Deux regards de spectateurs…éclairés par une nuit de théâtre avec Wajdi Mouawad.
7h40. Les oiseaux affolés crient dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes. C’est une fête au coeur de leur migration. Le public ovationne. Cela n’en finit pas. Depuis combien de temps la Cour n’avait-elle pas résonné, déraisonné ainsi ? Wajdi Mouawad rejoint sa belle troupe sur scène. L’homme est touché. Il entre dans l’histoire du Festival d’Avignon.
Comment un tel miracle a-t-il pu se produire ? Comment onze heures après, sommes-nous encore là, décomposés de bonheur, regards illuminés et couverts des sédiments déposés par nos imaginaires incendiés. Trois oeuvres ont fait leur travail. Nous avons fait la traversée. Ensemble. Car ce théâtre ne nous a jamais isolé, mais englobé dans un « vivre ensemble », une mémoire vive, une nation de spectateurs. Ce « nous » s’est construit tout au long de la nuit : à la troupe de comédiens sur scène répondait l’assemblée des femmes et des hommes venus le temps d’une nuit, se retrouver, dans la cour, «abattre ce mur», pousser les cloisons, pour un festin orgiaque de théâtre !
De ces terres arpentées et labourées, nait le jardin des délices.
Mouawad fait d’une scène le tableau du peintre, la focale du photographe. Tout n’est que visions inanimées que l’artiste «mouvemente». Ses arts florissants nous redonnent de l’unité, recollent les morceaux : cela va chercher loin tout ça.
Il me faut maintenant revenir.
Pascal Bély – Le Tadorne
Loup, Nawal, Wilfrid… J’ai fait votre connaissance le temps d’une nuit. Une rencontre issue de l’écriture de Wadji Mouawad . Une journée s’est écoulée, et pourtant, je vous entends encore, je vous vois encore, je vis avec vous encore.
Douze heures. Il a suffi de douze heures de représentation dans le lieu magique de la cour d’honneur, pour être ému. C’est dans un élan naturel que je me suis levé pour vous applaudir au petit matin. La couverture, qui a recouvert mes jambes durant la représentation, est tombée à terre, comme ses corps torturés, en mal d’existence, chahutés par la remarquable écriture de son auteur.
Je vous ai scruté du regard de spectateur que je suis. En entrant dans l’enceinte du palais des papes, j’étais un, en ressortant, j’étais un autre. Oui, car l’écriture de Wadji Mouawad bouleverse, met en lumière la véritable nature humaine. Il s’agit d’un théâtre de l’humain, fait de chairs, de sentiments, d’amour.
L’année dernière, vous m’aviez fait exploser l’idée du cadre identitaire que je me représentais avec votre pièce « Seuls ». Aujourd’hui, vous m’avez ouvert les yeux sur notre condition humaine et je vous en remercie.
C’est à l’unisson que le public vous a regardé, c’est à l’unisson que nous vous disons bravo.
Laurent Bourbousson.