benda Bilili!, c’est ça ? ».
Elsa Gomis – www.festivalier.net