Au total, le Tadorne a vu vingt spectacles dans le festival « Off » d'Avignon, trente dans le « In ».
Dans le « off », chercher une ?uvre parmi les 1000 proposées demande du temps pour tisser les liens entre les structures dignes de confiance (Théâtre des Halles, La Manufacture, le Théâtre des Doms, les Hivernales, la Fabrik'Théâtre) et les metteurs en scène déjà chroniqués sur le Tadorne ou ailleurs. Petit bilan impossible.
Quand Le « off » fait son commerce.
Comme dans le « In » avec Christophe Honoré, Jan Lauwers, Wajdi Mouawad, et Johan Simons, une esthétique du loisir a fait rage dans le off. « Stones » de la compagnie Israélienne « Orto ?Da » en est le meilleur exemple. Six acteurs, statufiés dans de la glaise, miment pendant une heure la vie des résistants du ghetto de Varsovie. La sculpture les propulse dans l'imaginaire de notre époque à partir de références cinématographiques, publicitaires, télévisuelles et musicales. Comme dans « Casimir et Caroline » présenté au Palais des Papes, l'esthétique gomme peu à peu le propos politique. Et l'on s'interroge d'entendre le public rire avec la marionnette d'Hitler comme s'il déambulait chez Eurodisney. « Stones » est un nivellement vers le bas de l'art du mime au profit d'une forme paresseuse visant à séduire le public dont le regard est saturé d'images publicitaires.
Autre succès, « Tabu » de la Compagnie britannique « nofitstate », qui a installé son chapiteau de « cirque contemporain » sur l'Île Piot. Le public déambule debout, de scène en scène. Ici aussi, on zappe d'un imaginaire à un autre, accompagnée d'une musique d'ascenseur légèrement énervée et énervante. Les clichés se succèdent et l'on ressent vite que le cirque est ici une foire. Commerciale ?
En 2008, cette pièce affichait complet. Idem en 2009. « Confidences à Allah », mise en scène de Gérard Gelas, est un cas d'école. La comédienne, Alice Belaïdi, joue seule un texte qui ne réserve aucune surprise : il reprend la trame des contes de fées, plaquée ici à une jeune fille pauvre en terre islamique. Les clichés abondent et la mise en scène accompagne un déluge gluant de bons sentiments. Le public est rassuré dans ses représentations et jamais bousculé ou interpellé dans ses préjugés racistes.
Quand le « off » se fait « on ».
Si le « in » évoque peu les phénomènes de société en tant que tels, le « Off » peut nous éclairer sur leur complexité.
Avec « Chatroom », mise en scène par Sylvie de Braekeleer, nous comprenons que l'internet diffère de l'image qu'en donnent les discours frileux de la génération 68 ! Une pièce d'adolescents pour éviter de vieillir trop vite.
« Hamelin » de Juan Mayorga, mise en scène par Christophe Sermet, surprend par sa sobriété sur le thème délicat de la pédophilie. Positionné à la fois comme spectateur et acteur, le public vit cette ?uvre comme une déstabilisation de son positionnement d'observateur passif et voyeur d'un crime en passe d'être un phénomène de société. Percutant.
« Occident » de Rémi de Vos est une très belle mise en scène par la Compagnie Corse Alibi, pour des mots qui finissent par saigner au c?ur de la crise d'un couple. La nôtre ?
Quand le « off » célèbre la danse.
Nous avions aimé Rita Cioffi à Montpellier Danse en 2007. Sa pièce « Pas de deux » présentée aux Hivernales, a fait un joli carton. L'exigence de cette chorégraphe est en soi un langage.
Au « In », Rachid Ouramdame dans « Les témoins ordinaires » a mis le son au centre de sa proposition chorégraphique. Avec son musicien Jean-Baptiste Julien, la guitare électrique danse. Aux Hivernales, la compagnie « La Vouivre » nous a offert un bel opus sur le couple (encore lui) où le son de Gabriel Fabing a fait vibrer nos cordes sensibles.
Tout comme la Compagnie Chicos Mambo qui nous a fait rire sur la danse à en pleurer. Avec les danseurs de Dave St Pierre qui ont enflammé le “In”, Pina et Merce ont dû se marrer.
Quand le « off » jubile avec Isabelle Starkier.
La metteuse en scène Isabelle Starkier a illuminé le off avec pas moins de six créations ! Nous n'avons vu que « Le Bal de Kafka » et « Monsieur de Pourceaugnac » et découvert un théâtre que l'on croyait disparu : des acteurs engagés, un décor qui joue toujours entre réalité et coulisses pour y cacher nos démons, l'utilisation du masque pour accentuer la comédie-tragédie. Isabelle Starkier est une grande: elle comprend qu'en chacun de nous, il y a une part de lumière qui éclaire son théâtre aux multiples visages.
Quand le « Off » se fait « In ».
Trois ?uvres auraient eu toute leur place dans la « traversée » du « In » :
Avec « Et puis j'ai demandé à Christian de jouer l'intro de Ziggy Stardust », Renaud Cojo est revenu en Avignon. Avec lui, le « double » est unique. Magnifique travail.
Au Théâtre des Halles (exceptionnelle programmation), François Clavier avec « Une voix sous la cendre » interprète le texte de Zalmen Gradowski pour nous interpeller sur la Shoah. La mise en scène d'Alain Timar nous habite encore.
« Naître à jamais » (photo) par le Théâtre Hongrois de Cluj est LA pièce du « off ». Un chef d'?uvre absolu entre « May B » de Maguy Marin et « (A) pollonia » de Kristof Warlikowski. Quand l'évocation de la Shoah touche à ce point le sublime, on se demande si « Naître à jamais » n'est pas déjà entré dans le patrimoine de l'humanité.
Pascal Bély ? www.festivalier.net
Le bilan du “In” est ici!
Le palmarès OFF 2009 du Tadorne.
« Naître à jamais » d'Andras Visky ? Théâtre des Halles.
« Et puis j'ai demandé à Christian de jouer l'intro de Ziggy Stardust » de Renaud Cojo ? La Manufacture.
« Une voix sous la cendre », d'Alain Timar ? Théâtre des Halles.
« Le bal de Kafka » de Timothy Daly, mise en scène d'Isabelle Starkier ? Théâtre des Halles.
« Oups + Opus » de la Compagnie « La Vouivre » – Studio des Hivernales.
« Chatroom », mise en scène de Sylvie de Braekeleer ? Théâtre des Doms.
« Monsieur de Pourceaugnac », mise en scène d'Isabelle Starkier ? La Fabrik Théâtre.
« Pas de deux », Rita Cioffi. Théâtre des Hivernales.
« Occident », mise en scène de François Bergoin- La Manufacture.