Il faut oser se perdre dans la zone d’entreprises de la ville Apt à la recherche de la Fondation Blachère, lieu d’art contemporain africain. Oser pour se laisser surprendre par le contraste : au c?ur de ces bâtiments industriels, un bus est posé là. Il déborde de partout. Signe d’une époque devenue folle : il nous faudrait peut-être prendre le temps de poser nos valises.
On entre, persuadé qu’il va se passer quelque chose. Une intuition. L’exposition « Animal Anima» va bel et bien chercher l’animalité qui est en nous. Et pas qu’un peu ! Mais avec retenue et délicatesse, à l’image de ces rideaux qui voilent des animaux empaillés à l’entrée. Serions-nous à ce point cachés ? Il est donc temps de lever le voile.
Tout commence par une histoire. D’ailleurs, « Animal Anima» expose les contes pour mieux les faire résonner. Tous les sens sont stimulés à partir d’une scénographie où tout est lié. Ici, on lit et ce n’est pas fastidieux. Nous retrouvons l’émotion de l’enfance quand, avant de dormir, nous peuplions l’imaginaire de la somnolence par d’étranges créatures animales. Du lièvre et de la panthère (Frédéric Bruly Bouabre), nous retenons que les animaux ont aussi des troubles de l’identité. En posant notre regard sur d’extraordinaires vaches miniatures, nous comprenons que la place que nous leur réservons, parle du monde que nous créons (Cheikhou Ba). A ressentir les « femmes surchargées » du Pasteur Bobo, nous rêvons de monter aux arbres pour les alléger. Tout un programme. A se glisser dans les jambes étoilées de papillons d’Amal Kenawy, nous nous perdons à imaginer qu’elles appartiennent à la « femme debout ». Émouvant.
Un espace plus loin, nous retrouvons le temps où, enfant, nous construisions des tentes et des cabanes. Celle d’Aimé Mpané est de toutes les couleurs et habitée par des gorilles étincelants : véritable moment de grâce pour nous rappeler que notre ancêtre est une espèce menacée qui pourrait bien éteindre notre civilisation. Majestueux.
Je me souviens encore des hippopotames de Daniel Dewar et Grégory Gicquel vus au « Printemps de septembre » à Toulouse en 2007. Fait d’une terre humide, leur effritements parlaient de notre époque en voit de dislocation (quand l’art est prémonitoire). Ici, à Apt, c’est un éléphant de bois, sculpté par Andries Botha. Loin de s’effriter, il campe solide sur ses certitudes. Nous l’observons sous toutes ses coutures pour nous rassurer : l’ami animal ne nous veut aucun mal.
Ainsi, en quittant cette exposition fragile et enivrante, nous reprenons la route en veillant à ne pas klaxonner derrière le bus.
Pascal Bély
« Animal Anima » à la Fondation Blachère à Apt (384 avenue des Argiles – 04 32 52 06 15) . Jusqu’au 11 octobre 2009, du mardi au dimanche, de 14h à 18h30 (entrée : 3 ?).