En recentrant sa programmation autour de la performance, le Printemps de septembre (festival de création contemporaine), a pris le risque d’accumuler des démonstrations et des tentatives, positionnant le spectateur comme observateur-évaluateur pour finalement l’ennuyer. À l’image de cette exposition au Château d’Eau sur l’histoire de la performance où, faute d’une approche interactive (et donc performative), on se lasse de lire des panneaux didactiques supportés par une curieuse ossature en bois malodorante…
Première performance avec « Kimindi Gotiga » par le Kit collectif. C’est une tentative désespérée d’articuler la magie, avec une esthétique et un travail d’acteurs. Trois femmes, un magicien (étrange Romain Lalire), des décors qui se déplacent, un public qui applaudit à chaque numéro (par réflexe comme dans une émission de télévision) pour finalement s’abstenir lors du salut final. Ce spectacle est une illusion dans lequel un magicien ne peut faire disparaître cette étrange impression d’amateurisme. Où est donc la performance?
Une heure plus tard, c’est au tour de Virginie Le Touze de s’engluer avec « Who’s afraid of the boy from Ipanema? ». Derrière une vitrine, nous l’écoutons chanter des chansons d’amour en différentes langues, dont le français. Quel est le projet artistique? Pourquoi ne correspond-il pas à ce qui était annoncé? Où est donc la performance?
Trois heures après, au Théâtre National de Toulouse, un attachant duo (Pascale Murtin et François Hiffler) crée la surprise. Avec « les rois du suspense », Grand Magasin nous offre la performance tant attendue. Ici le théâtre n’est qu’illusion où les acteurs jouent sans jouer tout en nous promettant que l’un se mettra nu tandis que l’autre fera des claquettes. Imaginez alors un dialogue dicté par une mystérieuse mécanique, où les acteurs disent ce qu’ils font pour ne pas faire ce qu’ils disent tout en reconnaissant qu’ils devraient le faire puisqu’ils sont sensés s’exhiber (vous suivez?!). Ils dialoguent tout en manipulant des objets (torchons, cruches, chaussures de basket, poutrelles, carton, écran projecteur, armoire, …) qui, à partir d’injonctions paradoxales, perdent leur fonction pour faire liant entre le réel et le fantasmé, à l’image de l’huile avec l’oeuf! À moins que ce matériel ne soit leur grammaire commune, leur ponctuation, leur vision artistique. Allez savoir! Tout semble si ouvert en ce royaume de l’imaginaire! L’ensemble est jubilatoire: comment ne pas y voir la métaphore de l’abrutissante rationalité tout en y décelant la créativité dont nous sommes tous capables dans un cadre contraignant. En jouant sur le jeu d’acteurs (un jeu sur le jeu en quelque sorte),Grand Magasin s’amuse avec le spectateur: à partir d’une promesse non tenue, il s’agit de faire durer le suspense pour amplifier la frustration. Que venons-nous chercher au théâtre? Suffit-il de voir un gorille traverser la scène pour affirmer l’avoir vu ?!
Cette écriture stimule parce qu’avec Grand Magasin, les mots perdent leur sens, mais trouvent leur poésie dans les chemins de traverse que nous créons pour eux.
Pascal Bély – www.festivalier.net
Un deuxième article sur le Printemps de Septembre: À Toulouse, des traces de Printemps.
“Le Printemps de Septembre” du 24 septembre au 17 octobre 2010.