J’ai rendez-vous avec lui, avec eux. Je les reconnais quasiment tous depuis notre dernière rencontre mémorable lors du Festival d’Avignon en 2006. Lui, c’est Joël Pommerat, metteur en scène. Eux, de la compagnie Louis Brouillard, c’est peut-être vous, c’est sûrement une partie de moi, c’est à coup sûr un fragment animé de notre lien social. C’est une troupe de comédiens qui jouent avec nos maux, nos parts d’ombres et de lumières, pour remettre en mouvement ce que nous figeons, faute d’espace et de liens. « Je tremble » (1) m’essore, me plie et me déplie, comme un processus d’inclusion et d’exclusion permanent.
Cela n’échappe plus à personne. Le politique se fond dans la société du spectacle. Encore une fois au cours de cette saison théâtrale, un animateur (télévisé ?) ouvre le bal sur fond de rideau pailleté. Sur un ton décomplexé et détaché, il nous annonce qu’il va mourir ce soir, sous nos yeux. Puis se met à danser sur « Sex bomb ». Nous voilà donc positionnés en voyeur d’une tragédie humaine que nous feignons tous d’ignorer à force de fusionner le lien social dans le lien économique et médiatique. Joël Pommerat pose d’emblée le contexte en insinuant, « regardez ce que nous avons fait de notre vivre ensemble ». Il accentue le malaise quand une jeune femme s’approche du micro pour hurler son besoin vital de rêver, de se projeter, de faire appel à son imaginaire. Elle finit par dénoncer le silence des intellectuels et des politiques.
« Je tremble » (1) est la magnifique fresque d’un homme profondément à notre écoute. Joël Pommerat est un clinicien du sociétal, un peintre impressionniste d’une société déprimée. S’immerger dans son espace nécessite d’avoir confiance en lui. A lui aussi de croire en nous pour sortir ensemble de ce cauchemar.
Pascal Bély. www.festivalier.net
“Je tremble” (1) de Joël Pommerat a été joué le 6 mai 2008 au Théâtre du Merlan de Marseille.