Je suis au premier rang et j’ai le nez dans le décor d’ « Another sleepy dusty delta day », dernière création du chorégraphe plasticien Jan Fabre. Des monticules de charbon sculptés par un circuit de trains miniatures sont disséminés sur scène. Du plafond pendent des oiseaux. L’ambiance est quelque peu mortifère et le contexte n’est pas propice pour ouvrir leurs cages. De jaune vêtu comme les volatiles enfermés, Ivana Jozic s’approche du micro pour lire une longue lettre qu’elle déplie délicatement. Le bruit du papier caresse mes oreilles comme un secret prêt à s’ouvrir. Elle nous prédit son prochain suicide, en haut d’un pont. Le texte est limpide, glacial. Le corps parle peu, mais la voix se met à chanter « Ode to Billie Joe » de Bobby Gentry. Cette chanson évoque un repas familial où la mère annonce le suicide de Billie Joe d’un pont. Elle entre en résonance avec la vie de Jan Fabre qui a perdu sa mère dans d’horribles souffrances. C’est ce saut dans le vide qu’Ivana Jozic danse, où le corps devrait se dissoudre dans la matière. Sauf que la chute se fait sur un trampoline, sans risque, pour un public conquit d’être guidé vers une mort qu’on effleure.
Jan Fabre a du mal à admettre que sauter d’un pont, cela fait mal et éclabousse. Pour éviter d’y aller, il fait diversion : la bouteille de bière qu’elle se met dans la culotte pour uriner comme un mec (on aurait pu imaginer autre chose que ce touche pipi ridicule), les allusions à des slogans publicitaires. D’autres scènes viendront ponctuer cette chorégraphie où cette petite fille s’amuse à jouer à l’obscène: le charbon est touché, mais elle se salit à peine. Où est donc la dissolution avec la matière ? « Another sleepy dusty delta day » me donne l’étrange sensation d’un tableau que l’on peint la tête ailleurs, où le modèle ne cesse de bouger joliment pour éviter que l’on remarque un bouton disgracieux.
Jan Fabre est donc pardonné de ces outrances du Festival 2005, année où il fit scandale avec sa programmation.
Il n’y a donc rien d’étonnant à applaudir cette belle danse : elle est de qualité. On pourrait néanmoins attendre une autre vision que ce saut qui ne tombe pas.
Désolé pour la chute, mais elle ne vient pas.
Jan Fabre a du mal à admettre que sauter d’un pont, cela fait mal et éclabousse. Pour éviter d’y aller, il fait diversion : la bouteille de bière qu’elle se met dans la culotte pour uriner comme un mec (on aurait pu imaginer autre chose que ce touche pipi ridicule), les allusions à des slogans publicitaires. D’autres scènes viendront ponctuer cette chorégraphie où cette petite fille s’amuse à jouer à l’obscène: le charbon est touché, mais elle se salit à peine. Où est donc la dissolution avec la matière ? « Another sleepy dusty delta day » me donne l’étrange sensation d’un tableau que l’on peint la tête ailleurs, où le modèle ne cesse de bouger joliment pour éviter que l’on remarque un bouton disgracieux.
Jan Fabre est donc pardonné de ces outrances du Festival 2005, année où il fit scandale avec sa programmation.
Il n’y a donc rien d’étonnant à applaudir cette belle danse : elle est de qualité. On pourrait néanmoins attendre une autre vision que ce saut qui ne tombe pas.
Désolé pour la chute, mais elle ne vient pas.
Pascal Bély
www.festivalier.net
«Another sleepy dusty delta day» de Jan Fabre a été joué le 16 juillet 2008 au Festival d’Avignon.