Blanca Li peut être fière d’elle. Le Corum de Montpellier lui fait un triomphe. Mes voisins se lèvent pour une standing ovation. Autour de moi, nous sommes quelques-uns à ne pas croire à ce mirage : la danse soulève une foule.
Blanca Li ne manque pas d’inspiration au sujet du tableau « le jardin des délices » de Jérôme Bosch. L’enfer, c’est le téléphone portable. Fallait y penser. Le paradis, ce sont les fraises qui nous rendent gagas à l’image du « gnangnan » qui structurent bien des discours. L’enfer dans le paradis (et inversement), ce sont les hommes avec leur gros paquet et les femmes avec leur gros seins et gros cul. Finalement, entre gros cons, tout le monde finit par s’entendre. Mais à force de grossir le trait, ce jardin finit par n’être qu’une éjaculation précoce, un monticule de déchets et de bêtises que l’on subit à longueur de discussions attrapées au vol dans les bus, les restaurants, à la télévision. On rit parfois de son culot (au Corum, au c?ur d’un festival presque trentenaire, les spectateurs des cinq premiers rangs osent le rire machiste) et de son toupet: « poussez-vous là que je m’y mette ». Blanca est omniprésente et sa troupe fait penser à des danseurs du Moulin Rouge qui lui feraient une haie d’honneur.
Ce jardin est à l’image du pays : la vulgarité est tendance, dans le coup, dans l’action. En ces temps de crise, on ne va quand même pas stimuler l’intelligence du spectateur. On est ici pour rigoler. La culture du Fouquet’s tarde à redescendre en région, mais on progresse. On passe d’un tableau à un autre avec une telle rapidité que l’on commence à trouver le temps un peu long. Pour consoler les amateurs de danse, Blanca Li glisse quelques moments où l’on gesticule avec les pieds et les mains. Cela ne va pas plus loin. Le corps est juste un support publicitaire. Le plus insupportable c’est que cela ait pu me faire rire !
Sentant le boulet venir, Blanca Li fait défiler Sarkozy et Carla. Le public applaudit et je ne sais plus où regarder. Ce serait presque pour s’excuser de la vacuité de son propos et se rassurer. Le Parti Socialiste ne va pas tarder à en faire son égérie.
Mais dans ce jardin occupé le temps d’une soirée par des squatteurs, il y a un miracle. Derrière. Tout au fond. C’est un film. Celui d’Eve Ramboz. Superbe. On ne voit que lui. Il est un tableau dans le tableau. Cette mise en abyme enchante, émerveille. Le film est une danse. Tout le reste, sur scène, devant, n’est que gesticulations. Cela ne vous rappelle-t-il rien ?
Mais qu’importe. Quelques heures auparavant, aux Ursulines, un chant d’amour propulsait la chorégraphe marocaine Bouchra Ouizguen. Dans son jardin des délices, Dominique Bagouet y dansait toujours.
Pascal Bély
“Le jardin des délices” de Blanca Li a été joué les 19 et 20 juin au Corum dans le cadre du Festival Montpellier Danse.
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