Que de kilomètres parcourus pour approcher la diversité chorégraphique, ignorée de bien des programmations, préférant peut-être le « confort » aux scènes turbulentes. Il y a en France des régions de « non danse » qui ne cessent de s'étendre: qui s'en émeut ? Pourquoi cet art généreux n'est-il réservé qu'aux grands festivals et villes importantes ? Ma question est-elle si naïve ?
« Description d'un combat » et « Turba » – Maguy Marin– Festival d'Avignon / Théâtre du Merlan (Marseille)/ Montpellier Danse.
« Un peu de tendresse, bordel de merde » – Dave St Pierre ? Festival d'Avignon.
« Madame Plazza » Bouchra Ouizguen ? Festival Montpellier Danse.
« Ad Vitam »- Carlotta Sagna ? Festival Reims Scènes d'Europe.
« Sans titre » – Raimund Hoghe et Faustin Linyekula? Festival Montpellier Danse.
« Aléa » et « Viiiiite » – Michel Kelemenis ?- Pavillon Noir (Aix en Provence)
« Le cri » – Nacera Belaza ? Théâtre du Merlan (Marseille).
« The song » – Anne Teresa de Keersmaeker – Théâtre de Nîmes.
« Pavlova 3'23 » – Mathilde Monnier ? Montpellier Danse.
« El final de este estado de cosas, redux » – Israel Galvan ? Festival Montpellier Danse.
«Hava'nin a'si/ [a] of air » – Ayse Orhon ? Festival DANSEM (Marseille)
“ Des témoins ordinaires » – Rachid Ouramdane ? Festival d'Avignon.
«Chicos Mambos » – Philippe Lafeuille ? Festival Off Avignon.
“Correspondances” – Kettly Noël et Nelisiwe Xaba- Théâtre du Merlan (Marseille)
« Ciao Bella » – Herman Diephuis ? Festival Montpellier Danse.
« not about Everything » – Daniel Linehan ? Le Printemps de Septembre (Toulouse).
« Le funambule » – Angelin Preljocaj ? Festival Montpellier Danse.
En 2009, les chorégraphes y sont allés de leurs cris, de leurs colères, de leurs découvertes comme si rien ne pouvait entraver leur quête dans un contexte où la crise ne cesse de donner raison à la radicalité de leur recherche.
2009 fut l'année d'Anne Teresa de Keersmaeker qui avec « The Song » nous a offert l'un des plus beaux manifestes sur les bruits du corps, mouvements du et des sens. Quant à Mathilde Monnier, elle ne s'est toujours pas résolue à tomber dans la facilité comme l'a prouvé son « Pavlova 3'23 », morts du cygne inoubliables, telle une renaissance, à l'image d'une danse contemporaine qui a tourné la page avec élégance après la disparition de Pina Bausch et de Merce Cunningham. Même sous les bombes du Liban, avec une présence prodigieuse, le corps d'Israel Galvan a résonné avec « El final de este estado de cosas, redux ». Eux, ils sont venus du Canada et nous n'avons rien oublié de leur raffut (“Un peu de tendresse, bordel de merde”) : les danseurs de Dave St Pierre (photo) ont réveillé notre envie de tendresse en mettant à nu nos relations perverses. Cette tendresse pour la danse a été joliment et drôlement révélée par Philippe Lafeuille : « Chicos Mambos » fut comme une « caresse et une bise à l'?il » à tous les amoureux de l'art de la fragilité.
En 2009, le corps est allé loin pour chercher de nouveaux territoires: en dansant comme une toupie, le jeune américain Daniel Linehan a creusé le mouvement pour nous atteindre. Nacera Belaza et sa s?ur ont elles aussi tourné sur elles-mêmes pour sonder l'insondable. La Marocaine Bouchra Ouizguen a invité les « aïtas », danseuses courtisanes, pour revenir à la source du geste dansé. La Turque Ayse Orhon a puisé dans les irrigations de son corps sanguin pour donner du souffle à la musique tandis que le couple Raimund Hoghe et Faustin Linyekula nous offrait avec « sans titre », un territoire chorégraphique que nous n'avons pas encore fini d'explorer.
En 2009, les danseurs se sont emparés (enfin) des mots. Maguy Marin leur a redonné la parole dans « Description d'un combat » et « Turba ». Exceptionnel. Carlotta Sagna s'est avancée seule, vers nous, avec les mots d'une schizophrène en proie à notre folie. Même Angelin Preljocaj a osé, à 52 ans, remonter sur scène avec « le funambule » de Jean Genet. Quant à Rachid Ouramdane, ses « témoins ordinaires » (anciens torturés), ont bouleversé sans sensiblerie les spectateurs du Festival d'Avignon.
En 2009, la danse s'est acoquinée à la poésie. Avec provocation, tendresse et férocité à travers les « correspondances » croisées de Kettly Noël et Nelisiwe Waba. Avec créativité quand Herman Diephuis nous a proposé un « Ciao Bella » sur le désir transpirant des hommes pour les femmes ! Avec la profondeur du corps quand Michel Kelemenis a transformé le geste dansé en désir revendiqué du mouvement.
Pour 2010, parions sur une croissance chorégraphique capable d’irradier tout le pays.